L'enchaînement
Je me lève de bonne heure, sortant discrètement de ma chambre, sans faire le moindre bruit. Je descends jusqu'au rez-de-chaussée, sur la pointe des pieds. Je me faufile dans la cuisine pour y grignoter quelque chose. Ayden est là, assis sur la table, comme s'il s'attendait à me voir.
– Bonjour.
Sa voix est empreinte d'une douceur que je n'aime pas. Je me remémore la dispute d'hier, je n'ai pas envie de lui parler, je veux seulement qu'il me laisse tranquille dans mes investigations. Toutefois, par politesse, je lui réponds :
– Bonjour.
Ma voix est moins sèche que je ne l'aurais voulu.
– Tu as bien dormi ?
– Oui, merci.
Je ne lui pose pas la question en retour, je sais qu'il a pour rôle de surveiller la maison la nuit. Je n'ai pas envie de lui tenir la chandelle alors je me tranche un bout de pain et sors le grignoter dans le jardin. Le soleil est déjà haut dans le ciel et, sur l'herbe tendre, la rosée s'est déposée en minuscules gouttelettes. Je suis assise sur la balançoire, les jambes dans le vide. Je fais des va-et-vient réguliers jusqu'à ce que les cordes se mettent à grincer. Je me laisse porter doucement, balancée par les allées et venues. Je savoure l'air caressant mon visage offert au vent. Je laisse les images monter en moi.
Les siamoises disparaissent, le concert de leurs pieds sur le carrelage me sépare de l'homme que j'aime. Sur ses lèvres s'épanouit un sourire. Je ne le comprends pas. Je n'arrive pas à saisir l'énigme qu'il m'impose. Quelqu'un me traine jusqu'au bureau du duc, il crie, il gronde, il me gifle et tout s'arrête là, dans le noir.
Je tombe de la balançoire. J'entends le martèlement de bottes, je ne sais pas si c'est la suite de mes souvenirs qui me rattrape ou si je suis dans la réalité. L'évidence s'impose à moi quand le visage plein d'appréhension de mon garde du corps se penche vers moi. Je me suis méchamment cognée et de ma tête coule un mince filet de sang qui vient s'égoutter sur mon front. J'oublie ma colère et la sienne. J'oublie que l'instant d'avant j'étais folle de rage contre lui au point de ne plus vouloir le voir, j'oublie que la veille il m'a jeté mon dessin au visage.
– J'y suis retournée. Les pièces s'emboîtent les unes aux autres. Je reconstruis mon passé.
– Séléné, où est-ce que tu es retournée ?
– Dans mes souvenirs, dans mon ancienne vie, chez le duc.
Un voile de tristesse passe devant ses yeux et s'y attarde un instant avant qu'il ne soit chassé comme une balle de paille par le vent.
Nous sommes assis devant le four de la cuisine. À cette heure-ci, les cuisiniers et cuisinières préparent en hâte le petit-déjeuner. Je n'ai pas faim. Ayden nettoie ma plaie avec grand soin et applique dessus une crème cicatrisante qui se mélange à mes cheveux.
– Qu'est-ce que tu as vu ?
– Tu dois me promettre d'abord de ne plus te mettre en colère contre moi sinon je te jure que je ne t'adresse plus jamais la parole.
– Je te le promets... du moins dans une certaine mesure.
Je me satisfais de cette réponse partielle. Une promesse un peu branlante, certes, mais une promesse tout de même.
– J'ai deux scènes complètes. La première, je danse dans une chambre avec le fils du duc. Ensuite viennent des siamoises qui nous regardent puis s'enfuient. On me traine dans le bureau du duc, il crie et me frappe au visage, quelqu'un entre et crie. Puis c'est le noir.
Il semble hésiter.
– Et tu as vu qui était entré dans ce bureau ?
– Non, je n'ai vu que des semelles avant de ne plus rien voir du tout. Je vais me reposer un peu et puis je compte y retourner pour savoir ce qui s'est passé ensuite.
– Je... je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée, Séléné.
– Pourquoi ?
– Comme ça... une intuition.
– J'ai oublié mes gants ! Si Monsieur Harnois me croise, il va m'arracher les yeux ! Il faut absolument que je remonte.
Je me lève d'un bond et quitte la cuisine en trombe. Je retourne sur mes pas et passe la tête dans l'embrasure de la porte.
– Merci pour tout, Ayden.
Une fois en haut, je couche par écrit ma dernière vision. Je note chaque détail. De la couleur du tapis jusqu'à celle des yeux des siamoises en passant par l'aspect des livres du bureau du duc.
Quelqu'un frappe à la porte. Je n'ai entendu aucun bruit de pas derrière la fine plaque de bois, si bien que je me demande si j'ai rêvé. Je me lève du secrétaire et ouvre la porte. Harmony se trouve sur le seuil tout sourire. La boîte d'échecs sous le bras.
