Chapitre 5 - La réunion au sommet
Chemin du palais sénatorial,
Mercredi 12 Octobre 1843, plus tard dans la soirée
-S-
La soirée était magnifique. Simbad scrutait la ville du haut de sa calèche, au fur et à mesure qu'il montait sur le promontoire de la ville. La lumière de la lune éclairait la rue, d'un halo blanchâtre.
L'odeur était toujours différente lorsqu'on s'approchait du palais sénatorial. Les relents de fange laissaient leur place aux odeurs naturelles provenant des multiples jardins, en plus des ondées de la veille qui avaient laissé planer un parfum d'humidité.
Cela faisait quelques minutes que personne ne disait un mot. Lui perdu dans ses pensées contemplait le paysage qui s'étendait devant lui, la discussion qu'ils avaient eu tournant en boucle dans sa tête. Par moment, il se tournait vers Kyoshi, mais comme à son habitude son regard restait impassible et fuyant, elle semblait préoccupée et inquiète.
Le silence s'intensifia quand tout à coup le bruit des roues stoppa. En se penchant, Simbad aperçut le grand portail qui marquait l'entrée du palais Sénatorial. Difficile à manquer, ses immenses grilles ornées de blasons d'or, représentaient chaque peuple que comptait la république.
Deux gardes avancèrent de part et d'autre de la voiture, le fusil à l'épaule. Saluant le cochet, ils s'approchèrent de la fenêtre arrière. Comme par reflexe, Kyoshi sortit sa main laissant entrevoir sa bague : un anneau formant des racines enchevêtrées entourant une émeraude parfaite, sans défaut taillé, en forme de feuillages. À la vue de l'anneau, l'officier claqua des talons puis fit un signe à la patrouille en ligne devant le portail.
- Veuillez nous excuser pour ce contrôle, excellence, déclara gêné l'officier pendant que les grilles s'ouvraient dans un bruit retentissant, mais nous sommes censés inspecter chaque voiture. Qu'elle porte le signe du palais ou non. Ordre du gouverneur Torres, en raison des derniers évènements.
- Faites ce que vous avez à faire soldat, répondit-elle sèchement.
Il semblait clair qu'elle désapprouvait cette décision. Mais le gouverneur Torres avait pris, très à cœur, la responsabilité de la sécurité intérieure et pour cette directive le conseil restreint avait donné son aval.
- Cela fait longtemps que les contrôles sont aussi méticuleux ? demanda Simbad en regardant les gardes faire le tour du carrosse.
- Depuis les dernières manifestations qui ont eu lieu près des mines de charbon, répondit Kyoshi froidement.
Elle n'avait pas daigné tourner son regard vers Simbad pour répondre. Il comprit alors que les journaux ne mentaient pas quand ils évoquaient les tensions entre les ouvriers et le gouvernement. Et à l'instar de l'Académie avec les rumeurs d'agressions, les gouverneurs étaient tous désignés comme les boucs émissaires.
Le grand portail grinça, laissant apparaître une longue allée pavée. Comme chaque soir, la voie était illuminée par de nombreux braseros. Cela permettait aux voitures de se repérer mais également de laisser une bonne visibilité aux nombreux gardes qui gardaient la cour. Simbad pu d'ailleurs apercevoir quelques serviteurs qui s'affairaient à entretenir les feux, à l'aide de large bûche.
Toutes ces sécurités avaient été mise en place pour éviter qu'un intrus ne rentre dans le palais. Les dirigeants ne devaient pas se sentir serein pour en venir à de telles extrémités.
"Mais qui s'infiltrerait dans le palais ?" pensa Simbad en constatant le nombre de gardes armées. La bâtisse en était remplie. Ce serait du suicide.
La voiture roulait doucement comme pour éviter de réveiller le peu d'habitants qui logeaient ici. Ce n'est qu'à mi-chemin, au niveau d'un petit rond-point que la calèche s'arrêta pour de bon. C'était la coutume que les occupants finissent la traversée de la cour à pied, à la vue de tous.
Deux serviteurs descendirent les marches du palais au trot pour rejoindre le véhicule. Kyoshi ouvrit sa porte sans même attendre que le valet ne vienne. Elle leur fit un signe pour les arrêter dans leur élan.
