Chapitre 29

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Le grand jour était arrivé. Pour finaliser la préparation de son mariage, Emma avait quitté le château juste après les jeux continentaux. Bianca était alors officiellement devenue la gouvernante du palais d’Eryenne. Entre-temps, Élise et Lizéa avaient repris les cours. Pour sa rentrée à l’Université, Élise avait emménagé dans l’une des résidences étudiantes avec Ethan. Lizéa nous avait accompagnées pour l’aider à s’installer. Elle avait même laissé l’une de ses peluches dans le studio de sa sœur, par peur que celle-ci ne l’oublie. Élise rentrait tous les week-ends, pour le plus grand plaisir de sa petite sœur. Son départ l’avait attristée, mais elle était quand même contente d’avoir ses mamans que pour elle.

Pour son mariage, Emma avait accepté que les jumeaux viennent avec Luna et Ethan. C’est en famille qu’on arriva au palais de Thérénia. C’était d’ailleurs la première fois que nous nous y rendions. La gouvernante nous installa dans nos quartiers, en prenant soin de nous proposer trois chambres, Lizéa ayant décidé que notre lit, à trois, serait plus confortable qu’un grand lit toute seule. Chacun de notre côté, on se prépara pour cette soirée qui allait être inoubliable. Océane avait choisi une magnifique robe rouge avec des bijoux à cheveux qui allait avec. Pour accorder nos tenues, je m’étais tournée vers une robe dans des tons rose pâle et un peu plus discrète que celle de ma femme. Lizéa avait sélectionné une salopette en jean, dans laquelle elle se sentait à l’aise. Même mes jumeaux avaient choisi d’accorder leur tenue avec leurs partenaires.

Dès qu’on fut habillées et coiffées, je laissais Océane s’occuper de Lizéa pour rejoindre Emma. Elle m’avait demandé d’être celle qui officiait son mariage, mais en tant qu’amie et cousine, je voulais être à ses côtés. Sa robe blanche était longue, touchait le sol, des voiles de dentelles parcouraient les divers jupons et du vert pomme se reflétait ci et là avec la lumière du soleil. Sans bretelles, le bustier mettait en évidence sa poitrine et un long fils d’or fermait la robe dans le dos. Je voyais par ses mouvements de doigts, par ses mains moites qu’elle séchait régulièrement, que son stress augmentait. Je la comprenais totalement, ayant été à sa place, dix-huit ans auparavant.

L’arrivée de sa mère, pour la coiffer, l’aida à la rassurer. Elle mit dans ses cheveux une multitude de barrettes, retenant la moindre mèche dissidente. De multiples tresses, partaient de n’importe où, se retrouvaient en un seul endroit, une sorte de chignon. À un moment, je crus même apercevoir ma propre coiffure lors de mon mariage. Le style était identique et sa mère était aussi doué qu’elle.


— Qu’est-ce que tu en penses, Elena ? me questionna-t-elle, nerveuse.

— Tu es magnifique. Je suis certaine que tu feras une excellente Reine, avec Eric à tes côtés.

— Ton approbation compte beaucoup, Elena. Surtout que j’ai longtemps hésité à accepter, préférant rester avec toi.

— Tu peux partir sans te retourner, Emma. J’ai beaucoup appris depuis qu’on se connaît. Je ne pourrais jamais assez te remercier pour tout ce que tu as fait pour moi.

— Et c’est à moi de te remercier aujourd’hui.

— Ça suffit toutes les deux, intervint Corine. Il est hors de question que ma fille pleure avant le moment venu, le maquillage pourrait couler.

— Tu as raison, maman.


Océane nous rejoignis peu de temps après. Il était temps pour nous d’aller nous installer dans la salle de réception. Pour moi, de prendre ma place en tant que maîtresse de cérémonie et pour Emma, de rejoindre son bien aimé.

