Chapitre 21

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Depuis les premières lueurs du jour, le château était en effervescence pour la cérémonie de renouvellement des vœux. Après plusieurs heures de réflexion, j’avais finalement choisi de faire venir ma mère. Océane m’avait alors appris que mon père était décédé quelques mois auparavant, mais qu’il n’avait pas voulu que j’en sois informé. Il avait choisi d’être enterré au village où il avait passé le reste de sa vie, à s’occuper d’un orphelinat. Edel, si j’avais bien compris. Comment lui en vouloir ? Notre relation n’avait jamais été très complexe. Je ne pouvais même pas pleurer sa mort. Au moins, il avait fini sa vie telle qu’il le voulait. À midi, avant la pause de tout le monde, je les réunis tous dans la Grande-Salle. Je devais avertir l’ensemble du personnel du palais du retour de ma mère. De qui elle était devenue, mais surtout de pourquoi j’avais pris, seule, la décision de la faire revenir. Ils acceptèrent sans un mot et repartirent prendre leur pause. Si eux avaient réagi ainsi, la réaction de Stephania me faisait le plus peur. Ma mère avait tué la sienne, parce qu’elle avait voulu m’aider. Stephania n’avait jamais réussi à pardonner à ma mère. C’est vers treize heures que ma mère arriva, en compagnie de quatre soldats, armée.


— C’est beau, commenta-t-elle. Tu as fait du bon travail, ma fille.

— Merci, mère. Entrez, je vous pris.

— Est-ce que ton personnel sait pour mon arrivée ?

— Oui, je l’es ai prévenu.

— Et les invités ?

— Je ne sais pas. C’est Océane qui s’est occupée des invitations.

— Je te remercie de m’accorder une autre chance. Je vais essayer de ne pas la gâcher cette fois-ci.

— Votre chambre a été nettoyée. Mais sachez que je l’ai fouillé de fond en comble à plusieurs reprises.

— Je suppose que tu as découvert mes journaux ?

— En effet. Et je les ai lus plusieurs fois. Pour comprendre.

— Tu as bien fait. Je les avais laissés pour une bonne raison.


Je la conduisis jusqu’à sa chambre, où attendait Sofia, la domestique qui allait s’occuper d’elle. Elle avait été formée par Bianca en personne et je lui faisais entièrement confiance.


— Tout est en ordre, Majesté, commença la jeune fille.

— Merci. Je te présente ma mère. Mère, je vous présente Sofia. Elle répondra à vos demandes. Les quatre soldats qui sont venus vous chercher se relayeront pour garder un œil sur vous. Je ne vous fais pas encore totalement confiance. Sofia me transmettra vos moindres fait et geste.

— Je comprends.

— Vous avez deux heures pour vous préparer. Sofia vous emmènera directement dans la salle.

— Tu n’as pas besoin de moi pour te préparer ?

— Emma s’en occupe déjà.


J’attendis que Sofia referme la porte derrière elle pour retourner dans ma chambre. Ma robe de mariée était dans un état impeccable et m’allait toujours. Océane m’observa, tout en mettant une nouvelle robe plus crème que blanche.


— Tu es certaine de vouloir remettre celle-là ? me questionna-t-elle.

— Oui. Elle me tient à cœur.

— Parce qu’elle a été faite par les villageois ?

— Entre autres. Mais parce que ça me rappelle ce premier anniversaire que j’ai passé avec toi, mes vingt ans. Et je sais que tu l’aimes.

— C’est vrai que tu étais magnifique dedans.

— Etait ? Je ne le suis plus maintenant ? la taquinais-je.

— Je ne sais pas, met là et je te dirais.


Emma entra à ce moment-là et gloussa en découvrant le regard que ma femme avait posé sur moi. Elle m’aida à l’enfiler, attacha le fil unique dans mon dos et me coiffa.


— Whoa, commenta-t-elle. J’ai l’impression d’être de retour dans le passé. Tu n’as pas changé.

— Je confirme, mon amour. Enfin, tu es bien plus belle qu’à vingt ans.

— N’importe quoi, j’ai pris des rides et du poids.

— Et pourtant, la robe te va toujours.

— En même temps, j’étais enceinte lors du mariage.

— Oh tu me fatigues déjà, ma vieille.


