Chapitre 6 : L'Académie

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Rue de l'Académie,

Jeudi 13 Octobre 1843, Matin

-G-

Les alentours de l'Académie étaient toujours surpeuplés : des voitures, des charrettes pleines d'articles divers et variés en provenance de tout le pays. Tous se rendaient vers la douane de la porte Ouest afin que toutes choses qui entraient dans l'enceinte de la ville soient vérifiés et validés par les agents du centre. Et au vu de la quantité de nourriture qui défilait, on avait du mal à croire que la ville connaissait des temps de famine. Mais il ne fallait pas se leurrer, peu de ces vivres traversaient la grande avenue pour nourrir les nécessiteux.

De nombreux notables et artisans des quartiers riches étaient là pour trouver les meilleurs produits dans les files d’attente. C’était le meilleur moyen de s’approvisionner en produit frais sans passer par le circuit de distribution habituel.

Grundal était là adossé à une façade, la pipe fumante entre ses lèvres. Il observait ce monde qui ne devait même pas se rendre compte que la ville était au plus mal.

Après quelques secondes, il souffla un épais nuage de fumée, tout en regardant sa montre gousset. Il était arrivé en avance, mais le rendez-vous était il y a plus d'une demi-heure. La porte qui se trouvait à l'arrière de l'Académie restait close. Il pensa même pendant un bref instant qu’il s’était trompé d’endroit. Pourtant il n'y avait pas d'erreur, c'était l'unique accès en dehors du grand portail.

« Une porte sans poignée et sans serrure, derrière l'Académie ! » C’était la description que lui avait fait l’elfe quelques heures auparavant.

Il eut même le temps d’analyser les lieux. Et à la vue des charrettes qui étaient parquées contre le mur, il était facile de savoir à quoi servait cette porte. Il devait s'agir de la zone de stockage prévue par l'Académie. Le grand portail était prévu pour l'entrée des élèves et des visiteurs éventuels, comme les scientifiques et archéologues du musée, ou encore des rares évènements qui se passent à l'Académie.

L’éventualité que l'Archimage soit passé par là pour sortir de l'Académie, était à considérer. Cependant, il était impossible d'en être sûr. Le sol était beaucoup trop remué pour en tirer une quelconque information et aucun signe d'effraction n’était visible sur le mur ou la porte. Même les fenêtres du rez-de-chaussée étaient beaucoup trop fines pour pouvoir y faire passer une personne. Une pensée saugrenue lui fit même lever le nez plus haut pour vérifier les étages supérieurs.

Grundal ne connaissait pas personnellement l'Archimage, mais il était facile de deviner qu’il n'était pas vraiment adepte d'escalade. Mais par acquis de conscience, il voulait vérifier cette possibilité. Résultat, toutes étaient trop hautes ou trop étroites, pour quiconque s’adonnait à cette activité.

La conclusion était que seul cette issue, ainsi que le grand portail, aurait permis à l'Archimage de quitter le bâtiment. Sa réflexion fut interrompue quand deux voix s’approchaient de l'autre côté de la porte.

- Enfin Simbad, tu ne peux pas faire entrer la moitié de la ville !

- Puisque je te dis que c'est important. Décale-toi s'il te plait.

Il y eut un instant de silence, puis un cliquetis sourd s'entendit et la porte s'ouvrit, dévoilant Simbad en compagnie de Molok.

- Grundal ?! Que faites-vous le nez en l'air, demanda Simbad l'air surpris de voir le nain le regard tourné vers le ciel.

- Mmmh, j'étudiais un peu l'architecture, répondit-il en baissant sa tête vers les deux hommes. Bonjour Messieurs !

Molok, qui se tenait au côté de l'elfe, n’avait pas l’air de comprendre ce qu'il se passait. Il n'avait surement pas été mis au courant des manigances de son ami. Ce qui rassura le nain.

- Tu te mets à faire entrer des nains crasseux maintenant ? En plus un panacéen ? A quoi tu joues Simbad ? Tu sais ce qu’il va t’arriver si tu te fais prendre avec lui sans autorisation !

- Crois-moi mon ami, je sais ce que je fais ! Il faut que nous nous rendions au bureau d'Aurelius.

Le détective entra évaluant chaque recoin de la pièce. Comme il le pensait, il s'agissait d'un entrepôt rempli de nombreuses caisses et colis.

- A quoi sert cette pièce fiston ? Demanda machinalement le détective.

Simbad ne répondit rien, désorienté par le surnom qu’il lui était attribué. Surtout qu’il devait avoir le même âge même s'il n'en avait pas l'air.