– Prête pour notre petite revanche quotidienne ?
– Ho ! Non, Harmony, s'il te plaît pas aujourd'hui...
Il semble déçu et je me demande si je n'aurais pas mieux fait d'accepter. Le majordome est dans cette maison mon plus fidèle ami.
– Harmony, il faut absolument que je te parle et que je te montre quelque chose ! Je le fais entrer et il s'assoit avec nonchalance sur mon lit. Je farfouille dans mes documents jusqu'à ce que je trouve les croquis et le récit de mes souvenirs. Je lui tends les liasses pour qu'ils les lisent. Il me regarde avec des yeux ronds claquant de la langue, amusé.
– Je ne vais quand même pas lire tout cela Séléné, tu ne pourrais pas me faire un condensé ?
Je lève les yeux au ciel ! Je ne pensais pas que ce petit majordome pouvait être aussi exaspérant parfois. Mais bon, c'est Harmony, alors on lui passe tout...
Je lui résume la situation et toute l'histoire.
– La question que je me pose, c'est pourquoi est-ce qu'Ayden ne veut pas que tu poursuives tes recherches alors qu'il s'est avéré que ce sont bien des souvenirs ?
– Je n'en ai pas la moindre idée... À dire vrai, je ne m'étais même pas posée la question. Maintenant que tu me le fais remarquer, c'est vrai que c'est étrange. Je pense que je vais retourner au fond de moi pour découvrir ce qui s'est vraiment passé.
Je m'allonge sur le lit, un nœud à la place de l'estomac. Je ne sais pas si j'ai réellement envie de savoir ce qui se passe. Je ferme les paupières, me concentrant sur les images qui se succèdent dans ma tête. Il y a des pas lourds, des pas pressés puis des coups frappés en toute hâte. Mais tout cela n'est pas un souvenir, c'est la réalité. Je me lève d'un bond pour aller ouvrir.
– Séléné, vite habille-toi ! Le Maitre doit partir et il veut que tu partes avec lui.
– Partir ? Mais où ça ?
Maya fouille dans ma penderie en grommelant que telle ou telle chose fera l'affaire.
– Vous partez pour une garden party que Monsieur Harnois avait complètement oubliée.
J'enfile la robe derrière le paravent, pudique même en face de Maya. Cette dernière pouffe de rire comme si se cacher était la chose la plus incongrue qui soit. Elle dépose sur mes cils du mascara noir charbon, et transforme ma bouche en un petit cœur carmin, rendant ma peau plus blanche encore.
Je dévale les escaliers à la va-vite, deux par deux, en enfilant mes gants d'une main et dans l'autre une paire de chaussures sans talons. Maya s'évertue à nouer une ceinture rouge cramoisie autour de ma taille. Je pose le pied sur la dernière marche quand Monsieur Harnois surgit dans le hall d'entrée, Harmony sur ses talons. On attache le collier à la chainette d'argent. À son contact, ma peau semble se souvenir de tout, faisant resurgir la douleur du métal cisaillant la chair.
Je pars de la maison pieds nus, les chaussures à la main. Monsieur Harnois ne me fait aucun commentaire à ce sujet, mais je les enfile dès que je suis assise dans la spacieuse limousine. Ces dernières semaines, l'air s'est réchauffé, le soleil se place haut dans le ciel et les fleurs commencent à dépérir. L'été est au seuil de notre porte, dardant sur nous ses rayons enflammés.
Le jardin est immense, jouxtant une magnifique demeure en pierres taillées couleur crème. Un sentier nous mène dans un bois. Aux branches se balancent des lanternes éteintes. Au bout de quelques minutes à peine, nous débouchons sur une clairière grandiose. Délimitant un cercle vide en leur centre, les tables couvertes de nappes et les chaises se dressent. Je ne crois jamais avoir vu d'aussi beau jardin. Je comprends maintenant l'envie et parfois la jalousie des autres Exclus. Tintant au gré du vent, au côté des lanternes, de longs rangs de perles se frôlent. Sur chaque table, des couverts dressés, des bougies, des perles et des décorations raffinées. J'avise d'un regard la table où se trouvent les pâtisseries et les encas. Elle est à la fois immense et surchargée. J'ai l'irrésistible envie de goûter à tout, de mordre dans chaque toast. Mais je ne le ferai pas, non pas parce que quelqu'un m'en empêcherait, mais par ce que je risque de tomber malade tant il y a de diversité.
Je me tourne vers Ayden, je me rends compte que lui non plus ne reste pas indifférent à une telle splendeur. En mon for intérieur, je souris. Je ne me suis pas rendu compte à quel point il était important pour moi de le voir heureux, et de le voir auprès de moi tout simplement. J'aime sa présence, j'aime son amitié et j'aime sa fidélité.