Océane gloussa et m’embrassa avant que je ne puisse répliquer. Main dans la main, on rejoignit la Grande Salle. Ma mère et Sofia attendaient devant. Ma mère leva les yeux en nous entendant approcher et resta bouche bée. Je rougis, Océane m’embrassa à nouveau et entra dans la salle avec Sofia, me laissant seule avec elle.


— Tu es magnifique, ma chérie.

— Merci.


Je lui expliquais l’histoire de cette robe et aperçus une larme discrète couler sur sa joue.


— Elena, je tiens une dernière fois à m’excuser pour tout. Je n’ai pas su reconnaitre ta valeur, je n’ai pas su être la mère que tu aurais mérité d’avoir.

— J’ai fait leur deuil de cette mère. Soyez la mère que je veux maintenant, pas celle que j’aurais voulu avoir un enfant.

— Merci. J’aimerais bien t’accompagner jusqu’à l’autel et donner ta main à Océane.

— Vous voulez faire ce que père à fait à mon mariage. J’en serais ravie.

— Tu me fais là un grand honneur.

— Mais avant, je dois vous avertir. Je compte parmi mes amis les plus proches, la Reine Stephania de Carandis. Sa mère…

— J’ai en effet fait tuer sa mère par poison. Alors qu’elle voulait simplement t’aider, te sortir de l’enfer dans lequel je t’avais mise.

— Elle prend soin de moi depuis votre départ. Sans elle, je n’aurais jamais réussi à avouer mes sentiments à Océane.

— Si elle l’accepte, et avec ta présence, j’allais m’excuser.

— Nous irons ensemble, alors.


Elle me tend son bras et le prend en souriant. Les soldats ouvrent les portes et on entre. Mon cœur s’emballe dans ma poitrine. Pas parce que je vais renouveler mes vœux de mariage avec Océane, mais parce que je suis au bras de ma mère, la personne la plus détestée de l’Empire. Je sens qu’elle aussi panique et tourne la tête. Je lui souris et lui tends mon autre main et l’invite, d’un signe de tête à la prendre. On continue d’avancer et je croise le regard noir de Stephania. Contrairement à ce que mon cœur me disait, je l’ignore et continue d’avancer. Je croise ensuite le regard de ma fille, qui m’encourage d’un signe de tête. Avant que je ne rejoigne Océane, Lizéa se plante devant nous, les poings sur les hanches.


— On se connaît ? joue-t-elle la grande fille. Vous ressemblez un peu trop à ma maman.


Ma mère me regarde et on rigole en même temps, ce qui sembla apaiser l’atmosphère. Personne, ici présent, n’avait déjà entendu ma mère rire, moi y compris. Je lâche le bras de ma mère pour prendre ma fille dans ses bras.


— Tu as une mémoire un peu trop sélective, poussin. Je t’ai déjà dit qu’elle était ta grand-mère.

— Ah oui, c’est vrai. Méchante, c’est MA maman. Vous n’avez pas le droit de me la prendre.

— Ne t’en fait pas Lizéa, je te la laisse, lui répond ma mère d’une voix étonnamment douce. Ta mère est la femme la plus incroyable que je connaisse. J’espère que tu lui dis à quel point tu l’aimes.

— Evidement ! Je ne suis pas mon frère.


J’entends mon fils s’étouffer puis il se dépêcha de venir récupérer sa sœur. Élise fit le pas suivant en invitant ma mère à venir s’asseoir à ses côtés. Même si je savais que c’était pour la garder à l’œil, ça me faisait tous de même plaisir. Océane attrapa ensuite ma main et je la rejoignis sur l’estrade.


— Il semblerait que l’invitation fasse plaisir à ta mère, murmura-t-elle.

— Et à moi aussi. Merci de me l’avoir proposé.

— Vos Majestés, reprend le maire de Glenharm, si vous le voulez bien, nous allons commencer.

— Bien sûr.


Je me tourne pour me retrouver face à ma femme et prends sa deuxième main dans la mienne. Dix-huit ans plus tard, j’étais toujours aussi amoureuse et éprise d’elle. Comme le jour où j’avais compris la nature des sentiments que j’éprouver envers elle.


