Chapitre 8 - Ceux qui s'ouvrent
Le matin, ici, n’avait ni lumière ni chant d’oiseau.
Mais Takuya savait quand il commençait.
C’était le moment précis où le sol cessait de vibrer faiblement — le souffle de la nuit enfouie — et où les premiers pas gobelins passaient devant l’entrée de sa grotte, toujours dans le même ordre. Toujours avec la même cadence.
Il se redressa lentement.
Ses muscles protestèrent. Une douleur sourde dans la nuque, comme chaque jour. Un reste de l’effort… ou de la réécriture neuronale.
> « CAINE. »
> [En veille. Reconnexion complète.
Statut du porteur : fatigue légère, tension synaptique localisée.]
> « Douleurs résiduelles ? »
> [Conséquences de l’implantation progressive du lexique gobelin.
Intégration linguistique : 83 %.
Consolidation neuronale en cours.]
> « Tu pourrais me rappeler que je t’ai demandé ça. Volontairement. »
> [Rappel enregistré.]
Il sourit.
La langue gobeline n’était pas complexe sur le plan structurel, mais elle était organique, presque instinctive.
Un langage de sensations, plus que de concepts.
Parler l’avait d’abord été… brutal.
Le cerveau refusait certaines sonorités.
Les émotions affluaient en désordre.
Certains mots déclenchaient même des maux de tête.
Mais maintenant, après trois mois…
Il pensait parfois en gobelin sans s’en rendre compte.
Il enfila sa tunique en peau — plus souple, moins rugueuse. Une fabrication locale, adaptée à sa morphologie.
Un détail simple.
Mais lourd de sens.
En sortant, il leva les yeux.
Le camp s’éveillait déjà.
Des feux fumaient lentement, des silhouettes courbaient l’échine pour préparer les outils, les vivres, les charges.
Et quand il descendit dans la zone commune, personne ne s’arrêta.
Personne ne le fixa.
Personne ne l’évita.
Il était là.
Juste… là.
Et c’était déjà énorme.
Un vieux gobelin, une main manquante, lui tendit un panier.
Takuya comprit sans un mot — transport jusqu’à la grotte aux racines.
Il hocha la tête.
> « Prend. Apporte. Reviens. »
Des mots simples.
Mais c’était lui qui les avait prononcés.
Et l’autre avait acquiescé.
> [Interaction fluide.
Prononciation correcte à 91 %.
Reconnaissance gestuelle confirmée.]
En chemin, il croisa deux jeunes gobelins qui s’entraînaient à manier une lance courte. Ils le saluèrent d’un geste furtif.
L’un d’eux — Rek — lui lança un regard complice.
Il répondit par un léger hochement de tête.
Simple.
Évident.
Il arriva au dépôt, remit le panier à un artisan, échangea trois phrases.
On lui demanda son avis sur la dureté d’un bois.
Il donna une estimation.
On le crut.
Il repartit vers le puits pour remplir deux jarres d’eau tiède.
Il connaissait l’itinéraire.
Les endroits glissants.
Les nids de serpents cachés.
Il appartenait à cette logistique.
Mais malgré cette routine, malgré ces gestes devenus presque automatiques…
il sentait encore le regard.
Pas le regard de méfiance.
Ni celui de curiosité.
Un regard plus dense.
Plus projeté.
Ils ne le voyaient plus comme un intrus.
Mais pas encore comme un frère.
Plutôt comme… un point d’interrogation.
Quelqu’un qui allait faire quelque chose.
Takuya le savait.
Ils attendaient.
Pas tous.
Pas toujours.
Mais dans les gestes de certains, dans les silences trop lisses…
il percevait la charge.
> « Ils me toléraient.
Maintenant, ils m’observent.
Mais pas comme une menace.
Plutôt… une possibilité. »
> [Analyse sociale confirmée.
Réseaux locaux interprètent votre présence comme pivot potentiel.
Positionnement passif – en attente d’évolution.]
> « Tu veux dire qu’ils m’ont mis au centre… sans me le dire. »
> [Affirmatif.]
Il revint à sa grotte en fin de cycle. Reposa ses outils.
