080 Joyeux Anniversaire
Christina fêtait son anniversaire ! Quatre ans déjà. Pour l'occasion, Christa et Steve avaient conviés leurs amis les plus proches à venir passer une journée à la maison. Le temps étant beau et chaud, tout le monde allait pouvoir s'installer sur la terrasse où une grande table avait été dressée. La première arrivée fut Erin. Elle avait apporté une bouteille de vin, un cru très apprécié par Steve, un bouquet de fleurs pour la maîtresse de maison et, bien sûr, un jeu pour la petite princesse : c'était quand même elle l’héroïne de la journée. Christa escamota le cadeau d'anniversaire pour que sa fille ne le voit pas.
— La distribution aura lieu à la fin du repas, sinon elle va vouloir jouer au lieu de manger.
— Comme tu veux, c'est toi la grande ordonnatrice des festivités.
Christa fit une grimace de contrariété.
— C'est vrai que si je compte sur Steve... Installe-toi dans un relax, le temps que tout le monde soit là.
— Alors là pas question ! Ces sièges trop confortables sont pour moi une vrai torture : je ne supporte pas d'y rester plus que quelques minutes. Ne rien faire et rester là à contempler le ciel ? Moi ? Tu n'es pas sérieuse. Je t'accompagne en cuisine, un point c'est tout..
— Si tu veux, mais seulement pour me tenir compagnie : pas question de travailler pour toi aujourd'hui, tu es mon IN-VI-TEE. Compris ?
L'insistance sur le qualificatif « invitée » fit sourire la mercenaire.
— Entendu, je ne me préoccuperai que de la sécurité !
— C'est cela – grommela Christa – dis tout de suite que ma cuisine ressemble à un champ de bataille.
— Je me garderai bien de te critiquer dans un domaine où tu es bien plus compétente que moi. Je parlais de virer tout individu qui, abusant de boissons alcoolisées, constituerait un bien mauvais exemple pour ma filleule.
— Cela m'étonnerait fort que tu ais du soucis à te faire à ce sujet : ma copine Celia est enceinte, et son mari Andrew se montre solidaire en restant sobre, pour ne pas lui faire envie. Par contre, Ben... Je n'en dirais pas autant. Mais, depuis que nous sommes ensemble, je n'ai jamais vu Steve saoul, tout au plus un peu... échauffé.
— Qu'est-ce que l'amour ne fait pas faire !
Surprise, Christa arrêta de touiller et se retourna vers son amie.
— Que veux-tu dire par là ?
Sa réaction fit sourire Erin.
— Bah, tu imagines bien qu'un mercenaire jeune et d'un bon tempérament se laisse facilement tenter par une bonne bringue, mais bien sûr jamais pendant une mission.
La cuisinière réfléchit.
— A ce sujet, dis moi dans le creux de l'oreille, il ne faisait quand même pas que boire dans ces moments-là ? N'y avait-il pas quelque chose de prévu pour... le repos du guerrier ?
— Hum... joker !
Les deux femmes rirent. Steve entra dans la cuisine, l’œil soupçonneux.
— Je peux savoir ce qui vous amuse tant ?
Christa lâcha sa casserole pour lui caresser la joue.
— Mais toi mon amour, bien entendu. De quoi peuvent donc parler deux femmes dont l'une est l'épouse du chef et l'autre son bras droit ?
Steve ne sut trop quelle attitude prendre.
— Et je peux savoir ce qu'elle a raconté sur moi de si drôle ?
— Tu n'y es pas, c'est justement ce qu'elle n'a pas dit qui était drôle.
Erin retint un fou-rire pour ne pas vexer Steve. Celui-ci haussa les épaules.
— Nos invités arrivent. Je viens chercher un jus de fruit pour Ania et des glaçons pour l'apéritif.
— Vas-y doucement avec Ben, tu sais comme il dépasse vite la mesure.
— Oh ce que les femmes peuvent-être rabat-joie !
Christa haussa les épaules en lançant un regard désabusé à Erin.
— Tu n'as pas vu Celia et Andrew ?
— Si, ils garaient leur voiture. Vu son état, il faut presque dix minutes à ta copine pour s'extraire du véhicule, surtout que c'est un coupé sport.
