chapitre 5 - Briser la cage invisible

13 minutes de lecture

Il ne savait pas s'il faisait encore nuit ou si ce monde ignorait simplement la différence.

Le temps, ici, n'était qu'une respiration continue. Une alternance de grondements, de silences et de pulsations venues d'ailleurs.

Takuya ouvrit les yeux lentement.

Il n'était plus dans la cage. Plus dans cette cellule de bois et de tendon qui avait été à la fois sa prison, sa tanière, son cocon. Le sol sous son dos était dur, froid, sec... mais différent. Le grain de la pierre n'était pas celui de la poussière battue des geôles. Il y avait moins d'odeur, moins de bruit de chaînes. Juste un souffle régulier, celui de l'air canalisé par la roche.

Il s'assit, douloureusement. Son dos protestait, ses muscles criaient, mais il bougea sans tomber. Il observa.

Un espace rudimentaire, circulaire, délimité par un muret de pierres empilées à la main. Pas un enclos. Pas un sanctuaire non plus. Juste une frontière. Une ligne symbolique, qu'aucun gobelin n'avait franchie... encore.

Il était dehors. Mais pas libre.

Toléré. Mais pas encore accepté.

Plus loin, deux gobelins étaient assis sur des souches. Leurs armes - une lance pour l'un, une hache courte pour l'autre - reposaient à portée, mais ils ne bougeaient pas. Ils parlaient à voix basse, dans cette langue faite de claquements, de grognements modulés et de silences.

Et pourtant, leurs yeux ne le quittaient jamais tout à fait.

> « CAINE. Scan comportemental. »


> [Modèle d'activité tribale stabilisé.
Cycle : éveil - rituel - activité - veille.
Présence de sous-groupes non hiérarchiques détectée.
Surveillance du porteur : constante, non agressive.]


> « Ils m'ont déplacé. Mais pas enfermé. »


> [Statut en réévaluation.
Risque social modéré.
Tolérance conditionnelle.]


Takuya inspira profondément.

Son corps était endolori, couvert d'ecchymoses et de raideurs, mais il tenait. Il avait connu pire. Il se remit lentement debout, testant ses appuis, sa stabilité.

Rien de cassé.

Autour de lui, le camp s'animait.

Des cris, des pas rapides, le bruit sourd de sabots ou de pieds nus sur la pierre. Des torches que l'on attisait, des foyers rallumés, des voix s'élevant dans des échanges secs. Et parfois, sans crier gare, un silence. Brutal. Partagé. Comme si tous retenaient leur souffle à l'unisson.

Un rituel dans le rituel.

Takuya observa.

Et il vit ce qu'il n'avait pas compris jusque-là.

Tous les gobelins n'étaient pas égaux. Il y avait des masses d'ombre, des groupes différenciés. Certains plus robustes, tatoués, couverts de traces de guerre. D'autres plus discrets, plus jeunes ou plus frêles, évitant les regards.

Des castes.

Ou peut-être des laissés-pour-compte parmi les exclus.

Et puis, il y avait ce phénomène étrange.

Toutes les deux ou trois heures, le camp entier... s'arrêtait.

Les mouvements ralentissaient. Les voix se taisaient. Les gobelins, jeunes comme anciens, se figeaient et levaient les yeux vers le nord, dans une même direction.

Vers la lumière. Ou ce qui devait en tenir lieu.

> « CAINE. Qu'est-ce qu'ils font ? »


> [Analyse comportementale en cours...
Synchronisation de mouvement collectif détectée.
Cohérence temporelle avec le dernier signal de la Tour.
Conclusion : réaction culturelle à un phénomène externe.
Peur codée.]


> « Ce n'est pas juste un réflexe...
Ils ont peur. »


Il serra les dents.

> « Pas de la lumière. De ce qu'elle signifie. »


Un mot s'imposa, sans qu'il le cherche.

> Exilés.


Ce n'était pas une insulte. C'était une vérité.

Il les regarda à nouveau - les gobelins figés dans leur silence collectif, comme pris en faute par une lumière invisible.

Quelque chose, là-bas, dans la direction de la Tour, les jugeait encore. Et eux... obéissaient à cette mémoire.

Un murmure mental de CAINE l'interrompit.

> [Protocole de traduction linguistique progressif : niveau 1 atteint.
Capacité de lecture contextuelle améliorée.]


> « Montre-moi ce que tu as. »


Les mots s'affichèrent dans son esprit, en surimpression mentale.