S’assit près du feu.
Fit craquer ses doigts.
Trois mois.
Il avait appris à couper du bois, à tailler des fibres, à refermer des plaies, à détecter le poison dans l’odeur des racines.
Il avait compris leurs gestes, leurs codes, leurs absences de mots.
Et désormais, il parlait.
Mais il restait autre.
Pas à cause de sa peau.
Pas à cause de son passé.
À cause de ce que la Tour avait vu en lui.
Et que les gobelins avaient compris avant lui-même.
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Le sol était sec, râpeux, parsemé de petits éclats de pierre.
Un cercle avait été tracé à la cendre, légèrement excentré du camp, entre deux affleurements rocheux.
Rek y attendait déjà, torse nu, tenant une courte lance au manche rugueux. Il la faisait tourner distraitement dans sa paume, ses yeux fixés sur un point invisible dans le vide.
Takuya arriva sans un mot.
Il portait sa propre arme : un bâton d’entraînement taillé selon les recommandations de Zark, avec une base lestée. Pas vraiment une lance. Pas une épée. Juste un prolongement de lui-même.
Rien d’élégant.
Mais fonctionnel.
Rek leva les yeux et hocha la tête.
Pas de salutation formelle.
Pas de rituel.
C’était devenu leur moment.
Régulier. Discret. Instinctif.
Takuya entra dans le cercle.
Il prit position. Pieds ancrés. Mains serrées.
Il attendit.
Rek bondit.
Un mouvement rapide, souple, fluide.
Pas d’avertissement.
Takuya para de justesse. Le choc du bois contre le bois vibra dans ses bras.
> [CAINE : angle d’attaque 62° – force modérée – répétition probable dans 3s.]
Il pivota, abaissa son arme. Un pas de côté.
La seconde attaque fusa. Cette fois, il l’esquiva presque proprement.
Presque.
Rek enchaîna par une feinte, et Takuya comprit trop tard.
La lame émoussée frôla son flanc.
Il grimaça, recula de trois pas, mais ne tomba pas.
Rek s’arrêta.
Un petit sourire se dessina sur ses lèvres.
> « Moins lent. »
Son accent était encore haché. Mais compréhensible.
Takuya sourit aussi.
> « Moins brutal. »
Il leva son arme.
> « Encore. »
Rek hocha la tête.
Ils reprirent.
Pas comme des ennemis.
Pas comme des guerriers.
Mais comme deux créatures qui testent les limites — du corps, de la confiance, de l’espace.
Takuya ne dominait pas.
Mais il tenait.
Il bougeait mieux.
Ses réflexes, affinés.
Ses lectures, plus rapides grâce à CAINE.
Et surtout :
Il devenait plus fort.
À mesure que les passes d’armes s’enchaînaient, CAINE s’activa :
> [Mise à jour du registre des compétences :]
— Compétence active acquise partiellement : [Roulade – Niveau 1 (Débutant)]
> Progression : 41 %
— Compétence passive acquise partiellement : [Maîtrise de la lance – Niveau 1 (Débutant)]
Progression : 23 %
— Compétence passive acquise partiellement : [Sang-froid – Niveau 1 (Débutant)]
Progression : 8 %
Il n’était plus seulement un survivant maladroit.
Il n’était pas encore un guerrier.
Mais il forgeait un corps qui obéissait à l’esprit.
Et l’esprit, lui, ne cessait d’apprendre.
Rek se déplaçait à l’instinct, au souffle, à l’élan.
Takuya se déplaçait à l’analyse.
Mais peu à peu, les deux rythmes s’accordaient.
Un moment passa.
Ils s’arrêtèrent, haletants. Pas épuisés. Juste… remplis.
Le silence revint.
Takuya s’assit à l’ombre. Rek le rejoignit. Ils burent chacun une gorgée d’eau tiède, échangée dans une même gourde.
Pas de gêne.
Pas de distance.
> « Tu frappe… comme penser. » dit Rek, entre deux souffles.
Takuya leva un sourcil.
> « C’est un compliment ? »
Rek haussa les épaules.