Le maître se dirige droit vers Doc, comme s'il n'avait que lui pour ami. Dans ces moments-là, je me sens mal à l'aise. Comme si être la possession de cet homme me rendait aussi coupable du fait qu'il soit un pot de colle. C'est tellement magnifique que j'ignore complètement Doc quand celui-ci m'adresse une salutation mielleuse, ce qui me vaut un coup de coude dans les côtes de la part de mon garde du corps. Après tout quelle importance si Monsieur Harnois n'a rien remarqué !
Nous finissons par nous asseoir à une table sur le bord de la piste, bordée d'orangers. Leur odeur est enivrante. Je m'assieds à la gauche du maître, Ayden à mon autre côté. Ce dernier va remplir mon assiette tandis que je reste auprès de Monsieur Harnois, m'identifiant comme étant sa possession. Les petites pâtisseries sont exquises. Je dois lutter pour ne pas les avaler toutes d'un coup. Je ne prête aucune attention à Doc assis en face de moi, son regard posé sur ma personne. Je sais que son jour de gloire touche à son terme, je n'oublie en rien ma promesse.
Mon regard se fixe sur un point précis, par-delà la foule sur la piste. Je n'en aperçois que des éléments vagues et épars, mais je le reconnais. Le visage de mon dessin, celui qui me dit que je suis belle. Mon cœur palpite, une goutte de sueur dégringole dans mon dos et mes mains tremblent. Je l'ai retrouvé. L'objet de mon désir est à quelques mètres seulement de moi et je suis incapable de l'atteindre...
Sous la table, une main se pose sur mon genou. Ayden me regarde avec un air de mise en garde. Il a saisi ce vers quoi je regardais, il a compris et essaie de me dissuader en silence. Mon cœur se brise quand l'héritier du duché enlace par la taille une superbe jeune femme aux traits fins et à la beauté ravageuse. Mon âme se fend, mon être s'éparpille en un million d'éclats, au point que je doute de pouvoir les rassembler un jour. Je cherche désespérément son regard, mais pas une seule fois, il ne se pose sur moi. La colère, la jalousie et le désespoir se mêlent en moi, formant un mélange proche de la folie.
Je ne touche plus au contenu de mon assiette, tout me semble fade, comme si tout s'était transformé en cendres dans ma bouche. Même le parfum des fleurs d'oranger me semble sans intérêt. Je me détourne des conversations et regarde fixement mes genoux sous la table, les mains croisées en une supplication muette.
Je ferme les yeux, comme en une prière silencieuse. Je fouille les recoins de mon esprit. Je cherche ardemment à faire surgir les images de mon passé.
La douleur de la gifle me cloue au sol. Les motifs qui ornent le tapis dansent devant mes yeux. Ma vision est partiellement obscurcie par des taches sombres. Je lève la tête vers les bottes devant moi. L'homme met genou à terre. Je ne distingue pas son visage. Sa voix gronde comme un tonnerre.
– Je vous croyais plus courageux que cela, frapper une femme sans défense !
– Ce n'est pas une femme, ce n'est qu'une chose, un objet dont j'ai fait l'acquisition. J'en fais ce qu'il me plaît. Tu étais informé, n'est-ce pas ?!
La voix du Duc est menaçante, emplie de colère et de ressentiment.
– Il n'y a que vous pour ne pas vous en rendre compte. Il l'a séduite, l'a manipulée, jusqu'à ce qu'elle cède ! Ce n'est pas sa faute !
– Je t'interdis de me parler sur ce ton, je suis ton père et tu me dois le respect. Je ne permettrai pas que mon propre fils me reprenne devant une moins que rien.
– Vous n'avez pas le droit de parler d'elle ainsi ! Elle représente bien plus pour moi!
Un coup le frappa au visage. Puis s'ensuivit une lutte à bras-le-corps entre père et fils. Un bleu s'étala sur sa pommette, un filet de sang s'écoula de sa lèvre inférieure. Ayden. Ayden regarde son père comme jamais un homme n'a regardé son géniteur.
– Je vous interdis de la malmener de nouveau !
Je dévisage Ayden, la bouche grande ouverte. J'articule les mots qui me viennent à voix basse.
– Pourquoi ne m'as-tu rien dis !
Je suis en colère contre lui : il m'a caché quelque chose d'aussi énorme ! Il m'a menti par omission !
– Séléné, de quoi tu parles ?!
Ses lèvres bougent à peine, et le volume est si faible que je peine à l'entendre.
– C'est ton frère...
Sous la lumière des bougies, il pâlit. Il n'ose plus cligner des yeux comme si c'était la preuve de sa culpabilité. Il glisse un mot à l'oreille du Maître qui, absorbé dans sa conversation, ne se rend compte de rien. Me saisissant par la main, nous nous levons, direction un bosquet d'arbres dans les bois, de l'autre côté de la piste, non loin d'où se trouve le futur Duc Prévôt.
