Les affaires reprennent !
-Es-tu sûr de toi Yannis ?
-Oui Miach, sûr et certains.
La nuit est tombée sur Orario. Alors qu'à cette heure les aventuriers revenus du donjon fêtent leurs exploits dans les tavernes de la cité labyrinthe, je suis quant à moi, allongé sur le ventre, le dos à découvert, tandis que Miach est assis sur une chaise à côté de mon lit.
-Bien, je vais maintenant utiliser mon arcannum pour t'octroyer ma bénédiction. Me prévient-il, avec un sourire bienveillant.
D'un mouvement fluide, il saisit une aiguille de la main gauche et vient piquer le bout de son index droit. Le dieu place ensuite son doigt au-dessus de mon dos. Au bout de quelque secondes une goutte de sang fini par lâcher prise et s'effondre sur ma peau. Je ne ressens rien, mise à part une légère sensation de chaleur qui me traverse le corps.
-Voilà ! C'est terminé, tu peux te relever. Dit-il, tout en arborant ce sourire amicale.
-hum... C'est curieux, je ne ressens rien, vous êtes sûr que c'est terminé ?
Ce moment n'a duré que quelques secondes. Pourtant, j'ai l'impression que ça a pris une éternité.
-Ha ! Ha ! Tous les aventuriers disent ça, mais c'est bel et bien terminé. S'esclaffe-t ‘il tout en finissant de rédiger quelque chose.
Cependant je décide de vérifier ça par moi-même. Me déplaçant jusqu'à la fenêtre sans me rhabiller, je me présente dos à celle-ci et tourne la tête pour en apercevoir le reflet. C'est avec stupéfaction que je découvre mon dos immaculé d'inscriptions et de symboles harmonieusement réparties.
-Qu'est que c'est que ça ?
Miach se lève et s'approche de moi.
-Ce sont tes statistiques. Tiens, elles seront plus facilement déchiffrables sous cette forme. Dit-il en me tendant le parchemin.
Yannis Chelabi : NV.1
Force : B-72 Défense : C-40 > C-53 Habileté : B-85
Agilité : B-68 Magie : B-0
Sorts : 0
Compétences : 0
Je n'arrive pas à y croire. Tout comme le jour où j'ai fait la rencontre de Nahaza, je reste sans voix face à Miach qui est désormais ma divinité. Ce moment aussi n'est que de courte durée, car mon interlocuteur à de nouvelles choses à m'annoncer.
-A présent Yannis, il y a plusieurs éléments que tu devras prendre en compte, et ce tout au long de ton évolution au sein de notre Familia. M'annonce-t ’il avec plus de sérieux.
-Tout d'abord tu dois savoir que les seules personnes ayant le droit d'accéder à tes statistiques sont toi, moi et personnes d'autre. De plus elles évolueront de façon constante tout au long de ta vie.
-Je comprends, mais pourquoi ma défense a-t ‘elle augmenté soudainement ?
-Et bien, je pense que cela est dû à ton affrontement avec le minotaure. Tu pourras en juger par toi-même après quelques expéditions dans le donjon. Car te voilà aventurier désormais !
Ces quelques explications se terminent et je descends pour annoncer la nouvelle à Nahaza.
-C'est officiel, je fais partie à part entière de votre Familia. Dis-je en souriant.
Les oreilles de la jeune femme se relèvent et sa queue s'agite brusquement. Je ne lui ai même pas laissé le temps de sortir de son atelier.
-C'est vrai ? Alors tu as décidé de nous venir en aide ? Demande-t ‘elle d'un air réjouit.
-Bien sûr ! Après tout, je vous dois bien ça. D'ailleurs, il y a une chose à laquelle je pense depuis un moment.
-hum ? je t'écoute.
-Je me disais que si je suis au niveau 1 et toi au niveau 2, étant donné que nous sommes les seuls membres de cette Familia, cela fait de toi la capitaine de notre groupe n'est-ce pas ?
Nahaza sourit avec embarras en baissant le regard et son visage commence à rougir.
-"Capitaine" tu dis ? Eh bien... je... Je ne pense pas que ce rôle soit réellement fait pour moi. Me répond-t'elle d'un ton moins enjoué.
-Ne dis pas ça ! Allons, reprenez-vous mon capitaine ! Criais-je pour la taquiner.
-Vas-tu cesser de hurler !? crie-t'elle à son tour, avant de soupirer légèrement.
