X- De la deuxième expérience

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 La tente du Capitaine était deux fois plus grande que celle des recrues. Elle contenait au fond, son lit de camp, un tabouret et une bassine pour les ablutions tout identiques aux miens. Quant à l'espace supplémentaire, il était occupé par une table en bois large pour permettre qu'une carte soit déplié dessus. Quand nous sommes entrés, le Capitaine était penché au-dessus et regardait avec perplexité les pions bruns, clairs ou foncés. C'était une carte tactique où les pions représentaient des unités et le Capitaine réfléchissait à leurs mouvements.

Il demanda sans même nous regarder nous mettre en face de lui autour de la table :

"Quelles nouvelles de la bataille au sud ?

- Heureuses, mon Capitaine, mais pas bonnes. Le chevalier lui répondit sur un ton qui ne voulait pas être dramatique. Il expliqua ensuite ses mots. La victoire est nôtre mais elle n'est pas décisive, la bataille a vite tourné en notre faveur et l'ennemi s'est replié sans chercher à renverser son cours. Alors ils sont encore une menace.

- Ce n'est pas heureux en ce cas. Sortit le Capitaine dans un soupir, sa perplexité ne faisait qu'augmenter.

- Ce n'est pas tout.

- Je vous écoute."

Comme je ne saisissais pas l'enjeu de la discussion, je n'écoutais pas ce qu'il se disait et j'observais les micros gestes que faisaient les deux militaires. Je sentais dans l'air une relation bizarre entre les deux. Le Capitaine n'était pas heureux de voir le Chevalier, ceci était certain. Le Chevalier, lui, voulait imposer quelque chose que je ne saurai dire encore. C'est pourquoi il a sorti "mon Capitaine", pour l'étiquette. Mais en réponse, le Capitaine aurait dû, ici, finir sa réplique par "Chevalier" ou juste "Sir", ce qu'il n'a pas fait. A cette absence, j'ai relevé un infime mouvement de frustration de la part dudit Chevalier. Mais il ne le montra pas plus que cela et continua la discussion avec un sourire. Certes, le sourire était de façade pour une raison plus grave, les nouvelles n'étaient pas bonnes pour Elk.

- Cela vient du Royaume d'Elec. Il a rejoint la guerre comme vous le savez, ses troupes ont enfin bougé de la frontière. Elles ont pénétré par la route de Lazuli. L'armée pourrait arriver à.

- A joindre ses forces à celle du Royaume d'Orl. Le replie précipité à la bataille était en fait préparé depuis longtemps ! Le capitaine finit de dire cela dans une rage et tapa du poing pour le signaler.

- C'est ce que je crains. Dit le Chevalier sur son ton calme.

- Sait-on où se trouvent les deux armées précisément ?

- Oui, dans trois jours elles seront devant Elk, une venant de l'ouest, l'autre du sud.

- Bien sûr... c'est ce qu'elles ont de plus simple à faire. Le capitaine se releva droit et nous fixa une seconde. Le Chevalier attendit celle-ci avant de lui tendre deux feuilles.

- Voici les deux traités. Le Capitaine les prit et les lu l'un après l'autre pour les signer de son sceau.

- Qu'ainsi soit-il."

 Je ne comprenais pas la situation dans ses détails mais je visualisai l'urgence, Elk sera assiégé dans trois jours. Et puis il me vint quelque chose.

"Le village de mes parents, il se situe où ? J'osais demander, parce qu'une panique m'envahit subitement.

- A l'ouest, mon petit. Répondit le Capitaine concentré de nouveau sur sa carte.

- Alors...

- Ne t'en fais pas Arn, nous y allons aujourd'hui."

Des paroles simples, rapides et efficaces. Les mots du Chevalier calmèrent directement mes émotions. Après quoi je repris tout à fait la maîtrise de moi et après avoir eu le courage de parler, la seconde fois fut plus simple :

"Qu'est-ce que je fais ici ?

- La question à le mérite d'être directe. Dit le Capitaine en levant les yeux. Il me sourit largement mais laissa le Chevalier répondre.

- Il fallait que tu sois mis au courant. Tu pars avec moi tout de suite après notre discussion et tu risques de ne plus revoir notre Roi avant bien longtemps.

- Le Roi ? je fis, étonné... puis je compris de qui le Chevalier voulait parler. J'ai jetté un oeil sur l'allure des sceaux mis au bas des feuilles pour me confirmer. Je crois que le Chevalier me vit faire, c'est pourquoi il laissa ma question sans réponse.

- Ensuite il faut t'éclaircir sur deux ou trois points. Tes camarades de l'entrainement sont les futurs gardes royaux, ils sont tous originaires d'Elk et volontaires mais ils ne savent pas pour quoi. On ne peut plus engager quelqu'un à la capitale, les assassins sont trop présents. Et tu as joué le rôle du Roi dans les formations.

- D'a...ccord. J’acquiesça. J'ai donc joué le "Roi", non l'"Elu". Cela me libérait d'une certaine apprehension. Mais j'étais un peu fâché d'être comme un pantin.

- La situation de notre Royaume est critique. Son territoire est très diminué et nous vivons en ce moment-même un temps de folie de guerre, les quinze Royaumes de la Terre d'È se sont donné le mot et tous les voisins s'attaquent en même temps. Notre salut réside probablement dans notre capacité à tenir nos positions, Elk en est une. Tu vas m'aider pour cela. Ton père aussi par la même occasion.

- Il va falloir partir. Signala le Capit- le Roi.

- Très bien. Arn, je te donne une minute pour aller chercher tes affaires.

- Je n'ai que ce que j'ai sur moi !

- Alors en selle !"

Le Chevalier n'avait pas quitté son sourire. Après lui avoir répondu, son visage s'éclaira de manière franche. Avant de partir, il salua l'hôte de la tente.

"Mon Capitaine. Et je fis pareil, je ne savais pas pourquoi le Chevalier appelait le Roi "Capitaine" mais j'avais quelques raisons à cela.

- Mon Capitaine.

- Chevalier, Arn, que vôtre route soit longue."

 Le Chevalier monta sur son destrier, me fis monter ensuite et dit une dernière chose au Roi.

"Vous avez une journée pour apprendre à ces recrues, il dit cela en montra du regard lesdites recrues qui venaient par petits groupes se rassembler puisqu'il devait être pas loin de six heures, à donner des ordres puis demain vous allez à Elk pour faire fuir la population. Notre seule solution est le repli des femmes et des enfants sur la capitale. Vous rentrerez chez vous avec eux. Le Chevalier Nonn vous attend."

Le Capitaine-Roi acquiesça. Le Chevalier fit faire demi-tour à sa monture et nous partions à vive allure. Notre chemin était le même que nous avions fait il y a deux semaines, en sens inverse. Durant le trajet je me mis à réfléchir à un détail assez anecdotique par rapport à tout ce que j'avais vu, entendu et fait pendant ce camp militaire : le Chevalier Rollon semble tout faire ici, tout le monde le connait, il ordonne et dirige et tout le monde obéit, même le Roi. Qui est-il ?

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