chapitre 1, 2émé partie

10 minutes de lecture

Un autre jour en prison. Au moins, ça commence par le français, Pense Jennifer en sortant ses affaires de classe. Autour d'elle, les autres élèves s'installent au plus près de leurs amis, échangent les derniers potins, les dernières nouvelles. Et bien sûr, parmi les murmures, s'élèvent les médisances, les blagues teintées d'acide et les regards en coin.

– Regarde Loïc et son look, non mais il s'est trop cru dans les années 70.

– Au moins, lui on sait d’où ça vient. Regarde Jennifer, elle ressemble trop à rien!

– En même temps, comment tu veux qu'elle fasse? Faut vivre dans la réalité pour avoir du style.

Des gloussements s'élèvent aussitôt pour saluer cette remarque ô combien inspirée. Courage, juste 7 heures de cours, 1 heure de creux et je pourrais enfin rentrer chez moi. Qu'est ce que j'ai hâte d'être en week-end... Elle n'a encore rien planifié mais avec ses meilleures amies, Typhanie et Sophie, il est impossible qu'elle reste désœuvrée. Soudainement, un frisson lui parcourt l'échine et une sensation bizarre comme deux billes super chaudes dans son dos. Délibérément, elle fait subtilement tomber l'un de ses stylos par terre. Alors qu'elle se penche pour le ramasser, elle en profite pour jeter un rapide coup d’œil.

Là, derrière se tient Maedh Summer, la fille la plus étrange de la classe... Assez populaire et appréciée mais toujours un peu ailleurs, très belle avec ses longs cheveux noirs. Toujours partante pour sortir quelque part ou acheter quelque chose pour quelqu'un. Pour autant qu'elle puisse en juger, elle est assez sympas et parle volontier à n'importe qui. Contrairement à certaines, elle ne la regarde pas de haut quand elle lui parle malgrè ses airs de princesse et cela suffit à la rendre sympathique.

Et brutale aussi, Jennifer a entendu parler de la fois où Camilla, déterminée à s'imposer comme l'Alpha, l'insultait et cherchait ce qui pouvait la faire tiquer. Maedh l'avait royalement ignorée comme si elle était dénuée d'amour propre jusqu'au moment où Camilla avait essayé de lui prendre quelque chose dans sa trousse. Jennifer était occupée à ce moment là et n'avait pas tout vu mais la seconde d'après, la wanna-be-queen hurlait, le poignet légèrement brulé. Elle dut se rendre à l'infirmerie tandis que Maedh fut envoyée dans la salle des surveillants. Elle s'en était sortie avec une heure de détention pour avoir brulé une camarade de classe avec un briquet. Ce qui semblait bizarrement léger comme punition. Sans parler du fait que personne n'a jamais vu ledit briquet. Et personne n'avait jamais vu la jeune fille à la peau sombre fumer.

Et là tout de suite, elle semble la fixer avec insistance, le regard pensif. Jennifer se redresse aussitôt, son ventre soudainement assez serré. Pourquoi elle me fixe comme ça ? Qu'est ce que j'ai fait ? Elle veut quelque chose ? Pourquoi elle est là même ? Elle est devant d'habitude. C'est désagréable ! Je vous en prie, faites qu'elle regarde ailleurs... Elle sent comme un frôlement contre son épaule et elle se raidit. Alors qu'elle se retourne, Jennifer voit un petit oiseau en papier voler doucement et atterrir sur son bureau.

Elle se retourne et constate que Maedh la regarde avec un léger sourire, les yeux remplis d'anticipations. Jennifer saisit le petit oiseau. Je ne savais pas qu'elle faisait de l'origami. Elle est douée... à l'intérieur de la figure en papier, elle découvre un texte... Ou ce qui est à moitié un texte et à moitié des hiéroglyphes. Après avoir pris un moment pour traduire, elle parvient à comprendre le message. J'ai besoin de te parler, j'ai quelque chose d'extraordinaire à te montrer à la récré et je pense que tu es la seule personne à qui je puisse en parler. La seule et unique Maedh.