- Grak : manger
- Thok : force, puissance
- Zhen : lumière ou feu
- Erekh : garder, veiller
- Kar'danak : mot à charge émotionnelle élevée - connotation négative, souvent associée à des lieux ou des moments silencieux.

Ce dernier mot... il l'avait entendu plusieurs fois.

Pas crié. Pas utilisé à la légère.

Toujours à mi-voix, lors de certains passages. Lorsqu'ils croisaient des marques gravées dans la pierre qu'ils ne touchaient jamais.

Takuya, curieux, s'éloigna de son cercle de pierre. Aucun garde ne l'arrêta. Personne ne réagit. Il gravit un petit passage entre deux rochers - un sentier effondré, rongé par le temps.

Et il comprit.

Il y avait là un couloir, taillé à même la roche, que le camp n'utilisait plus.

Les murs étaient gravés.

Pas décorés. Gravés.

Des symboles anciens, rudimentaires mais structurés : cercles brisés, spirales fendues, silhouettes d'ailes, d'étoiles barrées, de chaînes. Un alphabet oublié.

> « Ces gravures racontent quelque chose. »


Il posa la main sur une spirale brisée.

> « CAINE. »


> [Langage symbolique identifié. Origine partiellement exogène.
Thèmes récurrents : bannissement, rupture, chute, condamnation.]


> « Kar'danak. »


> [Traductions probables :
- Verdict
- Jugement scellé
- Sentence irrévocable]


Takuya ferma les yeux.

Quelque chose lui disait que ce mot n'était pas qu'un souvenir.

C'était une vérité fondatrice.

Puis, un pas derrière lui. Léger. Soigneux.

Il se retourna d'un bond.

Un gobelin.

Différent.

Il portait des vêtements cousus de tissus rugueux et de cuir tanné, et à sa ceinture... des fioles. De verre, d'os, de métal. Aux couleurs vives et aux textures mouvantes.

Il ne portait pas d'arme. Et ses yeux... étaient trop calmes.

Takuya recula d'un pas.

> « CAINE. »


> [Composés non identifiés. Probable activité alchimique archaïque.
Analyse impossible sans contact ou ingestion. Effets inconnus. Mise en garde activée.]


> « Tu veux dire que si je veux comprendre... je dois tester ? »


> [Affirmatif.]


Le gobelin tendit une fiole. Bleue. Pulsante. Vivante.

Il n'insista pas. Il attendit.

Takuya la prit. Pas par défi. Par instinct.

Il n'en but pas.

Pas encore.

Mais il savait déjà...

Cette fiole n'était pas un poison.

C'était une clef.

---

Takuya ne savait pas depuis combien de temps il fixait cette fiole.

Le liquide bleu pulsait doucement, comme un cœur minuscule emprisonné dans du verre. Sa lumière n'était pas agressive - elle semblait répondre à quelque chose en lui. Une fréquence lente, vibrante. Une promesse muette.

Mais il n'avait pas encore bu.

Le gobelin alchimiste avait disparu aussitôt son offrande déposée, sans un mot, sans un geste. Ni menace, ni explication. Comme s'il avait simplement confié une vérité, et tourné le dos à la décision.

Takuya avait glissé la fiole dans le tissu à sa ceinture et était redescendu vers le camp. Il ne s'était pas attendu à ce que quelque chose ait changé.

Et pourtant... il le sentit.

Le silence du matin avait été remplacé par une tension presque physique. L'air vibrait. Des voix s'élevaient, plus fortes, plus rauques. Des ordres, peut-être. Ou des provocations.

Puis, un hurlement.

Pas de douleur. De défi.

Takuya s'approcha, guidé par l'instinct.

Un espace au centre du camp s'était vidé. Un cercle de terre battue. Marqué par le temps et les affrontements. Une arène, peut-être sacrée. Une scène.

Deux gobelins s'y faisaient face.

L'un tenait une hache. L'autre, une lame courbe. Leurs corps peints, les yeux brillants, ils tournaient l'un autour de l'autre comme des bêtes prêtes à bondir.

Autour d'eux, la foule gobeline hurlait. Tapait des pieds. Certains lançaient des pierres aux abords du cercle, comme pour contenir le chaos.

Un rite. Pas une bagarre.

> « CAINE. »


> [Zone rituelle identifiée.
Affrontement codifié. Combat légitime selon schéma tribal.
Intervention extérieure : interdite.]


Takuya resta en dehors. Observa.

Il n'était pas un des leurs. Pas encore. Il n'avait aucun droit ici.

Mais quelque chose... clochait.

Le combat n'était pas équilibré.

