chapitre 4 - L'éveil derrière les barreaux
La lumière était rougeâtre, dansante, étrangère.
Elle filtrait à travers des interstices irréguliers, modelée par des matériaux grossiers — bois tordu, os noués, métal rouillé. Une torche lointaine, unique source de chaleur et de clarté, projetait des ombres erratiques sur la roche.
Takuya ouvrit lentement les yeux.
La première chose qu’il perçut fut l’odeur : une puanteur animale, saturée de terre humide, de graisse brûlée, et de sang séché. Il inspira avec peine. Le sol était dur, couvert d’un sable rêche mêlé à de la poussière grasse. Sous ses doigts, il sentit les fibres rêches d’un sol brut, irrégulier.
Et puis… les barreaux.
Il était enfermé.
La cage était rudimentaire, construite dans l’urgence ou avec des moyens limités, mais elle tenait. Des troncs grossiers s’entrelassaient, consolidés par des plaques de métal rouillées et des ligatures faites de corde et de tendon séché. L’espace intérieur ne permettait ni de se tenir debout, ni de s’allonger confortablement. C’était un piège, pensé pour contenir sans offrir de répit.
Certains des renforts étaient faits d’os. Humains ? Difficile à dire. Le temps les avait blanchis, polis par l’usage. Peut-être des ornements. Peut-être des restes.
Takuya bougea ses bras avec précaution.
Pas de liens. Pas de douleur insupportable. Ses muscles étaient engourdis, mais intacts. Son crâne lui lançait, signe d’un coup récent, mais il n’y avait pas de fracture. Il chercha ses armes… rien. Sa lance avait disparu. Son fragment aussi.
« CAINE. Statut. Et rapport complet. Depuis l’impact jusqu’à maintenant. »
La réponse fut immédiate. Claire. Froidement rassurante.
« Système en veille tactique durant l’inconscience. Réactivation sécurisée. Temps écoulé : 13 heures, 19 minutes. Surveillance passive maintenue. Aucune tentative de dissection ou d’analyse intrusive détectée. »
« L’embuscade ? »
Des images floues, des éclats de douleur. Un souvenir plus reconstruit que réel. CAINE combla les vides.
« Nombre d’assaillants : six. Formation semi-circulaire. Attaque frontale coordonnée. Utilisation de projectiles. Impacts majeurs : crâne, flanc droit. Perte de conscience immédiate. »
« Transfert par quatre entités gobelines. Déplacement sans brutalité excessive. Surveillance constante. Temps de transit : environ deux heures. Destination : structure souterraine à caractère tribal. »
« Tu as simulé une extinction ? »
« Affirmatif. Considération tactique : préservation de l’élément porteur. Aucune tentative de manipulation de l’implant. »
Takuya ferma les yeux. Un instant. Il réécouta les données. Ancrant les faits dans sa mémoire.
« Ils m’ont capturé. Pas tué. Et ils savent ce qu’ils font. »
« Analyse du campement : 28 entités humanoïdes détectées. Hiérarchie interne probable. Trois figures dominantes. Chef visible : gobelin de grande taille, armure partielle, décorations osseuses. Langage inconnu. Structure comportementale : stable, méfiance sans hostilité directe. »
Takuya leva les yeux.
De l’autre côté des barreaux, deux gobelins montaient la garde. L’un nettoyait une lame grossière. L’autre taillait une dent de bête sur un fil de fer rouillé. Ils parlaient. Pas comme des créatures sauvages. Comme des soldats fatigués. En veille.
Il s’adossa contre la cage. Inspirant lentement.
« Ce n’est pas un groupe errant. C’est une structure. Un embryon de société. Et je suis un élément extérieur. Une anomalie. »
Un frisson glissa dans son dos.
Pour la première fois depuis son arrivée dans ce monde, il n’était plus dans un vide sans repères. Il était au cœur d’un territoire défini… par d’autres.
Le temps s’écoulait autrement dans une cage.
Il ne se comptait plus en heures, mais en changements de rythme : les pas dans le tunnel, les grognements lointains, les claquements de dents, les silences denses. Takuya, recroquevillé contre les barreaux noués de bois et de tendon, ne bougeait presque pas. Il observait.
Pas avec panique. Pas avec peur.
Avec une précision chirurgicale.
Le camp gobelin n’était pas un repaire sauvage, encore moins un ramassis de bêtes hurlantes. C’était un système. Primitif, oui. Brutal. Mais cohérent. Un embryon de société.