- Et de toute façon cela n'a pas vraiment d'importance, dit-elle en levant le doigt telle un professeur. Car lorsque tu seras seul dans le donjon tu ne pourras compter que sur toi et tes compétences en combat.
Effectivement je serais seul. Nahaza, ayant été victime d'un lourd traumatisme, il lui est impossible d'envisager de nouvelles expéditions. Qui plus est, le simple fait d'en discuter semble la mettre mal à l'aise.
-Mais mis à part ça, quand envisages-tu de descendre pour la première fois ? Me demande-t ‘elle en penchant la tête sur le côté.
-Dès demain matin. Mais pourquoi cette question ? Dis-je naïvement.
-Car c'est une mauvaise idée de se lancer à l'exploration du donjon, sans être correctement préparé.
Elle se lève soudainement de son siège et, passant à quelques centimètres de moi, quitte temporairement son lieu de travail. Puis elle monte à l’étage, gravissant l'escalier marches après marches, avec un regard décidé. Faisant de même pour la suivre, je me hisse jusqu'au dernier palier et, en suivant les grincements du plancher, je fini par accéder à la chambre de l'apothicaire.
-Euh... Nahaza ? Je peux savoir ce que tu fais ? Demandais-je timidement.
La femme-chien est agenouiller sous son lit et semble chercher quelque chose. Mais de là où je me trouve, je n'ai vu que sur son postérieur et sa queue s'agitant nerveusement.
"Heureusement qu'elle porte une robe... !"
-Rhaaaa ! J'étais sûre de l'avoir mis là ! S'énerve-t ‘elle.
Et l'instant d'après...
-Ha ! Le voilà ! Clame-t ‘elle victorieusement.
Nahaza se relève enfin, toute décoiffée, tenant dans ses bras un sac à dos en cuir marron.
-Voilà ton havresac. Il sera ton meilleur allié durant tes expéditions, au même titre que ton arme d’ailleurs !
Elle me tend l'objet avec un large sourire.
-Demain, nous irons acheter ce qu'il te manque.
°°°°°°
Le son des volets en bois, frappant le mur de pierre de plein fouet, résonne dans la rue. C'est une Elfe. Alors qu'une expression matinale se lit sur son visage fin illuminé par le levé de soleil, ses cheveux dorés, portés par la brise du matin, retombent gracieusement sur ses épaules. Sous sa fenêtre plusieurs serveuses d'une taverne s'affairent à ranger et nettoyer, le tout dans une organisation presque militaire.
"La fertile maitresse ? Drôle de nom, mais je penserais à y faire un tour."
-Yannis, viens par ici. M'appelle Nahaza, me tirant de mes rêves.
-Ha, oui j'arrive !
Comme prévu la veille, nous voilà dehors de bon matin, en quête d'équipements neuf pour préparer au mieux ma première exploration du donjon.
-Dis-moi, on était vraiment obligé de se lever si tôt pour ça ?
-Absolument ! Rétorque-t ‘elle. L'après-midi, les prix des armes et armures ont tendances à grimper de façons totalement absurdes. De plus, tu devras privilégier le reste de la matinée pour un entretien avec ta conseillère en exploration.
Elle parle de Misha, la jeune fille en uniforme avec qui j'ai discuté cet autre soir à la guilde. En plus de m'avoir aiguillé avec précision concernant les démarches à suivre, elle a elle-même décidé de devenir ma conseillère personnelle en exploration, prétextant le soulagement de travail que ce rôle l'aiderait à obtenir. Je n'ai donc pas tenu à l'en dissuader, évidemment. Son travail sera de m'en apprendre un maximum sur le donjon et les monstres qui le peuplent, tout en gardant un œil sur ma progression pour me conseiller du mieux possible.
-Bien, alors on n’a pas une minute à perdre ! Par quoi on commence ?
-D'abord nous devons nous rendre à la tour de Babel, puis nous chercherons là-bas ce qui te conviendra le mieux.
-La tour de Babel ? Je pensais pourtant qu'on se rendrait dans un magasin ?
- Tu verras en arrivant. Il y a des tas de choses que tu ignores sur cette ville. Dit-elle avec un sourire en coin, me laissant seul dans mon incompréhension.
Ayant parcouru toute l'étendue de la grande rue Nord- Ouest nous arrivons enfin face au gigantesque édifice de pierres blanches.