Une fois descendu, Simbad aperçut la vue sur la ville, et sur le lac, qu'offrait la cour du palais. Il marcha doucement, comme hypnotisé, vers la rambarde qui surplombait la cité. Les différents quartiers s'étendaient face à lui, ainsi que les grandes artères qui découpaient la cité. Et en fond, il y avait l'immensité du lac éclairée par la lune. Les seules étoiles visibles étaient les phares des villes qui bordaient les cotes.
D'aussi haut tout devenait insignifiant. Même le terrier et sa pauvreté offraient un spectacle à couper le souffle avec ses milliers de fenêtres allumées et ses traits de fumée qui sortait des cheminées.
- C'est tellement calme, dit Simbad tout bas
Seule une petite brise venait rompre ce silence nocturne, les effluves marines du lac remontant le long de la falaise. En contre-bas, les feux des lampadaires s'allumaient un à un, éclairant petit à petit les longues avenues.
- Oui il est difficile de croire qu'autant de beauté cache la pauvreté, la famine et la violence, avoua Kyoshi qui venait d'arriver derrière lui.
- Pourquoi avons-nous quitté la grande Xeh hian ? lâcha-t-il à voix basse.
- Nous n'avions pas le choix, le prophète en a décidé ainsi...
- Il y a bien longtemps que nous n'avons plus de nouvelles de lui. Il est encore en sommeil à la suite de ses dernières paroles.
- Tu dois comprendre qu'il est difficile pour lui de communiquer avec nous. Il intervient surtout pour nous éviter des catastrophes.
Simbad pouffa à l'entente de ces mots.
- Choisir le nouveau représentant voilà une tâche qui sauve le monde, dit-il sarcastique.
- Il ne l'a fait qu'une fois dans l'histoire, retorqua Kyoshi. Je ne pouvais pas aller contre sa volonté.
Le professeur ne répondit rien, se contentant de juste détourner le regard, l'air grave. Revivre ces souvenirs l'attristaient car cette intervention « divine » avait rendu Kyoshi importante pour la société... Beaucoup trop pour un simple éthérien, professeur de l'Académie.
- J'en souffre tout autant que toi, reprit-elle en se défendant.
- Nous ferions mieux d'y aller, ils doivent nous attendre, répondit le professeur en entamant sa marche vers le palais.
Mais elle lui attrapa le bras, le forçant à supporter son regard.
- Parce que tu crois que cette situation est facile à vivre pour moi ? Je n'ai jamais voulu de ce destin ! Devenir gouverneure et porter cette ville sur mes épaules ? J'avais que trente ans à l'époque Simbad ! Je n'en avais que faire ! Mais c'est mon devoir !!!
Elle marqua une légère pause, pour déglutir. Sa voix chancelait à mesure qu'elle parlait.
- Tu n'as pas idée de la pression qu'a impliqué la décision du prophète. Des attentes de tous, les réflexions que l'on reçoit alors que je fais de mon mieux... et pire ! Du masque que je dois porter tous les jours afin de ne montrer aucune faiblesse... Mais bien entendu tu ne peux pas comprendre tout ça, comment le pourrais-tu toi qui reste enfermé dans ton Académie !
Énervée, elle pressa le pas sans même lui laisser le temps de répondre. Simbad resta quelques secondes, stoïc. Il ne trouvait rien à redire, car elle n'avait pas tort. La tâche de gouverneur ne devait pas être un travail aisé. Après un bref regard vers la ville, il suivit Kyoshi qui s'éloignait de plus en plus.
Une des servantes, en bas des marches, aperçut la gouverneure approcher d'un pas décidé, laissant son invité en retrait.
- Est-ce que tout va bien, excellence ? demanda-t-elle inquiète.
Simbad derrière remarqua son léger mouvement de main rapide qui venait corriger une « erreur » qui perlait le long de sa joue.
- Tout va bien Maria, répondit la gouverneure. Je commence juste à attraper mal nous ferions mieux de rentrer
La servante regarda attentivement Simbad perplexe, l'analysant de la tête au pied. Elle fut cependant rappelée à l'ordre par sa maîtresse qui leur ordonna de rentrer avec elle. Simbad continua sa route sans leur prêter attention. Il avait le pressentiment qu'il ne pourrait pas s'expliquer avant la fin de la soirée.
En montant les marches, leur attention fut prise par quelques ouvriers travaillant de nuit sur l'installation d'une scène en bois. Le professeur avait déjà assisté en ces lieux à des présentations d'inventions en tout genre. Il avait eu vent également de représentations artistiques mais cela ne l'avait jamais intéressé.
