La fin du bois

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Lorsqu'il se réveilla, il était devenu un prince, puisqu’il avait été le premier à pénétrer le bois et l’intimité de Thalie. Il se sentit étrangement fatigué, comme vidé. Mais à part cela, il allait bien. Il était hors de la forêt et en bonne santé. Sans savoir pourquoi, il se sentait heureux. Il avait perdu son épée, mais il s'en fichait. Il avait également perdu autre chose, mais ne le savait pas. Thalie lui avait pris sans le savoir quelque chose qui, à cette époque, avait encore beaucoup de valeur. Encore une fois, je ne suis pas là pour juger cette époque arriérée. Je ne fais que vous renseigner sur les croyances de ces sociétés, qui sacralisaient les premières relations sexuelles.

Sans se rendre compte qu'il avait changé de statut, le jeune homme se mit debout, les jambes en coton, et retrouva rapidement un groupe de survivants. Ensemble, ils décidèrent d'établir un siège autour de la prison imprenable, afin de réussir par des voies moins directes là où la confrontation frontale n'avait, de toute évidence, pas été un franc succès.

Dans un premier temps, ils taillèrent les ronces qui offraient un premier rempart à la forêt. Vu le manque d'entretien, cela leur prit plusieurs semaines avant qu'ils fussent satisfaits du résultat. Ils creusèrent également des tranchées, bâtirent des structures en bois et firent encore bien d'autres choses inutiles enseignées dans les livres militaires. À partir de ce moment, ils attendirent patiemment que le fruit de leur travail mûrisse et leur tombe tout prêt entre les mains. Régulièrement, ils voulaient décider de ce qu'ils feraient lorsque la princesse serait débusquée. La conversation se terminait généralement par la mort de celui qui l'avait initiée et plus personne n'abordait le sujet pendant de longues semaines.

Les populations locales, quant à elles, appréciaient de moins en moins la présence de ces soudards, nobliaux et autres engeances sur leurs terres, lesquels passaient leur temps à boire et jouer. Ceci ne posait pas vraiment de souci, mais quand ils en avaient marre de ces deux occupations, ils descendaient dans les villages pour raquetter la population. Pas étonnant que nos pays se soient débarrassés de cette noblesse sans nom. La révolte grondait de plus en plus et la populace se faisait jour après jour plus hostile. Le moral des troupes était au plus bas et ils étaient sur le point de rentrer chez eux la queue entre les jambes lorsqu’un événement improbable se produisit.

Neuf mois avaient passés depuis la première incursion des prétendants au trône. Alors que les chevaliers désespéraient de jamais venir à bout de ce bois maudit, ils furent surpris de voir, un beau matin, la végétation s’ouvrir, dégageant un chemin venant du cœur de la forêt et menant à leur campement principal. Les guetteurs, c'est-à-dire ceux qui avaient perdu au jeu complexe de la politique, vinrent prévenir les meneurs, ceux qui croyaient avoir gagné à ce même jeu. Perplexes, tous attendirent un peu que le mystère s'éclaircisse. Celui-ci s'épaissit, au contraire, lorsqu'ils virent une belle jeune femme sortir du bois, un enfant nouveau-né dans les bras.

Thalie avança très-dignement jusqu'à la ligne de front, juste devant les palissades. Elle était belle, mais pas autant que le disait la légende. Elle avait par contre les yeux clairs et froids de celle qui a vécu seule une vie difficile. Elle n'était pas blonde, mais châtain clair, ce qui revient au même, lorsque l'on parle de tradition orale. Enfin, elle n'était pas si fine et délicate que les contes le prétendaient, mais cela s'expliquait par une grossesse toute récente ainsi qu'une vie dans les bois, qui ne permet pas de respecter l'étiquette d'aussi près qu'elle l'eut souhaité. Malgré tout, elle restait très jolie, surtout pour ceux qui arrivaient à l'imaginer baignée, peignée et bien habillée.

Personne ne savait quoi dire devant cette apparition mystérieuse. Aussi fut-ce la jeune femme qui prit la parole.

─ Je me nomme Thalie et suis la princesse qui était détenue prisonnière dans ce bois enchanté. Aujourd'hui, sa mission de protection n'a plus de raison d'être, puisque ce que mes parents craignaient s'est réalisé : quelqu'un parmi vous est parvenu jusqu’à moi. Je ne connais pas son nom, il ne me l’a pas donné. Il m’a donné par contre autre chose et je viens aujourd’hui rembourser ma dette.

Se disant, elle défit le linge dans lequel était emmailloté le bébé et le montra à la foule curieuse. Elle révéla un nourrisson à la tignasse d’un roux éclatant et aux yeux d’un bleu profond. Cela facilita l’identification du père, qui ne faisait pas partie de la crème de l’élite du camp, mais que l’on trouva tout de même. Thalie le reconnut et ils purent enfin apprendre à mieux se connaitre. Il était le nouvel héritier et prit donc les commandes du camp que l’on démonta. Il passa son temps à apprivoiser la jeune femme qui, quant à elle, découvrait le monde dont elle avait été tenue éloignée si longtemps.

Enfin, ils quittèrent cette contrée reculée et s’en allèrent rejoindre le vieux roi qui attendait qu’on lui présente son héritier avant d’avoir l’obligeance de laisser la place aux jeunes.

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