-L'entrée se trouve de ce côté, suis-moi.
La femme-chien se dirige droit vers l'entrée de la guilde, mais tourne à gauche au dernier moment, coupant à travers les jardins qui bordent modestement la grande bâtisse. Suivant ses pas avec assiduité, je me retrouve finalement à côté d'elle face à un escalier en pierre. Nous montons sans hésitation, laissant derrière nous le bruit sourd de la ville se réveillant lentement. Marche après marche, nous gravissons l'escalier pour finalement atteindre le troisième étage. Nahaza pousse alors une épaisse porte en bois et me fait signe d'entrer.
-Voilà, nous sommes arrivés. Dit-elle en se plaçant à côté de moi.
A peine éclairé par la lumière des rares fenêtres creusées dans la paroi externe de la tour, c'est un long et large couloir qui se présente à moi. Des dizaines de personnes vont et viennent, entrant et sortant des nombreuses boutiques qui s'y trouvent.
-C'est donc ici que je vais trouver ce qu'il me faut, c'est ça ? Dis-je, stupéfait par l'arrangement des lieux.
-Exactement, mais avant de te laisser choisir ton arme, j'ai une question assez importante à te poser...
Nahaza marque une hésitation, mais cela ne lui ressemble pas.
-Hum ? Je t'écoute, qu'est-ce qu'il y a ?
-Cet objet en forme de "L", attaché à ta ceinture. Dit-elle soudainement, pointant du doigt mon pistolet. Il s’agit bien d’une arme n'est-ce pas ?
-Oui en effet, pourquoi ?
-Penses-tu pouvoir l'utiliser dans le donjon ? Continue-t ‘elle, d'un ton inquisiteur.
Après tout, sa question est bel-et-bien légitime. N'ayant, moi-même, aucunes connaissances du terrain ou des ennemis que j'y rencontrerai, je ne peux que me résigner à utiliser mon armement et le peu de munitions qu'il me reste.
-Non, je ne pense pas que je pourrais l'utiliser, malheureusement. Dis-je, impuissant face à la triste vérité.
-Je vois, mais ne t'en fais pas, c'est justement pour ça que je suis là. Bien, commençons par cette boutique ! Déclare-t ‘elle finalement.
Nous nous dirigeons à présent vers une boutique portant l'inscription "Ήφαιστος".
"Héphaïstos ?"
Les vitrines du magasin sont garnies d'épées, de dagues et de sabres, tous reposants sur des socles en crystal. Le son des clochettes retentit à notre arrivé et, nous ayant remarqué, une employée du magasin approche pour nous accueillir.
-Bienvenue chers clients ! Clame-t ‘elle avec un sourire rayonnant.
Elle n'est pas plus grande qu'une enfant et ses cheveux noir sont coiffés en deux couettes, tombants l'une et l'autre jusqu'au bout de la jupe rouge qui compose son uniforme.
-Déesse Hestia ? S'étonne l'apothicaire.
-Ho Nahaza ! Et... Ah oui, toi... Dit-elle, avant que son sourire ne disparaisse pour laisser place à une expression méprisante.
Que le monde est petit…
Je la reconnais et, elle aussi semble m'avoir reconnu. Bien-sûr je ne peux m'empêcher d'arborer fièrement le même sourire moqueur que la dernière fois.
-Nous n'en avons pas pour longtemps, prévient la jeune femme. Nous sommes ici pour lui trouver une arme et de l'équipement pour ses premières expéditions, termine-t ‘elle avec un sourire amical.
La petite déesse fait mine de réfléchir puis...
-“Ses premières expéditions“ dis-tu ? Ha ! Ha ! Ha ! Je suis sûre et certaine, que tu fais ça dans le seul but de draguer Nahaza ! N'est-ce pas ? S'exclame-t ‘elle sur un ton théâtral, en me pointant d’un doigt accusateur.
-Hein ?
-Déesse Hestia ?
Moi et Nahaza restons de marbre face à cette soudaine révélation de la petite déesse.
-Tu as très bien compris ! Continue-t ‘elle sur le même ton. Tu joues les aventuriers pour t'attirer les faveurs de la belle jeune fille mais, sache que je vois clair dans ton jeu. Espèce d'imposteur ! Finit-elle sa tirade.
-Venant d'une déesse, tellement pitoyable qu'elle en est réduite à travailler comme caissière pour une autre déesse, je prends ça comme un compliment. Répondis-je calmement, sans même la regarder.