- Nous sommes dans l'entrepôt de l'Académie, coupa sèchement le vieil orc. C’est là qu’arrive chaque commande que nous faisons. Tout ici est répertorié par mes soins. Alors gare à vous si quelque chose disparait !

Le regard de Grundal prit de curiosité, se tourna vers le gérant.

- Vous dites que c'est vous qui gérez les entrées et sorties des stocks ? Seriez-vous capable de me dire les entrées et sorties du personnel par cette même porte ?

- Vous êtes de la police ? fit-il agacé par toutes ces questions. Personne ne sort par ici, et je peux l’affirmer car moi seul décide de qui passe par cette porte. Enfin sauf quand Simbad se décide de forcer la serrure comme aujourd'hui.

- Je manipule tous les éléments métalliques, compléta l’Elfe voyant le regard interrogateur du nain.

- Bien entendu, conclu ironiquement Grundal. C'est vrai que je suis à l'Académie. Bon, mais votre Archimage, c’est un primaire, non ? il serait facile pour lui d'ouvrir la porte.

- Bien entendu, répondit Molok. Mais il serait passé sous ma surveillance... Et puis ce n'est pas le genre d'Aurelius de quitter l'Académie par la petite porte.

« Ce n'est pas non plus son genre de disparaitre » pensa ironiquement Grundal.

- Et votre surveillance… Elle reste efficace la nuit ?

- L'un des avantages de la vieillesse c'est que l'on ne dort que sur une oreille et croyez-moi que chaque parcelle de terre de cet entrepôt résonne dans mon crâne comme des clochettes.

Après un court instant, il se massa les yeux arrêtant de réfléchir au pourquoi du comment... Il était à l'Académie, chacune des personnes qui habitaient ici était capable de prodiges.

- Mais qui êtes-vous ? demanda Molok.

- Je suis détective privé ! C'est votre ami, ici présent, qui m'a demandé de déterminer ce qui était arrivé à votre archimage.

- J'aimerais autant que possible que cela reste entre nous, Molok. Que le corps enseignant ne sache rien de tout ça. Pourrais-tu garder le secret ?

Le vieux Molok regarda son ami dans les yeux. L'hésitation devait l’habiter. Et à raison, si « l'action » qu'avait entreprise Simbad était aussi dangereuse. Mais il était nécessaire que le détective enquête sur les derniers lieux fréquentés par Le disparu.

- Je le ferai... pour Aurelius... lâcha amèrement le gérant. Es-tu certain qu’on peut avoir confiance en lui ?

- Crois-moi mon ami, on peut... déclara doucement le professeur en fixant le nain.

Son regard disait l’inverse, il était clair qu’il n'en était pas convaincu. Mais c’était primordial pour l'enquête, que Molok protège leurs arrières.

- Très bien, allez-y... Mais faites vite, vous n’avez qu’une petite heure devant vous ! Je ne pourrai pas vous couvrir si vous êtes attrapé là-haut.

- Pas de problème, nous ferons vite ! Suivez-moi Grundal !

Le professeur quitta rapidement la pièce, laissant le vieil orc derrière eux. Grundal qui était à ses talons, avait du mal à suivre sans courir.

- Pourquoi tant d'empressement ?

- Tout le monde se connait ici, répondit le professeur tout en continuant sa marche. Il est rare de voir des visiteurs venant à l'improviste. D'autant plus, si ceux-ci sont des panacéens.

- « Panacéens » ?

- C'est ainsi que nous appelons les gens « normaux ». Même si la normalité reste un terme très relatif. Ici, c'est vous qui êtes étrange.

- Nulle besoin de faire un cours de philosophie. Surtout quand cela ne répond pas à la question.

- Actuellement, l'ensemble de l'Académie est en train de travailler. C'est pourquoi nous avons très peu de chance de croiser quelqu'un. Cependant, dans approximativement une heure, cela sera différent.

- Et si on nous attrape ? demanda le détective.

- Les gens se poseront des questions sur la présence d'un panacéen, et ils verront que votre venue n'a pas fait l'objet d'une demande officielle approuvée par l'Archimage.

- Et c'est défendu de voir ses amis ? Demanda le nain, sarcastique.

Le professeur s’arrêta brusquement. Grundal manqua de peu de le percuter.

- Écoutez je comprends que votre métier vous amène à prendre les gens de haut, clama sévèrement Simbad en se retournant. Mais ici, vous ne savez pas comment cela fonctionne. Molok et moi risquons nos places pour vous mener dans un lieu où même les gouverneurs n'ont pas accès. Donc quand nous serons là-bas faites votre enquête et allons-nous-en !