— Oh, c'est méchant ça ! De toute façon ils vont bientôt devoir en changer: pour un bébé il faut une troisième place, et surtout un grand coffre pour tout le matériel que l'on doit transporter.
Steve ressortit. Deux minutes plus tard une voix fraîche interpella Christa.
— Coucou, c'est moi !
— Salut ma grande ! Et bien dis-donc, tu as encore grossi ! Je ne croyais pas que ce soit encore possible.
— Ne m'en parle pas, j'ai l'impression de porter des triplés. Pourtant, à l'échographie ils n'en ont vu qu'un.
Les deux amies se firent la bise. Erin, plus discrète, se contenta de serrer la main à la nouvelle arrivante. En présence de ces mères ou futures mères, elle ne se sentait pas à l'aise. Leur papotage ravis sur un ventre énorme ou tout autre symptôme de la grossesse, l'impudeur avec laquelle elles en parlaient la gênait comme si elle était une voyeuse... ou un homme ! Elle préféra aller faire un tour sur la terrasse. Les invités s'étaient installés sous les frondaisons, dans des relax ou des fauteuils de jardin.
Celia était une amie d'université de Christa et était enceinte de huit bons mois. Ben, quand à lui, était un ancien client de Steve. Les deux hommes étaient devenus amis. En dehors de ces deux couples et bien sûr d'Erin et Hugues, Christa et Steve n'avaient pas de fréquentation sérieuse.
Erin se demanda ce que faisait Hugues. Ce n'était pas son style d'arriver en retard. En fait il était bien là. Christina se l'était accaparée dès son arrivée, et lui racontait tous ses petits secrets. Il écoutait la fillette avec l'attention et le sérieux qui convenaient.
Il était temps de passer à table. Christa plaça ses convives :
— Celia et Andrew, installez-vous ici. Je sais très bien que le futur papa ne peut pas s'éloigner du ventre de sa femme. Il lui faut vérifier en permanence si le bébé est bien vivant et qu'il bouge vigoureusement.
— Je m'en passerais bien aujourd'hui – protesta Celia - J'aimerais bien qu'il m'oublie une heure ou deux, qu'il fasse un gros dodo pour que je puisse apprécier ton repas, parce que ça sent rudement bon dans ta cuisine.
— Ben, tu t'installes ici, à coté de Steve, Ania tu t’assois de l'autre coté et tu les surveille tous les deux. S'ils ne sont pas sages, tu me préviens que je sévisse.
Ben protesta.
— Dis-moi Steve, ça lui arrive de te lâcher la grappe ?
Le mercenaire sourit mais par prudence ne répondit pas.
— Bon, reste le cas du dernier « couple », Erin et Hugues.
Tout le monde rit, sauf les intéressés.
— C'est le jour de Tina, alors elle va présider en bout de table. Le parrain et la marraine vont s'installer de part et d'autre de la princesse. Après tout, il faut bien qu'ils remplissent leur rôle.
Pendant ce temps Christina tournait autour de Celia, très intriguée par sa corpulence inhabituelle. La future maman pris la main de la gamine et la posa sur son ventre.
— Tu sais pourquoi j'ai un gros ventre ? C'est parce qu'il y a un bébé à l'intérieur. Tu l'as senti bouger ?
La fillette, impressionnée, osait à peine appuyer la main. Elle réfléchit, regarda tout le monde et finit par se tourner vers Erin.
— Dis, marraine, quand-est-ce que tu auras un bébé ?
Ben, dont la subtilité n'était pas la qualité première, ricana. La mercenaire, embarrassée, essaya de trouver une réponse pas trop « technique ».
— Tu sais, ton parrain et moi ne sommes pas mariés...
Un éclair de compréhension passa dans le regard de Christina.
— Alors, ça veut dire que vous êtes seulement amoureux ?
Tout le monde éclata de rire. Même Hugues semblait très amusé. Il est vrai que rien ne venant de sa filleule ne pouvait le vexer. Christa avait raison d'appeler sa fille « la petite princesse », car Hugues était son chevalier servant, supportant tous les caprices de Tina sans jamais montrer le moindre signe d'agacement. Seule, Erin était un peu dépitée par la réaction de sa filleule, et surtout par les rires. Contente de son succès, bien qu'elle n'en ai pas compris la cause, la fillette, futée, continua à les appeler « les amoureux » jusqu'à ce que la blague n'amuse plus personne.
