052 La mine de Tampiro
Steve et Rob sortirent de la cabine du monte-charge. Steve, nerveux, essaya de s’orienter, essayant de déterminer dans quelle galerie Christa s’était aventurée. Rob, de son coté, commença à faire le tour des installations, en quête d’un sabotage quelconque. Le mineur qui les accompagnait fit un signe à Steve.
— Elle a du aller dans la troisième galerie.
Le mercenaire fit signe qu’il avait compris, et partit à grands pas. Il arriva bientôt à une fourche. Il hésita, mais vit qu’un fil électrique courant sur le sol partait à gauche. Il le suivit. Quelques coups de marteau qui résonnaient sur la roche lui confirmèrent son choix. Il déboucha sur le dernier tronçon de la galerie, où un éclairage supplémentaire avait été installé. Il aperçut d’abord du matériel qu’il avait déjà vu sur Solera, puis, derrière celui-ci, une silhouette qu’il reconnut tout de suite.
— Christa !
Elle releva vivement la tête et la stupéfaction se peignit sur son visage lorsqu’elle identifia le visiteur.
— Steve ! Qu’est-ce que vous faites ici ?
— Il faut remonter tout de suite !
— Quoi ?
— Le Président s’en est pris à Ruslan et à Hugues. Des sabotages à l’explosif. Il faut vite sortir de cette mine. Mes hommes vont la passer au peigne fin.
La jeune femme pâlît.
— Ça ne va pas recommencer ?
— N’ayez crainte, je prends les choses en main...
Il fut interrompu par un appel de Rob sur son oreillette.
— Patron ? Restez où vous êtes, le plus loin possible du puits. J’ai trouvé l’explosif, mais le compte à rebours est parti dès que j’ai effleuré le mécanisme. Vous n’avez pas le temps de revenir, ça va péter d’une seconde à l’autre.
— Et toi ?
— On est en train de remonter de cinq niveaux et on va foncer dans une galerie. Je préviens la surface pour qu’ Erin prenne le commandement.
— Bien reçu. Protège-toi.
Steve se précipita vers Christa, la pris par le bras et l’emmena jusqu’au fond de la galerie. Inquiet, il vérifia les étais, puis il lui demanda de s’accroupir dans un coin. Elle s’assit, le dos à la paroi, la tête entre les bras. Il se mit devant elle, son corps faisant écran.
Il entendait la respiration oppressée de la jeune femme. Il la sentait trembler. Il voulut prononcer des paroles de réconfort, il n’en eut pas le temps. La lumière s'éteignit brutalement. Ils entendirent un grondement lointain, puis le sol et les parois se mirent à trembler. Des débris se détachèrent du plafond de la galerie puis des craquements sinistres retentirent. Tout sembla s’écrouler. L’air, saturé de poussière, devint irrespirable. Steve eu l’impression d’être violemment poussé dans le dos. Il s’effondra, écrasé. Il voulait lutter, mais il était à bout de souffle. Un voile rouge passa devant ses yeux, et il perdit connaissance.
Lorsqu’il repris conscience, il essaya de se relever, en vain : il avait l’impression qu’une main de géant le plaquait au sol au niveau du bassin. Il pouvait seulement bouger la tête et le haut des épaules. Puis il entendit une voix, qui chuchotait près de son oreille. Il ne comprit pas tout de suite. La voix insistait. Il se rappela alors ce qui avait précédé son trou noir. Il murmura :
— Christa...
— Ah quand même. Monsieur Maroco vous exagérez, Je ne vous ai jamais autorisé à poser votre tête sur mon ventre.
Ah bon ! C’était son ventre ? Il eut un instant envie de laisser aller sa tête sur ce coussin ferme et doux. Puis, il se rappela l’explosion, et la lucidité lui revint progressivement.
— Vous êtes blessée ?
— Je ne crois pas mais comme je suis en partie coincée par... par vous je n’en suis pas sûre. Et vous ?
— J’ai mal au bas du dos. Quelque chose m’écrase… Je…
Il s’interrompit. Sa respiration s’était accéléré. Il lutta pour enrayer le début de panique qui montait en lui. Il reprit avec peine :
— J’ai du mal à respirer…
— Arrêtez de souffler comme un phoque, vous bouffez toute notre oxygène.
— Vous croyez que l’on va en manquer ?
— Je ne sais pas, ou alors on aura trop d’oxyde de carbone. Aie !
— Désolé. J’essayais de dégager un bras, mais ça ne marche pas. Au fait, puis-je poser ma tête sur votre ventre ?
— Et voilà : vous, les hommes, vous ne pensez qu’à une chose : bloquer les femmes dans les coins et en profiter pour vous permettre des gestes déplacés.
