Chapitre 20

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Alors que je travaillais dans le bureau, que les enfants dormaient chez leurs amis respectifs et qu’Océane allait bientôt terminer son cours de karaté, je reçus un appel de cette dernière.


— Un resto, ce soir, ça te dit, mon cœur ? Profitons de l’absence des enfants.

— Avec plaisir, mon amour.

— Super, je réserve pour vingt heures. On se retrouve directement là-bas.

— Mais tu as ce qu’il te faut en tenue ?

— Mais bien sûr, chérie. J’avais tout prévu.

— Parfait, à ce soir.

— Je t’aime !


Océane raccrocha avant que je ne puisse le répondre. Étant déjà dix-neuf heures, j’avais seulement une heure pour me préparer. Ça allait être juste, mais c’était faisable si Emma me venait en aide. Je lui envoyai un message et elle arriva dans la chambre en même temps que moi.


— C’est en quel honneur ? Me questionna-t-elle.

— Aucune idée.

— Tu ne sais vraiment pas ?

— Et toi tu sais quelque chose, soupçonnais-je.

— J’en sais suffisamment pour savoir que les soirées pyjama des enfants ont été prévues au même moment pour une raison. J’attendais de savoir quand tu allais m’appeler.

— Pourquoi je demande aussi, rigolais-je. Pour qu’Océane me prévienne une heure avant, c’est qu’elle a quelque chose en tête.


Pour cette soirée, je cherchais une robe dans la partie la moins utilisée de ma garde-robe. Celles que je ne sortais qu’en de rares occasions. Je finis par choisir une robe qui ressemblait à la première que j’avais portée pour Océane. Des manches courtes, un beau décolleté, un jupon qui s’arrêtait juste en dessous du genou. À la différence de la première, le dos nu était seulement maintenu par un fils. Un peu comme ma robe de mariée. Dans des tons rose, rose pâle et rouge, elle était parfaite. J’en profitais pour changer de lingerie et mettre un nouvel ensemble de dentelles blanches. Emma s’attaqua ensuite à ma coiffure. Elle tressa quelques mèches, en boucla d’autres et lissa les dernières. Ce qu’elle faisait était incompréhensible, sauf pour elle. Elle termina pour une touche de maquillage avant que je ne mette en place mes bijoux. Ceux que j’avais longtemps laissés dans leur boîte au profit de la simplicité. Je sortis une paire de boucles d’oreille de rubis ainsi que le collier et le bracelet qui allait avec. Quant à la bague, seule mon alliance resterait à jamais autour de mon doigt.


— Tu es prête pour la plus belle soirée de ta vie, Elena.

— Ça faisait longtemps que je ne m’étais pas aussi bien apprêté, souris-je.

— J’avoue. Tu fais plus d’effort en tant que femme, qu’en tant qu’Impératrice. Océane à énormément de chance.

— Merci Emma.


Elle déposa un baisé sur ma joue avant de me laisser rejoindre la voiture qui m’attendait dans la cour.


— Votre Majesté, l’interpella le chauffeur. Votre limousine est prête.

— Merci, rougissais-je.


J’attrapais la main qu’il me tendait et montais dans la voiture. Quand on arriva en ville, le chauffeur ouvrit la portière et j’aperçus la devanture du plus grand restaurant de Glenharm. Son chef était même reconnu jusqu’en Carandis.


— C’est ici que je vous laisse, Votre Majesté.

— Merci.


À la fois nerveuse, intriguée et excitée, j’entrais dans le restaurant et fus accueillie par la réceptionniste.


— Bienvenue à la Maison dorée, Votre Majesté. Puis-je mettre votre veste au vestiaire ?

— Bien sûr, merci.


Je retirais délicatement le gilet que j’avais mis au dernier moment et le lui tendis.


— Je vous invite à me suivre. Votre femme vous attend à votre table, enchaîna-t-elle après avoir rangé mon gilet.


En prenant soin de ne pas faire claquer mes talons sur le parquet, je la suivis jusqu’à une table où ma femme et un immense bouquet de fleurs m’attendaient. À mon arrivée, les autres clients déjà présents me regardèrent passer. Océane se leva et s’approcha de moi.


— Tu es magnifique, mon amour, commenta-t-elle après m’avoir embrassé.

— Toi aussi. Ce chemisier te va à merveille.


Océane avait toujours été plus à l’aise en chemise et pantalon et aujourd’hui ne faisait pas exception. Elle avait revêtu un pantalon noir pigmenté de bleu et un beau chemisier blanc, pailleté avec un super décolleté. Elle s’éloigna ensuite pour décaler ma chaise, m’invitant à m’asseoir puis en fit de même.


— Et ça, c’est pourquoi ? La questionnais-je en désignant le bouquet de fleurs.

— Tu as vraiment oublié ? Il serait peut-être temps de prendre des vacances tu ne crois pas ?

— C’est vrai qu’on pourrait partir. Rien que toi et moi, au bord de la mer.

— Me tente pas.

— Attends, laisse-moi réfléchir… désolé mon amour, je n’arrive vraiment pas à me souvenir.

