Chapitre 28
Les semaines s’étaient écoulées bien plus vite que je ne l’aurais cru. Le retour de Ben au château avait été un soulagement. Il était revenu entier, sans aucune blessure, mais surtout, des étoiles plein les yeux. Ce premier voyage lui avait donné envie de recommencer. Il était revenu, grandi, et il savait enfin ce qu’il voulait faire de sa vie. Voyager, découvrir le monde n’était désormais plus un rêve d’enfant, mais une passion. Il voulait que chacune de ses découvertes soit ressente dans des livres qui pourra être utile pour les prochaines générations.
Depuis qu’il était rentré, il s’était appliqué à consigner toutes ses découvertes, à ranger ses notes pour commencer son encyclopédie personnelle. Lizéa profitait de son retour en restant avec lui, en partageant ses propres connaissances sur les plantes avec son frère. Il s’était aussi entrainé au tir à l’arc, sous le regard ébahi et plein d’admiration de sa petite sœur.
Océane avait enfin mis en place le centre d’accueil pour les enfants du personnel du château. Elle avait demandé la réhabilitation d’une aile du château, jusque-là inoccupé. Elle m’apprit même qu’il s’agissait du bâtiment principal du château. Celui qui avait été construit au début du règne de la famille Stinley, quand son pouvoir avait commencé à prendre de plus en plus d’importance. Le reste du château n’était, en fin de compte, qu’une extension de la bâtisse originelle.
Elle avait alors engagé près de trois assistantes maternelles pour s’occuper des enfants, âgées entre trois mois et trois ans. En fin de journée, une des trois, accompagnée par des soldats, s’occupait de récupérer les plus grands à l’école. Les parents n’ayant alors plus qu’à retrouver leurs progénitures, directement au centre d’accueil après leur journée de travail.
De mon côté, je m’étais concentrée sur le problème d’Ethan. Sans en parler à Océane pour le moment, je lui avais envoyé deux soldats, qui se relayaient jour et nuit pour assurer la sécurité de sa mère. J’avais aussi pris contact avec la Reine d’Eldusia pour en savoir plus sur le système de protection des témoins dont faisait partie Ethan et sa mère. Pendant une vidéoconférence qui dura une bonne matinée, j’appris qu’il avait été mis en place par ma grand-mère paternelle. Ce système avait aidé de nombreux Eldusien à se réfugier en Eryenne, mais il semblerait que certains Eryenniens aient réussi à fuir la dictature de ma mère. Aucune de nous deux ne savait comme ils avaient réussi à franchir la frontière, mais une fois en Eldusia, ils avaient été rapidement pris en charge. La plupart du temps, il s’agissait surtout d’opposant politique, condamné à la peine de mort.
Elle m’avait fourni le dossier complet d’Ethan et de sa mère, pour que je puisse adapter leurs protections par conséquent. On s’était aussi mis d’accord pour réhabilité officiellement le programme et le rendre pour accessible à ceux qui en avant besoin, d’un côté comme de l’autre. J’avais désormais un moins pour mettre au point un nouveau cahier des charges et le lui soumettre. Que ce soit sur les conditions d’accueil des réfugiés Eldusien, la protection que leur offrait l’Empire, mais aussi sur la vie qui leur serait proposée en devenant des citoyens de l’Empire, sous une nouvelle identité. La Reine d’Eldusia en ferait de même, pour les réfugiés à Eryenniens.
Depuis que j’avais pris en charge la sécurité du petit ami de ma fille, celui-ci était bien plus apaisé. J’avais enregistré son numéro dans mon téléphone et, comme les soldats affectés, ils me faisaient régulièrement part de ce qu’il voyait. Son frère continuait de rôder autour de leur maison, mais ne s’approchait jamais plus que nécessaire. Sauf une fois, alors que sa mère était à la maison, en pleine journée, il avait essayé de forcer la serrure de la boite aux lettres. Le soldat était rapidement intervenu, tout en prétextant être un simple passant. Sa mère aussi était bien plus rassurée de la présence du soldat.