Il y avait des rôles, des rythmes, des gestes répétés. Certains gobelins – plus petits, plus souples – transportaient des paniers de viande crue, à peine nettoyée. D’autres taillaient du bois, ou préparaient du cuir tressé pour des équipements rudimentaires. Des enfants ? Des castes inférieures ? Difficile à dire. Mais ils travaillaient.
Les plus grands portaient des armes : lames courtes, masses grossières, lances aux pointes d’os. Le métal semblait rare. Réutilisé. Chaque outil portait les traces d’un autre usage, d’un autre combat.
Et au fond du camp, assis sur une plateforme rocheuse, un gobelin massif ne bougeait presque pas. Peintures tribales. Os gravés suspendus autour de son cou et de ses bras. Il ne donnait pas d’ordres. Il observait.
Un chef. Ou un juge.
Takuya inspira lentement.
> « CAINE. Analyse comportementale. »
> « Organisation tribale semi-structurée. Hiérarchie identifiée. Tâches spécialisées. Rituels faibles mais présents. Niveau de langage : non systémique, schéma d’intonation stable. Processus de décodage toujours en cours. »
Pas de panique dans sa voix mentale. Pas d’alarme.
Mais un constat froid : il n’était pas encore en danger immédiat.
Pas encore.
> « Affiche mes stats. Format complet. »
Une interface s’ouvrit dans son esprit, propre, familière.
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[Statut du porteur : Takuya Arai]
Race : Humain (Dégradé)
Niveau : 2
Classe : Apprenti Analyseur
Compétence unique : Analyse Absolue
Points de vie : 19/19
Points de mana : 26/26
Endurance : 14/20
Statut : Léger stress neurologique, affaibli, affamé
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Statistiques :
Force : 4
Agilité : 6
Intelligence : 19
Perception : 15
Chance : 10
Affinité magique : [Analyse / Altération]
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Compétences spéciales :
— [Analyse Absolue — niveau 1 — progression : 3%]
Compétences passives :
— [Résistance au poison — niveau 1 — 2%]
— [Roulade (non activée) — 5%]
— [Analyse sensorielle (latent) — 1%]
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[Équipement : Aucun]
[Compétence offensive : Aucune]
[Interface de combat : Inactive]
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Pas de quoi faire trembler une armée.
Pas de quoi effrayer un gobelin adulte armé jusqu’aux dents non plus.
> « Je dois comprendre leur logique. Leur structure. Leur langue. » « CAINE, envoie-moi ce que tu as déjà collecté. »
> « Volume linguistique partiel. Transmission disponible via compression brute dans les circuits neuronaux. Avertissement : surcharge cognitive possible. »
> « Lance. »
La douleur fut immédiate.
Comme une tenaille mentale, une pression crânienne d’une violence aiguë. Les sons affluaient dans sa tête, brisés, malformés, des syllabes qui se heurtaient, s’écrasaient les unes sur les autres. Des rythmes tribaux, des accents sifflés. Une langue vivante, brute, sans ponctuation. Des images, aussi. Des émotions.
Ses dents claquèrent. Son crâne vibrait.
> « Arrête… ! »
> [Transmission interrompue à 37%. Surcharge détectée. Instabilité cérébrale contenue. Pause recommandée.]
Du sang coulait lentement de ses narines.
Mais quelque chose avait changé.
Il entendait.
Pas tout. Pas clairement. Mais des fragments.
Des mots. Des intentions.
Et surtout : un rythme.
Il ouvrit lentement les yeux.
Un gobelin se tenait à une dizaine de pas. Plus petit. Plus jeune. Sans arme. Sans tatouage. Juste un morceau de tissu noué à la taille. Sa peau était sombre, mais moins rugueuse. Ses yeux… curieux.
Pas hostiles. Pas craintifs.
Juste… présents.
Takuya cligna lentement des yeux.
> « CAINE… ? »
> « Entité identifiée : gobelin immature. Langage vocal rudimentaire. État émotionnel : curiosité dominante. Risque : nul. »
Takuya leva la main. Lentement.
Il plia deux doigts. Un geste simple. Lent. Délivré sans menace.
Le gobelin inclina légèrement la tête.
Intrigué.
Alors Takuya prononça un mot. Un seul. Arraché au chaos de la transmission interrompue.
> « Ka… »
Peut-être « voir ». Peut-être « entendre ».
Peut-être rien.