Ne sachant plus quoi dire, la divinité rougit et fini par sortir les griffes. Elle colle sont front contre le mien et me provoque du regard.
-Bah alors, t'as rien à rajouter ? Petite déesse mal-éduquée.
-Tu me cherches c'est ça ! Dit-elle, avec ce visage coléreux qui m'amuse tant.
Nahaza, gênée par la situation, est encore une fois obligée de nous séparer par la force. Puis elle me tire par le bras jusqu'au fond de la boutique, laissant Hestia planté sur place. Sans mot dire elle se contente de me toiser en soupirant d'agacement, me faisant me sentir désolé. Mais l'instant d'après son visage se radoucit, laissant place à un sourire indulgent. En détournant mes yeux de la femme-chien mon regard est attiré par une caisse en bois, placé derrière une étagère. Je m'approche pour en apercevoir le contenu, et elle se révèle être remplie d'armes. L'agrippant à main nues, je la porte tant bien que mal jusqu'à une table présente, elle aussi, au fond du magasin.
-Et bien, tu n'as plus qu'à faire ton choix, constate Nahaza, l'air ravie.
J'observe attentivement les différentes lames disposées en pagaille, tout en imaginant l'avantage que chacune d'entre elles pourrait m'apporter en combat. Mais mes yeux finissent par se poser sur une en particulier. Son manche, simple morceau d'acier torsadé, est érigé au centre de la boîte. Elle me captive, je veux l'avoir en main. Saisissant la poignée avec fermeté, je tire l'arme hors du fourbi de ses congénères et révèle au grand jour l'éclat argenté de sa lame délicatement courbé. Elle semble avoir été forgé d'une seule pièce et sa poigné, en plus d'offrir un équilibrage parfait, me procure une superbe prise en main. Je ne peux m'empêcher de la manier de différentes façons devant le regard captiver de la jeune femme.
-On dirait qu'elle te plait, dit-elle avec réjouissance.
-Hum... Oui ! Répondis-je en hochant la tête, embarrassé de m'être donner en spectacle devant elle.
Profitant d'un instant d'inattention de sa part, je jette un œil discret à l'étiquette portant le prix de l'arme que je tiens.
-Cinquante mille varis !? Dis-je en étouffant un crie de surprise, les yeux écarquillés.
Il est bien-sûr impossible pour moi d'acquérir une lame aussi onéreuse, surtout avec des moyens aussi peu élevés que ceux de ma Familia.
-Qu'est-ce que tu as ? Me demande l'apothicaire, interloqué par mon attitude.
-Hein ? heu... Non rien, ne t'inquiète pas...
Au même instant, je ressens une présence dangereuse derrière moi. Et bien évidement, en me retournant, qui vois-je ?
-Et bien ? As-tu fini par trouver l'arme qui écrira ta légende, mon cher aventurier ?
Cette petite peste... !
Posté derrière moi depuis un moment, la petite déesse de malheurs contemple sans gêne mon visage stupéfait tout en exhibant un sourire malicieux. Je repose la dague où elle se trouvait, et me résous à abandonner cette lame qui me plaisait tant. Nahaza ayant pris conscience de la situation, s'approche de moi et pose sa main sur mon épaule en me lançant un regard morose.
-Désolé... Me dit-elle, impuissante.
-Non, tu n'as pas à être désolé. Et puis, ce n'est qu'une vulgaire lame parmi tant d'autre tu sais...
-Dis-moi l'humain, pourquoi est-ce que tu fais tout ça ? Demande la divinité sur un ton plus sérieux.
-Comment ça ?
Hestia, témoin silencieuse jusqu'à maintenant, semble tiraillée par cette curiosité propre aux dieux et aux déesses.
-Tu sais, malgré cet accord nous interdisant d'utiliser nos pouvoir divins, il nous est toujours possible de savoir si les intentions d'une personne sont bonnes ou mauvaises. Et je vois bien que les tiennes sont bonnes, sois rassuré.
Elle s’avance et se positionne devant moi en posant ses petites mains sur ses hanches. Adoptant une attitude bien plus mature à mon égard, elle lève les yeux avec assurance et me donne l'impression qu’il lui est possible de lire en moi.
-Cela-dit, je dois t'avouer que je ne t'aime pas du tout mais...
-Moi non plus.
