Chapitre 24

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Ce matin, j’accompagnais Lizéa à son cours de karaté. Heureuse que je l’emmène, elle annonça à tout le monde que j’étais sa maman. Son professeur dut la calmer à plusieurs reprises, pour qu’elle reste concentrée. À midi, avant son cours de mannequinat, on mangea des sandwichs que j’avais préparés en avance, dans l’un des parcs de Glenharm.


— Maman, on pourra faire ça plus souvent ? me demanda-t-elle.

— Des sorties que toutes les deux ? Si tu veux, oui.

— Je resterais toujours avec toi, maman. Même quand je serais grande.

— Tu dis ça maintenant, mais quand tu auras l’âge de Ben et Élise, quand tu auras ton premier copain ou copine, tu ne voudras plus me voir. Regarde ton frère et ta sœur, ils quittent bientôt le château pour vivre leur propre vie.

— Non, je resterais toujours avec toi.

— D’accord, d’accord. Dépêche-toi de finir ton gâteau ou on sera en retard.


Elle engloutit le dernier morceau de gâteau et se leva d’un bon, fin prête. Je l’obligeais à ralentir en m’aidant à ranger notre pique-nique. Je l’emmenais ensuite à son deuxième cours de la journée, où j’eus droit à un gros récapitulatif de son évolution, par le directeur de l’agence. Que ce soit sur son comportement, sur sa capacité à vite apprendre et à suivre les consignes. Le directeur de l’agence est content de son travail.


— J’envisage de lui faire passer sa première audition en fin de semaine. Une nouvelle boutique de vêtement pour enfant vient d’ouvrir en ville et ils cherchent leurs égéries.

— Et vous pensez que ma fille correspondra à leurs critères ?

— Elle est belle, elle a de la tenue, elle est polie et respectueuse et elle sait faire preuve de patience lors des séances photo.

— Elle fait preuve de patience ? J’aimerais bien voir ça, rigolais-je. Si vous pensez qu’elle est prête, je n’y vois pas d’inconvénient. Je l’accompagnerais.

— Je vous enverrais la date et l’adresse de l’audition. J’ai votre numéro de téléphone dans son dossier, il me semble.

— Si ma femme là correctement remplie, oui.

— Je ne vais pas vous déranger plus longtemps alors. C’était un plaisir de vous rencontrer, Votre Majesté.

— Moi de même. Passez une bonne journée.


Le directeur s’éloigna avec une révérence et je me reconcentre sur ma fille, qui enchaine les exercices de défilé. Elle était totalement à son aise. Je ne l’avais jamais vue aussi sérieuse et appliquée. Elle écoutait les consignes et les conseils et ne rechignait pas à recommencer.

Épuisée, elle s’endormit en voiture sur le chemin du retour. Dans la cour du château, ont fut accueilli par Emma, dans les bras d’un homme couronné. Enfin, elle ne s’aperçut même pas de notre présence, trop occupée à l’embrasser. Je demandais à l’un des soldats d’aller coucher Lizéa et m’approcha des deux amoureux. Je me raclais la gorge, les faisant sursauter. Emma s’éloigna aussitôt et je réprimais un rire. Je reconnus alors le Roi de Thérénia en personne.


— Votre Majesté, que nous vaut l’honneur de votre visite ?

— Excusez-moi de venir à l’improviste. Ce n’était pas prévu.

— Il n’y a pas de soucis, vous êtes le bienvenu. Êtes-vous déjà installé ?

— En effet. Emma s’est occupée de tout.

— Dans sa chambre, je suppose, je joue, pour la mettre mal à l’aise.

— Elena ! s’exclame-t-elle, comme prévu.

— Non, Votre Majesté. Elle s’est dit que la Princesse Lizéa risquait de poser trop de questions.

— C’est pas faux. Emma, puis-je te parler un instant.

— Bien sûr. Eric, ça te dérange si…

— C’est bon, vas-y. Je vais en profiter pour visiter Glenharm. On ce que soit ce soir ?

— Très bien, à ce soir.


Le Roi de Thérénia embrassa ma cousine et s’éloigna. Emma rougit en croisant mon regard, attrapa mon poignet et me tira jusqu’à son bureau. Elle ne fit même pas attention à la présence de Bianca.


— Je peux tout t’expliquer, commença-t-elle paniquée.

— Parce que tu crois que je ne savais pas ? Élise a cafté quand j’étais à la Communauté.