On se rendit dans la fameuse salle, d’où nous entendions déjà une magnifique musique. Quand on entra, les enfants étaient déjà assis au premier rang à droite. Je laissais Emma aux bons soins de sa mère, qui allait l’accompagner jusqu’à l’autel et entrait au bras de ma femme. On traversa toute la salle, qui suivit le long tapis rouge et à la fin de celui-ci, Océane m’embrassa. Je me positionnais derrière un pupitre mis à disposition pour l’occasion et Océane prit la place qui lui était réservée, en tant que témoin d’Emma. Le Roi Eric fit ensuite son entrée, vêtu de son uniforme militaire. Sa couronne royale sur sa tête, il prit place en face de moi et me sourit. Lui a aussi été nerveux, même si c’était son deuxième mariage.

Nous savions tous les deux qu’Emma était parfaite pour lui. Déjà lors de mon mariage, elle l’avait intéressé. Il avait compris et accepté qu’à ce moment-là, lorsqu’elle n’avait que vingt-cinq ans, qu’elle n’était pas prête à se marier, à devenir Reine, mais surtout à me quitter. Aujourd’hui, elle l’était et il l’avait attendu, sans pour autant mettre sa vie en pause.

Peu de temps après, je vis Emma entrer au bras de sa mère. Elle resplendissait de beauté, sourire aux lèvres. Tous les invités se levèrent et elle avança doucement. Avec la lumière du soleil, sa robe illuminait toute la pièce tel un phare. Quand elle arriva au pied de l’estrade, sa mère l’embrassa avant d’aller s’assoir au côté des sœurs de la mariée. Elle me sourit et se plaça entre moi et le Roi. Je demandais aux invités de s’assoir avant d’entamer mon discours.


— Nous sommes aujourd’hui rassemblés pour unir deux êtres qui pourtant tout oppose. L’un est né prince, l’autre parmi le peuple. Emma a su trouver sa place, bien qu’induite par ses origines familiales. Elle est née parmi le peuple, elle est devenue la femme de chambre d’une princesse puis sa meilleure amie et enfin une gouvernante appréciée par ceux qu’elle dirige. Elle est la tante adoptive du prince et des princesses de l’Empire et aujourd’hui, elle s’apprête à épouser un Roi, à devenir Reine. Que dire de plus devant cette ascension ? Je connais Emma depuis bien plus longtemps que n’importe qui. Je vis avec elle depuis que j’ai treize ans et je suis fière et heureuse, de célébrer aujourd’hui son mariage. Je suis ravie que le premier que j’officie soit le tien. Je serais ainsi plus apte à organiser ceux de mes enfants, le jour venu. Si vous le voulez bien, nous allons échanger les vœux. Majesté, à vous l’honneur.

— Emma, depuis le jour où je t’ai rencontré, au mariage des Impératrices d’Eryenne, ton visage n’a cessé d’apparaitre dans mes songes. À ce moment, tu n’étais pas encore prête à te marier alors j’ai épousé ma première femme et je suis très heureux d’avoir fait partie de sa vie. Mais aujourd’hui tu es là, j’ai attendu pendant dix-huit ans et je ne le regrette pas. Tu feras une très belle Reine, même sans les pouvoirs comme tu là désirée.

— L’amour peut supporter l’attente et rester intact même dix-huit ans après, repris-je. Emma, à ton tour si tu le veux bien.

— Pour être franche avec toi, je ne sais pas quoi dire. Durant toutes ses années, mon unique priorité était le bonheur d’Elena, de ses enfants et de toi, Océane. Je n’ai jamais cherché à avoir plus. Et puis l’année dernière, j’ai reçu une lettre de ta part. Je pensais que tu m’avais oublié depuis tout ce temps. Je ne connaissais pas encore la nature de mes sentiments et il a fallu que tu viennes à moi. C’est là que j’ai compris que je t’aimais. Mais je doutais encore, je ne voulais pas quitter Elena. C’est elle qui m’a fait changer d’avis, c’est elle qui m’a poussée dans tes bras. Merci, termina-t-elle en se tournant vers moi.

