Chapitre 25
Je n’avais pas réussi à dormir de toute la nuit. Je n’avais cessé de me retourner dans mon lit, de faire des aller-retour entre le lit et la salle de bain. Un coup, je prenais mon téléphone pour vérifier l’heure, pour revérifier tout le planning de mon fils avant de vite le reposer pour essayer de m’endormir. En vain.
C’était le grand jour. Ben allait partir pour ce premier voyage, pour découvrir dans un premier temps les alentours de Glenharm et les campagnes de la région. Il partait, accompagner de cinq soldats spécifiquement sélectionnés par ses soins, pour une durée d’un mois. Il était six heures dix-huit du matin, dans moins de trois heures, il serait parti. Dans moins de trois heures, mon unique fils quittait la maison pour vivre sa propre aventure. Et je ne pouvais m’empêcher d’être rongée par le stress, par la peur qu’il lui arrive quelque chose sans que je ne puisse être à ses côtés.
— Respire, Elena, me taquina ma femme à son réveil, alors que je regardais le soleil se lever par la fenêtre.
— Et s’il se perdait en chemin ? En forêt ou même dans un petit village de campagne perdue je ne sais où ?
— Tout se passera bien, mon amour. Il sera accompagné de garde expérimenté dans leur domaine spécifique. Et il ne quitte pas encore l’Empire, il sera toujours joignable sur son téléphone.
— Je n’y peux rien, Océ. Je ne peux pas m’empêcher de m’inquiéter.
— C’est normal, Elena. Ben est le premier à quitter la maison. Pour moi aussi, ce n’est pas simple de l’accepter, en tant que mère. Mais aussi en tant que mère, d’autant que c’est plus difficile pour toi, c’est mon devoir de l’encourager à partir, à vivre ses propres expériences. Il n’est pas bloqué par un statut de Prince Héritier, il est libre de faire ce qu’il souhaite de sa vie. Et comme il veut voyager, il doit en profiter tant qu’il est jeune. Alors oui, il pourrait rencontrer des difficultés pendant son voyage. Oui, il y a aura des moments où il ne pourra pas nous contacter. Mais il est adulte, responsable et bien entouré. Il sait ce qu’il a à faire, comment il va le faire et il ne part qu’un mois. Ce n’est rien un mois.
— Mais c’est mon bébé, boudais-je. C’est dur de le laisser partir.
— Parce que c’est le premier départ. Ce sera plus facile après. Et tu verras, quand il reviendra, je suis sûr qu’il sera devenu un homme. Fais-lui confiance et crois en lui.
— Merci.
Quand nous arrivons dans la cour pour accompagner mon fils lors de son premier départ, il est déjà là. Les soldats qui l’accompagnent s’occupent de charger les voitures avec les valises et tout le matériel nécessaire à un mois de vagabondage. Même s’ils avaient quand même prévu de se réapprovisionner en ville quand ce serait nécessaire, ils avaient prévu assez de ressources, en cas de changement de programme. Elise et Lizéa arrivèrent peu de temps après nous. Ma dernière fille était encore en pyjama, les cheveux ébouriffés et se frottait les yeux, tout en marchant.
— Liz, soupira ma femme, tu aurais pu faire un effort.
— Gnegnegne, bouda-t-elle.
— Elle n’est pas contente que Ben parte, ajouta Elise. Elle a même dormi avec lui toute la nuit.
— Tiens donc ? Finalement, elle l’aime bien son frère, jouais-je.
— Mais bien sûr qu’elle m’aime, intervint Ben. Elle ne nous montre juste pas son amour de la même façon que nous. Tes blagues vont me manquer, bébé.
— Je ne suis pas un bébé ! râla Lizéa.
— Je te ramènerais plein de cadeaux. Ça te va ?
— Bon d’accord.
Mon fils prit sa jumelle dans ses bras, lui chuchota quelques mots doux à l’oreille avant de se prendre un coup de coude dans le ventre. Jusqu’au bout, il taquinerait sa sœur. Ce fut ensuite au tour de Lizéa, d’Océane puis moi en dernière.
— Tu vas nous manquer, mon chéri, ajoutais-je.
— Je vous donnerais régulièrement des nouvelles, je vous le promets.
— Tant que tu t’amuses, que tout se passe bien et que tu découvres ce pour quoi tu pars voyager, c’est le plus important, philosopha ma femme. Nous sommes là pour te soutenir dans tes projets après tout. On fait pareil avec Elise et la fac et avec Lizéa et le mannequinat. Et s’il y a le moindre problème, tu pourras toujours nous demander. On t’aidera quoi qu’il arrive.
— Merci maman. Je vous aime, toutes les deux.
En insistant sur le « toutes les deux », je savais qu’il disait ça à cause de notre passé. Et il avait raison de préciser. J’avais besoin de l’entendre et ça faisait du bien. Je sentais que cette expérience allait le changer, qu’il devait partir pour devenir l’homme qu’il souhaitait être. J’avais autant besoin de son « je t’aime » que lui de quitter le nid familiale. Même si c’était dur, même si je savais qu’il partirait à plusieurs reprises jusqu’à s’installer définitivement quelque part, peut-être même au côté de la Princesse de Carandis, il avait besoin de ce voyage pour apprendre à se connaitre. En tant qu’homme et non en tant que Prince.
— Fais attention, d’accord ? repris-je. C’est tout ce que je te demande.
— Je te promets.