— Elle a… oh ce n’est pas vrai.

— Elle n’a pas fait exprès. Alors, ça fait combien de temps que vous êtes ensemble ?

— C’est compliqué. On a repris contact au décès de sa femme, mais ça ne fait que quelques mois qu’on sort ensemble.

— Et donc ?

— Et donc quoi ?

— Vous vous courtisez depuis des mois, il serait temps de vous marier.

— Elena ! Je ne vais pas me marier avec un Roi. Je ne suis qu’une gouvernante.

— Tu es surtout ma cousine, Emma. Et en tant que tel, je ne veux pas que tu restes pour toujours à mon service. Tu as le droit de fonder ta propre famille, de vivre la vie que tu souhaites.

— Mais tu as encore besoin de moi.

— Je n’ai plus quinze ans. Bianca est tout à fait capable de prendre ta place et de toute façon, je vais avoir beaucoup moins de travail et plus de temps pour ma famille.

— Est-ce que tu me dis que tu acceptes ma relation avec Eric ?

— Oui. Si vous le voulez tous les deux, mariez-vous et va-t’en.

— Tu me mets à la porte maintenant ?

— Soit tu prends la décision toi-même qu’il est temps de me quitter, soit je donne une promotion à Bianca plus vite que prévu.

— Je l’ai un peu trop bien formé celle-là.

— Tu peux être rassurée alors, elle saura gérer le palais.

— Merci, Elena.


Je la pris dans mes bras puis la laissais retrouver son compagnon, lui accordant le reste de sa journée. Je me tournais ensuite vers Bianca, qui baissa la tête, comme si elle n’avait rien entendu.


— On va devoir revoir ton contrat, il semblerait.

— Vous voulez vraiment que je devienne la prochaine gouvernante, Madame ?

— Emma t’a formé pour ça. Tu es la mieux placée pour prétendre à ce poste. Ça ne changera pas grand-chose à ce que tu fais déjà. Hormis un peu plus de responsabilités et un meilleur salaire.

— Je ne vous décevrai pas, Madame.

— Je n’ai aucun doute, Bianca. Je dirais à Océane qu’elle te fasse parvenir ton nouveau contrat le moment venu. Quand Emma se décidera à se marier.

— Merci, Madame.


Avant de rejoindre ma femme dans son bureau, je fis un détour par les chambres des enfants. Lizéa ronflait, entortillée dans sa couverture et les jumeaux étaient absents. Depuis qu’ils étaient adultes, nous leur avions donné l’autorisation de quitter le palais sans notre autorisation, tant qu’Océane ou moi en étions informés.


— Le palais est bien vide sans les grands.

— Ben s’entraine pour les jeux continentaux avant de partir et Élise répète. Tu savais qu’elle avait un concert ce soir ? m’apprit ma femme.

— Elle ne m’a rien dit. On a le droit d’y aller ?

— Si ça te fait plaisir, je peux lui demander de nous garder trois places.

— J’aimerais bien. Elle ne nous a même pas officiellement présenté son groupe.

— Ce n’est plus une ado. Comment ça s’est passé avec Liz, ce matin ?

— Très bien. Son directeur d’agence envisage de lui faire passer sa première audition en fin de semaine.

— C’est super. Elle sera contente.

— Elle ne le sait pas encore. Elle ronfle comme un ours dans son lit.

— Ça ne m’étonne pas.

— J’ai envie de faire de la pâtisserie, tu veux quelque chose en particulier ?

— Tu vas faire des cookies ou essayer autre chose ?

— Je pense que je vais faire des tests.

— J’ai un cadeau pour toi alors.


Dans un tiroir de son bureau, elle sort un magnifique livre de pâtisserie. Avec ce livre, j’allais pouvoir faire bien plus que des cookies. J’avais aussi bien des recettes de gâteau, que de tarte et même des recettes de petit déjeuner.


— Il te plait ?

— Il est incroyable. Merci mon amour.

— Je veux tout goûter, maintenant.

— Il va falloir te remettre au sport alors, la taquinais-je.

— Saleté. C’est toi qui n’es pas assez sportive, pas moi.

— Je vais commencer par… tiens, une tarte au chocolat. Envoie-moi Lizéa quand elle se réveillera.

— C’est noté.


