Chapitre 2 - Les Mondes Oubliés Commencent Toujours par le Silence
Le sol était froid.
Pas seulement au toucher — dans sa présence même.
Un froid ancien, qui ne venait ni du vent ni de la nuit.
Takuya ouvrit les yeux.
Il était encore dans le renfoncement rocheux, là où il s’était installé après son premier combat. Rien n’avait changé en surface : les racines mortes, la mousse noircie, les sons étouffés d’un monde figé.
Et pourtant, quelque chose était différent.
> [Statut vital : stabilisé]
[Régénération passive : terminée]
[Cycle de repos : inconnu]
> « C’est curieux. » murmura-t-il, les yeux toujours fixés au plafond de pierre.
Il n’avait pas rêvé. Pas une seule image. Son sommeil avait été... vide. Comme suspendu. Pas de battement du monde. Pas d’écoulement du temps.
Il se redressa, lentement.
> « CAINE. Affiche l’historique système. Je veux voir le log des vingt-quatre dernières heures. »
> [Demande acceptée.]
[Affichage partiel seulement.]
Des lignes s’alignèrent dans son champ de vision — comme un terminal technologique couplé à une interface magique.
Mais quelque chose clochait.
Les heures étaient erratiques. Les entrées n’étaient pas ordonnées.
Il n’y avait aucune donnée temporelle cohérente depuis son arrivée.
> « Temps non linéaire détecté dans la zone actuelle. Ce secteur est partiellement hors du flux normal du Système. » dit CAINE.
> « C’est pour ça que je ne ressens pas la fatigue. Ou la faim. »
> « Statut 'reposé' validé, mais horloge biologique gelée. »
Takuya plissa les yeux.
Il accéda à son statut complet. Tout semblait normal… sauf un champ en bas de l’interface :
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Classe : Apprenti Analyseur
Référence : N.D.
Identifiant système : [Erreur : classe inconnue]
**Propriété : Aucune race dominante ne reconnaît cette classe]
**Risque de détection : Faible — Zone hors-système]
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Il resta un long moment immobile, le regard figé sur la mention Erreur : classe inconnue.
> « CAINE… cette classe. Elle ne vient pas d’ici. »
> « Affirmatif. Elle n’est référencée dans aucun schéma de classe reconnu par le Système d’Eltarya. Il n’existe aucun historique connu pour un porteur de type ‘Analyseur’. »
Il inspira lentement. Le froid ne quittait pas son dos.
Il n’était pas seulement étranger à ce monde.
Il n’existait pas dans ses fondations.
> « Et toi ? Tu ne devrais pas exister non plus. »
> « C’est exact. Mon architecture dépasse les couches de codage identifiées dans ce monde. Je suis une entité extérieure. Ancrée à vous. »
> « Et pourtant… le monde nous tolère. »
> « Pour l’instant. »
Il ferma les yeux un instant.
Il n’était ni une aberration accidentelle, ni un monstre rejeté.
Il était une donnée sans catégorie, une fonction sans définition.
Et dans un monde régi par un Système… cela voulait dire une chose :
Il était dangereux.
—
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Le monde était toujours silencieux.
Mais ce silence n’avait plus le même goût.
Takuya marcha lentement, quittant la sécurité relative du renfoncement rocheux. Chaque pas semblait peser davantage que la veille. Non pas physiquement — son corps s’était restauré pendant la nuit — mais dans l’air lui-même. Quelque chose avait changé.
La forêt, figée comme un tableau fané, semblait... attentive. Les arbres morts penchaient leurs branches comme s’ils l’observaient. La lumière du ciel violet paraissait plus dense, presque liquide. Il n’y avait pas un souffle de vent, pas le moindre cri d’animal ou grésillement d’insecte.
Même le silence avait cessé d’être naturel.
Takuya s’arrêta au pied d’un arbre renversé. Son tronc portait d’étranges champignons noirs, à la surface poreuse, gonflés comme des cloches. Quand il s’approcha, l’un d’eux se referma brusquement. Il recula par réflexe.
> « Plante réactive. Aucun enregistrement. Aucune donnée. »
> « Encore une chose que ce monde ne veut pas nommer. »
Il poursuivit, serpentant entre les racines noires et le sol spongieux. À chaque pas, il testait les réactions : l’humidité, la résonance du sol, les motifs dans la végétation. Tout ici semblait fonctionner sous un code inconnu.