Grundal ne répondit rien, il ressentait sa tension et sa peur d’être pris sur le fait. Le bureau du directeur se trouvait en haut de la tour centrale, au milieu de l'Académie. Et contrairement aux bureaux des professeurs, qui se trouvait complètement déserté pendant les heures de cours, ils allaient devoir traverser nombre de corridors, ainsi que la cour centrale, celle où se trouvait la grande fontaine. Heureusement, personne ne les croisa jusque-là.

Arrivant au milieu de la cour, le détective remarqua la statue qui dominait la fontaine. Une femme en armure, épée au fourreau, la main brandissant vers le ciel un orbe scintillant. On avait l'impression qu’elle était en train d'incanter un sortilège. L’effigie d’albâtre attirait le regard par la beauté du personnage.

- La fondatrice de notre école, fit Simbad remarquant l'intérêt du nain pour le monument.

- C'est bien la première fois que je vois une statue d'elle.

- Pourquoi les gens feraient-ils des statues d'elle ? Elle a été jugée coupable du massacre du désert. Et cela à cause du fait qu'elle ait été la seule survivante... Ce qui est absurde quand on y réfléchit...

- Elle a commis un génocide, et elle n'a pas été exécutée ?

- Les chefs de l'époque ont préféré qu'elle fonde cette école pour contrôler les nouvelles générations d'éthériens... En plus de faire des nouvelles recrues pour l'armée.

- Je ne savais pas que c'était à cause de votre première Archimage... dit Grundal pensif.

- Et si... Nous en payons toujours le prix, alors que personne ne sait ce qu'il s'est réellement passé.

- Et elle n'a jamais raconté son histoire ?

- Non jamais... Elle est morte avec le secret acceptant docilement d'être le bouc-émissaire.

Après un instant, l’Elfe fit signe qu’ils devaient reprendre leur route et enfin atteindre la tour centrale. C’est là que Grundal put se rendre compte des problèmes liés à la petite taille des nains avec les escaliers interminables qu’ils devaient gravir. Entre deux pauses, ils purent revenir sur l'amitié que le professeur et Aurelius entretenaient. Comment tout avait commencé, de leur entrée à l’Académie jusqu'au partenariat au sein du corps enseignant. Cependant, son arrivée à la tête de la communauté éthérienne avaient grandement réduit les interactions qu’ils pouvaient avoir.

- Et ça lui arrive souvent de quitter l’Académie ? demanda Grundal essoufflé.

- Souvent… lâcha Simbad tout en s’arrêtant pour réfléchir. Il avait pour habitude de s'absenter pour diverses raisons. Quelquefois il était appelé au musée pour superviser des découvertes archéologiques et scientifiques. Heuu…Il rendait visite aux autres éthériens de notre pays, ceux qui habitent en dehors de la capitale. Mais en général, ces absences étaient toujours prévues à l'avance et surtout connu de tous. Aller nous y sommes presque !

Grundal voyait son calvaire prendre fin. C’est pourquoi il souffla un grand coup avant de reprendre l’ascension.

- Enfin !!! cracha le nain essoufflé. Votre architecte n'a pas taillé votre école à mesure de nain.

Restant prudent, le professeur vérifia qu'aucun visiteur inopiné se baladait dans les parages. Heureusement, ils avaient le champ libre pour arriver devant la porte en ébène. De bonne facture, le bois était ciselé et décoré de caractères inconnues en nacre.

Simbad ferma les yeux, puis posa sa main contre le battant.

- Qu'est-ce que tu attends pour ouvrir la porte, demanda le nain en désignant la poignée.

- La porte est fermée à clé pardi. Laissez-moi deux minutes, il faut que je me concentre...

C’est alors que des bruits de pas résonnèrent du fond du couloir.

- Quelqu'un vient, chuchota le nain.

Simbad ne sourcilla pas à l’entente de ses mots.

- Chut, fit-il doucement, je cherche l’engrenage…

Il devait rester concentré sur le mécanisme. Ressentir les rouages, la forme du petit loquet. Le bruit se rapprochait de plus en plus... Puis vint un petit cliquetis. Simbad ouvrit la porte d’un coup sec, puis attrapa le nain par le col pour le glisser à l'intérieur. Grundal se sentit porter, non seulement par le col, mais aussi par tous les éléments métalliques qu’il possédait.

Surpris, il fut propulsé à l'intérieur puis sentit la porte se fermer doucement et discrètement derrière lui. Le professeur restant volontairement sur le palier.

- Professeur Ilonly ! Que faites-vous ici ? fit une voix derrière la porte.

- Vaporicus, bonjour ! Répondit Simbad calmement. Vous ne sauriez pas si notre Archimage est rentré. J'aurais besoin de sa participation pour un de mes cours.