-Laisses moi finir, bon sang ! Reprend-t ‘elle excédée. Alors si je te cède cette arme gratuitement, peux-tu au moins me promettre que je n'aurai pas à le regretter ?
Qu'elle n'aura pas à le regretter ?
-Que voulez-vous dire par "me céder cette arme gratuitement" ?
La déesse fais la moue en soupirant, puis replonge son regard bleu dans le mien.
-Je viens de te le dire... Cette dague est à toi, mais à condition que tu me prouve ton honnêteté.
-Déesse Hestia, comme vous le savez notre Familia a encore beaucoup de difficultés économiques, intervient la femme-chien. Alors je ne pense pas que...
-C'est bon Nahaza, ne t'inquiète pas. Après tout je ne suis pas comme Dian-cècht, tu le sais bien !
-Oui c'est vrai. Acquiesce-t 'elle sans contester davantage. Nous vous remercions profondément déesse Hestia. Finit-elle en s’inclinant légèrement.
Cette discussion terminée et n’ayant plus rien à faire dans le magasin, nous nous redirigeons vers la porte d'entrée. Je range ma nouvelle arme à l'intérieur de son fourreau et m'apprête à sortir de la boutique, suivi de près par Nahaza. Il nous reste encore plusieurs objets à acheter et nous n’avons que très peu de temps, mais il y a une dernière chose que je voudrais dire à la petite déesse. Je fais alors volte-face, surprenant la jeune femme au passage.
-Euh... Hestia ?
-Hum ? Qu'est-ce qu'il y a, tu as oublié quelque chose ? Me demande-t ’elle avec désinvolture.
-Il y a une chose que je voudrai vous demander.
La petite divinité s'avance vers moi et m'observe d'un air dubitatif.
-Eh bien parles, je n'ai pas que ça à f...
-Comment pourrais-je vous remercier ? Déclamais-je à haute voix.
Stupéfaite par ma question, Hestia baisse le regard et semble s'interroger sur le sens réel de cette demande. Puis je l’entends marmonner quelque chose.
-Vous les enfants, êtes fabuleux...
-Je vous demande pardon ?
-Non, rien. Ecoute Yannis, je sais désormais que tu es quelqu'un de bien. Alors la meilleure chose que tu puisse faire serai de continuer à être toi-même, jusqu'à ta mort. Mais d'ici là, je ne te demandes rien de plus, termine-t ‘elle un sourire au coin de la bouche.
°°°°°°
A cette heure les rues sont pleines et le soleil pointe, juste au-dessus de la grande tour de Babel.
-Te voilà prêt, n'est-ce pas ?
-Oui, en effet... Répondis-je au dieu, tout en observant ma silhouette sous tous ses angles.
Nahaza et moi avons rejoint Miach, tout de suite après notre quête d'équipement. Tous les trois face à la porte de la boutique, nous faisons une dernière vérification de mon matériel et la femme-chien en profite pour me donner quelques consignes de dernière minute.
-Surtout, ne prends pas de risques inutiles. Si un autre aventurier est dans une situation critique, ne pense même pas à lui venir en aide. Et aussi ne...
-Nahaza, je pense qu'il a compris, calmes-toi un peu. La soulage Miach, en lui tapotant l'épaules.
De son ton calme et apaisant, il laisse penser que tout cela n'est que futilité. Pourtant, derrière son sourire amical sa nervosité est aussi palpable que celle de la jeune femme. Il faut croire qu'il se sont beaucoup attaché à moi.
-Enfin bref, ne tarde pas s'il te plait. Soit de retour avant le coucher du soleil... Me prie-t ‘elle en posant ses mains sur mes épaules.
-Ne t'inquiète pas, c'est promis ! Dis-je avec aplomb pour la rassurer.
Il est temps pour moi de partir. Misha m'attend surement déjà dans les locaux de la guilde. Après un simple "à ce soir !", je franchis le seuil de la porte et me dirige au pas de course en direction de l'immense tour de marbre, laissant derrière moi mes acolytes inquiets.