L'un des deux combattants - celui à la lame - se défendait plus qu'il n'attaquait. Ses mouvements étaient hésitants. Sa respiration irrégulière.

Il allait perdre.

Et ce fut rapide.

Un coup. Trop fort.

La hache frappa sous la garde. La lame vola. Un choc. Un cri étranglé.

Le gobelin s'effondra.

La poussière se colla à son flanc, trempé de sang.

Et personne ne bougea.

Pas un cri.

Pas un pas.

La foule, quelques secondes plus tôt rugissante, devint soudain une mer de visages impassibles.

> « CAINE. »


> [Blessure profonde.
Taux d'hémorragie : critique.
Survie estimée : inférieure à 3 minutes.]


> « Ils vont le laisser mourir ? »


> [Oui.
C'est la règle.]


Takuya sentit son souffle se bloquer.

Il ne connaissait pas ce gobelin. Il ne savait même pas son nom, s'il en avait un. Mais il ne pouvait pas juste regarder. Pas cette fois.

Il franchit la limite.

Un seul pas dans le cercle.

Un grognement s'éleva.

Puis un autre.

Mais aucun ne l'arrêta.

Il se jeta à genoux près du corps. Le sang était chaud, épais. Il pressa sa main contre la plaie, arracha un morceau de sa tunique, le roula, en fit une compresse. Serra fort. Plus fort.

Le gobelin s'agitait. Faiblement. Des bulles de sang s'échappaient de sa bouche.

> « Tu vas pas crever maintenant. Pas sous mes yeux. »


CAINE s'activa.

> [Alerte : intervention extérieure non approuvée.
Statut social en déviation.
Conséquences imprévisibles.]


> « Note tout. Regarde. »


Il continuait à presser. À maintenir. Le flot ralentissait. Le gobelin perdit connaissance. Mais il respirait encore.

Takuya releva la tête.

La foule le regardait.

Pas de rage. Pas d'admiration.

De l'incompréhension.

Et dans cette faille... un tremblement.

> [Compétence passive détectée :
- Instinct adaptatif - 2 %
- Stabilité émotionnelle - 1 %]


> [Note : action non dictée par une logique de survie.
Comportement de type empathique.
Déclenchement de profil évolutif inédit.]


Il se releva.

Son torse était couvert de sang noir. Ses mains tremblaient. Mais il restait droit.

Il sortit du cercle.

Et personne ne l'arrêta.

Pas même le chef, qui l'observait depuis son promontoire, les bras croisés, les yeux perçants.

Un changement.

Quelque chose s'était brisé.

Ou peut-être... quelque chose s'était ouvert.

---

Le feu du soir dans le camp gobelin était plus faible qu'à l'accoutumée.

Les flammes dansaient sans entrain. Les torches ne grésillaient pas comme avant. Ce n'était pas l'humidité. Ni le manque de bois. C'était autre chose. Une retenue. Comme si le camp retenait sa propre respiration.

Takuya était revenu à son espace - ce demi-cercle de pierres empilées à la hâte, qui n'était ni un refuge, ni une cage. Il s'y était assis en silence, adossé à la roche, ses bras couverts de sang séché.

Il n'avait été ni félicité, ni puni.

Personne ne lui avait parlé. Mais les regards, eux, avaient changé. Pas tous. Certains restaient méfiants, d'autres agressifs.

Mais beaucoup...

Observaient.

Comme s'il était devenu une faille dans leur monde.

Il ferma les yeux, tendit l'oreille.

Plus de clameur. Plus de rythme de percussion sur les rochers. Seulement ce bruissement constant - des griffes contre la pierre, des murmures dans une langue ancienne.

Et puis, un bruit. Léger.

Un pas. Un souffle.

Il ouvrit les yeux.

Le jeune gobelin était là.

Encore.

Toujours seul. Toujours à distance raisonnable.

Mais cette fois... il s'approcha plus près. Assez pour que Takuya voie la poussière sur ses pieds, les petites coupures sur ses phalanges. Il tenait quelque chose dans sa main - pas une arme. Juste... une pierre.

Et il parla.

Pas dans la langue commune des gobelins. Pas dans celle qu'il entendait hurlée pendant les combats ou les repas.

Un mot. Simple. Lent.

> « Ka... Re. »


Takuya le fixa.

Ce n'était pas une imitation. Pas une répétition de leurs échanges précédents.

Ce mot... était autre chose.