— Joyeux anniversaire de mariage, mon amour.

— C’est aujourd’hui ? Mais quelle idiote ! Comment j’ai pu oublier ça ?

— C’est ma faute en fait. J’ai fait exprès de supprimer le rappel sur ton agenda secret, pour te faire cette surprise.

— Ce n’est plus un agenda secret si tu le sais.

— Tu penses à trop de choses en même temps, trop d’informations à retenir, je me doutais que tu avais un endroit où tu notais tout. Pour ne rien oublier. Et je l’ai trouvé.

— J’aurais dû t’en parler.

— Non, fini d’en parler.

— Tu as raison. Merci Océ. Joyeux anniversaire de mariage à toi aussi. Et dire que ça fait déjà 18 ans.

— C’est justement parce que ça fait dix-huit ans qu’on est ici.

— Ce n’est pas la seule surprise, c’est ça ?

— Tu verras bien.


Une serveuse s’approcha, servit un verre de champagne à ma femme et un cocktail sans alcool pour moi. Elle nous présenta les canapés apéritifs. Océane avait tout organisé, bien à l’avance. J’allais découvrir le menu au fur et à mesure.


— Je dois te parler de plusieurs choses aujourd’hui. J’aimerais qu’à chaque fois, tu me répondes en tout honnête.

— J’essaierais.

— D’abord, te sens-tu réellement capable de continuer à gouverner ? J’y ai bien réfléchi. Je me disais que tu pourrais officieusement abdiquer. Officiellement, tu resterais toujours l’Impératrice et au moindre problème, tant qu’Élise n’a pas terminé ses études, il y aura toujours quelqu’un sur le trône. Mais comme ça, tu pourrais te concentrer uniquement sur toi, sur ce dont tu as vraiment envie de faire.

— Comme passer plus de temps avec Lizéa, soupirais-je. Tu as raison. Gouverner me fatigue trop. J’ai peur de devenir comme ma mère si je n’arrête pas à temps. Mais tu auras beaucoup de travail, je ne peux…

— J’aurais deux assistantes et Élise ne veut pas être totalement mise de côté de l’Empire pendant ses études. Elle m’aidera. Tu n’as pas à t’inquiéter pour moi.

— J’accepte. Merci Océ.

— Je sais qu’être Impératrice, ça a toujours été un poids pour toi. Que si tu avais eu le choix, tu ne le serais jamais devenue. Je suis ta femme, c’est mon devoir de t’aider, de te rendre heureuse.


La serveuse nous amena la première entrée. Cela faisait longtemps que nous ne nous étions pas retrouvés que toutes les deux avec Océane. Depuis la naissance des jumeaux, à vrai dire. Maintenant que nos trois garnements étaient grands, nous avions enfin la possibilité de passer plus de temps ensemble, comme avant notre mariage, quand il n’y avait que nous deux qui comptait.


— Ensuite, j’ai été contacté par une agence de mannequinat.

— Tu es trop belle pour être mannequin, mon amour, rigolais-je.

— C’est Lizéa qu’ils veulent, soupira-t-elle après avoir légèrement rougi.

— Mais elle n’a que sept ans !

— Bientôt huit, et elle est aussi belle que sa mère, joua ma femme. Elle serait une enfant-mannequin. J’ai étudié en détail le contrat de l’agence, il n’y a aucun vice. Et l’agence fait particulièrement attention aux enfants, à leur scolarité et ce qu’ils soient protège des adultes. J’ai fait mes recherches, c’est une agence de confiance.

— En as-tu parlé à Liz ?

— Pas encore. Je voulais ton avis avant.

— Elle est déjà mise en avant dans la presse en tant que Princesse, ça ne changera rien qu’elle le soit en tant que mannequin. Mais j’ai peur que l’agence ne l’utilise justement à cause de ça.

— Si cela t’inquiète, je pourrais acheter des actions de cette agence. J’aurais ainsi un œil sur tout. Et quand Liz sera adulte, les parts lui reviendront. Elle est la seule à pouvoir bénéficier d’une enfance plus ordinaire, plus libre.

— Soit. Si elle accepte, je ne suis pas contre. Mais à condition que l’agence prenne très à cœur sa sécurité et son éducation scolaire. Elle a déjà tellement de difficulté avec l’école.

— Elle aura du challenge. Si elle veut défiler, elle devra nous ramener de bonnes notes.

— Je pense que ça pourrait marcher.


On enchaîna avec la deuxième entrée. La serveuse servit un verre de vin à Océane tandis que je restais à l’eau.


— Maintenant, le plus compliqué pour toi. Je pense qu’Emma va bientôt nous quitter.

— Comment ça ?

— Tu n’es vraiment pas au courant ? Elle se fait courtiser.

— J’en ai entendu parler oui. Élise a gaffé. J’aurais aimé qu’Emma m’en parle d’elle-même, ça fait déjà un mois.

— C’est pour ça que je le fais à sa place. Elle ne sait pas quoi faire. Si elle accepte ses avances, elle devra quitter le palais. Elle ne veut pas te laisser.

— Qui est-ce ?