La cour entourant le Sénat et les gouverneurs, en revanche, était friand de ce genre de rEprésentation. Un groupe de bourgeois et nobliaux, qui n'ont, pour la plupart, pas d'autres utilités que de financer les projets des inventeurs et chefs d'entreprises. Les trouver n'était pas difficile, car ils flanaient en permanence dans le quartier du palais, telles des poules dans une basse-cour.
Les deux gardes à l'entrée claquèrent des talons à la vue de Kyoshi, tout en posant la crosse de leur arme à terre. Dans une symétrie parfaite, ils ouvrirent la porte dévoilant le hall du palais. La beauté de l'ouvrage était déconcertante, des détails présent du carrelage jusqu'au plafond. Chacun avait une signification, comme des peintures retraçant sous des traits romanesques les moments iconiques de l'histoire du pays : les guerres, les traités de paix, la fondation de la ville et de son Académie. Par endroit, Simbad entrevoyait des scènes imaginaires donnant des visions idylliques du passé.
Le tout était sublimé de tentures pourpres, de colonnades et de dorures. Avec au centre de la pièce, un immense lustre en crystal. Ce n'était pas la première fois que Simbad venait au palais mais il ne pouvait s'empêcher de s'émerveiller devant l'architecture.
Un majordome descendit des marches. Les cheveux cachés sous une coiffe grise, le costume impeccable et d'une droiture qui ferait pâlir une danseuse d'opéra. Il devait s'agir du majordome personnel des gouverneurs.
- Bonsoir Madame ! Votre sortie s'est-elle bien passée ? dit-il en faisant la révérence.
- A merveille Og Haïlle, dit-elle sur un ton fatigué, la réunion a-t-elle débuté ?
- Non pas encore ! Les gouverneurs Torres et Gortwog avaient un rendez-vous de dernière minute avec le directeur des mines de charbon ainsi qu'un membre de la délégation ouvrière. Ils ont donc demandé que la réunion soit retardée, répondit le majordome.
- Fort bien. Pourriez-vous conduire ce monsieur au salon de réception. Nous le rejoindrons dans quelques minutes, conclut Kyoshi sur un ton froid.
Le serviteur répondit d'un petit hochement de tête, tout en dévisageant Simbad. La gouverneure quitta la pièce sans demander son reste suivit de son cortège de servante, laissant le laissant face-à-face avec le majordome. Ce dernier le fixait fermement, l'air impassible.
- Veuillez me suivre professeur, fit-il une fois le dernier servant sorti de la pièce.
Simbad n'eut pas le temps de répondre que le domestique était déjà en train d'entamer sa marche. Ils rejoignirent le grand escalier, puis montèrent jusqu'au dernier étage. Là se trouvait une porte à double battant. Og Haille se posta devant en claquant des talons, ouvrit la porte, puis fit signe au professeur de rentrer.
- L'un des participants s'y trouve déjà ! Veuillez patienter en sa compagnie en attendant les gouverneurs. Permettez-moi de vous souhaiter une bonne soirée professeur !
Il fit une nouvelle fois la révérence, geste que Simbad s'empressa de rendre avant de voir son interlocuteur disparaitre.
"Il ne devait pas être habitué à ce qu'on s'incline devant lui" pensa-t-il.
Simbad pénétra dans la pièce silencieusement. On entendait seulement le couinement du parquet et le crépitement d'un feu. Il se rendit compte en avançant que le salon était en réalité la coupole du palais. Le toit en verre et circulaire, au dessus de lui, laissait voir les étoiles que composaient le ciel.
Tout le mobilier avait adopté la géométrie de la pièce. Les bibliothèques en cercles cachaient la plupart des portes du salon. Mais également, en son centre, le coin lecture où quelques banquettes finement ouvragées étaient disposées autour d'un foyer en pierre. Le style de décoration était beaucoup plus sobre que le hall d'entrée. Et ce du au bois qui remplaçait le marbre des premiers étages.
Il remarqua surtout une petite silhouette trapue d'un nain feuilleter un ouvrage, face à l'une des baies vitrées. De là où il était, il lui était difficile d'apercevoir plus de détails, mais il devait s'agir de l'autre invité mentionné par Og Haïlle.
- Bonsoir Monsieur, entama Simbad sur un ton cordial.