Les sangle de mon havresac chantent une symphonie métallique au gré de mes pas. Tout en esquivant les personnes positionnées en travers de mon chemin, je remarque que je ne suis pas le seul à me rendre dans le donjon à ce moment de la journée. Effectivement plusieurs groupes d'hommes et de femmes, lourdement armés, avancent au petit trot sur la grande rue Nord-Ouest. Mais une en particulier attire mon attention. Bien loin de se dépêcher, tous les membres du petit groupe semblent prendre leur temps volontairement. A sa tête, une belle jeune fille à la chevelure dorée. Sa main gauche est posée sur le manche d'une rapière qui pends à sa taille. Avançant avec confiance à travers la foule, elle précède un homme-loup aux airs frustes et sauvages. Derrière lui deux Amazones sont à l'arrêt, se disputant une pâtisserie. Puis elles se détournent l'une de l'autre et courent pour rattraper leurs camarades.
-Eh, tu as vu ? c’est la Familia de Loki ! Lance un passant en pointant la petite troupe du doigt.
-Mais oui, c'est Aiz Wallenstein ! Lui répond son compagnon.
-Il paraît qu'elle est passé au niveau 6, il y a peu de temps. Renchérit une petite prum, portant un panier de fruits.
Les remarques des marcheurs fusent autour du groupe d'aventuriers. Mais la fameuse aventurière de niveau 6 n'a pas l'air de vouloir y prêter attention.
-Niveau 6 dis-tu ? Hum... Pas étonnant, venant de celle qu'on surnomme "La princesse à l'épée". Affirme un nain qui passait par là.
Niveau 6 ? C'est si élevé que ça ?
Sans m'attarder d'avantage, je reprends ma route jusqu'à guilde. En passant à travers l'attroupement qui s'est doucement formé, je heurte un autre garçon. Nous perdons tout deux l'équilibre, mais je réussi à me rattraper alors que lui, fini par rouler brutalement au sol.
-Aïe ! Aïe ! Aïe ! Laisse-t ‘il échapper, alors qu'il peine à se relever.
L'assemblé autour de nous se disperse et je m'approche de lui pour m'assurer qu'il n'a rien.
-Heu... Est-ce que tout vas bien ? Dis-je en lui tendant la main pour l'aider.
Le jeune garçon se redresse sans trop de mal puis...
-Je suis sincèrement désolé ! Clame-t 'il à haute voix, tout en s'inclinant face à moi.
-Hein ? Non, non, tu n'as pas à t'excuser. J'ai été distrait et je ne t'avais pas vu. Excuse-moi.
Après quelques échanges de politesses, nous décidons de faire le chemin ensemble.
-Et sinon, comment tu t'appelles ?
-Moi ? Je m'appelle Bell Cranel, et toi ? Me renvoie-t ‘il en posant ses yeux rubis sur moi.
-Moi c’est Yannis, enchanté Bell !
-Enchanté Yannis !
Soudain, une pensée me vient à l'esprit.
-Attends une seconde...
-Qu'y a-t-il ?
-Bell, tu ne connaîtrais pas une déesse nommée "Hestia" par hasard ?
A ces mots, Bell hoche la tête sur le côté avant de répondre.
-Hestia ? Si bien-sûr, il s’agit de ma déesse, mais comment la connais-tu ?
-Eh bien, j'ai eu l'occasion de faire connaissance avec elle il y a peu de temps, et elle avait mentionné ton nom lors d'une de nos discussions. Enfin, si on peut appeler ça comme ça.
-Ha, je vois. Répond-t ’il avec un sourire naïf. Mais, l'as-tu rencontré au stand de jagamaru ?
Face à ça question et n'ayant aucune idée de ce qu'est un jagamaru, je reste perplexe et tente de le lui faire comprendre.
-Le stand de jagamaru ? Demandais-je.
-Oui, c'est là qu'elle travaille. Affirme-t 'il avec ce même sourire.
Il me suffit d'un instant pour comprendre la situation du jeune garçon.
-Ah euh... Oui ! C'est ça, tu as raison. C'est bien là que je l'ai rencontré.
Quelques jours plus tôt, Nahaza m'a informé que notre Familia et celle de Hestia sont les deux Familias les plus pauvres d'Orario. De plus comme son seul enfant, Bell en l'occurrence, ne serais pas encore assez puissant pour vivre uniquement du fruit de ses explorations, elle enchainerait les petits boulots pour lui venir en aide. Et il est évident qu'elle ne lui dit rien, car elle aurait honte de ne pas être digne de cet enfant qu'elle aime tant.
Ah… Il faut croire que je l’ai très mal jugé…
Celle que je voyais comme un être capricieux et irresponsable, est en réalité une déesse aimante et d'une grande bonté. Malgré son mauvais caractère et son comportement immature elle reste une divinité, dont les sentiments n'ont pas de limite. Voilà pourquoi elle a pris le risque de se faire virer en m'offrant cette dague.