– Pourquoi ne m'as-tu rien dit ? Pourquoi m'as-tu caché une telle chose !? Quand je pense que, pendant tout ce temps, je te croyais digne de confiance, qu'il n'y avait pas de secret entre nous... Ce n'était que de la poudre aux yeux !
– Séléné, ne dis pas cela.
Son ton est geignant comme s'il était soudainement devenu souffrant. Comme une petite fille idiote, je me mets à pleurer menaçant de faire couler le maquillage que Maya a mis tant de précaution à poser.
– Je te faisais confiance et regarde ce que tu me fais !
– Tu n'as pas le droit de m'en vouloir, tu n'as que quelques cartes en main...
– Tu n'es qu'un menteur.
Le flot jaillissant de mes yeux semble ne jamais vouloir se tarir. Je continue de sangloter en silence, la tête baissée, cachée derrière mes mains.
– J'avais juste peur...
– Peur ? Mais bon sang peur de quoi ! Va-t'en, je veux que tu partes, je ne veux plus te voir...Dégage !
La douleur et la colère se fondent l'une dans l'autre. J'entends ses pas qui s'éloignent, lourds et résignés. Étrangement, j'aurais aimé qu'il s'accroche un peu plus, qu'il essaie de se défendre ou de plaider sa cause. Mais je lui ai demandé de partir et il est parti.
– Séléné ?
Je me retourne brusquement. Je n'ai pas entendu s'approcher de moi celui à qui appartient cette voix. Il est tout proche, à quelques mètres seulement.
Antoine Prévôt se tient devant moi, un bras posé contre le tronc d'un arbre. – Je... je croyais ne jamais te revoir...
Il ouvre ses bras devant lui pour m'inviter à m'y blottir. Je suis pourtant incapable de bouger, comme tétanisée par une peur irraisonnée.
– Tu ne te souviens donc de rien ? Doc avait dit vrai...
– Je commence à me souvenir peu à peu, de toi, de la maison et de tout ce qui s'y est passé.
Il s'approche doucement de moi, en silence comme s'il craignait de m'effrayer.
– Alors, tu te souviens de qui je suis pour toi... De ce que nous sommes l'un pour l'autre.
Je hoche la tête, à la fois heureuse et étrangement mal à l'aise.
D'une main, il caresse mes cheveux, de l'autre il m'attire à lui par la taille. Je suis raide contre lui, gênée de cette proximité. Peut-être est-ce dû aussi au fait qu'il soit à présent un homme marié.
– Tu as une femme.
– Cela ne change absolument rien à ce que je ressens pour toi. Ce n'était que par souci des convenances. Tu commences à te souvenir dis-tu ?
– Je t'ai cherché partout, je n'ai pas cessé de penser à toi depuis que la mémoire m'est revenue.
– Toi !? Ne la touche pas ! Je t'interdis de poser les mains sur elle, tu m'entends ? Je fais un bond en arrière, ne m'attendant pas à entendre une voix crier aussi près de moi. Ayden regarde son frère d'un air furibond. A cet instant, je ne pensais pas qu'une telle fureur pouvait habiter un homme à ce point.
– Ne la touche pas !
Un petit sourire narquois se peint sur les traits de l'héritier. Il m'attire tout contre lui, à la limite de la décence.
– Comme c'est mignon. Sinon quoi, tu veux te battre avec moi ?
– Éloigne-toi d'elle, tout de suite !
– Mais elle est très bien là où elle est, regarde, elle ne se débat pas. Je crois même que tu lui fais peur, petit frère. Entre le maître et le valet à ton avis qui choisira-t-elle ? Cela fait bien longtemps qu'elle a choisi n'est-ce pas ?
– De quel choix tu parles...?
Ma voix tremble, d'incertitude, de froid et de peur.
– Vois-tu, mon petit cœur, Ayden est fou amoureux de toi depuis qu'il t'a vue quand tu étais au duché. Il s'est épris de toi dès le premier jour, sans même te connaître. Il était fou de rage quand tu m'as choisi. Un fils de duc amoureux d'une Exclue, que peut-il y avoir de plus méprisable ?
– Ayden, est-ce que c'est vrai ? Est-ce pour cela que tu ne voulais pas que je retrouve la mémoire ?
– Tss... tss... que c'est décevant de ta part, je trouve cela vraiment petit d'éliminer ton concurrent ainsi. L'empêcher de se souvenir, n'as-tu donc aucun honneur ?
Mon garde du corps semble soudainement mal à l'aise, triste et complètement paumé.
– Vas-y... dis-le.
Sur son visage, la douleur se voit aussi clairement que la lune dans le ciel.
– Tu n'as jamais pu t'en empêcher n'est-ce pas ? Prendre tout ce que j'ai. Tu as tout eu et, quand j'ai vu Séléné différemment d'un objet, il a fallu que tu me la prennes aussi. Que tu la séduises, puis que tu fasses poser sa tête sur le billot.