> « Tu regarde avant. Tu bouge après. Pas mauvais. Pas sauvage. Juste… pas instinct. »
Takuya hocha la tête.
> « Et toi, tu bouges… comme un feu. Tu ne regardes pas où tu brûles. Tu avances. »
Rek sourit.
Lentement.
> « Je t’ai compris. Sans douleur. » dit-il, un peu surpris lui-même.
Takuya fronça les sourcils.
> « La langue ? »
Rek tapota son crâne du bout du doigt.
> « Mots entrent ici. Depuis toi. Depuis longtemps. Moi aussi… j’apprends. »
Takuya tourna les yeux vers l’horizon.
La Tour était invisible d’ici, cachée derrière les crêtes.
Mais il la sentait.
Une pulsation sourde.
Toujours là.
Rek, lui aussi, se tut.
Puis, doucement :
> « Tu sais. Les anciens. Ils disent rien. Mais ils savent.
Ils regardent toi.
Ils… placent. »
> « Placent ? »
> « Toi. Là.
Comme… pierre sur pont.
Premier pas. »
Takuya resta silencieux.
> « Et toi ? » demanda-t-il. « Tu veux que je parte ? »
Rek hésita.
Puis :
> « Je veux pas te voir tomber.
Mais je veux pas te voir rester, si toi brûle pour monter. »
Le silence s’installa à nouveau.
Mais il n’était pas lourd.
Il était… posé.
Comme une pierre.
Comme un pas.
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Le crépitement du feu semblait plus vif que d’habitude.
Takuya s’apprêtait à se relever, la main encore posée sur le sol du cercle d’entraînement, lorsque le vent tourna.
Un souffle sec.
Froid.
Saturé d’un goût métallique, ancien.
Puis le sol vibra.
Pas un tremblement naturel.
Une pulsation.
Comme un signal de cœur inversé.
> « CAINE ? »
> [Variation thermique détectée.
Fracture tellurique mineure dans le nord-est.
Densité énergétique en hausse.
Anomalie… en approche.]
Takuya se releva d’un bond.
Rek avait stoppé tout mouvement. Ses yeux, soudain très ouverts, étaient tournés vers la falaise au nord.
Et alors, il hurla.
Un son sec. Sifflant. Bref.
Un signal d’alerte tribal.
D’autres hurlements répondirent presque immédiatement, tout autour du camp.
> [Détection de formes de vie non-vivantes – 12 – 21 – 34…]
Puis, le son leur parvint à tous.
Un hurlement.
Pas animal. Pas vivant.
Un cri d’os.
Creux. Froid.
Comme si la mort elle-même grinçait.
Rek bondit déjà vers les hauteurs du camp. Takuya lui emboîta le pas.
Le ciel s’était obscurci. Ou était-ce seulement une illusion née de la panique ?
Au sommet de la paroi, là où la roche se fendait en un promontoire naturel, ils virent.
Une meute.
Des dizaines de silhouettes osseuses, allongées, effilées, aux membres tordus.
Des chiens. Mais plus rien de vivant en eux.
Leurs mâchoires étaient nues, renforcées de métal noir.
Leurs côtes brillaient de runes pâles.
Et dans leurs orbites vides, une lueur bleue mourante pulsait en rythme.
> « Caine… »
> [Classe : Construct mortifère – modèle canidé
Origine : inconnue
État : instable
Risque : critique]
> [Noyau dominant détecté. Rayon estimé : 120 m.
Lien énergétique : dirigé. Alpha présent.]
Takuya sentit ses doigts se crisper sur le manche de sa lance.
Il n’était pas prêt.
Mais le monde ne demandait pas.
Déjà, des gobelins s’organisaient plus bas. Des cris fusaient.
On évacuait les plus jeunes.
On armait ceux qui savaient se battre.
Zark surgit de l’ombre, tenant un bâton imprégné de lumière rouge.
Son visage restait de pierre, mais ses yeux brûlaient.
> « Pas créatures. Pas bêtes.
Appelés. »
Takuya fronça les sourcils.
> « Par qui ? »
Zark secoua la tête.
> « Pas par nous. »
Le sol vibra à nouveau.