- Pas que je sache, lui indiqua le surveillant. Il n'est pas encore rentré !

Grundal s’éloigna de la porte sur la pointe des pieds. Il était là pour fouiller les lieux pas pour écouter les discussions.

Il s'était amusé depuis la veille à imaginer comment serait cette pièce. L’image qui lui était venu avait l’allure d’un lieu magnifique rempli de magie, avec une architecture toute en hauteur, ressemblant fortement au palais sénatorial. Des dorures recouvrant l’entièreté des murs, des livres volant dans tous les coins, ou encore des sculptures représentant les prédécesseurs du disparu.

Et là, la chute fut rude pour notre détective, car il était face à un désordre digne de son agence. Un nombre incalculable de livres était entreposé un peu partout dans la pièce. Des montagnes de parchemins recouvraient le sol à tel point que le carrelage était à peine visible.

Il aperçut en s’avançant qu’une fontaine intérieure trônait au milieu de la pièce, mais sa beauté était cachée derrière des piles de livres. On entendait juste le clapotis de l'eau.

D’autres bruit venait des tables d'alchimie mal rangées qui prenaient un coin de la pièce. Pleines de mixtures étranges étaient rangées sur la commode, pas loin d’ingrédients alchimiques tous plus étranges les uns que les autres. Grundal n’avait aucune notion d’alchimie c’est pourquoi, il passa rapidement sans prêter plus d’attention. Au milieu de la pièce, il examina chaque recoin, mais tout était en désordre.

Des livres... encore des livres... Des livres d'histoire... la méditation, les positions de plaisir, le contrôle de soi... Tout mais rien d'intéressant. C'était pire que son propre bureau. Et encore, les parchemins qui étaient parsemés sur le sol, n'étaient utilisés que pour des brouillons ou des schémas mal dessinés.

De la méthode était alors de mise s’il voulait trouver une piste.

La disparition étant récente. Les documents intéressants ne devaient pas être recouvert de poussière. Ainsi il était simple d'écarter la plupart des piles de livres qui recouvert d’une couche grisâtre.

En fouillant, il déclencha un mécanisme faisant sortir un astrolabe du centre de la pièce... Bien que magnifique il était caché par trop d'objet pour montrer tous son potentiel. Et à la vue des petits va-et-vient qu'il faisait, quelque chose bloquait la rotation des astres.

Il lâcha un long soupir d’exaspération, puis il se dirigea vers le bureau. Mais il n'espérait rien trouver dans le monticule de dossier. L’état de la table, qui se trouvait devant lui, était similaire au sol.

- Oh fan !? Mais ce n'est pas possible... fit-il en voyant le nombre de document. Le sol est moins encombré que ce foutu b...

Il stoppa net sa phrase puis inspira une grande bouffée d'air tout en se massant le front. Dans un premier temps, il rassembla les feuilles en petit tas afin d’y voir plus clair.

En voulant bouger la lampe pour faire de la place, il remarqua qu'elle était fixée à la table.

« Tiens, étonnant ça » pensa-t-il.

Le sourire aux lèvres, il tira sur la lanière qui sortait de l'abat-jour. Mais rien ne se passa. C'était toujours à ce moment-là qu'un passage secret s'ouvrait... Du moins dans les livres. Déçu de rien voir de surnaturel, il manipula le luminaire pendant de longues minutes, persuadé de trouver un indice. Mais il réussit juste à décrocher la tête de lampe.

Malgré quelques tentatives de réparation, il dû se résoudre à cacher son crime sous la table en jetant un coup d'œil rapide aux alentours. Comme si quelqu'un avait assisté à la scène.

C'est en se relevant qu'il aperçut au milieu des document un petit carnet noir... Il se rendit compte avec joie qu'il s'agissait de l'agenda de l'Archimage. En parcourant les pages, il voyait la mention des différentes fouilles réalisées, les différents congrès auxquels il avait pu assister, le tout classé par date.

Cependant le journal s'arrêtait brusquement... Il y a 6 jours. Un commentaire étant affilié à cette dernière page : « retour d'expédition ».

Ensuite, plus rien. Les résidus de feuille présent au centre du cahier laissaient présager que des pages avaient été arrachées. Même en revenant en arrière sur les pages précédentes, rien ne faisait mention à cette fameuse expédition.

Il regarda tous les documents autour, espérant que l’un d’entre eux pourrait lui en apprendre d'avantage... n'importe quelle information qui serait plus récente que la dernière ligne du carnet.

Mais non, rien du tout. Même la poubelle qui se trouvait au pied du bureau, ne contenait rien d’intéressant.