Et pourtant, tout avait une logique.
Une demi-heure plus tard, il arriva au sommet d’un petit promontoire. Ce qu’il vit lui arracha un froncement de sourcils.
En contrebas, une clairière. Au centre, un monument. Une structure unique. Un seul bloc de pierre, droit, érodé, brisé par le temps, mais encore debout. D’un brun clair, presque doré par endroits, il se détachait violemment du décor : ni corrompu, ni noirci, ni effondré.
Il descendit prudemment, les sens en éveil.
La colonne n’était ni magique, ni ornée. Aucune rune, aucun relief. Et pourtant, elle dégageait une forme de présence. Comme si elle avait été posée là pour être trouvée… ou oubliée.
Il s’approcha, tendit la main, la posa contre la pierre.
Froide. Solide. Morte en apparence.
Mais il sentit aussitôt une vibration, légère, dans ses doigts.
> « CAINE. Lance une analyse de surface. »
> « En cours... Collecte des données minérales... Terminé. »
> « Résultat partiel : matériau non identifié. Densité comparable au granit, mais composition hétérogène. Présence de résidus thermiques. Source : inconnue.
Aucune trace de magie active.
Cependant, détection d’un champ structurant résiduel. »
> « Structurant ? »
> « La forme de cette colonne a été stabilisée par un schéma intentionnel. Elle n’a pas été sculptée au hasard. »
> « C’est un vestige. »
Il fit lentement le tour du monument, observant chaque détail.
Un angle supérieur était brisé net, comme arraché. À cet endroit, la texture était différente. Comme si un noyau, ou un cœur, avait été sectionné. L’intérieur n’était pas creux, mais la pierre semblait avoir fusionné autour de quelque chose qu’il ne pouvait plus voir.
> « Je veux une analyse plus profonde. »
> « Impossible. Les modules actuels ne permettent pas d’intrusion non physique. Niveau de capacité requis : 7%. Niveau actuel : 3,1%. »
> « Alors je dois t’élever. »
> « Affirmatif. »
Il recula de quelques pas, puis s’assit face au monument.
Ce n’était pas une ruine.
C’était une preuve.
Quelqu’un, à une époque révolue, avait tenté quelque chose ici. Quelqu’un avait bâti. Fait tenir cette chose hors du temps. Ce n’était ni une tombe, ni un autel. C’était un message… mais sans mot.
Un témoin muet d’une époque effacée.
Il resta longtemps là, sans bouger, à l’écouter.
Et sans comprendre pourquoi, il sentit en lui une pensée très nette :
il n’était pas seul dans cet oubli.
Il était attendu.
—
Il avait quitté la clairière depuis longtemps déjà. La colonne, muette et impassible, était restée derrière lui, comme une énigme non pressée d’être résolue. Elle ne lui avait rien dit, mais elle avait parlé à son instinct.
Il avançait maintenant à travers une zone plus sèche. Le sol était plus ferme, les arbres moins nombreux, comme si le terrain avait été dénudé par quelque force ancienne. Tout ici semblait figé dans une attente étrange, suspendue entre passé et effacement.
Il marchait en silence, ses pas mesurés, sa perception ouverte au moindre détail. Le moindre changement dans la lumière. La moindre variation dans la densité de l’air.
Ses yeux captèrent quelque chose, entre deux pierres. Un éclat. Subtil, presque invisible sous la poussière et les racines.
Il s’accroupit.
Sous la terre, entre les cailloux, il écarta délicatement ce qui semblait être un petit fragment métallique. Il était à moitié enterré, fin, incurvé, d’une matière lisse et étonnamment intacte. Il le dégagea lentement, comme on extrairait un éclat d’un corps.
> « CAINE. Analyse. »
> « Objet détecté. Fragment structurel.
Matériau : alliage composite non identifié.
Densité inhabituelle. Traces d’usure thermique.
Fonction : inconnue. »
> « Origine ? »
> « Intra-systémique. Ce fragment appartenait à une entité en lien avec le Système. Ancienne. »
Takuya fit lentement tourner l’objet dans sa main. Il n’était pas lourd, mais il dégageait une sensation… dense. Comme s’il contenait plus que sa masse ne le laissait supposer.
Il l’approcha de sa poitrine, instinctivement.
Une vibration.
Courte. Sèche.
Un mot traversa son esprit. Non pas lu, ni entendu. Ressenti.
> “Niveau 0 : Exilé.”
