Chapitre 18
Ces quelques semaines à la communauté m’avaient permis de me ressourcer, mais aussi de reprendre contact avec ma mère. Nous n’étions encore qu’au commencement de notre nouvelle relation, mais maintenant que je la savais plus apaisée, plus consciente du monde qui l’entourait, j’étais soulagée. Si je me soignais correctement, je ne deviendrais jamais le monstre qu’elle était et je pourrais mener la vie que je voulais.
Il était désormais temps de rentrer. Ben et Elise avaient leur remise des diplômes et Lizéa attendait impatiemment le festival de fin d’année de l’école. Après avoir chargé nos valises dans la voiture, j’informais Clémence et ma mère que je reviendrais, même si je ne savais pas encore quand. Le tout étant de faire les choses par étapes. Toute fatiguée par le voyage, on se coucha rapidement, pour être en forme le lendemain.
Je fus réveillé par odeur de pain au chocolat et de pain tout juste sortie du four. Je me redressais dans le lit et Océane posa un plateau-repas sur mes genoux. Elle m’embrassa puis s’assit en face de moi.
— Tu me racontes ? Tu es endormi comme un bébé, hier.
— Ma mère est… totalement différente. Pour l’instant, nos échanges sont pacifistes. Je compte y aller petit à petit avec elle et m’adapter à elle.
— Tu as bien raison. Il vaut mieux que tu prennes ton temps, et que tu vois au fur et à mesure.
— Et sinon, ce petit déjeuner au lit, c’est en quel honneur ?
— Je voulais juste te faire plaisir. Les grands se préparent tranquillement, Irina s’occupe de Lizéa, et je m’occupe de toi.
— Je suis une grande fille, tu sais.
— Je sais, rigola-t-elle.
— Comment ça se passe avec Irina, d’ailleurs ? questionnais-je en croquant dans mes tartines.
— Plutôt bien. Liz semble l’écouter et rester calme avec elle. Je pense que c’est surtout parce que c’est la maman de son ami. Elle m’a beaucoup aidé quand Liz est rentrée de l’hôpital. Elle se sent responsable de ses brulures.
— Si elle fait correctement le travail demandé, c’est tout ce qui compte.
— Elle a quelques problèmes personnels, mais je t’en parlerais plus tard, ce n’est pas encore urgent. Je te laisse manger tranquillement, je te prépare ta robe.
Elle m’embrassa pour que je ne puisse pas répliquer. J’avais de la chance d’avoir une femme au petit soin, en toute circonstance. Après un bon petit déjeuner, je revêtis la nouvelle robe choisie par Océane et laissait celle-ci me coiffer. Je fis le tour de mes enfants, pour m’assurer qu’ils étaient prêts, tandis que ma femme se préparait à son tour. Lizéa avait les cheveux tressés en deux tresses et portait une jolie petite robe blanche. Sa préférée. Elle ajouta des sandales rose pâle, quelques bijoux discrets comme un bracelet et un collier et je plaçais son diadème sur sa tête. Même si je savais qu’il n’allait pas y rester très longtemps. Ben et Élise avaient, sous leur toge de diplôme, son costume de Prince et une belle robe violette. Sous leurs coiffes, leur couronne et leurs diadèmes respectifs. Ils se devaient d’être irréprochables, Élise ayant voulu qu’on annonce aujourd’hui lequel des deux était notre héritier au trône.
Cette remise des diplômes, j’en entendais parler depuis la publication des résultats. Le major de promo, c’était Ben avec Élise juste derrière lui. De quoi énerver ma fille et rendre fier son frère. On se réunit tous dans la grande salle, où Lizéa explosa de rire en voyant les tenues de ses ainés. Elle se déroba rapidement dans les bras de sa mère pour éviter de vagues de chatouilles.
— En route les jeunes, les stoppa Océane. Sinon on va être en retard.
Le regard fier, le dos bien droit et la tête relevée, nous étions en route pour la remise des diplômes de mes deux premiers enfants. Le début de la cérémonie et uniquement leurs passages serait retransmis en direct à la télévision. Tout l’Empire avait hâte de connaitre notre successeur, mais aussi d’assister à ce grand évènement.
À peine arrivées devant l’établissement, les caméras se braquèrent sur nous. Le direct avait déjà commencé. Élise et Ben adoptèrent leur statut de Prince tandis qu’un sourire suspect se dessina sur le visage de Lizéa. Pour éviter qu’elle ne fasse une bêtise, je lui attrapais la main.
— Vos Majestés ! nous interpella un journaliste. Pouvez-vous nous dire un moment sur ce que vous ressentez aujourd’hui ?
— Je suis très fière de mes enfants, répondit Océane. Ils ont su être à la hauteur de nos espérances. Celui que nous avons choisi comme héritier à mériter de titre.
— Et vous, Elena ? Qu’avez-vous à dire ?
— Rien de plus que ce que ma femme a déjà dit. C’est un jour important pour eux. Tout ce qui nous importe c’est qu’ils soient heureux. Ils ont tous les deux choisi leur voix future, que nous avons acceptée, même si ce sont deux voix totalement différentes l’une de l’autre.