L'individu se retourna sans rien dire. Simbad fut surpris de voir le nain blessé. En effet, son visage sérieux affichait quelques hématomes. Mais ce sont surtout ses yeux qu'il remarqua, car ils le scrutaient de part en part.
- Je me présente, Simbad ILONLY professeur de l'Académie ! Déclara-t-il en tendant la main, mal à l'aise. Et vous êtes ?
Mais il n'eut aucune réponse, pas même une poignée de main.
- Si j'ai bien compris nous allons être amenés à travailler ensemble, reprit-il tout en reculant d'un pas. Savez-vous pour quel motif ?
- A en juger par votre tenue et votre question, vous avez également été débauché ce soir. Je suis dans la même situation que vous...
Un court silence s'installa.
- Pourquoi le conseil restreint a-t-il fait appel à vous ? Reprit l'elfe curieux. Vous aviez déjà travaillé pour le palais auparavant ?
Il espérait par ces questions de courtoisie en apprendre davantage sur la présence du nain à cette réunion.
- Non, souffla le nain, je n'ai jamais travaillé avec eux par le passé. Je suis détective privé. il est fréquent que des gens fassent appel à moi.
Simbad ressenti l'exaspération dans l'intonation de son interlocuteur. Cela lui rappelait vaguement celle qu'avait adoptée Kyoshi plus tôt dans la soirée.
- Ah très bien...
Devant le peu d'entrain du détective, le silence retomba. Le professeur décida alors de s'asseoir sur l'un des canapés feuilletant l'un des ouvrages posés. Le détective, quant à lui, naviguait dans la pièce passant silencieusement d'une fenêtre à une autre. Ses vêtements déchirés par endroit était recouvert de tâches de sang. L'air préoccupé qu'il prenait quand il regardait les bas-quartiers interrogea le professeur.
"Qu'est ce qui pourrait contrarier une brute pareille ?" se demanda Simbad l'analysant. "On dirait qu'il est inquiet."
Détournant les yeux, il préféra décortiquer les décorations que proposait le salon. Chacune avait une forme rappelant une ethnie, c'est ainsi qu'il se rendit compte que la pièce était découpée en 5 secteurs : le sol, le plafond, les luminaires et sûrement les livres de chaque secteur correspondaient à un peuple de la république.
- Merveilleux, n'est-ce pas, demanda une vieille voix grave dans son dos.
L'elfe sursauta avant de remarquer que quelqu'un se trouvait juste derrière lui. Un vieil orc au visage sympathique et souriant, les cheveux grisonnants. Le regard contemplant également les beautés de la pièce.
- Veuillez m'excuser professeur, je ne voulais pas vous faire peur, s'amusa le vieillard.
- Il n'y a pas de mal... lâcha le professeur la main sur le coeur. L'architecture est en effet remarquable ! Le palais sénatorial n'a rien à envier à l'académie.
- Eh c'est vrai qu'ils sont assez similaires. Mais ce n'est pas un hasard, ils ont été conçus par les mêmes architectes.
A la vue de l'ancien, le nain se rapprocha à son tour du centre de la pièce. Il semblerait à sa tête qu'il ait reconnut le vieil orc.
- Gouverneur Gortwog, c'est un plaisir de vous revoir, fit-il en lui tendant la main.
Simbad ne l'avait pas reconnu immédiatement, mais sous ses airs de grand père, se cachait le gouverneur le plus respecté de tous. Ancien maréchal de l'armée, il fut appelé après sa retraite à prendre ses fonctions au sein du conseil restreint pour représenter les orcs du pays. Sa notoriété n'avait jamais diminué depuis, contrairement aux autres gouverneurs. Ce n'était pas officiel, mais le monde savait que sa voix auprès du conseil restreint était à chaque fois entendue quand il s'agissait de la sécurité de l'état.
- Tiens mais voilà le fameux détective Grundal IronHead ! Déclara joyeusement le gouverneur. Je suis enchanté que vous ayez accepté notre invitation. Cela me rassure de vous savoir sur cette affaire, nous aurons grand besoin de vos talents !
Ce nom résonna dans la tête de Simbad, il l'avait déjà entendu quelque part. C'est alors que lui revinrent la tragédie décrit dans les journaux, l'embuscade dans laquelle les frères IronHead étaient tombé et comment Shinak le frère gobelin de Grundal avait succombé.
Le gouverneur semblait cependant connaître le nain d'une autre manière.