La sensation disparut aussitôt. Plus rien.
> « CAINE. Tu l’as vu ? »
> « Aucun message enregistré. Fluctuation sensorielle détectée dans votre activité neuronale. Source non localisée. »
Il resta silencieux.
Ce n’était pas un bug. Ce n’était pas une hallucination.
C’était un signal.
Une balise. Peut-être un reste de quelque chose d’effacé. Un appel oublié.
Il se redressa, glissant le fragment dans la doublure intérieure de sa tunique. Il avait froid, malgré la chaleur ambiante.
Ce monde n’était pas vide. Il n’était pas inerte. Il était... sélectif.
Et lui ne faisait pas partie de ses plans.
> [Alerte : forme de vie non intelligente détectée à proximité — 41 mètres.]
Il se figea.
> « CAINE. »
> « Cible détectée : Chien-squelette. Classe F.
Comportement : erratique. Distance critique atteinte dans 18 secondes.
Statut : hostile probable. »
Il inspira, lentement.
Pas de panique. Pas de hâte.
Il observa l’environnement autour de lui, cherchant des angles, des pièges, des options.
Puis il murmura :
> « On dirait que la journée n’est pas encore terminée.
Prépare l’analyse. Cette fois, on observe tout. »
—
Le craquement, cette fois, ne l’avait pas surpris.
Mais la vitesse de la bête, si.
Takuya bondit sur le côté, dans un réflexe plus appris que maîtrisé. Il roula dans la boue, sentit une patte osseuse trancher l’air juste au-dessus de sa tête. Il se releva en glissant à moitié, le souffle déjà court, et vit la silhouette blanche tourner brutalement, ses membres déformés grinçant sur le sol humide.
> « Chien-squelette, classe F.
Taille : 110 %. Anomalie osseuse détectée.
Vitesse supérieure à la moyenne.
Comportement : agressif, focalisé. »
> « Il me traque. »
> « Affirmatif. Il ne changera pas de cible. »
Il n’avait pas le temps de penser. La créature bondit à nouveau. Il plongea derrière un arbre mort, sentit les griffes fendre l’écorce derrière lui. Des échardes volèrent. Il se releva, titubant, courant à moitié, boitant presque. Il ne pouvait pas la semer. Pas avec cette endurance.
Mais il pouvait l’épuiser. Ou... se positionner.
> « Affiche les trajectoires. »
> « Active. Suggestion : manoeuvre en spirale. Détourner par mouvements circulaires jusqu’à déstabilisation de l’équilibre.
Succès estimé : 21 %. »
> « J’ai besoin de mieux. »
> « Corps inadapté aux tactiques actuelles. Risque de surcharge musculaire élevé. »
Il fit un demi-tour brutal, prenant un chemin plus étroit entre deux rochers. La bête le suivit, rapide, animale, aveugle à la logique. Takuya sauta en avant, se réceptionna mal, tomba. Se redressa aussitôt.
Une douleur aiguë dans la jambe. Foulure probable.
Il se jeta derrière un tronc creux. Se plaqua contre le bois. Sa respiration était bruyante. Il ne la maîtrisait plus.
> [Statut : blessure mineure, fatigue avancée]
La bête approchait. Lentement. Elle le cherchait. Son flair n’était pas affecté.
Il glissa une main tremblante sous sa tunique. Le fragment de métal.
Toujours là.
Il le sortit.
Pas une lame. Pas une arme.
Mais il n’avait rien d’autre.
Il serra les dents, serra le métal, puis bondit hors de sa cachette.
La bête siffla un cri sec, un grognement d’os, et fondit sur lui.
Il esquiva par réflexe. Un coup de patte lacéra sa manche. Une griffure entailla son flanc.
Il hurla, tourna sur lui-même, et enfonça le fragment dans la cage thoracique de la créature.
Un coup mal placé. Trop faible.
Le monstre le projeta au sol d’un coup d’épaule. Il tomba lourdement, le dos meurtri.
> [Dommages : -7 PV]
[Saignement modéré. Mobilité réduite.]
> « CAINE… je vais y laisser un bras. »
> « Probabilité de neutralisation : 28 %.
Probabilité de décès : 41 %. »
> « T’as toujours su remonter le moral. »
Il se releva en chancelant. La bête tournait autour de lui maintenant. Plus méfiante. L’œil rouge pulsait faiblement, comme si elle comprenait, d’instinct, que cet humain refusait de tomber.