Au moment de débarrasser les entrées et d'aller chercher les plats chauds, Christa demanda l'assistance de Steve. Celui-ci, en grande conversation avec Ben, fit la sourde oreille, à la grande irritation de la maîtresse de maison. Elle allait lui faire une réflexion désagréable lorsqu' Erin se leva et se proposa pour aller l'aider. Les deux femmes se dirigèrent vers la maison sous le regard étonné de Christina.
— Il aurait pu se bouger un peu quand même, mais Monsieur préfère se comporter comme s'il était au restaurant. Ce n'est pas à une invitée comme toi de faire le travail.
— Ça ne me dérange pas du tout. Tu sais bien que je ne suis pas faite pour papoter des heures sans bouger.
— Quand même, Steve exagère. Il ne fait rien à la maison. Au contraire il y met la panique. A peine rentré, il y en a partout, et il ne range rien.
Erin sourit.
— Tu comprends pourquoi je ne me marierai jamais.
Christa la regarda, surprise.
— Heu... Je croyais qu'il y avait une autre raison...
Le sourire d'Erin s'accentua.
— Je disais marier, mais je pensais vivre en couple, quel qu'il soit. Après tout, toi non plus tu n'es pas mariée avec Steve et pourtant...
Christa poussa un soupir.
— Au début, c'était à cause de nos sociétés respectives. Une fois mariés, le naufrage éventuel de l'une d'elles entraînait celui de l'autre. Mais maintenant que j'ai vendu la mienne, on pourrait très bien concrétiser notre union devant Monsieur le maire. Mais Steve semble ne plus y penser.
Erin regarda attentivement son amie, attristée pas cette réflexion mélancolique, et aussi remontée contre Steve qui, visiblement, ne traitait pas Christa comme elle le méritait. Elle essaya de changer de sujet.
— Justement, ça ne te manque pas ton travail ? Tu ne pouvais vraiment pas le gérer à distance ?
Christa secoua la tête.
— Non, ce n'était pas possible. Tu as vu dans les mines de Solera, c'est moi qui faisais le boulot le plus important. J'avais bien embauché un ingénieur pour me remplacer, mais il ne voulait jamais suivre ma méthode de travail. Une fois hors de portée, sur un site lointain, il n'en faisait qu'à sa tête. J'en ai eu vite marre, d'autant plus que ce que j'aime ce n'est pas la partie administrative du travail, mais être sur le site, me colleter avec la nature, descendre dans des puits, etc...
— Et il n'était pas possible de sélectionner certains déplacements, pour ne pas perdre le contact...
Christa soupira.
— Avec ma fille? Ce n'est guère faisable, d'autant plus que Steve est rarement là. Au début, il m'avait promis de se reposer sur toi au maximum, pour justement être plus présent, mais cela n'a pas duré longtemps. D'ailleurs tu le sais, même le jour de mon accouchement il n'était pas là.
— Je suis désolée. Je t'assure que ça ne vient pas de moi.
— Je le sais très bien. En dehors de ça, il est toujours amoureux. Il peut avoir des élans qui me font craquer.
Elle haussa les épaules.
— Je l'aime toujours, je ne peux pas imaginer la vie sans lui. Mais, quand même, il pourrait faire un effort de temps en temps.
Une silhouette athlétique s'encadra dans la porte fenêtre donnant sur la terrasse.
— Oh les filles ! Qu'est-ce que vous faites ? Nos invités ont faim.
— S'ils comptaient sur toi, ils pourraient avoir faim longtemps. A moins que tu n’aies en réserve tes affreuses rations de survie.
— Mais...
— Allez, tire-toi de là et laisse-nous passer. Heureusement qu'Erin n'est pas empotée, elle !
Steve en resta bouche bée et lança un regard interrogateur à Erin comme pour la prendre à témoin. Pour toute réponse elle le fusilla du regard sans qu'il en comprenne la raison.
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