085 Anniversaire en musique
Christa n’avait pas encore eu le temps de garer sa voiture que sa fille, surexcitée, s’écriait :
— Regarde ! La voiture de Parrain !
Elle sortit du véhicule comme un diable de sa boite et se précipita vers Hugues, en train de discuter sur le pas de la porte avec Steve.
— Parrain ! Parrain ! Je viens de fêter mon anniversaire avec mes copines. Maman nous a emmené chez McFrites. On avait une pièce rien que pour nous. C’était super. Il y avait un prestidigitateur, on a fait plein de jeux…
— Et vous avez mangé beaucoup de sucreries !
Tina eu un petit rire coquin.
— Ho, parrain, c’était mon anniversaire !
— Bien sur, ma puce. Tu as bien fait d’en profiter.
La fillette jeta un regard en biais à Hugues avant de poser la question qui lui brûlait les lèvres :
— Au fait, tu m’as apporté un cadeau, toi ?
— Hum…..Je crois que j’ai oublié.
Tina éclata de rire.
— Je ne te crois pas. Tu n’oublies jamais.
Incertaine de l’endroit où elle devait chercher, elle entra dans la maison, les adultes sur ses talons. La porte du living étant ouverte, elle y pénétra et s’arrêta sur le seuil, pétrifiée. Au centre de la pièce trônait un violoncelle rutilant. Elle resta quelques secondes immobile, puis s’approcha craintivement de l’instrument. Elle posa sa main sur le bois et suivit du bout des doigts la courbure de la caisse. Puis elle se retourna vers les adultes, livide.
— Il est… pour moi ?
Hugues se rapprocha.
— Bien sûr, pour qui d’autre serait-il ?
Elle se retourna vers l'instrument, incrédule. Hugues insista.
— Il est pour toi. Mais il faudra prendre des cours à l’ancienne, chez un professeur de musique. Les cours, c’est ton père qui te les offre.
La jeune fille, émue vint étreindre son parrain puis son père.
— En attendant ton premier cours, veux-tu que je te fasse une démonstration ?
— Tu sais en jouer ?
Christina ouvrait de grand yeux, stupéfaite.
— Je n’aurais pas cette prétention. Mais j’ai appris un tout petit morceau, juste pour pouvoir te faire entendre le son de l’instrument tout de suite.
Hugues s’empara du violoncelle, tâtonna pour trouver la première note avant de jouer gauchement les premières mesures de « frère Jacques », l’immortelle comptine. Christina ne lui reprocha pas ses nombreuses fausses notes, subjuguée par la sonorité de « son » instrument.
— Voilà, il est à toi. Tu veux l'essayer ?
— Maintenant ?
— Allez, prends-le.
Hugues lui montra comment placer les doigts et tenir l'archet. Elle pu très vite jouer un accord. Pendant ce temps, Christa examinait le violoncelle en fronçant les sourcils. Puis elle se tourna vers les deux hommes.
— Suivez-moi à la cuisine. Tina ! Vas te changer tout de suite.
— Oui maman.
Les trois adultes se retrouvèrent entre eux. Christa attaqua tout de suite.
— On ne peut pas accepter ce cadeau.
— Et pourquoi ? Fit Steve surpris.
— Parce que c’est un instrument ancien. Il vaut une fortune. Bien plus que ta voiture neuve.
Steve en resta bouche bée. Christa se tourna vers Hugues.
— Je sais que tu as voulu bien faire, mais il est hors de question qu’une gamine débutante possède un instrument de cette valeur. Tu te rends compte que le collier que m’a offert Steve pour mes quarante ans n’en vaut pas le quart !
Hugues fronça les sourcils.
— Je vous dois une explication : je n’ai pas acheté cet instrument, il est seulement loué à l’année, une somme très raisonnable d’ailleurs. Le luthier avec qui j’ai fait affaire souhaite surtout que son instrument ait une nouvelle vie, aux mains d'une jeune musicienne de talent. Je n’ai pas été obligé d'hypothéquer « L’étoile filante II » pour me le procurer.
— Mais enfin, un tel instrument pour une gamine…
— Écoute Christa : je ne mets pas en doute tes compétences dans tes domaines de prédilection, mais, en ce qui concerne la musique, je te demande de me faire confiance. Si j’ai ramené cet instrument, c’est que ta fille en est digne, un point c’est tout.
— Si tu le prends comme ça !
Christa sortit de la cuisine, visiblement furieuse. Hugues se retourna vers Steve.
— Tu es toujours d’accord pour lui payer ses cours ?
— Si je te disais non, tu serais capable de les payer toi-même ! Et puis, même si je ne connais rien à la musique, je sais l’importance qu'elle a pour ma fille et, ce que je souhaite avant tout, c’est qu’elle soit heureuse.
Les deux hommes se frappèrent dans la main pour signer leur alliance.
Commentaires
Annotations
Versions