Jennifer lut et relut le message plusieurs fois. Quelque chose à me montrer ? Moi ? Pourquoi moi ? qu'est ce qu'elle veut dire "tu es la seule personne à qui je puisse en parler" ? Qu'est ce qu'elle peut bien me vouloir ? Elle se retourne à nouveau pour faire face à sa voisine.

– Quoi ? Demande t'elle, d'une voix plus forte que ce qu'elle avait anticipé.

– Jennifer, appelle la voix ferme du professeur ce qui la fait sursauter. Quoi que tu aies à dire à Maedh, ça peut attendre la fin du cours. Sois attentive maintenant, je te prie.

– Oui, oui, pardon, répond la jeune fille avant de s'efforcer d'écouter le cours malgré les nombreuses pensées qui assaillent brutalement son cerveau.

Qu'est ce qu'elle veut me montrer ? Et si c'est une mauvaise blague ? C'est surement destiné à quelqu'un d'autre ! On est pas amies, on se parle à peine, elle traine plus avec... Avec qui elle traine d'ailleurs ? Et si c'est une tentative pour m'humilier ? Je l'ai jamais vue ou entendue quelqu'un dire qu'elle faisait ça... Mais en même temps, pour quoi d'autre est ce qu'elle voudrait soudainement me voir ? Je la connais pas après tout, je suis pas sûre que qui que ce soit la connaisse, c'est surement un piège!

Et ainsi passe l'heure avec elle toujours en train de ruminer les possibles raisons pour laquelle une fille qu'elle connait à peine veut soudainement lui parler. Une petite musique se fait entendre, signal que le cours est terminé et que les élèves doivent maintenant se rendre au suivant.

– Attends, dit elle à Maedh qui a déjà rassemblé ses affaires et est prête à partir. De quoi est ce que tu veux me parler?

– À la récré, lui répond la jeune fille aux cheveux sombre, une expression mystérieuse sur le visage malgré son grand sourire.

– Mais... pourquoi moi? On se connait à peine, on se parle à peine. Qu'est ce que tu pourrais bien avoir à montrer que je serais la seule à qui tu puisses en parler? Pourquoi pas Lily ou...

– Parce qu'ils n'ont pas l'esprit assez ouvert. Leurs préoccupations sont loin de coïncider avec les miennes et... Enfin bref, tu verras bientôt, il faut qu'on se dépêche d'aller en math... Ugh, je hais les math, je comprends rien à tous ces chiffres et ces lettres et ces théorèmes! Fichu Pythagore...

Amen, ma sœur, pense Jennifer. Elle n'a guère le temps de demander quoi que ce soit d'autre, Maedh la contourne fluidement avant de sortir de la pièce. Jennifer n'a d'autre choix que de lui emboiter le pas. Arrivée en cours de math, Maedh s'assied près de la fenêtre et ne semble plus soucieuse de rester à proximité de Jennifer. J'ai compris, pense cette dernière. Je n'aurais pas de réponses avant une heure.

Et ainsi l'heure passe. À nouveau, l'air rythmé de l'alarme retentit. D'une main légèrement tremblante, Jennifer rassemble ses cahiers. Du regard, elle cherche Maedh près de la fenêtre mais n'y trouve personne. Elle est partie ? Se demande la jeune fille, un peu décontenancée. Enfin, ça rime à quoi tout ça ?... Soudain, quelque chose se pose sur son épaule. D'un bond, elle s'élance en braillant, percute la table de sa hanche avant de faire un volte face, prête à défendre sa vie à coup de sac de classe.

Devant elle se tient Maedh, pliée en deux de rire, un son léger mais pas très mélodieux. On dirait un petit dindon qui souffre d'asthme, pense Jennifer devant cet absurde moment.

– Ouh ouh, glousse la jeune fille en s'essuyant les yeux. Pardon mais c'était trop tentant. Les mortels sont si faciles à surprendre.