Soudain un bruit provint de la porte. Grundal par réflexe se cacha sous le bureau, sa taille l’aidant à se camoufler plus facilement. Ses sens aux aguets, il n'entendit plus rien hormis un murmure qu'il ne parvint pas à comprendre de part la distance qui le séparait de l'entrée.

l'intrus referma la porte derriere lui et penetra plus en avant dans la piece.

- Gruuuundaaal ? appela la voix cette fois ci plus fort.

- Ah, C'est toi, chuchota-le nain apres s'être assuré que l'intrut était en fait simbad en sortant la tête de sa cachette. Tu m'as flanqué une de ces frayeurs, morbleu.

- Je suis désolé, cela n'a pas été simple de fausser compagnie au surveillant de couloir. Je dois admettre qu'il est plutôt têtu pour son âge... Avez-vous trouvé quelque chose d'intéressant ?

- Oui... et non ! C’est un sacré foutoir ici, déclara-t-il tout en se relevant. Dis-moi, ton ami te parlait-t-il de ses recherches ?

- Parfois, mais seulement quand il allait les dévoiler au public. Pourquoi cette question ?

- La dernière trace qu'il a laissé sur son carnet date de la semaine dernière, et fait mention d’un retour d'expédition...

- Et depuis ? Demanda le professeur.

- Depuis plus rien, reprit le nain en soufflant. Des pages ont été arrachées... Et j’ai trouvé aucun document plus récent.

- Vous avez fouillé la poubelle ? demanda innocemment l'elfe.

Grundal rougit légèrement en repensant à l'abat-jour qui se trouvait à côté.

- Évidemment... Hem ! Je l'ai fouillée mais rien ne s'y trouvait, conclut le nain en se frottant la barbe. C'est comme si l'Archimage était parti avec la totalité de ses recherches.

- Quelqu'un aurait pu les dérober tout simplement ! Regardez le désordre Grundal, on dirait que le lieu a été cambriolé. répondit l'elfe en analysant la pièce du regard.

- Tu penses à quelqu’un en particulier ?

- Je ne sais pas… Personne de l'Académie ne ferait ça. Personne ne peut s'introduire ici !

Les deux échangèrent un regard. Puis il réalisa que sa réponse n'avait aucun sens, compte tenu de leur intrusion.

- Oui... bon... Peut être que quelqu'un aurait pu s'introduire ici, avoua l'elfe.

- Admettons que le personnel de l’Académie ne soit pas impliqué, cela pourrait être quelqu'un d'extérieur. Rappelle-toi fiston, le gouverneur a évoqué le partenariat entre Aurelius et le musée.

- Les historiens ainsi que les scientifiques panacéens restent dans le quartier du musée. Ils ne viennent pas ici, répondit l'elfe.

Grundal voulu conclure à l'intrusion d’un membre de l’école mais il se garda de faire part à Simbad du fruit de ses reflexions. Une personne s’était introduite ici, et elle était au courant des agissements de l’Archimage. Sinon comment expliquer la disparition de ces informations.

Il s’approcha de la fenêtre afin de vérifier la possibilité que quelqu'un puisse s’introduire par là. Mais vu la hauteur, c'était impossible.

- Quelque chose nous échappe... annonça doucement le nain en regardant la cour intérieure qui se remplissait doucement en contre-bas. Il faut qu'on refasse le tour de la pièce, conclut le détective. Occupe-toi des bibliothèques là-bas, je vais voir du côté des tables alchimiques.

- Très bien, mais vite, j'ai peur que Vaporicus ne revienne !

Ils travaillèrent chacun dans leur coin et dans le silence. Chaque parchemin, chaque brouillon qui recouvraient le sol, étaient analysés et mis de côté s’ils n’aidaient pas l’enquête. Ainsi la bibliothèque, grâce aux efforts de Simbad, retrouvait un certain ordre.

- Grundal par ici ! fit Simbad après d'interminables minutes de recherche.

Quand le nain s'approcha, il ne s'attendait pas à voir son partenaire accroupi lui montrer le carrelage et plus précisément la base d’une des étagères. En regardant de plus près, une rayure en arc était visible. Une marque que des montagnes de document cachaient jusque-là.

- Bien observé ! On dirait bien que cela s'ouvre... fit le nain en s’écartant du meuble pour l’analyser dans son intégralité.

Il passa les mains au niveau des jointures. On pouvait effectivement sentir un petit brin d'air qui passait à travers.

- Il faut qu'on trouve un moyen de l'ouvrir... déclara le nain. Tu ne pourrais pas utiliser tes super-pouvoirs pour débloquer ça ?