-Tu sais Bell... Hestia t'aime beaucoup plus que tu ne le crois.
Le jeune garçon reste de marbre, puis se met à rougir jusqu'aux oreilles.
- Hein !? Heu... Mais pourquoi dis-tu ça ? Demande-t 'il en passant sa main dans ses cheveux blanc, pour cacher son embarras.
-Non, laisse tomber, je rêvais rien de plus. Répondis-je en ouvrant les yeux, sortant de mes divagations.
Je n'ai pas oublier mon objectif pour autant. Lançant un signe de la main à mon compagnon d’infortune, je l'invite à reprendre notre route. Aujourd'hui je vais explorer le donjon pour la première fois et je compte bien rentrer victorieux.
°°°°°°
Au plus profond des couloirs de la guilde, là où même les employés ne s'aventurent pas, une personne déambule librement. Passant devant des portes sans serrures, sceller par des sorts et ne pouvant s'ouvrir que grâce à des incantations, l'être encapuché continue sa route à travers les nombreux corridors. Son corps, rachitique et recouvert d'une mince cape en lambeaux, se déplace sans bruit. Au bout de quelques minutes il finit par atteindre une salle, dont la profondeur semble absorbée toute source lumineuse.
-Maitre Ouranos, pourquoi m'avez-vous fais venir ?
Se tenant à l'entrée de la pièce plongé dans l'obscurité, l'individu voilé de noir attend les instructions.
-Fels... Je t'avais ordonné de suivre et d'observer cet humain. Alors ? Où en est-il ? Réponds une voix caverneuse.
Au même instant, une lampe magique s'illumine au milieu de ce sanctuaire de tranquillité, éclairant un trône de pierre grisâtre sur lequel est assis un homme à l'immense carrure. Ses cheveux gris reposant sur le long manteau de fourrure qui le calfeutre, l'homme au traits mature observe son serviteur d'un regard froid.
-Comme vous l'aviez prévu, l'humain a été recueillie par la Familia de Miach il y a un mois. Désormais il se dirige vers le donjon et il compte devenir aventurier. Voilà les renseignements que j'ai récupérés.
-Je vois... Bien Fels, continue de l'observer. Je pense que notre cible ne devrait plus tarder à se faire remarquer.
-Maitre Ouranos, êtes-vous sûr qu'il sera de tailles face à une Familia aussi puissante ?
-Oui, j'en suis même sûre. Cet humain possède une âme assez puissante pour faire de l'ombre à la plupart des dieux.
°°°°°°
Le donjon n'est pas qu'une succession temporelle de phénomènes géologiques sans le moindre sens, et de souterrains dangereux et impraticables. Il est un être conscient, maudit par les divinités et dont les monstres sont les yeux, la gueule et les griffes. [...]
°°°°°°
-Gyaah ! Allez ! ramenez-vous ! Beugle un jeune aventurier, alors qu'il est aux prises avec des goblins.
Les cris résonnent le long des parois rocheuses du 1er sous-sol. L'humidité ambiante, dont l'odeur se fait sentir, semble exciter les monstres enragés.
-Grooh ! Rugis l'une des bêtes, se lançant sur le garçon, armé uniquement de ses griffes et de ses crocs acérés.
Son équipement, comparé aux aventuriers de niveau supérieur, est ridicule. Une giberne, où il range les pierres magiques récoltées, des bottes de cuir abimées par le temps et son épée, qu'il tient fermement.
-Allez, approches !
Pour autant, ses réflexes son affutés. D'un simple pas sur le côté suivi d'un coup sec de son épée longue, le garçon tranche le corps chétif du monstre en deux. Son buste verdâtre roule au sol dans des bruits de craquements d'os, avant de s'écraser contre la paroi en pierre, disparaissant dans un tas de cendre noires, au milieu duquel tombe une petite gemme d'un rouge éclatant.
-Bien joué Roald ! S'écrie sa coéquipière, posté en arrière-garde et levant les bras en signe d'encouragement.
Ils ne savent pas qu'ils sont observés en ce moment, par un autre aventurier. Trop occupé à célébrer sa victoire, le jeune garçon oublie de surveiller les autres créatures qui, bien qu'éloignés au départ, en ont profités pour se rapprocher d'eux.