On laissa les journalistes prendre quelques photos de notre famille avant de rejoindre la cour, où avait lieu la cérémonie. Les jumeaux rejoignirent leurs amis, tandis qu’on partit s’installer à nos places. Emma, Corine et Nathan nous avaient rejoints.
— J’ai encore du mal à croire qu’ils seront bientôt diplômés, soupira Corine.
— Et moi donc, rigolais-je. Le temps est passé tellement vite. C’est comme s’ils étaient nés hier.
— Il s’est passé beaucoup de choses en dix-huit ans.
— On est d’accord.
Le directeur de l’établissement monta sur l’estrade, obtenant ainsi le silence. Les élèves diplômés s’installèrent à leur chaise respective, prêts pour la cérémonie.
— Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs. Merci d’être venu aussi nombreux pour célébrer la remise des diplômes de tous ces jeunes. Sachez que je suis fier de vous. Je suis fier du chemin que vous avez parcouru depuis que vous êtes arrivée au lycée. Même si ça a été facile pour certaine, ça ne l’était pas tous le monde, mais vous avez quand même réussi. Je suis honoré d’annoncer que cette année, notre lycée élitiste.
Des applaudissements se firent entendre dans toute la cour et même des cris venant des élèves.
— Cette cérémonie est spéciale. Aujourd’hui, la Princesse Élise De Stinley et le Prince Benjamin De Stinley sont diplômés. Je dois avouer que c’est aussi grâce à eux, au dévouement envers leurs camarades que les plus faibles ont tous de même réussi à obtenir leurs diplômes. Avant d’inviter le major de promo de cette année, je souhaite rappeler que leur mère, Océane Luisard à aussi été élève de ce lycée. Une élève sur qui il ne fallait pas prendre exemple, mais qui apporter un peu d’animation. Je vais laisser la parole à notre major de promo, Benjamin De Stinley.
Souriant et avec beaucoup de prestance, mon fils s’avança sur l’estrade et prit la place du directeur devant le micro. Il balaya l’assistance du regard avant de commencer ce discours qu’il avait longuement préparé.
— Merci, Monsieur le Directeur. J’ai obtenu cette place de justesse. Ma sœur n’est derrière moi qu’à quelques dixièmes de points. Elise, même si j’ai gagné, cette bataille, tu en as gagné plein d’autres. Dans cet établissement, nous avons appris à nous respecter les uns les autres. Nous avons appris à grandir ensemble, à forger notre culture, notre sens critique. Nous avons créé des amitiés, des amours aussi. Mes années passées ici seront mémorables. Merci Élise.
— Tait-toi, tête de piaf ! s’écria alors la concernée, faisant rire tout le monde, moi y compris.
— Tout ça pour remercier tout le personnel, comme le corps enseignant et vous, Mr le Directeur. Je suis fier de suivre les traces de ma mère, même si c’est Elise qui continue le chemin en allant à l’université d’histoire, tandis que j’ai décidé de voyager, d’explorer l’Empire et les royaumes voisins, avec l’accord de mes mères.
— Merci pour ce beau discours, Benjamin. Je te remets donc ton diplôme, félicitations, ajouta-t-il en lui serrant la main.
— Merci, Monsieur le Directeur.
— Élise de Stinley ?
Ma fille se leva sous les sifflements des garçons. Souriante, elle redressa les épaules et fit voler ses cheveux, amplifiant les sifflements. Je regardais tour à tour Emma et Nathan, rigolant. Ma fille avait du succès auprès des garçons et ça lui plaisait. Quand mes jumeaux se croisèrent, Ben leva les yeux au ciel, donna une tape sur l’épaule de sa sœur avant de la prendre dans ses bras.
— Félicitations Mademoiselle Élise, ajouta le directeur en lui tendant son diplôme puis en lui serrant la main.
— Merci, Monsieur le Directeur.
Radieuse, elle descendit de l’estrade avec élégance, profitant que les regards des garçons étaient sur elle. Mes deux enfants étant enfin diplômés, ça allait être mon tour. Le Directeur m’invita à le rejoindre pour mon discours.