- Je peux essayer mais ce n'est pas aussi simple que cela. Je n'ai aucune idée de la forme que peut avoir ce mécanisme, dit-il en se mettant en position les mains sur l'armoire. C'est comme crocheter une serrure, les yeux fermés.

- Mmh, je connais une personne qui en serait capable... marmonna le nain.

- Pardon ?

- Non rien… Essaye quand même, ça ne coute rien !

-Très bien… conclut le professeur. Mais je vous préviens, il faut d’abord que je visualise le mécanisme avant de pouvoir faire quoi que ce soit.

- Tu ne peux pas tout simplement le casser ?

-Et risquer de bloquer l’entrée ? Non, il faut que je provoque l’ouverture de cette porte.

Simbad plaça les mains contre l’étagère, puis ferma les yeux...

Pendant ce temps, Grundal ne pouvait que le regarder se concentrer. Il devait y avoir un moyen conventionnel d'ouvrir la voie mais comment.

- Le mécanisme ne se trouve pas uniquement sous la porte… lâcha doucement Simbad. L’autre partie doit se trouver dans la pièce…

A ces mots, Grundal se tourna instinctivement vers la lampe cassée...

« Armoire incrustée... qui doit pivoter... Pivoter ! » Ces mots résonnaient dans sa tête pendant qu'il s'approchait de l'objet.

Plaçant ses deux mains sur son socle, il força pour faire pivoter le pied. Bien que grippé, le corps de la lampe permettait de réaliser un quart de tour avant de buter contre un obstacle. Un bruit sourd se fit entendre, comme en réponse au mouvement du luminaire. Puis un « CLAC » résonna au niveau de l’étagère.

- Comment avez-vous fait ça ? demanda Simbad surpris de voir la bibliothèque s’ouvrir légèrement devant lui.

- Ingénieux... fit le nain fasciné par le mécanisme.

Simbad poussa de toutes ses forces pour ouvrir la voie. Mais l'étagère raclait tellement fort sur le sol, qu'ouvrir le passage en entier fut extrêmement bruyant. Un nuage de poussière s'échappa du passage, ce qui fit éternuer l'elfe.

- Un escalier qui descend en colimaçon dans les entrailles de l'Académie...

- Tellement poétique ! remarqua ironiquement Grundal. Je suppose que ce passage ne se trouve sur aucune carte, n’est-ce pas ?

- Non effectivement, mais son existence ne m'étonne pas. L'Académie est connue pour abriter des zones toujours secrètes.

- Mmh à croire que ton ami connaissait celui-ci... Regarde les torches, elles ont été remplacées récemment. Bien, allons découvrir ce qui se cache en bas, conclut le nain en emboitant le pas.

Il attrapa une torche, puis chercha son briquet dans les poches de son manteau.

C’est alors qu’un bruit provint de la porte d'entrée.

- Mince, revoilà le surveillant, commencez à descendre Grundal ! Je prends quelque chose et j'arrive !

- Dépêche-toi !

Le professeur courut vers le bureau, puis fouilla l’intérieur des tiroirs. Il en sortit un cylindre en cuivre. Puis s'engouffra dans le passage secret, tirant l'armoire derrière lui.

La lampe reprit alors son état originel, laissant entendre un cliquetis sourd. C'est à ce moment que la porte s'ouvrit, laissant entrer Vaporicus accompagné d'un surveillant subalterne.

- Vous êtes sûr d'avoir entendu des bruits ? demanda le surveillant chef.

- Je vous assure, on aurait dit que quelqu'un déplaçait un meuble ici !

- Balivernes, vous voyez bien que rien n'a bougé ! cracha-t-il en lisant le titre d'un des livres. Je pense que si vous continuez à m'importuner comme cela, c'est vous qui allez ranger ce bureau !

Les deux enquêteurs restèrent sur les premières marches, plongé dans l'obscurité, sans bouger un pouce. Ce n'est qu'au moment où les perturbateurs quittèrent le bureau qu'ils soufflèrent un grand coup, rassuré de n’avoir éveillé aucun soupçon. Le couloir avait une odeur de renfermé et d’humidité.

- Tiens-moi ça, s’il te plait, demanda le nain en passant maladroitement la torche.

Grundal sortit les deux pièces de son briquet, puis racla une petite tige en métal contre l’autre ce qui produisit des étincelles. La tige en métal s’embrasa légèrement, permettant à la torche de s’allumer. Le couloir étroit s’illumina et montra l’escalier interminable qui descendait en face d’eux.

- Fais attention, les marches ont l'air vraiment glissantes ! prévint-il tout en amorçant la descente.

- Effectivement… Ce passage doit dater de la construction de l'Académie, analysa Simbad.

- Ce serait… Asuna, c’est ça ? Qui aurait voulu ce passage ?