Pour être certaine que le frère ne s’en prenne pas à sa famille, je devais lui faire quitter le territoire de l’Empire. En tant que citoyen d’Eldusia, je ne pouvais le renvoyer à la frontière que s’il était accusé ou pris en flagrant délit de crime. Cette restriction faisait partie de l’un de nombreux accord mis en place aprés les réouvertures des frontières et la libre circulation des hommes et des marchandises. J’attendais seulement le bon moment pour saisir l’occasion de l’exclure du territoire Impériale et de l’interdire de territoire. Ethan était au courant de mon plan et même si ça lui faisait peur, parce que cela voulait dire que son frère devait passer à l’acte pour être expulsé, il avait tout de même accepté.
Aujourd’hui avaient lieu les jeux continentaux, avec les épreuves de tir à l’arc. Ben s’était longtemps entrainé pour en arriver là. Pour l’occasion, Océane avait pris sa journée et Ethan et Élise nous avaient rejoints pour l’encourager. Nous voulions être présents à toutes ses épreuves si bien que dès huit heures, nous étions confortablement installés dans les tribunes. Jusqu’à présent, il réussissait haut la main. Ses adversaires été doué, mais mon fils avait une facilité déconcertante à toujours être de la précision extrême. D’où nous étions, nous pouvions voir sa concentration. Avant chaque tir, il prenait le temps de respirer, de ralentir sa fréquence cardiaque. C’était un exercice qu’Océane lui avait appris. Elle faisait la même routine avant chaque compétition de karaté.
Devant moi, sur la piste de tir, mon fils avait bien grandi. Il n’était plus ni un enfant ni un adolescent. Mon premier et unique fils était devenu un homme. J’étais on ne peut plus fière de ce qu’il était devenu, malgré notre passé difficile. Nous avions réussi à nous retrouver, à apprendre à nous aimer et aujourd’hui, il s’apprêter à devenir l’un des plus grands champions de tir à l’arc. Rien qu’en participant à ces jeux continentaux, qu’Océane avait aidé à organiser peu après mon accession au trône, il l’avait dépassé. J’avais une famille de sportif, et j’en ai été l’exception. Je n’avais jamais prétendu participer à une compétition de natation contrairement à ma femme et mon fils. Lizéa allait peut-être même bientôt participer à sa première fois. Même Élise, en tant que musicienne, avait participé à plusieurs tournoi et duel. Ma famille était une réussite. J’avais réussi à la construire tel que je la voulais, mais surtout comme je la voulais. J’avais réussi à passer outre les enseignements de ma mère, pour en faire le total opposé.
Et voilà que maintenant, mon fils était en final des jeux continentaux de tir à l’arc. Il avait battu tous ses adversaires sans la moindre difficulté, encourager par tous les Eryenniens présents. Il jouait à la maison, comme disait Océane, il n’avait pas le droit à l’erreur. Mais j’avais confiance en lui et en ses capacités. Je savais qu’il pouvait réussi, qu’il pouvait vaincre la dernière finaliste et ainsi gagner la première place et la médaille d’or qui allait avec.
— C’est l’heure de la finale de tir à l’arc, annonça le commentateur, aussi bien à la foule présente qu’à ceux qui regardaient à la télévision, où va s’opposer le jeune prodige Benjamin Stinley, sportif représentant l’Empire d’Eryenne et la championne olympique Jordi Elver, sportive représentant le Reinaume de Carandis.
— Nous allons avoir droit à un final exceptionnel, ajouta son partenaire. L’Impératrice Elena et la Reine Stéphanie sont de grandes amies. Pour une fois, elles ne seront pas alliées, mais ennemies.
— Être ennemi dans le sport vaut mieux qu’être ennemie en politique.
— Chers spectateurs et téléspectateurs, la finale va commencer. Nos deux finalistes viennent d’entrer sur le terrain. Le gagnant sera celui ou celle qui aura le plus de points.
— Benjamin Stinley à une adversaire redoutable qui a fait un sans-fautes jusqu’à présent. Mais n’oublions pas que Jordi Elver est jusque-là invaincu.