Mortels ? Jennifer n'a pas le temps de s’interroger plus loin. Maedh lui saisit vivement la main et se met à la tirer vers la porte.

– Viens, viens.

– Attends, attends, attends ! Crie presque Jennifer en retirant sa main d'un coup sec. Des marques rouges commencent à apparaitre sur son poignet. Qu'est-ce que tu veux me montrer ? Pourquoi à moi ? C'est quand même louche tout ça.

Des murmures s'élevèrent autour d'elles tandis que les élèves observent d'un air curieux leur échange.

– Je vais tout expliquer mais pas ici. Pas devant... tout ce monde, Murmure Maedh, ses mains, nerveuse, s'enroulent et se déroulent constamment l'une autour de l'autre. S'il te plait, j'ai attendu si longtemps pour ça, viens avec moi.

Mon dieu, est ce qu'elle va me demander de sortir avec elle ? Pense Jennifer, paniquée. Je n'ai pas révisé pour ça, je ne sais même pas si j'aime les filles... Raide comme une brique, elle hoche la tête avant de suivre Maedh dans le couloir. Elles continuent leur route jusqu'à la partie Est du bâtiment vers le dernier escalier, un endroit à l'opposé de la cour, du CDI ou de tout autre lieu de rassemblement social. Rarement emprunté, isolé, un endroit parfait pour une confession.

Ou fumer discrètement, Pense Jennifer, elle chasse d'un geste les gouttes de sueur qui commencent à se former sur son front. Son esprit tourne à plein régime tel un rallye, imaginant les pires scénarios possibles les uns après les autres. Ou un piège. Personne n'entendrait quelqu'un se faire tabasser ici. Oh, pourquoi j'ai accepté de la suivre ? Ok. Si je fais volte face maintenant, je peux probablement rejoindre le couloir de science avant qu'elle ne me plaque au sol. Si le prof...

– Ok, ici, c'est suffisamment isolé.

Oh Dieu.

– Mais avant que je te dise tout, je dois te poser une question très importante. Vitale pour ce qui va suivre.

– Je...

– À quel point tu crois à la magie ? Coupe la jeune fille.

Rien ne lui répond. La bouche de Jennifer, aussi ouverte qu'un gouffre, reste pourtant aussi silencieuse qu'une carpe. Quoi ?

– Quoi ? Parvient elle enfin à dire, ses yeux clignotants à toute vitesse comme des papillons perdus.

– Quoi, ma question est pourtant claire, non ? À. Quel. Point. Crois. Tu. À. La. Magie ? Demande Maedh appuyant exagérément sur chaque mot d'un air exaspéré.

Jennifer ne dit rien pendant un instant, scrutant avec suspicions sa camarade, à la recherche de la moindre trace de moquerie. Mais les yeux vert pâle lui renvoient son regard sans faiblir, sérieux comme la mort.

– C'est une blague ?

– Non et tu ne peux pas répondre à une question par une autre question. Où va-t-on sinon ?

– C'est Lilia qui t'as demandé de dire ça ? C'est un piège, c'est ça ? Elle est où cette... pouffe, cachée derrière la porte avec ses lèche-culs ?

– Qui ?... Peu importe, non, personne ne m'a rien demandé et ce n'est pas un piège. Je ne piège pas les gens pour leur faire du mal et je n'aime pas les gens qui font ça par méchanceté. C'est juste important pour moi. J'ai entendu dire que tu étais fan de Fantastique, que tu joues fréquemment à Donjon et Dragon et ça fait longtemps que je cherche quelqu'un qui partage les mêmes centres d'intérêt que moi.

C'est une fan de Fantastique ? Je ne l'aurais jamais crue. Elle fait pas du tout nerd... Non, pas bien, on ne juge pas sur les apparences. La jeune rousse gratte nerveusement le dos de sa main, ce n'est pas du tout le genre de confession auquel elle s'attendait.