-GYAAHH
-Attention Roald !
-Quoi !?
Il n'a pas le temps de se retourner qu'un autre lui saute dessus, la gueule grande ouverte.
-Haaah ! Saleté de goblin ! Hurle-t’ il, lorsque le monstre le mord à la hanche et se tient à sa jambe pour continuer à resserrer sa mâchoire.
Levant son épée tant bien que mal et ignorant la douleur, il tente de tenir le reste des monstres à distance en décrivant des arcs de cercle avec son arme. Mais la douleur infliger par la morsure le fait vaciller et lâcher son épée. A la vue de son impuissance sa partenaire observe en retrait d'un air horrifié, tandis que les six goblins restants forment un cercle dont les deux aventuriers sont le centre.
-Himrid, aides moi ! Ne me laisse pas ici !
Elle ne réagis pas et le cercle se resserre.
-Eh ! Qu'est-ce que tu f...
shlaf...
Ses dernières paroles sont interrompues par une dague qui se loge entre ses côtes. Seule la poignée couverte de sang reste visible.
-Himrid... pourquoi... ?
-Si je dois m'échapper, toi tu restes bien gentiment ici pour les occuper. Répond-t 'elle finalement, avec un dégout bien visible dans ses yeux.
La jeune fille tourne les talons, sa queue de cheval flottant dans l'air, et part laissant derrière elle son compagnon. Il s'effondre au sol, laissant libres soins aux goblins de l'abattre comme une bête.
Tss... Pathétique... se dit Yannis, observant la scène dans un coin.
Se rappelant des conseils de Nahaza et ignorant toute pitié, il détourne le regard alors qu'un goblin s'approche de l'aventurier. La créature soulève son visage inondé de larmes et glisse sa main sous son bras pour saisir la poigné de la dague et l'extirper d'un coup sec.
-Gaah ! S’écrit-‘il, submerger par la fatigue et la douleur.
Le sang coule à flot, mais ce n'est pas assez pour l'achever. Alors, le monstre place la lame sous sa gorge et, faisant mine de rigoler cruellement, il égorge le garçon. Seul un gémissement étrangler s'échappe de sa bouche, avant que son corps ne s'effondre au sol.
Tel est la triste réalité du Donjon. Des monstres sanguinaires aux instincts de prédateur, et de jeunes gens poussés à l’aventure par les livres et autres récits héroïques. Chacun veut devenir celui qui marquera les esprits, par sa puissance, sa richesse ou simplement son courage. Mais comme pour Nahaza ou le jeune Roald, le réel est, souvent, plus sévère et intransigeant que le pire des tyrans. C’est en sachant cela que Yannis se décide à lancer une attaque fulgurante, sur le groupe de créatures démoniaque.
Bon, assez rêvassé !
En un éclair, il surgit de derrière le mur et fonce sur le premier goblin lui faisant face. Le monstre s’est laissé surprendre et il le regrette douloureusement l’instant suivant. Le jeune homme lui assène un violent coup de pied circulaire en pleine tête, faisant voler son petit corps sans difficulté. Ayant dégainé sa dague, Yannis se dirige maintenant vers les deux autres goblins, toujours sous l’effet de surprise.
-Gyaah !
Dans un geste puissant, son arme se plante dans la crane verdâtre du monstre le plus proche. Saisissant l’occasion, il donne un coup de pied écrasant au second, lui défonçant la cage thoracique. Le goblin pousse un dernier souffle, agonisant. Les deux monstres disparaissent presque instantanément dans un nuage de cendres noires, laissant derrière eux deux petites pierres magiques d'une lueur bleuâtre.
Plus que trois…
Une fois sa dague extirper du crâne ensanglanté, Yannis entreprend d’achever le monstre inconscient, toujours allongé contre la paroi rocheuse, depuis son attaque surprise. Après tout, tant que son corps ne se désagrège pas, c'est qu'il est encore en vie.
Les derniers goblins ne savent que faire. Ils comprennent qu’à trois, ils ne peuvent rien contre l’aventurier au regard impassible. Ce dernier se saisit de leur semblable inanimé, place sa main au sommet de la petite tête monstrueuse et, faisant toujours face aux survivants, lui tord le cou dans un “clac“ qu’il connait bien. Laissant tomber la créature sans vie, dont seul le cristal touche le sol, Yannis se prépare à attaquer de nouveau.
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