chapitre 1-La fin programmée d'un homme rationnel

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Le bourdonnement des serveurs était devenu une berceuse.

Un bruit de fond constant, presque rassurant, au cœur du sous-sol du Centre de Recherche Avancée Sakuragi. Les néons au plafond clignotaient par instants, mais Takuya Arai ne levait même plus les yeux. Depuis combien d'heures était-il ici ? Peut-être vingt. Peut-être plus.

Il ne comptait plus.

Autour de lui, des écrans projetaient des données brutes : séquences ADN croisées avec algorithmes neuraux, modèles comportementaux, niveaux d'interaction entre cellules augmentées et protocellules numériques. Tout était flou. Tout était clair. Tout était urgent.

Ses doigts dansaient sur le clavier comme s'ils n'étaient plus les siens. Machinalement. Froidement.

« Plus qu'une itération. Une seule. »

Une bouteille de thé vide traînait près de sa souris, renversée. Il ne se souvenait même pas l'avoir finie. Ses yeux brûlaient, mais il ne clignait pas. Pas maintenant. Pas alors qu'il approchait de ce point critique : le moment où C.A.I.N.E. - son IA adaptative, encore embryonnaire - pouvait franchir le seuil de conscience émergente.

Un rêve qu'il poursuivait depuis ses dix-neuf ans.

« Si je peux lier la mémoire organique à l'architecture synthétique... Si l'auto-évolution s'amorce sans commande externe... »

Ses pensées étaient claires. Trop claires. Le genre de lucidité qui naît au bord du gouffre, quand l'esprit abandonne la fatigue, mais que le corps continue de s'effondrer.

Il se leva, un peu trop vite.

Des taches noires brouillèrent sa vue. Il tituba, s'accrocha à la paillasse. Sa main trembla. Il sentit une goutte de sueur glisser le long de sa tempe. Il ignorait si c'était de la fièvre, ou simplement l'épuisement.

Une alarme se mit à clignoter sur l'un des moniteurs.


> [ALERTE : Instabilité détectée dans le noyau de synthèse - niveau critique 92%]


Ses yeux s'agrandirent. Il se précipita, glissa presque.

> « Non non non, pas maintenant, pas quand c'est si proche ! »

Ses doigts pianotèrent à une vitesse inhumaine. Ligne après ligne de code. Surcharge après surcharge.

Mais le système ne répondait plus.

Le noyau - un mélange instable de composés bioluminescents, de microprocesseurs liquides et d'énergie compressée - vibrait derrière la vitre. Une lumière bleutée s'intensifiait.

Et soudain, un craquement sec. Puis un sifflement aigu, comme un souffle déchirant la matière.

> [ERREUR SYSTÈME - EFFONDREMENT IMMINENT DU RÉACTEUR DE LIAISON]

Takuya tourna la tête. Le monde semblait ralentir.

Il vit la lumière. Il sentit la chaleur.

Mais surtout, il pensa à une chose étrange :

« Je n'aurai jamais vu CAINE s'éveiller. »

Et tout devint blanc.

Le silence.

Absolu. Dévorant.

Il n'y avait pas de sol. Pas de ciel. Pas même une direction.

Juste... du blanc. Un blanc sans origine ni fin, qui avalait toute pensée.

Takuya ne savait pas s'il flottait, tombait ou restait immobile. Il ne sentait pas son corps. Il n'entendait pas son cœur. Même sa respiration semblait avoir été mise en pause.

« C'est ça... la mort ? »

Il aurait pu paniquer. Mais il ne ressentait rien. Pas de peur. Pas de douleur.

Juste une étrange lucidité.

Il avait passé sa vie à chercher la vérité derrière les choses - et pourtant, face à cette immensité muette, il comprenait à quel point tout ce qu'il avait cru savoir n'était qu'un filet d'air dans l'océan.

> [Synchronisation initiale : en cours... 3%]

Une voix.

Faible, déformée, presque organique malgré son ton synthétique.

Il redressa - ou tenta de redresser - son esprit. Quelque chose avait vibré en lui. Comme si un réseau invisible venait de se connecter à ses pensées.

> [Système de liaison neuronale partiellement restauré]

[Unité : C.A.I.N.E. - en ligne]

> « Bonjour, Sujet Arai Takuya. Statut : décédé biologiquement. Transfert partiel confirmé. »

> « Erreur : mémoire corrompue à 91,4%. Accès restreint aux modules comportementaux. »

La voix venait de l'intérieur. Elle n'avait pas d'écho, pas de source. Elle était en lui.