- Je vous fais part également de mes sincères condoléances pour votre frère... reprit-il. J'ai appris ce qu'il lui était arrivé, c'est abominable...
- Merci gouverneur il est vrai que sa mort a été difficile, mais il faut continuer à vivre. Savoir ses meurtriers derrière les barreaux de la Colonne me réconforte.
- Leur jugement concernant leur exécution devrait bientôt arriver si je ne m'abuse. Enfin, je ne veux en aucun cas vous importuner avec ce sujet. Vous devez en avoir assez d'entendre cela.
Le nain semblait tenir le gouverneur en haute estime, un des derniers représentant des valeurs militaires que la politique de l'époque bafouait. Peu étaient ceux qui se battaient pour le devoir et non pour le pouvoir, et Gortwog en faisait partie : l'une des dernières personnes qui se battaient pour la grandeur de son pays !
Simbad restait silencieux, assis sur sa banquette, tout en regardant les deux personnes discuter.
- Bien, je pense que vous êtes tous deux, les citoyens de la situation ! Grundal vous avez pu rencontrer Simbad Ilonly, l'un des professeurs de l'Académie et peut être l'étherien le plus talentueux de la ville. Il vous servira de consultants et partenaires pour votre enquête.
- Veuillez m'excuser gouverneur, intervint le nain, mais vous savez pourtant que je travaille dorénavant seul.
- Ah oui ? Mes oreilles m'ont pourtant rapporté que vous travailliez quelquefois avec votre enfant des rues.
Le gouverneur faisait cette remarque avec le sourire mais son regard en disait long, tous deux savaient pertinemment de qui il faisait mention.
- C'est différent je puis vous l'assurer, elle ne m'aide qu'en de rares occasions et surtout quand elle en montre le désir.
Le sénateur répondit par un hochement de tête et son sourire ne laissait entrevoir aucunes mauvaises pensées.
- Enfin pour revenir au professeur Ilonly, croyez-moi mon ami ! Vous aurez besoin de lui. Vous vous doutez bien qu'on n'aurait pas fait appel à lui si cela n'avait pas été nécessaire.
- Je peux quitter la pièce si vous voulez, proposa Simbad, qui avait de plus en plus l'impression d'être invisible.
- Ne vous offensez pas professeur, s'amusa le vieil orc. Au contraire, je fus, à l'instar de Mademoiselle Sano, l'un de ceux qui ont appuyé votre candidature pour cette enquête. Vous êtes d'après nos informations l'éthérien le plus fiable et profondément loyal, après votre directeur bien entendu. Ou peut être me serais-je trompé ?
Simbad, gêné, ne répondit rien.
- C'est bien ce que je pensais conclut le gouverneur.
Il sentit le regard du détective qui l'analysait, avoir la confiance du vénérable avait piqué sa curiosité. Surtout qu'ils allaient devoir travailler ensemble que l'idée lui plaise ou non.
C'est alors qu'un grincement retentissant se fit entendre. La porte du peuple nain, symbolisée par la colonne, s'ouvrit alors. Deux personnes rentrèrent dans la pièce. En pleine discussion, ils débattaient sur des points financiers : l'importance de licencier plus de personnes dans les usines du quartier ouest, ou d'embaucher dans le secteur de la pêche. Facilement reconnaissable, il s'agissait du gouverneur nain Grulak Brokensteal et son homologue gnome Gummy Demini.
On aurait dit deux banquiers, à leur costume trois pièces taillés sur mesure et leur haut de forme confectionné par les meilleurs stylistes que la capitale pouvait offrir. Le gnome était en plus paré d'une moustache impérial, soignée au poil près. Il était clair que les deux se chargeaient de l'aspect financier du pays. Un travail qui actuellement ne manquait pas à la vue des récents évènements.
Ils posèrent leur haut-de-forme sur une commode sur leur passage, puis avancèrent en direction du centre de la pièce.
Le gouverneur Gummy s'approcha d'un pas assuré, en se présentant et en effectuant une révérence comme à la cour. Grundal qui se trouvait face à lui resta stoïc, regardant avec dédain l'aristocrate gesticuler, ce qui n'empêcha pas de faire sourire le vieux gouverneur.
Un petit temps court mais gênant passa durant lequel le gnôme attendit une réponse sans succès. Simbad, quant à lui, rendit l'amabilité par une inclinaison respectueuse.