Je l’embrasse une dernière fois avant de le laisser me quitter et monter dans la voiture, le cœur lourd. Tandis que Lizéa se glissait entre les jambes de sa sœur, son pouce dans la bouche pour lutter contre les larmes, je me réfugiais à mon tour dans les bras de ma femme. Tous les soldats montèrent dans les voitures, Ben nous fit un dernier au revoir de la main et le cortège se mit en route. Il n’y avait maintenant plus de retour en arrière possible. Mon fils était parti, il était le premier à quitter le cocon familial et n’allait revenir quand dans un mois, pour se préparer aux jeux continentaux, dans deux mois.
— Vous voulez faire quelque chose de particulier, aujourd’hui ? Proposa Océane ?
— Je vais chez Ethan aujourd’hui. Je rencontre sa mère, répondit Elise. — Tu as la pression ou ça va ? la questionna ma femme.
— Ça va. Ethan lui a déjà parlé de moi et je sais à quoi m’attendre. C’est une femme assez simple, mais avec un passé compliqué. Je ne sais pas tout. — Il vient te chercher où tu y vas directement ? ajoutais-je.
— On se retrouve chez lui. Il doit l’aider à préparer le repas.
— Ne rentre pas trop tard, d’accord ? Ou si tu ne rentres pas, tu nous préviens, ta mère ou moi.
— Mais oui. Tu t’inquiètes pour rien, maman. Fais-nous confiance. — Vous avez grandi un peu beaucoup trop vite, toi et ton frère.
— On a dix-huit ans, maman. C’est normal qu’on prenne notre envol.
— Alors dit comme ça, j’ai l’impression que tu vas emménager chez toi dans l’après-midi.
— Dans deux mois seulement, me taquina-t-elle.
Pour ses études, mais aussi pour se découvrir elle-même, elle nous avait demandé de loger au sein de la résidence universitaire de la faculté d’Histoire. Océane avait accepté avant moi, me coupant l’herbe sous le pied. Elle avait fait exprès que je ne puisse pas retenir ma fille près de moi. Dans deux mois, Lizéa serait la dernière à être encore avec nous. Mon dernier enfant que j’allais pouvoir accompagner à ses entrainements, la coiffer, lui lire une histoire avant de s’endormir et l’aider à faire ses devoirs.
— Et toi, poussin, tu veux faire quoi aujourd’hui ? interrogea Océane.
— J’ai une réunion avec mes poupées, répondit Lizéa comme si c’était la chose la plus importante.
— Une réunion ? Ça tombe bien, moi aussi. Aujourd’hui, on discute de la création d’un centre d’accueil pour les enfants du personnel du palais. Est-ce que Madame et ses poupées voudraient venir donner leurs avis ?
— Ça me semble être une bonne idée. Nous ne pouvons laisser des adultes décidées de nos activités préférées.
— Je te donne rendez-vous à quatorze heures dans la Grande Salle. Ne sois pas en retard, sinon tu auras un gage.
C’est en souriant qu’elle nous quitta, surement pour préparer sa réunion. Océane me sourit aussi et j’attrapais sa main avant de rentrer. Je l’accompagnais dans son bureau et m’assis au mien, bien moins chargé qu’à mes débuts en tant qu’Impératrice.
— Tu es sûr que c’est une bonne idée de faire venir Liz en réunion ? commençais-je.
— C’est une réunion avec Emma, Rosalie, Bianca et les représentants du personnel. Le but est de leur proposer un accueil pour leurs enfants qui leur conviendra. Il n’y aura aucun conseiller. Ça va bien se passer.
— Si ça lui fait plaisir, pourquoi pas.
— Comme elle sera avec moi, profites-en pour te détendre. Tu devrais te trouver une activité à toi. Ben a le tir à l’arc, Elise la batterie, Liz le karaté et le mannequinat. Ce n’est pas obligé d’être du sport.
— J’aurais bien envie de m’essayer à la peinture. Même si au début ça ne rend rien. Ça égaiera un peu le palais. Tu en penses quoi ?
— C’est une bonne idée. Rien ne t’empêche d’essayer. Et si ça ne te convient pas, tu pourras toujours changer.
— Tu as raison. Merci mon amour.
— Mais avec plaisir.
Dans un premier temps, je devais acheter du matériel. Je fis un premier tour sur internet pour trouver des boutiques spécialisées. Les vendeurs seraient bien plus aptes à me conseiller. Comme il en avait une au centre-ville de Glenharm, j’informais le chef de la sécurité que j’avais besoin de sortir, pour qu’il puisse s’organiser.
Au magasin d’art, j’expliquais au vendeur l’idée que j’avais eue. Il me prépara un sac avec des toiles, des pinceaux, de la peinture, un livre dédié à l’apprentissage de la peinture et divers matériel qui me serait utile. Avant de rentrer, je fais fait un arrêt à une boulangerie, acheter quelques pâtisseries pour Océane et Lizéa. Une fois au château, j’appris que la réunion de ma femme était toujours en cours. Afin d’avoir un espace à moi pour peindre, je demandais à David, le valet de mon fils, de m’aider à organiser une petite salle, jusque-là inutilisée. On récupérer du vieux mobilier qui avait été stocker dans un débarra. Certains meubles dataient du règne de ma mère. Des meubles que j’avais retirés après la réhabilitation du château. Si je voulais rendre cette salle, cet atelier à mon image, j’allais devoir acheter quelques tableaux pour décorer les murs.
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