– Eh bien, oui, j'aime le fantastique... et la magie. Depuis toute jeune. On aime ce qu'on aime, Dit elle avec un haussement d'épaules fataliste.

– Géniale, répond Maedh, un sourire sincère sur les lèvres. Et si je te prouvais que la magie est réelle ?

Oh bordel, dans quoi je me suis fourrée ?

– Écoute, là ça va un peu trop loin...

– Mais si c'était réel, quelle serait ta réaction ? L'interrompt Maedh, les yeux brillants d'espoir.

Ça devient vraiment de plus en plus bizarre. J'ai presque l'impression d'être dans un film.

– Eh bien, ce serait certainement le jour le plus extraordinaire de ma vie. Répond Jennifer, prudemment.

– Oh, dans ce cas, prépare toi pour le jour le plus extraordinaire de ta vie.

Maedh joint ses deux poings l'un à côté de l'autre puis ouvre les doigts de façon à faire une coupe. Au creux de ses mains, une flamme rouge apparaît, minuscule au début avant de grandir jusqu'à occuper tout l'espace, fière et brillante.

– Quoi ? Tu... comment tu... Balbutie Jennifer, les yeux ronds.

Les mots s'évanouissent alors que le feu se répand le long des bras de Maedh, sur sa tête et son torse jusqu'à la recouvrir complètement. Bien que couverte de flammes, elle n'émet pas un cri, ne fait aucun geste pour se débarrasser du brasier. Et soudainement, les flammes glissent au sol tel d'incandescents rideaux. Et quelqu'un d'autre lui fait face à la place de la jeune fille qu'elle croise depuis un an. Sa peau noire est devenue obsidienne, traversée de lignes d'or qui forment d'étranges motifs sur ses mains et son front. Ses cheveux sont comme de l'or fondu, plusieurs nattes pendent sur ses épaules tenus par des bandes de couleurs taupes. Ses yeux ont la couleur des feuilles d'arbres traversés par les rayons du soleil et sans pupilles. Jean et t-shirt ont été remplacés par une étrange robe entrelacé de vignes fleuris, ses oreilles se sont agrandies et se terminent en plusieurs petites pointes en escalier. Ses traits sont maintenant un peu plus ronds, plus juvéniles, pourtant son visage a quelque chose de sans âge, impérissable. Une douce lueur émane de sa personne, à peine perceptible en plein jour.

Devant elle se dresse la personne la plus exotique que Jennifer ait jamais vu. Elle continue à la regarder, la bouche ouverte, complètement ahurie.

– Tadaaa, chantonne la créature avec une élégante révérence, le buste penché en avant.

Aucune réaction. Jennifer reste bloquée, en état de choc.

– Comment tu me trouves ? Magnifiquement belle, n'est ce pas ?

Toujours rien. Maedh se met à pencher la tête sur le côté, mordillant un peu ses lèvres avec des dents cristallines.

– Tu sais, je m'attendais plus à des cris et des hurlements, voire à des coups. Tu ne me fais pas..., c'est quoi déjà ? "Une crise du cœur" ? Pas de blagues, hein, Je ne pourrais pas faire repartir ton cœur si tu...

Elle tend la main pour toucher l'épaule de Jennifer.

– Wow, réagit enfin celle-ci, qui heurte brutalement le mur en reculant précipitamment, wow, wow, wow.

– Ah ouf, tu vas pas mourir alors. Sourit Maedh, soulagée.

– Mourir ? Quoi mourir ? Tes yeux, tes cheveux, TA PEAU! Tu... Taquitu ? Je veux dire, tu es quoi, bordel de merde ? ET TU BRILLES ?!

– C'est ce dont je voulais te parler. Comme tu le vois, je ne suis pas une petite humaine, oh non. Je suis une fée.

– Une fée ?

– Exactement. Je suis Maedh de la Cour d'Été, princesse des Daoine Sidhe Seelie, petite fille de la Première Flamme. Et je veux être ton amie.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 5 versions.

Vous aimez lire Jiriu ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0