— Le Roi de Thérénia. Tu te souviens du Prince qui t’a demandé si Emma était libre, le jour de notre mariage ?

— Il n’est pas déjà marié ?

— Sa femme est décédée l’an dernier. Il semblerait qu’il ait toujours aimé Emma.

— Je ne peux la retenir, ce serait injuste. Elle aussi a droit d’être heureuse. Elle doit partir. Comme les enfants, il est temps qu’elles prennent son envol.

— Tu devrais lui dire, dans ce cas. Avant qu’il ne lui fasse une demande en mariage et qu’elle refuse.


Le premier plat arriva et cette fois-ci, Océane inversa les rôles. Elle voulait que je parle à mon tour. Je réussis seulement à la remercier pour tout ce qu’elle avait fait pour moi, pour toutes les années que j’avais passé avec elle. J’avais eu une chance incroyable de la rencontrer, mais surtout d’être sa femme.

Après le deuxième plat et le pré dessert, le dessert arriva enfin et Océane changea. Sur le dessert, il y avait une bougie et elle attendit que je la souffle pour rejoindre et se mit à genoux devant moi, une bague dans les mains.


— Mon amour, je t’ai déjà dit que je t’épouserais cent fois s’il le fallait. Mais on est déjà marié. Si je te demandais à nouveau de m’épouser, que dirais-tu ?

— Je dirais oui, bien sûr, répondis-je sans hésiter.

— Accepterais-tu qu’on fasse un renouvellement des vœux ?

— Qu’est-ce que c’est ?

— Comme un mariage, mais sans valeur juridique. Ce serait l’occasion de retrouver nos amis, de nous marier en présence de nos enfants.

— C’est une bonne idée. Je ne savais même pas que c’était possible.


Elle glissa la bague en émeraude autour de mon doigt. Cette bague accompagnait désormais mon alliance, qui n’avait pas bougé depuis dix-huit ans. Elle se leva, m’embrassa passionnément et se rassit sur sa chaise.


— Si on le fait demain, ça te va ?

— Demain ? Si vite ?

— J’aurais aimé le faire aujourd’hui, mais comme on n’en avait pas parler avant… et de toute façon, j’ai déjà tout organisé.

— Tu savais que j’allais dire oui, en fait. Tu me connais trop bien, mon amour. Je suis d’accord pour demain.

— Si tu souhaites inviter ta mère, tu le peux. Dans le cas contraire, on peut aussi la faire participer en visioconférence. Elle sera là, sans être là. Ou ne pas l’inviter du tout, c’est toi qui décides. Le renouvellement des vœux se fera en petit comité, il n’y aura aucune caméra, pas comme lors de notre mariage.

— J’ai combien de temps pour y réfléchir ?

— Sachant que la cérémonie commence à quinze heures, si tu veux qu’elle soit là, tu as jusqu’à demain matin, au plus tard. Des soldats sont déjà sur place.

— Mais ça ne te dérange pas, toi ? Elle a tué tes parents.

— C’est la femme malade qui a tué mes parents. Grâce à toi, avec ta maladie, je me dois de faire la distinction. Au cas où, par malheur, tu devais un jour prendre une vie.

— Comme Julien ?

— Entre autres. Je ne lui pardonne pas, mais j’ai fini par faire mon deuil. Si tu ressens le besoin d’avoir ta mère auprès de toi. Je l’accepte. Tu as déjà fait un pas vers elle, c’est aujourd’hui à moi d’en faire un.

— Elle sait que je suis mariée avec toi, de toute façon. Je te donnerais ma réponse ce soir.

— Ne te mets pas la pression. Tu peux aussi dire oui et dire non au dernier moment. Elle restera dans une chambre du château sous bonne garde et n’assistera pas à la cérémonie.

— Merci de me laisser cette opportunité.


En guise de cadeau de mariage, j’eus aussi droit à une parure de bijoux, qui allait de pair avec la bague. J’allais devoir lui faire, à mon tour, un cadeau. À la fin du diner, on rentra ensemble au château. Je restais quelques heures dehors, dans le jardin. J’avais besoin de réfléchir. Il était vrai que je voulais ma mère auprès de moi pour ce jour important. Tout comme j’aurais voulu qu’elle soit là le jour de mon mariage avec Océane. Maintenant que je connaissais sa vraie personnalité, je ne pouvais plus l’ignorer. Elle fait une erreur qui avait réduit à néant sa vie ainsi que le début de la mienne. Elle n’avait pas su dire stop au bon moment, comme je le faisais. Devais-je lui en vouloir ou au contraire, tourner la page ? Elle s’était isolée pour ne plus me faire du mal. Elle avait réussi à dire stop, même si c’était bien trop tard. Je ne devais plus le lui reprocher, mais accepter la femme qu’elle était devenue. Elle s’était soignée pour moi. Et si je ne l’acceptais pas, je ne valais pas mieux que la mère que j’avais toujours connu. Je devais reconnaitre les efforts qu’elle faisait depuis dix-neuf ans, pour reconnaitre ceux que je faisais aujourd’hui pour ne pas faire les mêmes erreurs qu’elle.

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