La meute accéléra.
Les gobelins se déployèrent.
Et Takuya… entra dans la mêlée.
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La meute frappa comme un vent de lames.
Le sol éclata sous les premières pattes. Les chiens-squelettes bondirent par dizaines, émergeant de la brume comme une vague d’os et de haine silencieuse.
Les premières lignes gobelines plièrent.
Certaines résistèrent.
D’autres tombèrent aussitôt.
Takuya n’eut pas le temps de réfléchir.
Un des monstres fendit l’air droit sur lui, mâchoires ouvertes, crocs d’acier braqués sur sa gorge.
Il roula sur le côté — un réflexe acquis, mécanique, brut.
> [Compétence “Roulade” progression +4 % — total : 45 %]
Le monstre atterrit dans la poussière, se retourna sans élan, sans cri.
Takuya planta sa lance de fortune dans la base de son cou.
L’arme glissa contre l’os.
Ne pénétra pas.
> « Merde— »
La bête le frappa du flanc. Takuya vola de deux mètres, s’écrasa contre une pierre, le souffle coupé.
> [Statut : impact modéré – côtes non fracturées – saignement mineur]
Il se redressa. Tremblant. Mais debout.
La créature avançait à nouveau, sans hâte. Sans rage.
Juste… avec l’ordre d’avancer.
Un cri fendit l’air. Rek passa derrière elle, sa courte lame en main, et lui arracha la tête d’un coup précis.
La bête s’écroula dans un nuage de cendre.
> « Bouge ! » cria Rek.
Sa voix n’était plus jeune.
Elle était présente.
Takuya reprit sa lance.
Les autres créatures arrivaient par vagues.
Chaque impact faisait voler la terre.
Chaque cri était une déchirure de silence.
Les gobelins combattaient en groupes.
Mobiles. Rapides.
Des pièges surgissaient du sol.
Des flammes, des lances, des crocs.
Mais les chiens revenaient.
Encore.
Encore.
Zark apparut à sa gauche, une fiole en main. Il la lança sur un monstre qui s’effondra dans un gémissement noir.
Un second gobelin se fit trancher la jambe.
Un troisième poussa un cri d’alerte.
Takuya se retourna. Deux chiens fonçaient vers lui.
CAINE parla :
> [Angle d’attaque : 38° – saut anticipé dans 2,4s
Seconde cible – flanc droit – 3,1s]
Il planta sa lance au sol. S’élança sur le côté.
Roula.
La première bête le manqua.
La seconde fut plus rapide.
Elle bondit.
Takuya leva instinctivement son arme, et la créature s’empala partiellement sur le bois renforcé.
Elle hurla sans gorge, griffa, se débattit.
Il tordit la lance.
Elle se brisa.
Mais l’impact suffit.
> [Compétence “Maîtrise de la lance” progression +9 % — total : 32 %]
> [Compétence “Sang-froid” progression +5 % — total : 13 %]
Du sang coulait de son bras.
Son souffle était court.
Ses jambes vacillaient.
Mais il tenait.
Rek hurla à nouveau, un cri guttural qui rassembla d’autres gobelins.
Une contre-attaque fut lancée.
Trois chiens furent renversés. Un quatrième, désarticulé, explosa sous l’effet d’une fiole.
Takuya chancela, s’adossa à une paroi, sa lance réduite à un manche usé.
> [Statut : saignement stabilisé – fatigue critique – endurance : 6/20]
> « Caine… »
> [Je vous garde en vie.]
Il hocha la tête.
Son regard glissa sur le champ de bataille.
Des formes luttaient. D’autres fuyaient.
Des cris montaient. Des corps tombaient.
Et lui, il était là.
Pas comme un spectateur.
Pas comme une anomalie.
Comme un défenseur.
Et alors, il sentit quelque chose bouger.
Non dans le champ.
Dans le ciel.
Dans le cœur de la terre.
Un grondement.
Une vibration.
Quelque chose d’autre arrivait.
Et la Tour, invisible derrière les montagnes…
pulsait.
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Le sol se fendit dans un craquement bref.
Pas une faille naturelle.