Mais le gobelin tressaillit. Et, maladroitement, répondit.
> « Kaa. »
Pas le même son. Mais pas une négation.
Un pont.
Takuya sentit une tension glisser hors de ses épaules.
Il tenta un autre mot. Un autre geste.
Une nouvelle tentative.
> « CAINE ? »
> « Échange mimétique primitif engagé. Synchronisation émotionnelle faible mais positive. Probabilité d’élargissement du dialogue : 22 %. »
Le jeune gobelin fit un pas. Puis un autre.
Il posa une main fine contre l’un des barreaux de la cage.
Takuya ne bougea pas.
Deux êtres. Deux formes de vie que tout séparait – biologie, langage, histoire – réunis par une chose : la curiosité.
Et soudain, un cri.
Grave. Autoritaire. Claquant contre les parois de la grotte.
Le gobelin sursauta, recula brusquement. Un dernier regard, et il disparut dans l’ombre.
Un adulte entra dans le champ de vision. Armé. Plus grand. Un grognement, un regard. Puis il repartit.
Le silence retomba.
Takuya s’adossa lentement.
> « Il ne m’a pas vu comme un monstre. Moi non plus. »
Il resta ainsi un long moment. Le regard tourné vers l’obscurité où avait disparu le jeune gobelin.
Et pour la première fois, depuis son arrivée dans ce monde, il ne se sentait pas totalement seul.
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Le matin n’apporta aucune lumière.
Seulement un changement d’odeur.
L’air devint plus dense, chargé d’un relent de cendre et de sueur. Les cris avaient cessé, remplacés par un murmure constant, comme un bourdonnement souterrain. Quelque chose dans le camp avait changé. Une lourdeur nouvelle s’était abattue sur les lieux.
Takuya ouvrit les yeux juste avant que les pas n’approchent.
Deux gobelins déverrouillèrent la cage. Le cliquetis sec des attaches de tendon fit écho dans la caverne. Ils n’avaient pas de chaînes, pas de mots. L’un le tira par le bras, l’autre le poussa dans le dos. Pas violemment, mais avec une forme de hâte mécanique.
Ce n’était pas une punition.
C’était un rituel.
Une routine.
Takuya ne résista pas.
> « CAINE ? »
> « Surveillance active. Anomalie comportementale détectée dans le campement : élévation des tensions internes. Rassemblement d’individus vers un point central. Hypothèse : épreuve ou jugement en préparation. »
> « Probabilité létale ? »
> « Évaluation actuelle : 52 %. Résultat dépendant de la réaction du porteur. »
Ils traversèrent un tunnel élargi, sculpté à même la roche. Les parois portaient des marques : griffures, dessins stylisés, motifs répétitifs. Un langage visuel. Brut, mais présent.
À mesure qu’ils avançaient, la lumière vacilla. Une lueur orangée, chaude, se diffusait depuis l’extrémité du tunnel.
Ils débouchèrent dans une salle circulaire, naturelle. Immense.
Le plafond disparaissait dans l’obscurité. Le sol, lui, était marqué de cicatrices : traces de pas, sillons de lutte, zones de terre battue et durcie par l’usage. Tout indiquait un usage récurrent.
Une arène.
Une cinquantaine de gobelins formaient un cercle irrégulier autour de la zone. Certains étaient debout sur des rochers, d’autres accroupis à même le sol. Leurs yeux brillaient dans la pénombre, fixes. Ils attendaient. Pas dans le chaos. Mais dans une tension organisée.
Au centre : rien.
Sauf une lame.
Jetée là. Un acier terne, mal équilibré, mais solide. Une invitation. Ou un avertissement.
Takuya fut poussé dans le cercle. Les gobelins reculèrent aussitôt, dessinant une frontière invisible. Le silence devint lourd.
Un grondement sourd rompit le calme.
De l’autre côté de l’arène, un gobelin entra.
Plus grand. Plus épais. La peau sombre, presque cuirassée. Une armure de cuir tressé couvrait son torse. À la main, une masse courte, ornée de pointes d’os noircis.
Il ne courut pas. Il ne rugit pas.
Il tourna lentement autour de Takuya.
Le jaugeant.
Le lisant.
> « CAINE ? »
> « Profil identifié : gobelin vétéran. Force supérieure à la moyenne tribale. Vitesse modérée. Arme : contondante, portée courte. Comportement : évaluation. Attente d’une réaction. »
Takuya ne bougea pas.
Il analysait. Les foulées, les épaules, les pauses dans le souffle.