Je ne sais plus qui croire. Je suis touchée par les sentiments d'Ayden ! Mais lequel des deux ment ? Ce dernier m'a déjà menti. Mais j'ai terriblement envie de le croire parce que malgré tout il reste mon ami.
– C'est inacceptable !
Pour la troisième fois, je sursaute. Monsieur Harnois, le regard empli de venin nous dévisage tous les trois.
– Vous lâchez mon bien !
– On se calme, on se calme.
Antoine Prévôt lève les mains de part et d'autre de sa tête en guise d'abdication.
– C'est décidé, je te renvoie à l'institut jusqu'à ce que tu sois calmée !
– Non, je vous en prie ! Tout mais pas cela ! Ne me renvoyez pas à l'institut, je ne ferai plus jamais de vague, je serai exemplaire. Tout ce que vous voudrez mais ne me renvoyez pas là-bas.
– On ne discute pas mes ordres !
– Maître, je vous en supplie ! Laissez-moi apaiser votre colère...
– J'ai dit que ma décision était prise, dès ce soir, tu partiras avec Doc ! Il fera les changements nécessaires et si tu te comportes bien, tu auras la chance de revenir.
Les larmes dégoulinent sur mes joues dégringolant jusque dans mon cou. À cet instant je sais que Doc a gagné la bataille. Je vais revenir à l'institut.
– Tu attendras ici qu'il vienne te chercher. Je ne veux pas que tu salisses mon honneur. Ayden, cette fois, j'espère que vous remplirez vos fonctions. Je suis très déçu, mais je suis prêt à vous accorder une seconde chance, ne me décevez pas cette fois !
– Alors tout ce que ton frère a dit, c'était vrai ?
Nous sommes assis tous les deux côte à côte sur une souche d'arbre. Les larmes ont finalement disparu de mon visage.
– Il a dit la vérité, dans une certaine mesure. Il ne reconnaîtra jamais sa jalousie maladive. Mais, quant à moi, j'ai dit toute la vérité. Si je t'ai caché cette information, c'est que j'avais peur de ce que tu pourrais penser. J'avais peur que tu ne le choisisses.
– Est-ce que j'ai pris conscience de tes sentiments quand nous étions au duché ?
– Je ne crois pas non : je ne t'en ai jamais parlé. Dès que mon frère a compris que je nourrissais des sentiments à ton égard, il s'est aussitôt mis à te séduire.
– Une fille comme moi devait être facile à embobiner...
– Détrompe-toi, il a mis presque une année entière avant que tu ne le regardes comme un allié. Mais c'était une erreur de ta part, la seule que tu aies jamais faite, et qui t'a coûté ton bonheur au sein d'une famille comme la nôtre. Le Duc traitait bien ses Exclus quand ils ne le contrariaient pas.
– Ayden, comment puis-je te croire ? Pourquoi est-ce que je te ferais confiance ?
– Pose-moi n'importe quelle question et je te promets d'y répondre avec la plus grande honnêteté. Antoine ne pense qu'à détruire famille, estime, honneur, carrière. Tout ce qu'il peut démolir il le fait, parce que c'est ce qui l'amuse. Pas une seule seconde il n'a été sincère.
– Je n'ai plus confiance en toi Ayden, je suis désolée.
– Comme c'est navrant...
Doc nous regarde d'un air faussement peiné.
– Alors on se retrouve ma petite Séléné...
Je le regarde, pleine de haine, de la morgue dans les yeux.
– Je vous crèverai ! Je vous anéantirai, vous écraserai jusqu'à ce qu'il ne reste absolument rien de vous.
– Quelle impétuosité ! Je sens que l'on va faire un travail formidable toi et moi...
Mon garde du corps regarde ses chaussures, gardant le silence. J'ai envie de le secouer, qu'il me vienne en aide, mais je n'en fais rien. Ma confiance en lui est sérieusement entamée et je ne m'attends pas à ce qu'il prenne ma défense. À vrai dire, il me déçoit énormément.
– Je ne viendrai pas avec vous.
– Je te demande pardon ?
– J'ai dit : je ne viendrai pas avec vous. Je resterai ici. Je m'en irai, j'irai quelque part, je ne sais pas encore où, peu importe. Mais je préférerais mourir plutôt que de retourner entre les murs de l'institut.