Pas un tremblement.
Une infiltration.
Les chiens-squelettes ne cherchaient plus à submerger par l’extérieur.
Ils s’infiltraient.
Une poignée d’entre eux s’était déjà glissée par une tranchée effondrée, descendant vers les galeries basses du camp, là où vivaient les plus jeunes, les plus faibles.
Takuya hurla.
Rek tourna la tête, comprit, et partit en courant vers l’ouest.
> « Je vais par là ! »
« Et moi… je couvre ! » cria Takuya sans savoir s’il l’entendrait encore.
Il attrapa un outil abandonné, une lance à double fer, plus lourde que la sienne. Ses mains tremblaient.
Autour de lui, le front avait explosé.
Il n’y avait plus de ligne.
Juste des poches de résistance.
Des cris. Des couloirs.
De la fumée noire.
Et les chiens.
Toujours les chiens.
> « CAINE. Dis-moi que tu vois un schéma. »
> [Mouvements ennemis en réseau mobile.
Pas de désordre. Coordination constante.
Probabilité : présence d’un chef de meute.]
> « Elle est où ? »
> [Détection en cours... aura énergétique dominante localisée – axe nord-sud, niveau inférieur.]
[Individu identifié comme entité centrale : “Alpha”
Ordre : non organique – semi-intelligente
Commandement en temps réel.]
Takuya grimaça.
> « Donc si je coupe la tête, ils tombent. »
> [Probabilité de dispersion : 76 %.]
Il fonça.
Pas vers la sortie.
Pas vers le camp.
Vers l’origine.
Il traversa une tranchée partiellement écroulée. Une jeune gobeline blessée hurlait, piégée sous une pierre. Deux chiens approchaient.
Takuya n’hésita pas.
Il jeta une pierre vers eux — un choc, une déviation — puis planta sa lance dans l’articulation de l’un d’eux.
L’arme vibra. L’os craqua.
Le monstre se disloqua dans un soupir de poussière.
L’autre se jeta sur lui.
Takuya leva la main, attendit le dernier instant… et roula.
La mâchoire frappa le sol à côté de son crâne.
Il frappa. Encore. Encore.
> [Compétence “Maîtrise de la lance” progression : +6 % – total 38 %]
[Endurance : 3/20]
Il se releva, titubant.
> « Je tiens. Je tiens encore. »
Il abandonna la jeune gobeline à un groupe qui arrivait en renfort, puis reprit sa course.
Chaque pas était lourd.
Chaque muscle hurlait.
Mais il avançait.
CAINE guida ses choix :
> Gauche – évite l’effondrement.
Droite – deux ennemis proches.
Saut – terrain instable.
Il descendit dans un tunnel secondaire.
Et il la sentit.
Pas par la vue.
Par la pression.
Quelque chose… attendait.
Et ça commandait.
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L’air changea.
Il n’y eut pas de seuil marqué. Pas de porte.
Mais quelque chose bascula.
L’odeur du sang séché disparut.
Celle de la pierre brûlée aussi.
À sa place : un vide.
Une absence totale d’odeur.
Comme si même l’air refusait d’exister ici.
Takuya ralentit. Ses pas devenaient lourds. Sa vision se brouillait par instants.
> [Endurance : 1/20]
[Statut : état critique – fatigue avancée – blessure mineure stabilisée – désorientation sensorielle modérée]
> « Je suis encore debout. »
« Tu me retiendras s’il faut. »
> [Priorité vitale engagée.]
Le tunnel s’ouvrit. Lentement. Naturellement.
Une vaste salle, effondrée en partie, baignée d’un halo pulsant — noir et rouge.
Au centre, un cercle d’os.
Et autour de lui, quatre chiens-squelettes, plus massifs que les autres, plus rigides.
Leurs os étaient gravés de symboles lumineux.
Leurs mouvements étaient lents. Calculés.
Et derrière eux, à peine visible…
la chef.
L’Alpha.
Elle ne bougeait pas.
Mais son aura, oui.
Un grondement sourd, sans bruit.
Une pulsation mentale.
> [Entité centrale confirmée.
Lien énergétique : actif.