- Possible... Il pourrait s’agir d’une chambre sécrète, rêva le professeur.

- Ou d’une sortie pour fuir l’Académie, conclut le détective sur un ton plus dramatique.

Simbad ne voulut pas répondre à cette dernière remarque. Au fond de lui, il devait se douter que cette hypothèse était probable. Et quel serait la conclusion de cette information. Ils continuèrent à marcher quelques minutes dans le silence, la main contre le mur pour éviter de tomber.

L'escalier était long, terriblement long... Le souvenir de l’ascension de la tour revint à la mémoire du nain.

- Dis-moi fiston... Te souviendrais-tu d'un détail, quelque chose que ton ami t'aurait dit concernant ses recherches ?

- J'ai souvenir qu'il me parlait d'une grande découverte... répondit Simbad après quelques secondes de réflexion. Quelque chose d'important pour la communauté éthérienne. Mais ça remonte à plusieurs semaines maintenant.

Un bruit sourd dans les escaliers laissait indiquer qu’ils se trouvaient maintenant au-dessous du sol.

- Et parmi les membres du musée, reprit Grundal, tu serais en mesure de savoir qui travaillait avec lui ?

- Les noms des participants aux expéditions ne sont divulgués qu'une fois les recherches mises en public.

- La réponse est non…

- Mais j'ai mon idée pour le découvrir, fit Simbad en présentant fièrement le cylindre en cuivre.

- Qu'est-ce que c'est ?

- C'est le sceau de l'Archimage ! Avec ça et avec l'aide de Molok nous pourrions avoir accès aux recherches d'Aurelius, au musée. Ou du moins ce que lui et son équipe ont laissé là-bas.

- Bien joué ! Et peut-être, avec un peu de chance, que nous trouverons les pages manquantes du journal.

Simbad hocha la tête, puis rangea le sceau dans sa poche de manteau. Doucement, ils arrivèrent enfin au pied de la dernière marche au grand soulagement du détective.

- Enfin... Je ne sais pas combien d'étage nous avons descendu, mais c'était foutrement long...

Une petite porte de bonne facture se trouvait devant eux, sans serrure... Juste une poignée. Grundal voulut poser sa main dessus mais l’Elfe l’interpela.

- Attention Grundal ! Il y a peut-être un piège !

Le nain regarda l’air inquiet de son associé. Puis après quelques secondes de brèves réflexions, il haussa les épaules et enclencha l’anse.

Le grincement des gonds était abominable et résonnait dans l’immense pièce qui se trouvait derrière... Et comme pour l’escalier tout était plongé dans l’obscurité. C’est pourquoi Grundal fit le tour de la pièce pour allumer les différents luminaires.

Quand il eut allumé la dernière, il se retourna et contempla des caisses… Partout. Encore un lieu de stockage, pensa-t-il. Mais un lieu secret connu de l’Archimage en personne.

Simbad passa la main le long des caissons pour enlever la poussière.

- Aucune marque de douane… dit le professeur en contemplant les planches immaculées.

- De la contrebande, rajouta le détective en se rapprochant.

- Impossible que Molok ait pu laisser rentrer des choses pareils… Surtout des caisses aussi grosses les gens l’auraient vu.

- Elles ne passent pas dans l’escalier… nota Grundal, sans prêter attention à ce que disait Simbad.

Il fit le tour de la pièce, cherchant des yeux une deuxième entrée. Rapidement, il nota que le sol était rempli de traces boueuses, de tailles et de formes différentes. En les suivant, il arriva face à un mur.

« l'entrée doit surement se trouver derrière » pensa-t-il.

En posant l’oreille contre la paroi, on pouvait entendre un bruit d’eau qui coulait. Grundal poussa le mur de toutes ses forces, ce qui le fit coulisser. Il s’agissait d’un simple battant. Pas de mécanismes perfectionnés cette fois.

Plus la voie s'ouvrait et plus une odeur nauséabonde s'installait dans la pièce. Une odeur d'excrément, d'eaux usées... L'odorat du nain ne le trompait pas. En plus, l'architecture du couloir et les briques rouges étaient facilement reconnaissables... Il s'agissait des égouts de la ville.

Le son d’écoulement provenait d’un petit canal juste devant lui, assez grand pour permettre l'accès à une barque. Seulement un point le perturbait : les traces d’ouverture.

Le passage ne pouvait s'ouvrir que dans un sens. On aurait dit une sortie de secours plus qu'une réelle porte d'entrée pour l'Académie.

- J’ai trouvé quelque chose, annonça Grundal tout en se retournant vers le professeur.