— Madame Océane Luisard, après dix-huit ans de mariage avec Madame Elena De Stinley, vous avez émis le souhait de renouveler vos vœux. Souhaitez-vous dire quelques mots ?

— En effet. Elena, si j’ai souhaité ce renouvellement des vœux, c’était avant tous pour te remercier. Tu as l’impression que j’ai fait bien plus pour toi, mais ce n’est pas vrai. Je suis incroyablement chanceuse d’avoir pu te rencontrer. Grâce à toi, ma vie a été plus facile. Grâce à toi, j’ai une famille que j’aime plus que toi. Je ne te remercierais jamais d’avoir accepté de m’épouser, d’avoir accepté que j’adopte Ben et Élise et que je les élève comme mes enfants à part entière. Je t’ai vue devenir une femme accomplie, une mère et une épouse heureuse, malgré toutes les embuches que la vie a semées sur ton chemin. Et je suis certaine qu’aujourd’hui, tu sauras toutes les surmonté, que je sois à tes côtés ou non. La présence de ta mère parmi nous en est la preuve. Je t’aime, Elena. Je t’ai acceptée en sachant que tu ne connaissais rien du monde, je t’accepte encore aujourd’hui. J’accepte Elle et toutes les voix dans ta tête.


Une larme de joie roule sur ma joue et Océane la sèche du bout des doigts. Rien ne pouvait me rendre plus heureuse que d’être auprès de la femme que j’aimais le plus.


— Madame Elena De Stinley, après dix-huit ans de mariage avec Océane Stinley, vous avez accepté de renouveler vos vœux. Souhaitez-vous dire quelques mots ?

— Merci. Océane, encore une fois, je perds les mots après ton discours. Sans toi, je n’aurais jamais réussi à devenir la femme que je suis aujourd’hui. Sans toi, je n’aurais jamais réussi à aimer les jumeaux, qui pourtant méritent tellement plus. Mais si j’ai accepté, c’est surtout pour renforcer nos liens familiaux. Benjamin et Elise entrent dans l’âge adulte, ils connaissent leurs premiers amours et j’aimerais les accompagner du mieux que je peux. Je voulais leur montrer les miracles que l’amour pouvait faire, quand on trouve la bonne personne. Ils sont Prince et Princesse, mais comme moi, ils ont le droit de choisir avec qui ils souhaitent qu’il soit violoniste ou Princesse d’un autre royaume.


Au même moment, j’entendis mes deux grands s’étouffer. Oui, j’autorisais leur liaison avec Ethan et la Princesse de Carandis.


— Océ, même si en ce moment je ne suis pas facile à vivre, merci de rester auprès de moi. Merci de ne pas m’abandonner et de continuer à me laisser faire mes propres choix, tout en sachant où se trouve la limite. Merci de m’aider à prendre soin de moi en priorité, quand j’ai envie de privilégier mes enfants et mon couple. Ces dix-huit dernières années sont passées bien trop vite à mon goût. Je ne suis pas prête à voir les grands partir.

— Tu ne le seras jamais, mon amour. C’est pour ça qu’ils doivent partir avant qu’on ne les retienne.

— Je peux partir demain ? tenta mon fils, alors que le début de son voyage ne commençait que dans deux mois.

— Non. répondit Océane en même temps que moi.

— Ben, repris-je, je sais que je n’ai pas été une mère parfaite. J’ai fait comme j’ai pu, avec l’enfant que tu étais et le peu de connaissance que j’avais. J’ai de la chance de t’avoir comme fils. Je t’aime, ma chérie.

— Ouais, je sais. Moi… moi aussi, je t’aime, maman.


Mon fils rougit et sa sœur le taquina en lui donnant un léger coup de coude dans le ventre. Le cœur rempli de joie, de bonheur et d’amour, je me retournais vers ma femme.


— Vos vœux venant d’être renouvelés, repris le maire, je vous souhaite une longue vie maritale, Vos Majestés.

— Merci à vous d’avoir accepté, Monsieur le Maire, ajoutais-je.

— C’est normal, Votre Majesté. Vous avez tellement fait pour l’Empire. Vous avez réussi à le reconstruire, en partant de pratiquement rien. Vous avez déjoué tout pronostic.

— C’est vrai que je n’ai pas été particulièrement bien accueilli lors de ma première sortie officielle, rigolais-je.