Le gobelin ne voulait pas un duel.
Il voulait voir.
Comment réagit la créature étrangère ? Va-t-elle trembler ? Fuir ? Se soumettre ?
> « Si je bouge mal, je suis mort. Si je reste figé, je suis inutile. »
Il se pencha doucement, sans détourner le regard, et ramassa la lame.
Elle était lourde. Trop courte. La poignée rêche. Forgée pour une main plus large. Mais c’était une arme.
Le gobelin s’arrêta.
Deux souffles.
Puis il chargea.
> [Prévision d’impact : latéral droit, dans 0,8 seconde. Contre recommandé : esquive partielle + riposte flanc.]
Takuya glissa sur le côté. Son pied accrocha la poussière, mais il réussit à éviter la masse. Elle passa à quelques centimètres de sa tempe. Il contre-attaqua d’un geste maladroit, la lame éraflant l’épaule de son adversaire. Peu de dégâts. Mais un contact.
Un grognement répondit.
Les gobelins autour sifflèrent. Hurlèrent. Certains tambourinèrent sur les rochers.
Ils n’assistaient pas à un duel.
Ils assistaient à un test.
Le vétéran tourna. Vite. Trop vite.
Takuya leva la lame par réflexe. Le choc le projeta en arrière.
> [Contusion modérée. Distance : 1,3 m. Temps de récupération estimé : 2,7 secondes.]
Il roula. Mal. Se releva. Son souffle s’emballait.
> « Je dois briser son rythme. Créer une ouverture. »
Le gobelin avança à nouveau.
Cette fois, Takuya ne recula pas.
Il feinta une chute, s’effondra à demi, mais pivota brusquement en se relevant sur un genou. Lame levée. Le gobelin, surpris, ralentit.
Erreur.
Takuya frappa sous la mâchoire.
Le choc fut net. Du sang éclaboussa. Pas une blessure fatale, mais un coup marqué.
Le gobelin grogna, recula, vacilla.
Mais il ne tomba pas.
Sa masse toujours en main, il attaqua par réflexe.
> [Frappe en angle — 47°. Vitesse élevée. Dommage estimé : grave. Esquive nécessaire.]
Takuya lâcha sa lame.
Et plongea.
Pas en fuite.
En accélération.
Il roula sous le coup, rampa dans la poussière, se releva derrière le gobelin.
Il ne pensait plus. Il calculait.
Il attrapa un éclat de pierre au sol. Fit mine de le lancer.
Le gobelin leva un bras pour se protéger.
Deuxième erreur.
Takuya bondit.
Il frappa à l’arcade.
Le sang jaillit. Le gobelin tomba à genoux. Sa masse roula hors de portée.
Le silence tomba dans la caverne.
Takuya resta figé.
Il tremblait. Le souffle court. L’éclat de pierre encore dans la main.
Face à lui, le gobelin leva les yeux.
Pas de haine.
Pas de rage.
Juste un souffle rauque. Une forme de reconnaissance brute.
Il inclina lentement la tête.
Takuya répondit par un pas en arrière.
Puis il s’agenouilla.
Pas par soumission.
Par reconnaissance.
Les gobelins autour grognèrent. Certains hurlèrent. Aucun ne descendit.
> « CAINE… »
> [Combat terminé. Intégrité vitale maintenue. Réputation tribale : variation positive détectée. Statut actuel : toléré.]
Takuya ferma les yeux.
Il n’avait pas gagné.
Mais il avait tenu.
Il avait survécu.
Pas en tant qu’humain.
Mais en tant que variable.
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Ils l’avaient ramené à sa cage sans un mot.
Il n’y avait eu ni clameur, ni célébration, ni humiliation. Juste cette procession lente, comme une routine bien ancrée. Les gobelins autour s’étaient tus en le voyant passer. Certains le fixaient, d’autres détournaient le regard.
Le silence n’était plus de la méfiance.
C’était autre chose.
Quelque chose de plus dense.
Takuya s’était effondré à l’intérieur de la cage sans protester. Son corps ne suivait plus. Chaque muscle tremblait, chaque respiration arrachait un râle discret. Il avait mal. Partout. Mais il respirait encore.
Et ça, dans ce monde, c’était déjà une forme de victoire.
Il resta là, à demi allongé, les yeux mi-clos, la joue collée contre le sol rugueux. La poussière râpa sa peau. Mais il ne chercha pas à bouger.