— Ne me faites pas rire, ça me fait mal dans le dos.
Ils se turent un moment et il sembla à Steve que l’obscurité était encore plus totale, plus désespérante. Il repensa à la réflexion que lui avait fait Christa, quand il avait repris connaissance. D’ailleurs, il ne pouvait pas ignorer son ventre juste sous sa tête. Il essayait de ne pas la faire peser sur lui mais ses muscles du cou fatiguaient.
— Christa ?
— Oui ?
— Vous n’avez pas peur ?
— Mais de quoi mon Dieu ? Je suis confortablement installée, un bel homme me protège galamment de son corps. Tout baigne.
— Vous n’êtes pas sérieuse.
— Si j’étais sérieuse, pour le coup j’aurais peur.
Christa sentit que Steve essayait de se dégager. Il lui faisait mal mais elle réussit à ne pas gémir. Heureusement, il coupa ses efforts rapidement.
— Reposez-vous, ça ne sert à rien de s’agiter. Nous ne nous dégagerons pas tout seuls. Il faut patienter, les secours vont arriver rapidement. Et en attendant, nous devons nous économiser au maximum.
Steve émit un petit ricanement.
— Vous ne croyez pas que ce serait plutôt à moi de vous rassurer ?
— Ne placez pas votre susceptibilité au mauvais endroit. Nous sommes dans la même galère, alors autant se supporter l’un l’autre. A propos, laissez aller votre tête sur mon ventre. Je plaisantais tout à l’heure, et vous allez attraper un torticolis.
Ils restèrent un long moment sans parler. Puis il se remit à bouger convulsivement. Elle essaya de le calmer.
— Steve ! Du calme, ça ne sert à rien…
A bout de souffle à nouveau, il s’arrêta. Elle sentit sa tête peser sur son ventre. Du bout des doigts de la main gauche, elle arriva à lui caresser les cheveux. Il émit un petit couinement, puis elle se rendit compte qu’il tremblait. Elle glissa un doigt le long de sa joue, et sentit des larmes couler sur sa peau. Ce désespoir brutal, chez ce combattant endurci, l’émut.
Elle se mit à lui chuchoter des phrases d’encouragement, puis, sans savoir s’il l’écoutait, elle évoqua les lieux où elle avait passé son enfance, la maison de ses grands-parents à la campagne, avec le ruisseau au fond du jardin, les cerises qu’elle allait manger sur l’arbre, leur chien, un bâtard roux qui la suivait partout. Et soudain, elle n’était plus coincée au fond d’une galerie à plus de deux cents mètres sous terre, mais elle courait dans les champs, avec Brutus sur ses talons, sous un grand ciel bleu et un soleil éclatant.
Elle avait du sommeiller un moment mais un bruit l’avait réveillée. Elle tendit l’oreille : oui, pas de doute, quelqu’un essayait de déblayer la galerie. Folle de joie, elle appela. Mais sa voix ne portait pas, sa bouche était pâteuse, elle avait des vertiges. Sur son ventre, la tête de Steve était lourde. Soudain elle eut peur qu’il soit mort. Elle lui agrippa les cheveux de sa seule main libre, et le secoua. Il ne se réveilla pas, mais émit un râle. Il était vivant.
Les bruits reprirent, plus fort, puis cessèrent. Brusquement, elle eut l’idée de saisir une pierre, et de frapper la paroi avec. Elle se rappelait avoir lu un roman, où les héros, dans la même situation qu'elle, avaient agis ainsi pour guider les secours. Elle s’acharna, jusqu’à ce qu’épuisé son bras retombe de lui-même. Mais le bruit avait reprit. On allait les délivrer. Il fallait tenir encore un peu. Elle essaya de se concentrer, mais sa tête était lourde et douloureuse, ses oreilles bourdonnaient. Dormir quelques minutes, quelques minutes seulement…
Elle sentit un courant d’air froid, puis un soleil éblouissant lui poignarda les yeux. Quelqu’un lui parlait. On lui appliqua un masque sur le visage, elle aspira goulûment l’oxygène puis toussa. On lui écarta le masque, pour laisser passer la quinte, puis on le lui redonna. Elle essaya de réguler sa respiration, mais c’était dur, elle était si fatiguée.
Soudain une pensée traversa son esprit. Maladroitement, elle essaya d’écarter le masque, et prononça « Steve ». La voix lui expliqua que l’on s’occupait de lui, que c’était fini, qu’ils étaient sauvés. Alors elle se laissa aller. Elle sentit qu’on lui faisait une piqûre au bras, puis elle sombra dans le sommeil.
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