Ben et Elise se levèrent et virent nous prendre toutes les deux dans leurs bras. Peu de temps plus tard, chacun d’eux reçut un coup de pied dans le tibia de leur petite sœur.


— Hé ho, je suis là moi aussi. Faites-moi un peu de place.

— Jalouse, bébé ? la taquina sa sœur.

— Je suis pas un bébé !


Elle croisa les bras un instant avant de pousser son frère pour nous rejoindre. J’embrassais tour à tour mes enfants puis ma femme avant de récupérer un bouquet de fleurs.


— J’ai entendu parler d’une tradition, d’un certain lancer de bouquet. Et comme quoi, celle qui l’attrapait serait la prochaine à se marier. Je ne compte pas le lancer, mais le donner en personne.


Je m’approchais alors d’Emma qui rougit et détourna le regard, gênée. Elle finit par se lever, encouragée par sa mère. À côté d’elle, le Roi de Thérénia la regardait avec amour.


— Emma. C’est à mes enfants que je devrais dire ça et non à toi. Mais il est temps que tu prennes ton envol. Tu as refusé de te marier avec un Prince il y a dix-huit ans, pour rester auprès de moi. Ce même Prince, aujourd’hui Roi est revenu vers toi. Cette fois-ci, je t’interdis de refuser.

— Et si…

— C’est un ordre de ton Impératrice, Emma. Tu ne vas pas dire non deux fois à un Roi quand même. Majesté, je compte sur vous pour prendre soin de ma cousine. Demandez là en mariage autant de fois qu’il le faudra, jusqu’à ce qu’elle vous dise oui.

— J’y compte bien. Merci.


Je donnais le bouquet à Emma avant de revenir auprès de ma fille et son copain et d’inviter, d’un regard, ma femme à me rejoindre. Celle-ci se glissa dans mon dos et posa ses mains sur mon ventre. Elle finit par s’éloigner, comprenant que ce geste tuerait toute crédibilité. Je croisais les bras et pris mon plus beau regard inquisiteur.


— Alors comme ça, c’est vous le petit ami de ma fille ?


Je le vis déglutir avant qu’il ne s’agenouille devant moi. Ma fille me regarda avec de grands yeux ronds, avant de reprendre possession d’elle-même et d’aider Ethan à se relever.


— Je m’appelle Ethan Xastro, Votre Majesté. Je…

— Pourquoi je t’accepterais toi et pas un autre ? Prouve-moi que tu ne t’interesse pas à ma fille uniquement pour son titre de princesse héritière.

— J’ignorais qu’elle était votre héritière quand je lui est avoué mes sentiments. En fait… j’ignorais aussi qu’elle était la Princesse.

— Comment ?

— Je… je ne sais pas si j’ai le droit de le dire.

— Maman, s’il te plait. Il te dira tout, mais pas ici, pas en public.

— Je veux seulement m’assurer que vous êtes le meilleur choix pour ma fille. Vous pourriez devenir Empereur si vous veniez à l’épouser.

— Maman ! Tu exagères.

— Ta mère à raison, chérie, intervint Océane.

— Je répondrais à toutes vos questions, Vos Majestés. Je vous présenterais même ma mère, si vous le voulez.

— Et votre père ? questionna Océane, maladroitement.

— Il ne vaut mieux pas. Si je le croise à nouveau un jour, je serais mort.

— Je suppose que vous avez déjà prévu de passer la nuit ici, repris-je. Nous discuterons demain. Ben…

— Ah non, ne me mêlez pas à vos histoires !


À ses côtés, la Princesse Luna lui adressa un regard noir avant de lever au ciel. Je réussis à lire un crétin, sur ses lèvres.


— Chérie, il va falloir donner des cours de séduction à ton fils, lançais-je. On n’est pas près de le marié à la Princesse de Carandis, sinon.

— Maman ! s’exclama-t-il en rougissant.

— Ben, c’est comme ça qu’il faut faire, joua ma femme.


Elle glissa une main sur mon ventre et me retourna dans ses bras pour m’embrasser aussitôt. J’entendis ma fille cadette lancer un « buerk » et vit, du coin de l’oei, mes deux grands rougir avant de détourner le regard.

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