> « CAINE... »


> [Terme isolé.
Langage : dialecte ancien non systémique.
Traduction estimée :
- Celui qui revient
- L'éclat tombé de la Tour
- Le marcheur aux signes]


Le gobelin répéta :

> « Ka... Re. »


Et il pointa Takuya du doigt.

Un nom.

Un titre.

Takuya sentit un frisson remonter sa nuque.

> « Il me nomme. »


Il répéta, doucement.

> « Ka... Re. »


Le mot lui brûla la langue, mais sans douleur. Une chaleur douce, ancienne. Comme s'il disait quelque chose qu'il n'avait jamais oublié.

Le gobelin inclina légèrement la tête, posa la pierre entre eux.

Et s'en alla.

Pas en courant. Pas effrayé.

Mais comme on quitte une pièce après avoir dit ce qu'il fallait.

Takuya resta figé. Le souffle court.

Puis une vibration mentale.

> [Connexion émotionnelle établie.
Lien de reconnaissance mutuelle validé.]


> [Analyse disponible - entité Gobelin N-13.]


Une nouvelle fenêtre s'ouvrit dans son esprit.

---

Analyse partielle - Gobelin N-13
Race : Gobelin
Niveau : 2
Classe : Aucune (non éveillée)
Affinité magique : aucune
Compétences observées :
- Adaptation sociale (latente)
- Perception émotionnelle : 9
- Stabilité mentale : faible

---

> [Note : première synchronisation empathique réussie entre porteur et natif. Progrès comportemental : majeur.]


Takuya ferma les yeux.

Ce n'était qu'un nom.

Mais il avait été offert.

Et dans un monde sans racine, sans passé, sans guide... c'était déjà énorme.

Le silence n'était plus une absence.

C'était devenu un mur.

La grotte où on avait installé Takuya n'avait rien d'une cellule. Pas de cadenas, pas de garde posté à l'entrée, pas de chaîne. Juste un renfoncement de roche sèche, naturelle, qui s'ouvrait en diagonale sur le cœur du camp. Une demi-ombre minérale, accessible... et pourtant évitée. Les gobelins ne venaient pas. Pas par peur. Par convention. Par précaution. Par attente.

On ne l'avait pas puni.

Mais on ne l'avait pas accueilli non plus.

Il était là, comme un éclat planté dans leur quotidien. Un accident stabilisé. Une anomalie rendue visible.

Il était en observation.

Et il le savait.

Cela faisait peut-être deux jours qu'on ne lui avait adressé la parole. Pas même le jeune gobelin, N-13 - celui qui l'avait nommé « Ka-Re », qui avait déposé une pierre comme un signe. Depuis, plus un mot. Pas une visite.

Le camp vivait sa vie sans lui.

Mais les regards, eux, restaient.

Subtils, de loin. Comme s'il était devenu un feu étrange qu'on n'ose ni approcher ni éteindre.

Takuya s'était installé près de l'ouverture, jambes croisées, les bras posés sur ses genoux, le dos droit contre la paroi. Il observait le camp en contrebas. Pas par ennui. Par méthode.

C'était un écosystème. Et il voulait le comprendre.

> « CAINE. Statut. »


> [Système actif. Surveillance maintenue.]


> « Détaille. »


> [État physique : stable.
Endurance : 8/20
Niveau de stress : modéré
Surcharge cognitive : 17 %
Récupération lente mais continue.]


> « Progrès ? »


> [Compétences passives :
- Roulade - 12 %
- Instinct adaptatif - 2 %
- Maîtrise de la lance - 4 %
- Stabilité émotionnelle - 1 %
- Analyse absolue - 3 %]


> « Trop lent. »


Il soupira. Il ne s'attendait pas à devenir fort en un jour. Mais le monde n'allait pas l'attendre.

Il sortit la fiole bleue de la ceinture de toile grossière qu'il portait. Elle brillait encore. Faiblement. Mais plus qu'avant. Comme si sa lumière s'était ajustée à lui.

Il la fit tourner dans sa main.

Une pulsation. Lente. Rassurante.

> « CAINE. Composition ? »


> [Inconnue.
Structure moléculaire inaccessible sans contact ou ingestion.
Réaction alchimique probable.
Effets indéterminés.]


> « Risques ? »


> [Risque : modéré à élevé.
Potentiel : mutation légère, renforcement, affaiblissement temporaire ou réaction neutre.]


Il garda la fiole ouverte dans sa main. L'odeur qui s'en échappait n'était pas naturelle. Métallique, sucrée, presque électrique.

Ce n'était pas un poison.

C'était un pari.

Il n'avait pas encore décidé de le prendre.