J’embrassai ma femme, non sans jeter un œil sur son travail en cours et parti m’installer en cuisine. Par chance, parce que nous avions un chef cuisinier remarquable, il ne manquait jamais rien en cuisine. Je pouvais faire ma tarte au chocolat sans problème. Installé dans un coin de la cuisine, je ne dérangeais pas les cuisiniers qui s’activaient pour préparer le diner. Je suivis la recette à la lettre pendant une bonne heure de travail. Lizéa et Océane débarquèrent quand je sortis la tarte du four.


— Ça sent bon. Maman, j’ai faim ! s’exclama ma fille.

— Prends autre chose, chérie. La tarte se mange froide.

— Ce sera pour ce soir alors ? Enchaîne Océane.

— Exactement.

— Elle a l’air bonne en tout cas.

— On est doué ou on ne l’est pas.


Océane leva les yeux au ciel, tandis que Lizéa réclamait son pain et son chocolat, son verre de jus de pomme et un petit paquet de bonbons. Ma femme récupère son propre goûter, trop gourmande pour le louper, et me laisse Lizéa sur les bras.


— Chérie, et si on allait à l’étang, rien que toi et moi ?

— Oh oui !


Elle regarde le cuisinier à côté d’elle avec un sourire diabolique.


— Chut, faut pas dire à maman que je vais pouvoir la noyer, lui chuchote-t-elle.

— Va donc préparer ton sac au lieu de dire des bêtises. Je range tout et j’arrive.


Elle quitta la cuisine en courant et je reçus un message de mon fils. Il avait terminé sa journée d’entrainement et rentrait au château. Je l’informais qu’il pouvait nous rejoindre à l’étang dès qu’il serait arrivé. Lizéa fut prête bien avant moi, si bien qu’elle déboula dans ma chambre, en maillot de bain, serviette et sac sur les épaules.


— Pff, t’es trop lente, maman, se moqua-t-elle.

— Ne commence pas où je vais t’obliger à faire des longueurs avec moi.

— Oups, s’exclama-t-elle en prenant un faux air de gentille fille.

— Aller en route, ton frère va nous rejoindre.

— Ah non ! Je suis pas d’accord !

— Tu ne veux pas qu’il t’aide à me noyer ?

— Heu… ahah, c’est pas vrai, j’ai pas dit ça, moi.

— Je t’aime, mon petit démon.


Elle me tira la langue puis glissa sa main dans la mienne. À peine arrivé au lac, je dus la retenir pour lui rappeler les règles de sécurité. Même si elle savait bien nager, on n’était jamais trop prudent. Je jouais avec ma fille pendant plus d’une heure, jusqu’à l’arrivée de mon fils. Celle-ci bouda en le voyant s’approcher avant de finalement grimper sur son dos dès qu’il fut dans l’eau.


— Ta journée s’est bien passée, lapin ?

— Heu… je suis pas un lapin, en fait, l’agressa-t-elle.

— Tu préfères bébé ?

— Heu… non plus.

— Bon alors, tu réponds à ma question ?


Et la voilà partie pour tout expliquer, en long, en large et en travers, tout ce qu’on avait fait aujourd’hui. Même si elle boudait quand son frère se joignait à nous, je savais qu’elle l’aimait bien plus qu’elle ne le montrait et que son absence allait se faire ressentir. Il allait lui manquer.


— J’ai pas envie que tu partes, Ben, l’entendis-je avouer à son frère, alors que j’étais retourné sur ma serviette.

— Je vais revenir, lapin. Je te ramènerais plein de cadeaux et plein de photo.

— Je peux venir avec toi ?

— Tu es encore trop jeune et mamans ont besoin de toi. Comme ni Élise ni moi ne serons là, elles te chouchouteront.

— Mais on se verra plus tous les jours. Comment je ferais, moi, pour te parler et t’embêter ?

— Est-ce que tu veux que je t’écrive des lettres où je te raconterais toutes mes aventures ?

— Oh oui ! Et je veux de l’action. Je veux que tu battes avec des dragons, aidé par des elfes.

— Très bien, rigola-t-il. Si c’est ce que tu veux.


Vers dix-huit heures, je reçus un message d’Océane. Élise nous avait gardé quatre places pour son concert et elle nous attendait pour dix-neuf trente. Nous devions commencer à nous préparer, surtout avec LIzéa dans les pattes, si nous ne voulions pas être en retard. Ça faisait longtemps que nous n’étions pas sorties ainsi en famille. Nous allions enfin pouvoir apprécier le talent d’Élise, qui jouait de la batterie depuis maintenant sept ans.

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