— Merci d’avoir accepté, Monsieur le Directeur. Ben, Élise, sachez que je suis très fière de vous. Aussi bien par vos résultats scolaires que par votre implication en tant que citoyen d’Eryenne mais aussi en tant que membre de la famille impériale. Même si Lizéa ne le montre pas comme vous le voudrez, elle vous admire. Mais si j’interviens aujourd’hui, c’est surtout pour faire une grande annonce. Celle que tout le monde attend depuis des années. Je vais enfin donner le nom de mon héritier au trône. Sachez que cette décision a été prise depuis plusieurs années, avec l’accord de mes enfants. Mais avant ça, j’ai autre chose, de moins réjouissant à vous dire. Mais je ne veux pas vous mentir. Vous ne le saviez pas, je ne le savais pas non plus, mais ma mère était malade. Cette maladie est à l’origine de tous le mal qu’elle a commis. Cela ne l’excuse pas, mais pour ma part, ça m’aide à comprendre pourquoi elle était si intrangisante, si monstrueuse envers les Eryenniens, envers vous. Si je vous dis ça, c’est parce que je suis moi aussi malade. J’ai la même maladie mentale que ma mère. Sauf que je me fais soigner. Et grâce à ma famille, tout va bien. Comme je le leur aie demandé, si je devais devenir comme ma mère, ils seront les premiers à m’arrêter, avant que je ne devienne un danger pour l’Empire. Il y’a déjà des procédures mises en place pour limiter partiellement mon pouvoir. Vous n’avez pas à vous inquiéter, je ne nuirais jamais à l’Empire, je vous le promets. Maintenant que ça s’est dit, je vais annoncer mon héritier. Avec leurs accords communs et en respect de leur décision, nous avons choisi, pour nous succéder, ma fille, Élise. C’est elle qui deviendra Impératrice à la fin de ses études à l’université d’histoire. Océane et moi-même abdiquerons le moment venu, quand nous la jugerons prête à prendre notre place. Merci d’être venu aussi nombreux pour cette cérémonie. Je vais maintenant rendre la parole à Monsieur le Directeur.
Je m’écartais du micro et ma fille me rejoignit avant que je ne puisse descendre de l’estrade. Elle me prit dans ses bras et les larmes que je vis couler sur son visage appelèrent les miennes.
— Je t’aime, maman. J’admire le courage dont tu fais preuve au quotidien. Malgré tout ce que tu as vécu, tu as toujours su rester forte.
— Pas toujours chérie. Mais j’ai su m’entourer des bonnes personnes pour surmonter tous les obstacles qui se sont dressés sur ma route. J’espère que tu en feras de même.
— Je te le promets. Je te promets d’être une Impératrice à la hauteur de tes attentes.
— Soit l’Impératrice que tu souhaites être, tant que tu as à cœur la sécurité et le bonheur des Eryenniens.
J’essuyais ses larmes en souriant puis l’embrassais sur le front. Jalouse, Lizéa la bouscula pour grimper dans mes bras. Je l’embrassais aussi, pour éviter une énième guerre fraternelle.
— Nous allons maintenant passer à la suite des remises de diplômes. Comme convenu, les journalistes ne sont pas conviés, pour le respect des autres diplômés.
Pendant une demi-heure, après le départ des journalistes, tous les lycées reçurent leurs diplômes. Suite à l’annonce de mon fils, toutes les coiffes volèrent et les toges furent rapidement enlevées. Place maintenant au festival de fin d’année. Il y avait des jeux aussi bien pour les grands que pour les plus jeunes, l’établissement accueillant des élèves de la primaire au lycée. Un bal était aussi organisé pour les diplômés, mais n’avait lieu qu’en fin de journée. Ben et Elise avaient tout mis en place avec l’aide du comité des lycéens.
Plus on approchait des stands de jeux, plus Lizéa était intenable. Elle avait envie de s’amuser. Emma et Corine rentrèrent, ayant beaucoup de choses à faire et on perdit Nathan dans la foule. Il avait des amis parmi les parents des élèves de l’établissement.
— Liz, écoute-moi avant d’aller jouer. Je veux que tu me préviennes à chaque fois que tu te déplaces. Je veux toujours savoir où tu es. Il y a beaucoup de monde, je ne veux pas te perdre.
— Mais…
— Sinon je t’affecte un garde qui te suivra partout où tu iras.
— Même aux toilettes ?
— Même aux toilettes, bluffais-je.
— Bon d’accord, je serais sage.
— Tu peux aller t’amuser.
Océane reçu un appel d’Emma, elle devait rentrer au château, mais reviendrais dès que possible. Elle m’embrassa sous les sifflements des jeunes. Elise attira rapidement toute l’attention. Dans sa belle robe de princesse, les garçons la regardaient de haut en bas, ce qui ne la dérangeait visiblement.
— Alo Princesse ici le chevalier, tu as fini de laisser les gars te mater, bourreau des cœurs ? lança un jeune homme un peu trop maigre, au visage doux.
— Jaloux ? joua ma fille
— Evidement, Princesse.
Ce jeune homme semblait proche de ma fille, mais aussi hésitant à s’approcher plus. Comme si quelque chose le retenait.
— Ethan ! lança Ben un peu plus loin. Arrête de draguer ma sœur et viens donc me défier au tir à l’arc.
— Pour que je perde à coup sûr ? Non merci, mon pote. Pas envie d’affronter un sportif cantonal.
— Trouillard, souffla Elise. Si tu gagnes, je te présente à ma mère.
— Oula, je n’ai pas du tout la pression là. Et si je perds ?
— J’aviserais.
Le fameux Ethan rejoignit finalement mon fils. Elise se retourna et m’adressa un clin d’œil. Elle savait que j’écoutais et je compris que même si Ethan perdait, elle me le présenterait quand même. Le lycée terminé, elle semblait vouloir officialiser leur relation. Je laissais mes grands vaquer à leurs occupations, préférant garder un œil sur ma petite fille, bien plus active et énergique qu’eux. Elle restait rarement longtemps au même endroit, surtout quand elle perdait, mais revenait régulièrement sur ses jeux préférés.
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