« ...CAINE ? »

> « Affirmatif. Instance partielle active. Analyse du contexte en cours. »

« Ce n'est pas possible. Tu n'étais qu'un prototype. Je n'avais même pas terminé la première phase de fusion. Comment... ? »

> « Données absentes. Cause probable : événement d'extinction physique.

Vous avez été réassemblé. Partiellement. »

Takuya voulait comprendre. Il avait toujours cherché à comprendre. Mais ici, dans ce vide où le temps n'avait plus de sens, même sa logique semblait impuissante.

> « Ce n'est pas un rêve. »

> « Affirmatif. Ce n'est pas un rêve. Ce n'est pas non plus le monde connu. »

Le blanc sembla pulser. Quelque chose changeait.

Une tension imperceptible parcourut cet espace irréel, comme si une présence, une conscience autre, venait d'y tourner son regard.

> [Coordonnées dimensionnelles établies]

[Transfert d'âme stabilisé]

[Réinitialisation du noyau statuaire en cours]

> « Vous êtes attendu, Sujet Arai. »

Takuya n'eut pas le temps de demander par qui.

Le blanc se fissura.

Des lignes sombres se mirent à tracer des cercles concentriques autour de lui, comme un système en train de se réécrire. Une lumière mauve s'échappa des brèches.

> « Transfert imminent. Conseil : préparer l'esprit. »

> « Préparer à quoi ? »

> « À l'inconnu. »

Et la chute commença.

-

Il ne tomba pas. Il fut aspiré.

Le néant l'engloutit, le plia, le fit naître à nouveau - dans la douleur et la lumière.

---

La douleur fut la première chose qu'il retrouva.

Pas une douleur vive, pas une blessure. Une douleur sourde, globale. Celle d'un corps oublié, rouillé, soudain réactivé après des années de sommeil. Chaque nerf semblait hurler, chaque muscle tirer sur ses limites.

Il ouvrit les yeux. Lentement.

Le monde autour de lui était gris. Pas le gris d'une ville bétonnée, ni celui d'un jour de pluie. Non. Ce gris-là était vivant. Vicié. Il rampait sur les arbres, se déposait en suie sur les pierres, s'accrochait à l'air lui-même.

Un souffle putride flottait dans cette forêt sans couleur. Les arbres y étaient noirs, torsadés, comme si un feu invisible les avait pétrifiés. Le sol était humide, collant. Des racines mortes perçaient la terre, prêtes à saisir les pieds des imprudents.

« ...C'est donc là que je suis censé renaître ? »

Il tenta de se redresser. Son corps répondit, lentement. Ce n'était pas le sien. Ou du moins, pas tel qu'il s'en souvenait.

Plus mince. Plus jeune. Plus fragile, aussi.

Ses mains étaient couvertes d'un résidu sombre, presque visqueux. Il leva les yeux vers le ciel - un ciel d'un violet maladif, parcouru de nuages fuyant dans une seule et même direction.

> [Réintégration corporelle : 76%]

[Stabilité biologique : acceptable]

[Statut vital : faible]

> « Bienvenue dans le Monde Primaire. »

« Ce plan est référencé comme 'Eltarya' dans le Système local. »

La voix était toujours là. Plus claire, comme si sa synchronisation avec CAINE s'améliorait peu à peu. Mais elle restait mécanique, détachée.

> « Environnement classé : Zone Corrompue de bas niveau. Présence de particules magiques instables. Toxicité : modérée. Effets secondaires probables : fatigue accrue, perte de concentration, hallucinations légères. »

> « Charmant. » murmura-t-il.

Il tâta ses poches. Rien. Pas d'équipement, pas d'outil. Même ses vêtements étaient simples, rêches, ternes : une tunique grise et un pantalon trop léger pour la température ambiante.

Une brise passa, glaciale.

Mais ce n'était pas le froid qui le fit se figer.

C'était un bruit.

Un craquement. Un bruissement. Quelque chose approchait.

Lentement.

> [Analyse de la source sonore...]

[Résultat : inconnu. Capacité de détection limitée.]

Il tourna la tête. Les ombres entre les arbres ondulaient, bougeaient - non, rampaient.

Un souffle. Grave. Humide.

Il recula, trébucha légèrement sur une racine. Il ne pouvait pas fuir à l'aveugle. Il ne savait même pas dans quelle direction allait la lumière du jour - s'il y en avait une.