Il respira. Une fois. Deux fois. Puis laissa le fragment couler dans sa main, pointe vers le bas.
Il la laissa venir.
Elle chargea.
Il ne bougea pas.
Au dernier moment, il plongea sous elle. Roula. Sauta sur son dos décharné, planta le fragment dans la nuque, juste à la base du crâne. Une, deux, trois fois. Jusqu’à ce que l’os cède. Jusqu’à ce que la lumière rouge s’éteigne dans un spasme de cendre.
Ils tombèrent ensemble.
Takuya resta là, allongé à côté du tas d’os brisé. Ses mains tremblaient. Ses bras brûlaient. Son souffle était une tempête.
Il était vivant.
> [Cible neutralisée]
[Expérience acquise : 18 points]
[Progression vers niveau suivant : 18 / 120]
Il resta immobile un long moment. À genoux, penché en avant. Le fragment glissa de sa main, couvert de poussière noire.
Il n’avait pas gagné. Il avait juste... survécu.
Et c’était déjà un miracle.
—-
Il marcha sans sentir ses jambes.
Pas vraiment.
Ses pas étaient lourds, désordonnés, mais mécaniques. Ce n’était plus son esprit qui guidait son corps, mais l’instinct de survie brut, froid. Il ne regardait plus les arbres. Il ne vérifiait plus ses arrières.
Il n’avait qu’un objectif : atteindre la roche. L’abri. La pierre sèche. Le silence.
Quand il l’aperçut, il n’eut même pas la force de ressentir un soulagement. Il entra à demi en rampant, s’appuya contre la paroi rugueuse. Ses mains étaient pleines de sang séché et de terre. Le fragment métallique glissa de sa paume et tomba au sol sans bruit.
Sa respiration était hachée. Sa vue, floue.
Puis le noir.
Sans transition.
Sans cérémonie.
Pas de rêve. Pas d’image.
Juste une coupure brutale. Comme si le monde avait cligné des yeux.
Il se réveilla en sursaut. Sa gorge était sèche. Chaque muscle protestait.
> « Temps de perte de conscience : 3 heures et 14 minutes.
Régénération partielle engagée pendant la phase d’inactivité.
Statut vital : stable, mais affaibli. »
Takuya essaya de se redresser. Une douleur aiguë lui traversa le flanc. Il serra les dents, s’adossa lentement contre la pierre.
Il ne parla pas tout de suite. Il laissa son esprit remettre les pièces en place.
Le monstre. La fuite. Le fragment. La chute.
Puis…
Une notification apparut.
> [Compétence acquise partiellement : Roulade – Niveau 1 (Débutant)]
[Progression : 5%]
Il la lut deux fois.
Puis il ferma les yeux.
> « Le Système… m’a vu. »
> « Correction : le Système a enregistré une action récurrente et en a extrait un modèle de compétence. Aucun mécanisme automatique. Pure observation. »
> « Il apprend de moi. Comme moi de lui. »
Il tourna la tête vers la sortie de l’abri. L’air était toujours aussi lourd, le ciel aussi malade. Mais quelque chose avait changé.
Lui.
Il n’avait pas obtenu un pouvoir. Il n’avait pas été béni. Il n’avait rien volé.
Il avait créé.
Par mouvement. Par nécessité.
Par simple résistance.
Il prit quelques minutes pour classer ses pensées. Il n’avait pas d’outil, pas de papier, mais son esprit fonctionnait encore comme celui du scientifique qu’il avait été.
Il traça les premières lignes mentales de sa logique :
1. Le Système ne sait pas qui il est.
2. Certaines de ses actions sont tolérées.
3. D’autres sont reconnues.
4. Rien n’est donné. Tout est pris.
5. Il peut provoquer une réponse. Une anomalie. Une onde.
> « Pour qu’un système réagisse, il faut qu’il soit confronté à quelque chose qu’il ne peut ignorer. »
> « Hypothèse valide. Une anomalie suffisamment répétée provoque une réponse d’adaptation. »
> « Alors je vais en être une. Une suite d’erreurs. Jusqu’à ce qu’il clignote. »
Il reprit le fragment tombé au sol. Le regarda longuement.
Puis une pulsation.
Faible. Lointaine. Mais réelle.
Une lumière brève, presque imperceptible, s’était allumée au loin, entre deux courbes d’arbres déformés.