— Pour ceux qui ne sauraient pas, le jeune Stinley à un parcours sportif remarquable. Il est champion d’Eryenne à seulement dix-huit ans et enchaine avec sa participation aux jeux continentaux. Nous supposons qu’il a été très bien accompagné par sa mère, l’Impératrice Océane Luisard qui a aussi été triple championne d’Eryenne de karaté durant sa jeunesse. Il a toutes ses chances.
— Qu’il gagne ou non, je suis prêt à parier qu’il sera l’idole de nombreuses jeunes filles.
— C’est vrai qu’il a un charme indéniable. Vous pensez qu’il a une petite amie ?
— Mais mon cher enfin ! C’est notre Prince !
— Oh attention, les athlètes se préparent à tirer leur première flèche. Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, nous vous laissons profiter de cette finale qui va être incroyable, mais qui va aussi rester gravée dans nos mémoires.
Habitué à la foule, Ben salue tout le monde, entrainant des cris de la part des jeunes filles qui le soutenaient. En l’observant, je le vis faire lancer un clin d’œil. Sur le banc de son entraineur, je reconnus la Princesse Luna. Elle avait fait le déplacement depuis Carandis pour le soutenir. Les spectateurs devaient penser qu’elle était là pour représenter son Reinaume et soutenir son athlète, Jordi Elver, mais je savais qu’elle était là pour mon fils. Tout comme je savais qu’il attendait le bon moment pour la demander en mariage, depuis que je lui avais offert la bague de fiançailles d’Océane.
Alors que les deux finalistes se mettaient en place pour commencer à tirer, le silence se fit parmi le public. Jordi Elver fut la première à tirer et marqua un premier huit points. Ben commençait bien sa finale avec ses premiers neuf points. Jusqu’au bout, à chaque tir était précis, augmentant le nombre de points de chacun. Cette finale était serrée si bien qu’il était difficile de prédire le gagnant. Avec Océane, on retint notre souffle jusqu’au dernier set, les deux étant à égalité, celui qui gagnerait ce set serait le gagnant.
Juste avant le dernier tir, ils étaient encore à égalité. Alors que Jordi Elver avait fait un neuf pour son dernier tir, si Ben voulait gagner, il devait absolument faire un dix. Au ralenti, je le vendre et fermer les yeux pour respirer calmement. Il prit son temps pour bander son arc et viser. Quand il tira, j’arrêtais de respirer. Des cris de joie se firent entendre dans toute les tribunes quand les commentateurs annoncèrent un dix. Mon fils avait réussi. Il était officiellement le plus grand champion de tir à l’arc du continent. Luna fut la première à le rejoindre sur la piste. Ben l’accueillit en la prenant dans ses bras et la fit tourner autour de lui. Quand ils s’embrassèrent, dévoilant pour la première fois, les cris s’intensifièrent.
— On peut être fière de lui, mon amour, ajoute ma femme et glissant un bras derrière mon dos.
— Il t’a dépassé. C’est comme si on n’avait plus rien à lui apprendre.
— Au contraire, ma chérie. Il commence tout juste à entrer dans la vie d’adulte. Il va d’autant plus avoir besoin de nos conseils.
— Allons le féliciter.
Nous voulions le rejoindre, mais une foule importante les entouraient, lui et Luna, dont de nombreux journalistes. Le laissant profiter de sa gloire un instant, on se reporta sur Jordi Elver. Elle aussi avait le droit à des félicitations, le combat avait été dur. C’était une excellente tireuse qui aurait aussi bien mérité la médaille d’or que mon fils.
Alors que nous discutions avec Jordi Elver, Lizéa se faufila entre les journalistes et grimpa dans les bras de son frère, repoussant sa petite amie. Je savais que ce n’était pas facile pour elle. En peu de temps, elle perdait sa sœur et son frère. Ils avaient chacun trouver leur moitié, ils quittaient le château, tandis qu’elle se retrouvait seule parce qu’elle était encore trop jeune pour faire comme ceux qu’elle idéalisait, ceux qui étaient ses modèles.
Annotations