- Professeur Ilonly ! C'est un immense honneur pour moi de vous rencontrer ! Déclara le gnôme sur un ton beaucoup trop enthousiaste pour être vrai. Pouvoir travailler avec l'élite de l'Académie me comble de bonheur !
- Honneur partagé gouverneur !
- Bonsoir messieurs, déclara le gouverneur Grulak qui s'approchait à son tour.
Le gouverneur nain ne s'affubla pas d'autant de gestuelles pour se présenter. Il avait l'air plus simple que le gnome et ces multiples courbettes. Ces politesses cachaient surement une réalité moins glorieuse.
Grundal serra tout de même la main de Grulak, au grand damne du gnôme. Le détective avait l'air de détester les nobliaux prétentieux, préférant surement les actes simples mais honnête.
- Bonsoir Vénérable ! Comment vous portez vous en cette soirée, demanda le gnome.
- Très bien Gummy ! Votre rendez-vous s'est-il bien passé de votre côté ? Répondit Gortwog.
- Fort bien ! Nous avons décidé d'un plan d'action avec les banques ! Mais nous devons faire vite si nous voulons éviter les émeutes !
- Très bien, nous en discuterons plus tard au conseil pour l'heure nous attendons juste ...
Le vieillard n'eut pas le temps de finir sa phrase qu'une autre porte s'ouvrit violemment. Aux vues des cris qui fusaient depuis son ouverture, deux personnes semblaient se disputer. Simbad reconnut parmi elles, la voix de Kyoshi.
- Je ne risquerai pas la vie d'officier pour cette affaire Mademoiselle Sano. Déclara une voix masculine et sèche. Surtout si nous voulons que cette enquête soit faite par des agents extérieurs.
- Parce que vous croyez qu'eux ne la risqueront pas ? demanda-t-elle furieuse.
- Nous en avons déjà discuté au conseil ! Ils doivent agir seuls, si nous ne voulons pas compromettre la mission !
Entra Kyoshi en compagnie d'un homme de grande stature, aux cheveux blonds avec une natte, le regard grave. Leur discussion cessa, voyant que tous les regards étaient tournés vers eux, mais il était simple de voir la colère de la gouverneure. Elle était effrayante, surtout quand elle alla s'asseoir sur l'un des canapés tout en fusillant des yeux les autres gouverneurs.
- Très bien messieurs ! Je vous remercie tout d'abord de vous être déplacés en urgence. Je suis le gouverneur Torres ! Avant de commencer, je voudrais vous prévenir que notre rencontre de ce soir n'a jamais existé. Comme convenu avec le conseil restreint, le monde ne sait et ne saura rien de notre collaboration.
La plupart étaient restés debout en cercle face à l'humain, seuls Kyoshi, Simbad et le vieux Gortwog s'étaient assis.
- Je préférais clarifier cet état de fait, car il s'agit là d'un point crucial ! reprit Torres, tout en entrant dans le salon de lecture. Il s'agit de notre première motivation pour faire appel à un intervenant extérieur ! Gouverneur Gortwog, pouvez-vous s'il vous plait exposer la situation ?
- Volontiers, fit le vieillard avant de se racler la gorge. Je suppose que tous deux lisez les journaux, vous avez pu constater qu'une rumeur circule dans la ville au sujet d'agression magique sur certains de nos concitoyens.
- L'Académie n'est en aucun cas fautive gouverneur ! assura Simbad. Je peux vous assurer que la communauté éthérienne est connue et suivie par notre archimage.
- Nous le savons, fit remarquer Torres. Loin de nous l'idée d'incriminer qui que ce soit professeur.
- Cependant, la nature de ces agressions est bel et bien magique ! Je peux vous l'assurer, assura Kyoshi les bras croisés.
Le vieil orc reprit d'un air grave.
- En effet nous avons fait expertiser les victimes par la brigade éthérienne, elle-même. Leur conclusion est sans appel... Et nous ne pourrons pas cacher les faits éternellement.
- Cela ne se peut ... lâcha l'elfe désorienté.
Grundal s'adossa contre un pilier tout en croisant les bras.
- Vous ne semblez pas surpris détective... remarqua le gouverneur Demini.
- Les rumeurs cachent toujours un fond de vérité gouverneur. De plus, le nombre de disparitions en ville se multiplient et cela se passe dans le dos de vos services. Est-ce que cette information m'étonne ? Absolument pas... Ce qui m'étonne en revanche c'est que la police ne fasse rien pour arrêter le coupable.