Pas encore.

Il reposa la fiole à côté de lui, sur une pierre plate.

Et il observa le camp.

Les gobelins vaquaient à leurs activités, mais leurs mouvements étaient différents. Moins rapides. Moins instinctifs. Comme si quelque chose - une tension, une pensée partagée - ralentissait leurs gestes.

La Tour.

Il la sentait.

Là-bas, à l'horizon, entre les crêtes rocheuses, elle s'élevait. Immobile, inhumaine. Trop haute. Trop fine. Une ligne d'acier plantée dans le ciel brisé.

Mais elle battait.

Lui seul semblait la percevoir ainsi. Comme un cœur distant. Un écho lent, résonant.

Et à chaque pulsation... quelque chose en lui répondait.

> « CAINE. Tu ressens ça ? »


> [Oui.]


Une simple réponse.

Mais elle n'avait rien de mécanique.

Elle était lente. Comme si elle provenait d'une partie de CAINE qu'il ne connaissait pas encore.

Il ferma les yeux.

Il s'attendait à des souvenirs. À des images.

Mais ce fut autre chose.

Une sensation.

La chaleur d'une lumière qui ne brûlait pas. La pression douce d'un regard invisible. Une attente.

Il ne savait pas comment l'expliquer.

Mais il comprenait.

Il était vu.

Et il était reconnu.

> [Analyse active du signal de la Tour en cours.
Fréquence de résonance : 9,38 %
Connexion neuronale : établie.
Le porteur est identifié par la Tour.]


Il ouvrit les yeux d'un coup.

> « Identifié... comment ? »


> [Données manquantes.
Mais la réaction est claire.
Vous êtes accepté. À un niveau partiel.]


Il déglutit.

L'interface mentale s'ouvrit d'elle-même.

---

[Système : CAINE - Module de conscience étendue]
- Synchronisation mentale : en progression
- Réception de données environnementales : amplifiée
- Lien avec entité locale : 1 (stabilisé)
- Lien avec source externe : 1 (Tour)
- Type de lien : intuitif / résonant
- Instabilité : faible

---

> [Recommandation : maintenir le lien actif. Croissance progressive attendue.]


Il resta silencieux un long moment.

Ce n'était pas une vision.

C'était une invitation.

La Tour le regardait. Elle ne parlait pas. Mais elle battait. Comme une machine vivante. Et lui, par sa seule présence, semblait l'éveiller.

Il serra la fiole dans sa main.

> « Et si elle avait été faite avec ça ? »


> [Possibilité non exclue.
Résonance entre la fiole et la Tour : détectée.]


Il se leva.

Le camp était toujours calme. Mais les ombres bougeaient. Il le sentait. Comme si un courant d'air venait de traverser la tribu entière.

Et lui... il en était la cause.

Pas volontairement.

Mais réellement.

Il se tenait maintenant debout, face à la Tour. La fiole bleue dans une main, la lumière froide sur le visage.

Et il pensa, sans même en être conscient :

> Je ne suis pas un guerrier.
Je suis une fracture.
Et les fractures laissent entrer la lumière.

---

Le jour n'était jamais franc dans ce monde. Pas de ciel dégagé, pas de clarté totale. Seulement des gradients d'ombre et de lueurs filtrées, comme si le soleil lui-même avait été noyé sous un voile de cendres. Pourtant, à force d'observer, Takuya avait appris à distinguer les nuances : le moment où les torches s'éteignaient d'elles-mêmes, où le vent changeait de direction, où les chants s'interrompaient comme par instinct collectif.

C'était une nuit, ou quelque chose qui en tenait lieu. Et dans cette pseudo-nuit, le camp gobelin se repliait sur lui-même.

Takuya était resté accroupi devant sa grotte. La fiole bleue posée sur une dalle. Toujours intacte. Toujours mystérieuse. Elle brillait par pulsations, comme un souffle enfermé dans le verre. La lumière n'était ni menaçante ni apaisante. Elle était... attentive. Comme si elle observait son porteur.

Il avait passé toute la journée à ne rien faire. Du moins, c'est ce que les gobelins devaient croire. Assis, immobile. Silencieux. En réalité, il n'avait pas cessé d'observer, de calculer, de retenir les séquences, les mouvements, les échanges.

Les structures du camp lui apparaissaient de plus en plus clairement. Les rôles se définissaient. Il y avait ceux qui commandaient, ceux qui exécutent, et ceux... qui étaient entre les deux. Ces figur

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire E.G.Velgarde ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0