D'un geste brusque que je n'ai pas vu venir, il s'empare de la dragonne, tirant de toutes ses forces sur la mince chaîne d'or blanc. Mon cou en prend un sacré coup. Le collier entame ma peau et brûle mon épiderme. Je vois Ayden esquisser un geste dans ma direction, mais son bras retombe presque aussitôt. Je sais qu'il a envie de m'aider, mais il est trop faible pour le faire, il a trop peur. C'est un lâche. Une larme de frustration coule sur ma joue, dévalant dans mon cou, mouillant le collier de torture. Je tire de mon côté, la chaîne semble ne jamais vouloir céder. Je doute en cet instant qu'elle ne soit constituée que d'or et de pierres précieuses. Une simple chaîne se serait déjà brisée. Je rue, je tire, je recule, enfin, la dragonne rend l'âme me délivrant de mon oppresseur. Je me déchausse à la hâte et me mets à courir vers les bois. Je sens les branches me fouetter et les brindilles griffer la plante de mes pieds, mais je ne ralentis pas.
Ce qui reste de la chainette pend mollement dans mon dos. Derrière moi, j'entends des cris étouffés, des jurons et des menaces. Je tente de ne pas y prêter attention.
Ma robe s'empêtre dans des fourrés, en tirant violemment dessus je déchire la fine étoffe, mais cela n'a plus aucune importance pour moi. Comment une aussi belle soirée a-t-elle pu virer ainsi au cauchemar ? Je pense n'avoir jamais été aussi désespérée. Je ne veux pas retourner là-bas, j'y ai passé trop d'années pour savoir que c'est le dernier endroit sur terre où je voudrais être.
– Je te tiens !
Je sens que mon collier me retient en arrière alors que mes jambes, elles, continuent d'avancer. Je tombe en arrière, happée par la force exercée sur le collier. Je pousse un gémissement quand ma joue se retrouve collée au sol, par un genou me pressant contre la terre.
– Tu croyais m'échapper petite garce ? Je t'avais prévenue que tu ne m'échapperais pas. Tu es à moi et à personne d'autre !
J'essaye désespérément de ramper pour m'échapper, mais la pression est trop importante.
– Rampe autant que tu voudras, plus jamais tu ne m'échapperas. Si seulement tu avais été attentive à ma mise en garde, tu n'en serais pas là. Tu ne sais rien faire d'autre que te débattre. Tu ne sais pas ce que c'est que de te soumettre, n'est-ce pas ? Je vais t'apprendre ce que c'est que de devoir céder !
Je me suis mordue la langue, du sang s'écoule dans ma bouche et je le crache au sol. Je me sens vaincue. Il a peut-être gagné cette bataille, mais jamais je ne me soumettrai. Je ne serai jamais à cet homme, je ne me laisserai pas faire...
Il me tient par la boucle de mon collier. D'un geste violent de la main, il me force à me remettre debout. Je n'ose le regarder. Je suis épuisée par cette lutte. J'avise la clef qui pend à son cou et que Monsieur Harnois vient de lui remettre. La clef de ma libération, celle de cet étau qui enserre ma nuque. Je sais qu'il serait inutile de tenter quoi que ce soit pour le moment.
Nous ne repassons pas par la prairie où se trouvent les invités. D'un pas rapide et décidé, nous nous dirigeons vers la limousine de Doc. Avec un cri de rage, je tente de résister quand on me pousse dans l'automobile. J'essaie d'ouvrir la portière d'en face mais elle est verrouillée. Ils ont pensé à tout. Je me retrouve prise au piège dans la voiture bleue aux vitres teintées.
On me pousse avec violence. Je retrouve la moiteur de ma cellule, mes trois murs et sa grille. Je ne connais pas mon voisin d'en face, j'ai changé de place. Je ne suis plus au beau milieu du couloir, mais au dernier étage tout au fond, à côté des appartements de Doc. Cette proximité me donne froid dans le dos..
– Eh bien, te voilà de retour K0-8 ? Tu n'es pas restée bien longtemps dans ta nouvelle famille. Laisse-moi deviner, tu as fait ta méchante, hein ? Bah cela ne m'étonne pas. Hé ! Pedro viens voir qui nous est revenue hier !
– Ça alors qu'est-ce qu'elle fait là ? Je t'avais parié qu'elle ne resterait pas un an. Alors K0-8, qu'est-ce que tu nous as fait hein ? Qui as-tu mordu ?
Je grogne en me détournant de la grille. Je ne veux pas que l'on me parle comme à une petite créature dénuée d'intelligence.
– Hé ! On te parle ! Alors retourne-toi !
Je me retourne vivement et me projette sur la grille avec tellement de force que les deux hommes en blouse se reculent effrayés. Je leur montre les dents comme si je m'apprêtais à les mordre, dévoilant mes canines. Ils me regardent emplis d'horreur. Satisfaite de mon petit effet, je retourne me coucher en boule, sur ma paillasse.
Je ferme les yeux sentant la vision approcher. Je me détends, décrispant mes mains et relâchant mes épaules.
– Séléné, est-ce que ça va ?
J'ai les yeux remplis de larmes. En moi se mêlent frustration et trahison. Je pense que je ne me suis jamais bien entendue avec les sœurs siamoises.