— Qui apporte les alliances ? demanda ma femme.


Juliette, la sœur d’Emma, arriva avec deux alliances en or sur un fin coussin rouge. Ils prirent chacun celle de l’autre, avec un sourire magnifique et des étoiles pleins les yeux.


— Éric Hensley, Roi de Thérania, acceptez-vous de prendre pour épouse Emma Keller, ici présente ?

— Je le veux.

— Emma Keller, acceptes-tu de prendre pour époux le Roi Éric Hensley de Thérénia, ici présent ?

— Oui, son regard s’illumina quand elle prononça ce mot sacré.

— Moi, Impératrice d’Eryenne, par les pouvoirs qui me sont conférés, je vous déclare unis pas les liens du mariage. Un mariage faisant de toi, la Reine Emma de Thérénia. Vous pouvez embrasser la mariée.


Éric se pencha sur Emma et l’embrassa en plaçant ses mains dans son dos. Océane s’approcha de moi et passa un bras autour de ma taille. Tous les invités applaudirent et cette fois-ci je ne peux retenir mes larmes. J’observais ma femme et vis qu’elle aussi pleurait. Elle les enleva du bout des doigts aussi vite qu’elles étaient apparues, mais me sourira quand elle comprit que j’avais vu ces larmes. Un par un, les invités se rendirent dans la salle de bal. Je signai le certificat de mariage en ma qualité de maîtresse de cérémonie, Océane et le témoin d’Eric en firent de même. Juste avant de rejoindre les invités dans la salle de bal, je félicitais les deux nouveaux époux.

Emma et Eric furent accueillis par des dizaines de pétales de rose fraiches, leurs odeurs encore présentes. Ils s’installèrent à la table d’honneur, nous à leur droite et tous les invités vinrent les saluer. À la fin du repas, avant le dessert, ils ouvrirent la danse avec un magnifique slow. C’était la première fois que je voyais Emma danser ainsi, ce qu’elle n’avait même pas fait à mon mariage. Au début de la musique suivante, je les rejoignis avec Océane sur la piste de danse. Malgré la musique, je les entendais discuter.


— Ton père serait fier de toi, tu es sublime.

— Peut-être. Mais j’ai quand même décidé de ne pas l’inviter. Il nous a abandonnées.

— Je ne veux pas prétendre te dire quoi faire, tu es la seule à savoir réellement ce que tu veux, mais je pense que ça te ferait du bien de lui parler. Même sans lui pardonner, mais juste d’entendre son point de vue.

— Tu ne sais pas tout, Eric. Ça fait dix-huit ans qu’il aurait pu revenir. Est-ce qu’il la fait ? Non.

— Mais est-ce que tu l’aurais seulement laissé revenir ?

— Tu es un peu trop philosophique pour moi, ce soir.


J’arrêtais d’écouter la conversation des nouveaux époux pour me concentrer sur ma femme. Je posais mes mains dans son dos et ma tête sur son épaule. Dans les bras d’Océane, je fermais les yeux et me laissais bercer par la musique, par sa respiration dans mes cheveux. Je la laissais mener la danse, tel qu’elle avait mené ma vie à plusieurs reprises.


— Ça va mon amour ? murmura-t-elle.

— Oui. Je pense que je retournerais voir ma mère une fois rentrée. Je… on a commencé à se reparler, je ne voudrais pas tout gâcher en arrêtant ici.

— Si c’est ce que tu veux, je te soutiendrais.

— C’est surtout que… je ne sais pas comment l’expliquer, mais avec l’absence du père d’Emma, son refus d’entendre sa version, je ne veux pas faire pareil.

— Tu n’as pas besoin de te justifier, mon amour. Surtout que je sais que comprendre ta mère t’aide à te comprendre toi-même.

— Tu vas y arriver avec le retour de Liz à l’école ? L’aider à faire ses devoirs, ça prend du temps.

