Chapitre 3
Les pieds enfoncés dans le sable, Katani observait son reflet dans le disque d’eau qu’elle avait créé en guise de miroir d’apparat. La mine déconfite, elle cherchait désespérément comment améliorer les choses. Elle était parvenue à se faire coiffer de manière simple mais correcte, elle avait donné des instructions suffisamment claires pour que sa robe soit propre et défroissée. Pourtant son visage portait encore les marques de ses nombreuses larmes et de sa nuit trop courte hors de sa confortable chambre.
Rafa avait bien sûr fait son possible pour lui rendre les choses plus douces. Il avait monté sa tente de voyage et l’y avait mise à l’abri. Lui, avait veillé toute la nuit devant l’entrée de son toit de fortune.
Pourtant, au matin, quand elle s’était réveillée, si lui rayonnait de vitalité, elle avait l’air d’un oisillon hirsute tombé du nid.
Elle avait pourtant décidé de prendre son courage à deux mains. Elle voulait rentrer au château. Ensuite, elle irait trouver sa sœur pour lui dire qu’elle était prête à remplir son devoir.
Pour cela, il fallait qu’elle se rende à nouveau présentable. Plus encore, il fallait qu’elle se téléporte à nouveau si elle voulait éviter une longue et harassante marche pour laquelle elle n’était pas du tout équipée. Or, elle ignorait totalement comment réitérer l’exploit de la veille.
- Êtes-vous prête, princesse ? lui demanda innocemment Rafa.
Elle grommella vaguement son assentiment.
- Nous pouvons y aller alors ? reprit-il en lui tendant la main.
De toute évidence, il escomptait qu’elle le télétransporte avec elle.
- Non, protesta-t-elle avec un mouvement de recul effrayé.
- Pourquoi donc ? C’est le plus simple et le plus sûr.
- Parce que j’ignore si je vais y parvenir… surtout où je vais aller ! lui avoua-t-elle en baissant les yeux.
- Choisissez un lieu discret : votre chambre par exemple…
- Tu ne comprends pas… Et si, je ne sais pas… je me retrouvais au milieu de l’Océan par exemple…
Un éclair de compréhension passa dans les yeux de l’Ardent.
- Eh bien, nous nagerons.
- Ou si nous sommes sous terre… ou emmurés dans un endroit inconnu…
- Vous ne voulez pas vous télétransporter ?
- Si, je veux essayer ! rétorqua Katani. Mais, je ne t’emmène pas avec moi. Il est hors de question que je te mette en danger.
- C’est gentil, lui répondit-il avec un sourire. C’est aussi la bonne décision, je crois. Où que vous arriviez, je vous retrouverai.
Elle laissa échapper un soupir de soulagement. Rafa disait vrai : le Dévoreur l'avait désigné comme son protecteur. Pour aider l'Ardent à accomplir sa mission, l'entité l'avait doté d'un lien magique permanent avec la princesse. Cela avait bien fait enragé Katani aux débuts de leur rencontre. Elle ne voulait pas de quelqu'un qui la suive partout. Elle n'aurait su dire combien de fois ses poings de petite fille avaient tambouriné sur le plastron de l'Ardent pendant qu'elle lui criait de partir. Il n'avait jamais cessé d'être présent la nuit quand elle se réveillait de ses cauchemars errant dans les sous-sols du palais, le jour lorsqu'une de ses multiples idées enfantines la mettaient en danger. Elle avait fini par lui faire confiance et même l'aimer. À présent, elle ne saurait se passer de ce lien indéfectible.
- Je préfère tenter une destination à ciel ouvert pour cet essai mais, loin de ma sœur. Que penses- tu de la clairière qui se trouve dans les bois de la Reine ?
- Trop loin de la Cité. Je préfèrerais un lieu qui se trouve au moins dans ses faubourgs.
- L’arène d’entrainement de la Garde ?
- Cela me convient d’autant que vous serez en sécurité même si je n’y suis pas encore arrivé. Sachez cependant que de nombreux soldats y seront déjà en train de s’entraîner.
Katani pâlit à cette idée pourtant elle maintint sa décision. Elle connaissait bien les arènes, elle y allait souvent pour observer l’entraînement des crocs et de leur Laïggos. Cependant, elle évitait de se montrer, elle ignorait même s’ils savaient à quoi elle ressemblait. Elle arrivait avant eux puis, se cachait dans l’ombre d’une des nombreuses arcades qui parsemaient l’enceinte. Elle se matérialiserait dans l’une d’entre elles le temps que Rafa arrive.
- Ça ira. Essayons tout de suite tant que je m’en sens encore le courage.
Rafa acquiesça avant de reculer de quelques pas. Sa pierâme se mit à scintiller. Un instant plus tard, Laïfa se tenait aux côtés de l’Ardent.
- C’est quand vous voulez, lui dit-il en enfourchant son laïggos. Dès que vous aurez disparu, je me rendrai aux Arènes.
Katani ferma les yeux et se concentra essayant de matérialiser autour d’elle l’arène et son atmosphère : la terre battue sous ses pieds, les odeurs de sueur, de sang, les cris déterminés des soldats à l’exercice… Elle musela son angoisse tant bien que mal pendant qu’elle visualisait l’une des nombreuses ouvertures sombres où elle avait l’habitude de se dissimuler.
Elle ouvrit les yeux. Les jambes tremblantes de tension angoissée. Le soleil qui brillait déjà de mille feux, l’éblouit si bien qu’elle ne distingua pas bien les alentours. Cependant, elle était à bon port
Son soulagement fut de courte durée. Très vite, l’écho des lames entrechoquées se tut tout comme les ahanements d’effort des soldats. D’innombrables regards étonnés se dirigèrent vers la jeune princesse figée par la gêne. Elle se trouvait en plein centre de l’arène.
Elle se mit à reculer d’un pas hésitant tout en baissant honteusement la tête pour fuir les yeux circonspects braqués sur elle. Alors que les soldats se rapprochait d’elle et qu’elle envisageait de prendre ses jambes à son cou, elle reconnut le feulement de Laïfa. Une seconde après, le majestueux Laïggos se trouvait entre elle et les soldats à l’entraînement.
- C’est ainsi que vous saluez Son Altesse la princesse Katani ? Garde-à-vous ! s’exclama Rafa d’une voix puissante.
Laïfa se recula. Toute trace de surprise avait disparu pour faire place à des hommes droits comme des i, le poing sur le cœur. Katani, toujours aussi mal à l’aise, réussit pourtant à leur rendre leur salut d’un hochement de tête.
- Vous pouvez retourner à l’entraînement ! tonna Rafa, d’un ton sans appel avant de descendre de sa monture pour se tourner vers la jeune fille.
Aussitôt, Laïfa disparut laissant une impression de grand vide à Katani.
- Suivez-moi princesse, je vais vous conduire à vos appartements, reprit le grand guerrier en posant une main rassurante sur son épaule.
Elle acquiesça en silence avant de lui emboîter le pas.
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