Ce dernier était en face d’une caisse ouverte, un pied de biche posé à ses pieds. Surement qu’il avait réussi à trouver l’ustensile au milieu de l’entrepôt. Ses yeux, écarquillés et stupéfaits, étaient tournés vers un bocal qu’il tenait entre ses mains.

- Tout va bien? demanda t-il en s'approchant.

La boite abritait plusieurs jarres transparentes et jaunâtres. Toutes étaient cachetées et couvertes d'une épaisse couche de poussière, qui empêchait de voir leur contenu.

Simbad, qui ne répondait rien, leva simplement le récipient entre ses mains puis le tourna vers le nain, montrant ainsi au travers de la surface cristalline, un visage laiteux d'un homme, le regard vitreux.

Grundal, surpris, eut un petit mouvement de recul. Il passa sa main sur les autres bocaux qui remplissaient la caisse.

- Les autres parties du corps... lâcha le professeur à mi-voix.

- Tu sais que le trafic d'organe est... dit sèchement le détective en analysant la tête de l'elfe.

- Interdit, je le sais. Je ne comprends pas ce que tout ça fait ici ! On n'enseigne pas ce type d'alchimie ici... avoua Simbad tout en posant le récipient. Pas depuis que les orcs ont prohibé l’usage d’être vivant dans les décoctions.

- Peut-être qu’Aurelius n'était pas aussi honnête que tu le pensais ? remarqua le détective en attrapant le pied de biche.

- Et risquer la peine de mort ? Je vous en prie Grundal, je connais mon ami ! Jamais il n’en serait capable !

- Regarde autour de toi Simbad, quelle explication donnes-tu à tout ça ? Demanda sérieusement le nain en désignant la salle. Je suis prêt à parier que les autres caisses contiennent également des cadavres en morceaux.

- Je ne sais pas quoi vous dire... avoua Simbad. Je n'ai pas souvenir qu'une tête d'homme contienne des ingrédients utiles à l'alchimie...

- Votre Archimage s'adonnait-il à des expériences sur le corps humain ?

Le professeur, la tête baissée, ne répondit rien. Il avait l’air choqué, désorienté par ce qu’il venait de découvrir. Grundal souffla longuement puis observa, à nouveau la tête du pauvre hère. Un détail sur sa joue piqua sa curiosité.

- Qu’est-ce que cette tâche, à ton avis ? Demanda-t-il en désignant la jarre.

- Je ne sais pas, probablement de la nécrose vu la couleur. Ou sinon du sang séché... Il faudrait vider le bocal pour vraiment le savoir.

Un court silence s’installa.

- D'où peuvent provenir tous ces gens ? Reprit Simbad en relevant la tête.

- Partout…Des cimetières ou des morgues. Maintenant je miserais sur les quartiers pauvres. C’est là que les fossoyeurs et contrebandiers peuvent travailler en paix.

- Vous pensez aux cimetières aux abords de la ville ?

- C'est ça. En général ils ne sont pas gardés ! Et puis les cimetières intra-muros appartiennent à des familles riches. Ce serait trop risqué…

- On pourrait remonter la piste des contrebandiers, non ? proposa Simbad.

- Ces gens là travaillent toujours dans l’anonymat. Même Aurelius doit ignorer l’identité de son fournisseur. J'aimerais d’abord inspecter le musée, avant de suivre cette piste. Pose ça et viens par là plutôt, dit Grundal en faisant signe d’approcher.

Le nain pointa la porte dissimulée, puis l'ouvrit sous les yeux surpris du professeur.

- Arh ! Mais quelle puanteur ! cracha l'elfe en se couvrant le nez avec sa manche.

- Ce sont les égouts de la ville, ça n’a pas été inventé pour sentir la rose ! Mais regarde bien la porte !

- Eh bien quoi ? La porte ressemble à un mur ? répondit Simbad après une analyse courte et infructueuse.

- Mais non... Regarde le sol, elle ne s'ouvre que dans un sens ! dit le nain en faisant une petite démonstration. Les marques de rayures ne vont pas vers l'intérieur !

- Vous pensez que...

- C'est par ici que ton ami est sorti de l'Académie sans être vu, j’en mettrai ma main à couper ! Reste à savoir pourquoi !

- Allons au musée ! Nous aurons plus de réponses là-bas ! fit Simbad en refermant le mur derrière lui !

Grundal regarda le passage se refermer devant lui avec exaspération car ils se trouvaient encore dans les égouts.

- Tu sais que tu nous as enfermé du mauvais côté ? Déclara calmement le détective.

Simbad se retourna vers le mur, analysant l’erreur qu’il venait de commettre. Son regard coupable se posa ensuite sur son partenaire.

- Oups... Désolé Grundal.

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