Malgré tout, je leur en veux et je suis blessée. Ma tête roule sur mes épaules, mollement comme une poupée de chiffon. Glissant un bras autour de mes épaules et l'autre sous mes genoux, il monte les escaliers de service menant aux chambres sous le regard haineux du duc. Il m'assoit dans le petit salon des Exclus.
– Je ne le laisserai plus te toucher Séléné, je te le promets.
– Évidemment qu'il ne la touchera plus, il ne va pas la garder qu'est-ce que tu crois ?
Un son guttural s'élève de la gorge de mon ami. Un son à la fois effrayant et protecteur.
– Je te déteste. Tu savais qu'un jour vous alliez être découverts. Tu n'avais qu'une idée, c'était de la faire chasser.
– Tss... tss... La faire chasser ? Pas exactement, j'avoue en attendre un peu plus que cela.
– Antoine ?
– Oui, mon cœur ?
Le même sourire s'épanouit sur ses lèvres minces.
– Je ne comprends pas...
– C'est pourtant très simple. Je t'ai séduite, j'ai joué et je me suis lassé. Je n'ai peut-être pas eu le temps de te mettre dans mon lit, mais voir tes pupilles emplies d'admiration m'a suffi.
– Tu... tu ne m'aimes pas, n'est-ce pas ?
– Écoute moi bien, petite chose sans cervelle, je ne t'ai jamais aimée, ce n'était qu'un jeu distrayant. Comment une personne saine d'esprit pourrait aimer quelque chose comme toi ? Ta vie n'a aucune valeur, tu n'es rien. Mais rassure-toi, tout ceci est bientôt terminé.
Je suis heureuse de me trouver dans les bras d'Ayden, je me serais sans doute effondré si je ne m'y trouvais pas.
Je suis prise de remords. Ayden avait raison et la dernière chose que je lui ai dite, c'est que je n'avais plus confiance en lui. Je regrette tellement ce que j'ai fait. Partout sur mon cou, des traces de la veille et des ecchymoses sont apparus. Tout mon corps est douloureux gardant dans ses fibres les souvenirs d'hier. J'avais oublié à quel point ces pièces sont froides et humides. Je n'ai qu'une envie, me pelotonner dans un coin et dormir pour l'éternité. Mais c'est impossible, je dois faire payer Doc pour ce qu'il nous a fait. Pas seulement à GP-2 mais aussi à tous les Exclus.
– Alors, Séléné, prête à sortir de ta cellule ou tu vas encore te mettre à griffer et à mordre ?
– Je vais lutter ! Rentrez bien ça dans votre crâne, Doc ! Je lutterai toujours.
– Eh bien, messieurs, préparez le tranquillisant.
Deux hommes en blouses blanches entrent dans ma cellule. Je me tapis au fond dans un coin sombre en grognant. Ils s'approchent, les mains tendues devant eux en signe d'apaisement. Je les vois s'échanger des regards à la fois confiants et inquiets. Derrière eux, Doc, les bras croisés, observe la scène.
Quand ils ne sont plus qu'à quelques mètres de moi je saute à la gorge de celui de droite et le mords à la clavicule. J'envoie le plat de ma main en plein dans le sternum de son coéquipier et retourne me tapir dans un angle de la cellule. Je les regarde se remettre doucement de leurs blessures. Doc voulait du spectacle, il va en avoir.
Ils s'approchent de moi avec la seringue en avant comme si c'était un talisman qui pouvait les protéger de ma fureur.
– Doucement, K0-8.
Doucement ? C'est à moi qu'ils disent doucement ? Je fonce tête baissée dans le ventre de celui qui vient de parler jusqu'à le propulser contre la porte métallique. À ce moment-là, je sens l'aiguille traverser mes vêtements et se planter dans ma chair. Son venin se propage en moi. Je lutte contre le sommeil mais en quelques secondes il s'écroule sur moi comme une chape de plomb. J'attaque et donne des coups à l'aveuglette. Mes yeux se ferment doucement tandis que mon corps s'embrume dans un brouillard épais. Quand une main se pose sur moi je trouve le courage de me retourner et la mords avec mollesse. Je perçois à peine le juron qui flotte dans l'air. Je m'abats sur le sol, comme sur du coton. Puis le noir vient m'engloutir.
Une lumière aveuglante inonde mon cerveau, déchire l'obscurité. Elle se déplace d'un hémisphère à un autre.
– Elle reprend connaissance, Monsieur.
Je sais que mes yeux sont ouverts, seulement, il n'y a que cette lumière persistante. Je tente de la chasser d'un battement de paupières, mais rien n'y fait.
Enfin, je vois une main tenant une petite lampe, des doigts qui claquent contre mes oreilles, d'autres qui prennent mon pouls. Je frissonne, reconnaissant le bloc des expériences. Je ne veux pas recommencer ces séances de torture. La peur doit se dessiner sur mon visage car Doc essaie vainement de me rassurer.