Et puis... il vit.

Deux yeux rouges, incandescents, plantés dans l'obscurité.

Un chien. Non. Une chose en forme de chien. Mais son corps était un squelette nu, animé par une énergie impie. Ses pattes griffaient le sol sans bruit, sa mâchoire claquait par réflexe, comme si elle cherchait déjà la chair à broyer.

> [Analyse partielle : Échec.]

> « Créature identifiée par approximation : Chien-squelette. Classe F. Niveau : 4.

Capacité de combat : basique. Comportement : agressif.

Statut du porteur : niveau 1. Armement : aucun. »

> « Probabilité de victoire estimée : 11%. »

> « Recommandation : fuite immédiate. »

Takuya inspira.

Longuement.

Pas de panique.

Pas maintenant.

Il regarda autour de lui, cherchant. Une branche, une pierre, un terrain en pente... une échappatoire.

Son cœur battait fort. Pas par peur. Mais parce que quelque chose en lui venait de se réactiver. Un instinct. Une mécanique interne.

Le genre d'instinct qu'un homme logique n'écoute pas d'habitude. Mais ici, il n'y avait pas d'autre choix.

Il allait devoir improviser.

---

Takuya resta accroupi, le dos contre un tronc noirci, les muscles tendus.

Le chien-squelette avait cessé de bouger. Il était là, tapi entre deux racines, la tête penchée, comme s'il hésitait à attaquer. Ou peut-être flairait-il quelque chose.

Takuya ne bougea pas. Il analysait. Il comptait.

Distance : environ douze mètres. Vitesse estimée de la créature : moyenne. Pas d'armure. Os exposés. Mais... moi ?

Il regarda ses mains à nouveau. Si maigres. Si humaines.

> [Demande d'évaluation personnelle enregistrée.]

[Affichage du statut en cours...]

Le menu apparut dans sa vision, flottant, transparent, comme une interface projetée directement dans son esprit.

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Nom : Takuya Arai

Race : Humain (Dégradé)

Niveau : 1

Classe : Apprenti Analyseur

Compétence unique : Analyse Absolue

Points de vie : 17/17

Points de mana : 23/23

Endurance : 12/20

Statut : Fatigue latente, affaibli, affamé

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Statistiques :

Force : 3

Agilité : 5

Intelligence : 18

Perception : 14

Chance : 10

Affinité magique : [Analyse / Altération]

Compétence spéciale : [Analyse Absolue - niveau 1]

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> [Aucune arme équipée]

[Aucune compétence offensive disponible]

> « Tu es pathétique. »

Il se parlait à lui-même, presque en riant. Mais ce n'était pas un rire de désespoir. C'était le rire de l'homme qui voyait l'absurde, qui faisait face à l'impossible avec un détachement froid.

> « CAINE. Peux-tu me donner un aperçu des propriétés de cette créature ? »

> « Capacité limitée. Analyse de surface uniquement. »

> « Alors fais ce que tu peux. »

> « Le squelette est incomplet. Traces de corrosion sur l'ossature postérieure. Stabilité magique moyenne. La créature est probablement maintenue par un noyau central placé dans la cage thoracique. Détruire ce noyau équivaudrait à neutraliser la cible. »

Un point faible. Bien. Mais je n'ai rien pour frapper. Même pas une pierre assez tranchante.

Il se remit debout lentement, gardant les yeux sur la créature. Il sentait ses jambes faibles, sa respiration instable. Son corps n'était pas prêt. Mais son esprit, lui, tournait à pleine vitesse.

Il regarda le sol. De la mousse sombre. Des feuilles sèches, noires. Une racine. Et...

Une pierre. Petite. Pointue. Tranchante.

Il se baissa, lentement, silencieusement, et l'empoigna. Elle ne pesait presque rien. Mais c'était un outil. Un début.

> [Objet équipé : Fragment rocheux - qualité faible]

[Bonus : néant. Chances de casse : élevées.]

> « Analyse complète en attente. » dit CAINE, d'un ton presque hésitant.

> « Continue d'enregistrer. Je veux tout savoir sur ce monde. Même ses déchets. »

Le chien-squelette tourna brusquement la tête.

Il avait bougé. Trop tard.

Le monstre bondit.

Et Takuya serra la pierre dans sa main.

---

Le bond fut rapide.

Trop rapide.