- Nos services comme vous le dites, sont occupés avec cette population qui menace de plus en plus d'exploser, fit remarquer Gortwog. Nous sommes proche de la guerre civile Grundal. Vous et Simbad êtes en mesure de nous aider à éviter cela.
- Pour en revenir aux rumeurs, interrompit Torres, nous ne croyons pas à ces histoires de "monstre"... En revanche, nous privilégions la piste d'un acte anti-gouvernementale. Et, comme vous l'avez souligné, professeur, une personne à l'Académie serait en mesure de connaitre les agissements des éthériens.
- Aurelius... Mais cela fait quelques jours qu'il est introuvable, fit remarquer Simbad en commençant à comprendre la gravité de la situation.
- Exactement ... déclara Kyoshi. Nous comptions le convoquer officiellement au palais pour qu'il nous donne une explication sur la situation. Mais il a disparu avant même que la lettre ne sorte de nos services. Ce qui nous laisse deux explications : soit Aurelius a été kidnappé...
- Balivernes ! répondit Simbad tout en regardant ses mains. Qui kidnapperait l'Archimage ? C'est absurde, il est le plus puissant d'entre nous... c'est un primaire.
- ...soit, continua Torres, il a été informé de notre convocation auquel cas un espion se trouverait au sein de nos services. Ce qui soulève un problème nettement plus grave. En plus de l'incrimination de votre directeur.
- D'où l'intérêt de faire appel à des intervenants extérieurs, conclut le détective.
Torres répondit à cette remarque par un hochement de tête.
- Qui d'autres est au courant de la situation, demanda le nain.
- Le conseil restreint évidemment, et vous. D'autres personnes, comme la maréchale Ethna, sont évidemment au courant des types d'agressions qui sévissent en ville. C'est leur travail après tout. Maintenant, ne vous en faites pas, je veillerai personnellement à ce que personne n'interfère pas avec vos recherches, certifia Torres.
- Naturellement, vous n'avez aucune information utile sur le disparu, demanda le détective.
- Comme le stipulent nos accords avec l'Académie, l'Archimage est libre de faire ce qui lui plait sans nous rendre comptes, ajouta Gummy.
- Bien entendu... pouffa Grundal.
- Cependant, nous savons qu'il travaille souvent avec les scientifiques et archéologues du musée. Son dernier écrit parlait de la jungle de pierre, fit remarquer Gortwog. C'est là que monsieur Ilonly intervient ! Avec son aide et bien entendu son accord, vous pourriez avoir accès à l'Académie pour enquêter.
Simbad l'interpela.
- Vous êtes au courant que l'accès à un panacéen est interdit au sein de l'Académie. Et que le faire rentrer sans laisser de trace de son passage est difficile...
- Nous vous faisons confiance pour trouver un moyen professeur, conclut Kyoshi en le fixant.
Un moyen existait effectivement pour rentrer incognito dans l'Académie mais il fallait connaitre la bonne personne pour cela. Elle et Simbad le faisaient à de multiples reprises et elle savait que cela était interdit. Le professeur se sentit coincé, il ne pouvait pas plaider l'innocence.
Par réflexe, Grundal et Simbad se fixèrent comme pour chercher chez l'autre, une raison de refuser le partenariat ainsi que l'enquête. Ils allaient devoir faire confiance à un inconnu pour une enquête "top secrète" et potentiellement dangereuse.
- Votre mission est donc claire, conclut Torres. Réussissez, et vous serez tous deux récompensés à la hauteur des risques encourus. La nation saura se souvenir de l'immense aide que vous aurez apportée pour éclaircir cette situation.
- Nous nous occupons de la taupe qui sévit dans nos services, affirma Grulak. Vous aurez en plus de cela accès indirectement et sur demande à nos archives. Pour cela, Mademoiselle Sano sera votre contact.
- Bien, qu'en dites-vous messieurs, conclu Gortwog en claquant des mains.
Un court silence s'instaura... Simbad ne pouvait croire à ses rumeurs et à l'implication d'Aurelius dans ces agressions. Il voulait en avoir le cœur net, et cette enquête pourrait malgré sa dangerosité, apporter des réponses à ses questions.
- Vous pouvez compter sur moi Gouverneur ! approuva l'elfe.
- Fort bien, et vous détective, le suivrez-vous ?
Le nain regarda l'elfe dans les yeux une dernière fois. Il souffla puis répondit par un hochement de tête.
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