– Ne t'inquiète pas, aucune expérience aujourd'hui. Nous allons juste discuter si tu le veux bien.
Je secoue les poignets, je suis attachée à la table. Je déteste me sentir prisonnière de liens, je me sens terriblement vulnérable.
– Détachez-la, qu'elle se mette à l'aise.
Je lui lance un regard noir, comme si j'allais prendre tranquillement mes aises dans cette salle de torture...
– Alors comme cela, tu as des souvenirs ?
– Non.
– Si, tu as des souvenirs puisque tu t'es rappelée d'Antoine Prévôt.
– Non.
– Alors pourquoi es-tu venue le voir ?
– C'est lui qui est venu me voir.
– Peut-être, mais tu te souvenais de ce qui s'était passé entre vous et qui a causé ta venue ici la première fois.
– Non.
– Séléné fait un petit effort pour dire autre chose que non d'accord ?
– D'accord, je vous déteste Doc.
Il eut un petit sourire amusé, comme si une petite fille venait de lui tirer la langue ou de lui faire un pied de nez.
– Je veux la vérité, quand as-tu eu ton premier souvenir ?
– Je n'ai eu aucun souvenir. Après tout, n'avez-vous pas effacé ma mémoire comme à tous les autres ?
– Si, mais depuis le début, tu es différente, il est possible que les choses aient mal fonctionné pour toi.
– Je n'ai pas eu de souvenir.
– Tu as décidé de tout nier en bloc, n'est-ce pas ? Cela ne sert à rien, j'ai eu l'occasion de discuter avec Monsieur Prévôt fils. Il m'a dit que tu lui avais avoué te souvenir de lui...
Je ne perds pas mon assurance, même si je suis obligée de reconnaître qu'il a raison.
– Oui, c'est vrai, je me suis souvenue de lui.
– Pourquoi ?
– Pourquoi pas lui ? Pourquoi un autre ?
– Quand as-tu eu ton tout premier souvenir ?
– Je ne vous le dirai pas.
– Je cherche à comprendre, comment tu as pu échapper à l'oubli. Je suis pourtant très soigneux...
– C'est pour cela que vous n'essayez pas de laver mes souvenirs ? Parce que vous savez maintenant que j'ai le pouvoir de les faire revenir ?
– Comment les fais-tu revenir Séléné ?
– Par la seule force de ma volonté.
– Fais revenir les images Séléné, fais-les revenir.
– Je ne vous obéirai pas.
– Pourquoi ?
– Parce que vous comptez vous en servir contre moi. Contre nous tous les Exclus. Si il y a la moindre chance pour qu'une autre personne puisse se souvenir alors je vous empêcherai de remédier à ça.
– J'aime ta colère, elle nourrit ton être entier, te donne la force de te battre. Mais quand je te l'enlèverai, cette colère, tu ne seras plus rien.
– Pourquoi moi ? Pourquoi me gardez-vous ainsi recluse dans votre institut ?
– J'ai toujours eu tout ce que j'ai désiré, que ce soit les objets, les situations ou les personnes. Quand je demande quelque chose on me l'accorde systématiquement. Si on me le refuse dans un premier temps, ça ne dure jamais. Tu ne dérogeras pas à la règle. Tu es de loin le spécimen le plus intelligent et le plus étrange que je connaisse, et j'en ai connus, crois-moi. Aussi quand je dis que tu seras ma plus proche collaboratrice, tu seras ma plus proche collaboratrice !
Il insiste sur ces derniers mots, faisant couler en moi une insinuation qui ne me plaît pas du tout.
– Vous êtes trop sûr de vous Doc, c'est ce qui causera votre perte, ne me sous-estimez pas. Je suis plus dangereuse que j'en ai l'air.
Il triture un stylo dans ses mains. Pas par nervosité mais plutôt pour manifester son ennui. Eh bien, qu'il se moque ce serpent ! Il ne rira plus très longtemps... Je saisis les porte-crayons et les lui jette au visage, mais il les esquive de justesse. Il part d'un rire amusé, comme si j'étais la personne la plus drôle au monde.
– Je crois que tu commences à t'énerver et que tu as très envie de retourner dans ta cellule.
Je montre les dents pour lui faire comprendre qu'à la prochaine remarque, je me jette sur lui pour le mordre. Il déglutit avec peine. Les deux hommes en blanc qui se tiennent au fond de la pièce s'avancent pour me saisir par les bras. J'envoie mon coude dans l'estomac de l'un pendant que l'autre me tord le poignet, m'arrachant un cri de douleur. Je lance un regard noir à Doc.
Une ombre semble passer sur son visage rasé de frais. Je me délecte quelques instants de ce trouble, avant que l'on me fasse quitter la pièce.
La séance est terminée, mais je n'en ai pas fini avec lui. J'entrerai dans le repos seulement quand il sera hors d'état de nuire.
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