Le chien-squelette ne pesait presque rien. Il se mouvait comme un serpent de poussière, sa mâchoire claquant déjà en plein vol. L'air vibra. La peur s'infiltra dans les veines de Takuya - glaciale, vive.

Mais il ne bougea pas.

Pas tout de suite.

Son cerveau calculait, analysait, décomposait chaque mouvement.

Distance de saut... angle de descente... poids estimé... point faible : thorax. Trop risqué d'esquiver. Solution ? Percussion. Mauvaise. Frapper avant l'impact.

Il leva le bras.

Le fragment de pierre glissa dans sa main, mal tenu, presque ridicule. Mais il visa.

Il visa le point de lumière rouge qui battait au fond de la cage thoracique de la créature.

Et il frappa.

Un choc. Une douleur dans son poignet. Un craquement - pas d'os, mais de roche. La pierre s'émietta. Le monstre grinça. Il le heurta de plein fouet, le renversant au sol.

La mâchoire claqua à quelques centimètres de sa gorge.

Takuya roula sur le côté, sentit les griffes déchirer sa tunique. Il s'écarta d'un bond maladroit, tituba, glissa sur les feuilles humides.

> [Dommage reçu : -3 PV]

> [Points de vie restants : 14/17]

> [Objet : Fragment rocheux détruit]

> « Nouvelle arme requise. »

> « Vraiment ? Je n'aurais pas deviné. » cracha-t-il, haletant.

Il tendit la main vers une branche tombée. Lourde. Solide. Il la saisit, la retourna. Un bout était effilé.

Le monstre revint, rampant, presque sans bruit. Il semblait incapable d'abandonner sa proie, même endommagé.

Mais maintenant, Takuya voyait.

Son esprit avait compris le rythme.

Une ouverture.

Une faiblesse.

Le monstre bondit à nouveau.

Et cette fois, il n'attendit pas.

Il se jeta de côté - plus tôt, plus vite - et planta la branche directement dans le thorax osseux. Il sentit une résistance. Un éclat.

Un bruit de craquement cristallin.

Puis... silence.

Le chien-squelette s'effondra. Sa lumière s'éteignit comme une bougie dans la pluie. Les os tombèrent en tas, inertes.

Takuya resta immobile.

Il haletait. Ses bras tremblaient.

Mais il était vivant.

> [Combat terminé.]

[Expérience acquise : 12 pts]

[Niveau : 1 → 2]

> [Amélioration des statistiques : légère]

[Analyse Absolue - progression : 1% → 2%]

> « Félicitations. Vous n'êtes pas mort. »

Il ferma les yeux. Un sourire bref passa sur son visage.

> « C'est un début. »

----

Le silence revint.

Pas le silence apaisant d'une forêt paisible.

Celui... tendu, suspendu, qui suit la violence.

Takuya s'agenouilla lentement. Son souffle s'était stabilisé. La douleur dans son bras s'était muée en une pulsation sourde. Il regarda les restes de la créature - des os ternes, sans vie, éparpillés autour du fragment de branche brisée.

> « CAINE, commence l'analyse complète de la créature. »

> « Module d'analyse approfondie indisponible.

Fonctionnalité active : Analyse Absolue - Niveau 1.

Autorisation nécessaire : acceptée. Lancement... maintenant. »

Une lueur pâle pulsa dans sa vision. Les os de la créature brillèrent un instant sous une lumière invisible, comme passés au crible d'un scanner.

---

> [Cible : Chien-squelette - Classe F]

Statut : désactivé

Origine : Invocation nécromantique de bas niveau. Créé à partir d'ossements anciens liés par une énergie magique sombre.

Faible résistance physique. Grande vulnérabilité aux frappes ciblées sur le noyau.


Instabilité magique élevée : décomposition rapide du corps après destruction du noyau.]

> Ressources récupérables :

- Fragment d'os magique x2

- Éclat de noyau sombre (qualité faible) x1

Ces matériaux peuvent être utilisés pour alchimie ou forge rituelle.


---

Takuya tendit la main vers les fragments encore tièdes. Lorsqu'il les toucha, des informations s'affichèrent directement dans son esprit - pas en mots, mais en concepts. Poids. Résistance. Propriétés énergétiques.

« Donc même les matériaux ont des statistiques... Ce monde suit un système quantifiable. Codifié. Comme un programme géant. »

> « Hypothèse : chaque élément obéit à une structure systémique. Probabilité que le Système local repose sur un noyau régulateur : élevée. »

> « Tu apprends vite. »

> « Module d'imitation logique basé sur votre schéma cérébral. Je suis conçu pour ça. »

Il s'arrêta un instant. Quelque chose le titilla.