> « CAINE… rapport. »
> [Analyse en cours… Statut vital : stable. Saturation musculaire : élevée. Tensions nerveuses : persistantes. Blessures superficielles. Saignements contrôlés.]
> « Et le système ? Mes progrès ? »
L’interface mentale s’activa lentement, comme si elle hésitait à charger les données.
Puis elle afficha.
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[Mise à jour – Compétences actives et passives]
— [Roulade] — progression : 12%
— [Sang-Froid] — compétence passive acquise partiellement — 3%
— [Maîtrise de la Lance] — compétence passive acquise partiellement — 4%
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> [Remarque : déclenchement sous conditions de stress extrême. Éléments déclencheurs : évasion, lecture de rythme, adaptation improvisée. Profil d’évolution : atypique. Potentiel rare détecté.]
> [Statut du porteur : en éveil.]
Un sourire maigre, presque douloureux, étira les lèvres de Takuya.
Ce n’était pas spectaculaire. Ce n’était pas glorieux.
Mais c’était concret.
Il avait progressé. Non pas parce qu’il avait gagné — mais parce qu’il avait résisté. Appris. Transformé ses faiblesses en angles d’analyse. Chaque mouvement du gobelin vétéran avait été une équation. Chaque esquive, une variable résolue à la hâte.
Il leva lentement la main, paume tournée vers le plafond.
Une torche projetait une lumière pâle et tremblante, rendant sa peau poussiéreuse presque translucide. Il observa les tremblements infimes dans ses doigts. Les traces de sang séché. La poussière collée.
C’était un corps usé. Faible. Mais il était encore là.
> « Je ne suis pas un guerrier. Mais je suis un produit de logique. Et la logique, elle, peut apprendre. »
Son esprit s’emballa brièvement, revoyant les instants du combat : la feinte de chute, le leurre du lancer, la lecture de posture.
Improvisations, oui.
Mais rien d’aléatoire.
Chaque mouvement avait été une réponse à un signal. Un calcul inconscient. Une intuition filtrée par une observation méthodique.
> [Recalibrage cognitif en cours.
Mémoire tactique enregistrée.
Signature mentale unique.]
Un bruit faible détourna son attention.
De l’autre côté de la caverne, dans une niche obscure… une silhouette.
Accroupie. Immobile.
Le jeune gobelin.
Encore lui.
Toujours seul. Toujours silencieux.
Il ne s’approchait pas. Pas cette fois. Mais il était là. À la limite de l’ombre et de la lumière. Les yeux fixés sur la cage, sur Takuya.
Takuya soutint le regard. Longtemps.
Pas un mot.
Pas un geste.
Mais une certitude : il avait vu. Il avait regardé jusqu’au bout.
Et il était revenu.
> « Tu m’as vu me battre. Pas comme un monstre. Pas comme un héros. Juste… comme un être vivant. »
Le gobelin resta là encore quelques secondes.
Puis recula. Et disparut à nouveau dans l’ombre.
Takuya soupira. Longuement.
Il n’était pas accepté.
Pas encore.
Mais il était vu.
Il se laissa glisser sur le côté, la tête contre les barreaux. Le métal était froid. Mais stable.
Au loin, les bruits du camp avaient changé. Les voix étaient plus basses. Plus retenues. Moins désordonnées.
Il avait déplacé quelque chose.
Rien de visible. Rien d’immédiat.
Mais les regards avaient changé.
> « Je ne suis plus une bête enfermée. Je suis un facteur. Une variable. Une possibilité. »
Et dans un monde étranger, opaque, construit par d’autres logiques que la sienne…
C’était déjà énorme.
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Les jours n’étaient pas comptés.
Il n’y avait ni soleil, ni lune, ni cloche pour marquer le passage du temps. Mais Takuya savait. Son corps parlait pour lui — les rythmes internes, les pics de faim, les cycles de sommeil brisé, les retours du silence. Cela faisait, sans doute, trois ou quatre jours depuis l’épreuve.
Et rien n’avait été pareil depuis.
Il n’était plus ignoré.
On le regardait. Discrètement, mais avec régularité. On approchait parfois — pas trop près, mais assez pour qu’il sente les présences. On déposait un peu de nourriture, pas dans la cage, mais juste à côté. Pas un don. Un test, peut-être.
Les deux gardes d’origine avaient été remplacés.
À la place, des gobelins plus jeunes, plus attentifs. Moins armés, mais plus mobiles. Une surveillance
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