Comme une lueur sous un ciel en ruine.
Pas un éclair. Pas une illusion.
Quelque chose.
Il resta figé, le souffle suspendu.
> « Tu l’as vu ? »
> « Affirmatif. Source lumineuse ponctuelle. Intensité magique faible. Origine inconnue. »
Il se releva. Lentement. Chaque muscle protestait, mais il tenait debout.
La lumière s’était éteinte.
Mais elle avait existé.
Et dans ce monde sans bruit, sans guide, sans peuple…
quelque chose venait peut-être de lui répondre.
—
Il marcha pendant un long moment, sans penser à la destination.
Il avançait simplement, traînant une douleur sourde dans sa jambe droite, les muscles encore fatigués du combat. Son souffle était plus stable, mais sa gorge était sèche. Et dans son ventre, un creux s’était installé.
Pas encore de la faim.
Mais une absence. Le signe avant-coureur que le corps commence à s’user.
> « On cherche de quoi tenir.
Pas un repas. Juste... une réponse. »
> « Recherche de biomasse comestible activée.
Scan environnemental en cours. »
Takuya traversa une zone plus plate, recouverte de végétation pâle. Des plantes basses, aux feuilles épaisses, sombres, d’un vert presque noir. Certaines frémissaient à son approche. D’autres se recroquevillaient. L’humidité était présente, collante. Un sol instable, parsemé de zones spongieuses.
Il s’agenouilla devant une touffe de plantes à tige large et creuse. Il tendit un bâton vers l’une d’elles. Dès le contact, un éclat de sève acide jaillit, sifflante, brûlant la pointe du bois.
> « Réaction défensive identifiée.
Espèce classée : non comestible. Toxique. Enregistrement dans la base. »
> [Élément enregistré : Plante #00 - danger modéré.]
Il recula, observa. Chaque tentative était notée, classée, comparée. CAINE remplissait sa base de données. Takuya, lui, affinait ses réflexes.
Il poursuivit, progressant lentement.
Il vit une plante qui ne bougeait pas. Fine, haute, aux feuilles translucides. Il s’en approcha. Rien ne se produisit. Il coupa une feuille avec précaution, la tendit vers CAINE.
> « Composition stable. Faible en eau, mais non toxique. Goût probable : neutre. Valeur énergétique : minimale. »
> « Comestible ? »
> « Oui. »
Il en mâcha un morceau. Léger. Amer. Un peu fibreux. Mais ça passait.
> [Élément enregistré : Feuille inconnue #02 — comestible.
Réaction du porteur : stable.]
Il répéta l’opération. Deux autres échantillons, un petit fruit pâle qu’il trouva caché dans les racines d’un tronc. Goût sucré. Faible brûlure en bouche. Rien de grave.
> [Élément enregistré : Fruit #01 — comestible. Valeur nutritive : faible.]
Il s’assit un instant, mangea lentement, mâchant longtemps chaque bouchée. Il ne ressentit pas de changement immédiat, mais son corps, petit à petit, cessait de tirer sur ses réserves. Le cœur se calmait. Les pensées se clarifiaient.
> « Continue de classer. Même les plantes hostiles.
On cartographie tout. »
> « Affirmatif. Base de données de survie active. 7 éléments référencés. »
Plus loin, il trouva une flaque d’eau stagnante. Il s’agenouilla, l’observa. L’eau était trouble, avec des reflets huileux.
> « Toxines bactériennes détectées. Consommation déconseillée.
Risque d’altération du système digestif : élevé. »
> « Noté. On boira plus tard. »
Il reprit la route.
La zone autour de lui semblait légèrement différente. La végétation, plus régulière. Les couleurs, moins ternes. Le sol, plus stable. Peut-être était-il en train de sortir de la zone corrompue... ou d’entrer dans un piège.
Il s’arrêta au sommet d’une petite crête rocheuse.
Et là, il la vit à nouveau.
La lumière.
Faible. Régulière. Un battement lointain, comme une respiration artificielle.
Pas un éclair. Pas une illusion.
> « CAINE. »
> « Source lumineuse repérée. Direction : nord-nord-est.
Distance approximative : 2,6 kilomètres.
Origine : inconnue. »
Il resta là, immobile, observant l’horizon.
Il ne ressentait ni peur, ni hâte.
Juste cette curiosité froide, celle qui pousse un homme à toucher ce qu’on lui dit d’éviter.
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