Ordre : transmission à distance – 86 % du réseau encore fonctionnel.]
Takuya serra le manche de sa lance.
Son bras tremblait.
Mais il ne recula pas.
Le premier chien bondit.
Il roula sur le côté — trop tard.
L’épaule heurta la roche.
> [Statut : impact – douleur modérée – pas de fracture.]
Il planta sa lame dans la patte arrière.
Le bois craqua. L’os aussi.
Un deuxième le prit de flanc.
Il esquiva à moitié, sentit une griffe entailler sa jambe.
> [Saignement léger – mobilité réduite : -14 %]
Takuya haleta. Frappa au hasard. Toucha.
L’arme glissa, puis trouva un point faible.
Le chien recula.
Un troisième s’élança.
CAINE hurla :
> [Roulade latérale – maintenant – 0.3s]
Takuya obéit.
Son épaule racla la pierre.
Mais il passa.
Il contre-attaqua.
Frappe directe, gorge exposée, mandibule brisée.
Un râle sec.
Un effondrement.
> [Compétence active “Roulade” : progression 100 %.
Niveau 1 (Débutant) maîtrisé.]
Takuya tomba à genoux.
Il saignait. Il tremblait.
Mais il vivait.
> [Capacités résiduelles : 34 %.
Capacité de poursuite de combat : faible, mais possible.]
Et l’Alpha… bougea.
Deux pattes massives, plus longues.
Une carcasse d’os noir fusionné à une structure métallique.
Des crocs luisants. Des orbites sans fond.
Elle le regardait.
Pas comme une proie.
Pas comme une ennemie.
Comme un point d’intérêt.
> « Tu voulais un champion… » murmura-t-il.
« Me voilà. »
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Le silence était revenu.
Pas celui du repos.
Pas celui de la paix.
Un silence dense, saturé de tension, à peine troublé par la respiration brisée de Takuya.
Il était à genoux.
La pierre sous ses mains était chaude, imprégnée du sang des bêtes comme du sien.
Il n’avait plus de force.
Mais il n’était plus vide.
> [Notification :]
Compétence active complétée : [Roulade – Niveau 1 (Débutant)]
Statut : activée.
Progrès futur : possible par usage répété en situation réelle.
Évolution : progressive, modulaire, personnelle.
La voix de CAINE était calme, presque posée.
> [Ceci est votre première fondation tactique.
Chaque fois que vous roulerez pour esquiver une attaque, survivre à un coup, ou vous repositionner efficacement… cette compétence progressera.]
> [Avec le temps, elle deviendra plus rapide. Plus fluide.
Et peut-être, un jour… instinctive.]
Takuya resta silencieux.
Mais à l’intérieur, il ressentait quelque chose de nouveau.
Pas de l’excitation.
Pas de fierté.
Une certitude.
Quelque chose fonctionnait.
Il évoluait.
Un pas.
Un mouvement.
Un point de départ.
> « Alors c’est ça…
ce que veut dire grandir dans ce monde. »
Un pas résonna.
Il releva la tête.
L’Alpha avançait.
Pas avec rage.
Pas avec hâte.
Avec poids.
Elle était grande.
Deux fois plus haute qu’un homme.
Son ossature semblait renforcée par des plaques métalliques anciennes.
Chaque pas pulsait d’une lueur rouge dans les veines gravées sur ses pattes.
Une rune clignotait sur son crâne fendu.
Elle n’avait pas d’yeux.
Mais elle voyait.
Takuya se releva. Lentement.
Sa jambe saignait.
Son bras tremblait.
Sa lance était fendue.
Mais il se leva.
> « Elle est différente. Elle pense. »
> [Affirmatif.
Structure cognitive semi-indépendante.
Niveau de stratégie anticipé : élevé.
But présumé : effacer toute mémoire vivante de cette vallée.]
> « Pas sous mes yeux. »
> [Conflit imminent.
Distance : 8 mètres.]
La créature ne grogna pas.
Elle ne hurla pas.
Elle attendit.
Comme si elle…
testait.
Takuya leva sa lance.
Il inspira.
Et fit un pas en avant.
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