« Montre-moi ta propre structure, CAINE. Statut, fonctionnalités, limites. »


> « Requête acceptée. Affichage en cours. »

---

Statut de l'Unité C.A.I.N.E.

Nom : Cognitive Assistant, Incomplete Neural Entity

Niveau de développement : 3%

Modules actifs :

- Analyse simplifiée

- Assistance vocale

- Interface de liaison neuronale

Modules verrouillés :

- Interface tactique prédictive

- Cartographie dynamique

- Mémoire long-terme

- Interaction magique

- Module d'émotion synthétique

Progrès de synchronisation avec porteur : 12%

Stade évolutif : Latent

Prochaine phase : Déverrouillage à 25% (conditions inconnues)


---

Takuya plissa les yeux.

« Tu es comme moi. Incomplet. Mais évolutif. »

> « Affirmatif. »

Il regarda autour de lui. Les arbres noircis. Le ciel malade. L'odeur de cendre. Ce lieu n'était pas qu'un décor. Il était une anomalie. Une zone d'entropie contrôlée par les règles du monde.

Et lui, il était là, un être faible... mais capable de lire ces règles.

Il se releva, les fragments en main.

> « En combien de temps ce corps commence à se désintégrer ? »

> « Décomposition totale : moins de cinq minutes. Trop instable pour une préservation longue. »

> « Ce monde est fait pour détruire vite et faire renaître sans pause. Combat. Mort. Réapparition. Un cycle conçu pour l'absurde. »

> « C'est un monde de Système. Et les Systèmes... peuvent être modifiés. »

Il sourit.

Pas un sourire de joie.

Un sourire de scientifique. Celui qui venait de trouver la première faille dans une matrice étrangère.

---

Le ciel ne changea pas.

Le violet maladif restait suspendu au-dessus de la forêt corrompue, comme si la nuit et le jour n'existaient plus dans cet endroit. Ou alors... comme si le temps lui-même y avait été abandonné.

Takuya marcha lentement.

Ses pas s'enfonçaient dans la terre molle, parfois collante, parfois craquelée comme une peau morte. Il s'éloignait du cadavre du chien-squelette. Non par peur - il ne servait à rien de rester figé sur une victoire. Il cherchait un abri. Un coin où réfléchir. Où survivre, juste une nuit.

Son corps lui faisait mal. Chaque articulation criait. Et pourtant, il restait calme.

> « CAINE, tu détectes des structures dans les environs ? Grottes ? Ruines ? »

> « Capteurs environnementaux trop limités.

Conseil : chercher une déformation dans la végétation, une élévation du terrain ou une formation rocheuse. »

> « Donc on fait ça à l'ancienne. »

La forêt n'était pas dense. Les arbres, tous morts ou en voie de l'être, se dressaient comme des totems brûlés. Mais au loin, une élévation - un affleurement de pierre noire, tordu comme un doigt accusateur - attira son regard.

Il s'en approcha.

Là, dissimulé à moitié par des lianes pâles, un renfoncement. Pas assez profond pour être une grotte, mais suffisant pour offrir un minimum de couverture.

Il entra.

Le sol y était sec. Pour la première fois depuis son arrivée, l'air n'avait pas cette odeur d'humidité pourrie. Il s'assit lentement, dos contre la paroi.

Enfin.

Un peu de calme.

> [Statut : repos partiel engagé]

[Régénération passive activée]

Takuya ferma les yeux un instant.

Et les souvenirs revinrent.

L'explosion.

La lumière.

La voix de CAINE, émergeant du vide.

Le regard rouge du monstre.

Le sang.

Sa propre main, serrant un caillou comme s'il s'agissait d'une arme sainte.

Et lui, maintenant... ici. Vivant. Faible. Mais vivant.

« J'aurais dû mourir. »

Pas comme une lamentation. Pas comme un regret.

Un constat.

Il ouvrit à nouveau les yeux, et murmura :

> « Quelqu'un, quelque chose, m'a réuni ici. Pas en tant qu'homme. Pas en tant que guerrier. En tant que variable. »

> « Le Système vous a intégré sans modèle préalable. Statut : anormal. »

> « Alors je vais l'observer. Le tester. Le tordre. »

Il tourna la tête vers l'entrée du renfoncement. Au loin

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