— On y arrivait très bien quand on était toute les deux Impératrices et quand Liz n’avait pas encore de femme de chambre. Je vais m’en sortir. Par contre, tu vas devoir trouver les bons mots pour lui expliquer pourquoi tu pars sans elle. Surtout après celui de Ben et Élise.

— Tu penses qu’elle ne comprendrait pas ?

— Si, elle comprendra, mais elle aura du mal à l’accepter.

— Je passerais du temps avec elle avant de partir dans ce cas.


Elle m’embrassa quand la musique se termina et je libérais la piste de danse, qui se remplit rapidement avec d’autres couples, dont ceux de mes enfants. Je cherchais ma dernière fille et la trouvais près du buffet à dragées. Gourmande comme elle était, il y avait autant de dragées dans sa bouche que dans sa main.


— Qu’est-ce que tu fais, mon bébé ?

— Ché kro bon.

— Tu veux venir danser avec moi ?

— Non.

— Oh… heu… d’accord, bredouillais-je, ne m’y attendant pas.

— Moi aussi je veux un namoureux, maman, ajouta-t-elle une fois la bouche vide. C’est pas juste qu’Élise, Ben et toi en avez un et pas moi.

— Mais, ma chérie, c’est normal. Tu es encore jeune. Tu trouveras ton namoureux, ou ton namoureuse, comme tu dis, quand le moment sera venu.

— Mais… je ne veux pas être toute seule au château, bouda-t-elle. Même Tata Emma s’en va.

— Tu veux qu’on aille se promener, que toi et moi ? On pourra discuter.


Elle leva les bras pour que je la porte, comme quand elle était bébé. Je finis par accepter et elle posa sa tête dans mon cou. Océane remarqua son geste, mais je la rassurais d’un signe de tête. Sa réaction était totalement compréhensible. En silence, je cherchais un espace où m’asseoir dans les jardins du palais. Je trouvais un coin éclairé par la lune, sous un beau cerisier. Je fis descendre ma fille, m’assise par terre et l’installais entre mes jambes. Sa coiffure étant en désordre, je commençais par lui refaire une natte.


— Tu sais, ma chérie, c’est normal que ceux que tu aimes partent. Ben et Élise sont grands, ils font leur vie maintenant. Quant à Emma, elle a enfin trouvé quelqu’un qui l’aime. Elle ne pouvait rester pour toujours au château.

— Mais pourquoi, moi, je ne peux pas faire comme eux ?

— Tu n’as que huit ans, ma chérie. Tu es encore trop jeune pour faire comme ton frère et ta sœur.

— Alors quand je serais grande, je pourrais partir moi aussi ?

— Si c’est que tu veux, oui. Mais seulement le moment venu.

— Tu as rencontré maman quand ?

— J’avais dix-neuf ans. J’étais plus âgée que Ben et Élise. On s’est mariée à peu près un an plus tard.

— Vous n’allez pas partir vous, hein ?

— Étant donné que nous sommes tes parents et que tu es sous notre responsabilité, non. Tu vas malheureusement devoir nous supporter encore un moment.

— En fait, ajouta-t-elle en jouant avec ma robe, je crois que je veux rester pour toujours avec toi et maman. Je ne veux jamais vous quitter.

— Tu ne dirais plus la même chose quand tu seras plus grande. Un jour, tu en auras tellement marre de nous, que tu iras chez ta sœur lui dire que tu nous détestes, qu’on est trop sur ton dos, qu’on n’est pas gentille.

— Même pas vrai ! Je t’aime, maman.

— On en reparlera quand tu auras treize ans alors, rigolais-je.


Elle lâcha ma robe pour se blottir contre ma poitrine alors je la serrais contre moi et lui caressait la tête. Je devais lui dire que j’avais pris la décision de retourner voir ma mère. Mais je ne savais pas comment faire pour ne pas la décevoir.

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