Chapitre 12 - L'approche invisible

13 minutes de lecture

Ils avaient quitté la forêt depuis près d’une heure.
Et ce n’était pas un soulagement.

La végétation n’avait pas été remplacée par des plaines ou des reliefs. Non. Elle avait été effacée.
Comme si quelque chose — ou quelqu’un — avait gratté la surface du monde, ne laissant derrière lui qu’un champ de cendre grise, sèche, craquante.

Le sol n’était pas doux. Il n’était pas mou.
Il était friable, durci par endroits comme du verre, ailleurs comme de la cendre compacte, à moitié absorbée par le sol.
Takuya accroupi en ramassa une pincée.

Elle ne se désintégra pas.
Elle tint en bloc.
Et lorsqu’il l’écrasa entre ses doigts, elle se fendit avec un petit craquement sec.

> [Analyse du sol :]
— Composition : silice partiellement vitrifiée, matière organique incinérée, résidus de combustion inconnue
— Température de fusion estimée : supérieure à 1300°C

Cause possible : impact énergétique ancien ou phénomène thermique incontrôlé


— « Tu vois des traces ? » demanda Takuya.

Rek, accroupi un peu plus loin, hochait lentement la tête.
Il pointa un doigt vers un affaissement dans la cendre.

— « Là. Et là.
Des pas. »

Takuya s’approcha.

Des empreintes. Humanoïdes.
Mais incomplètes.
Comme si les semelles s’étaient partiellement effacées à leur création, ou que la chaleur avait fait fondre les contours à peine posés.

Il y en avait quatre, peut-être cinq.
Alignées.
Puis un écart.
Et plus rien.

— « Elles mènent vers l’est. Pas vers la Tour. »
— « Elles s’arrêtent. »

Ils échangèrent un regard.

> [Aucune présence biologique détectée dans un rayon de 500 mètres.]
— Sols stériles
— Pas de résonance énergétique connue

Remarque : flux atmosphérique inhabituel – absence de vent malgré le terrain ouvert


Le silence était total.
Même les frottements de leurs vêtements paraissaient trop forts.

Ils reprirent leur marche lentement.

La cendre se tassait sous leurs pas.
Chaque trace qu’ils laissaient semblait plus nette que les anciennes.

Rek brisa le silence.

— « Tu crois que c’est un ancien champ de bataille ? »

— « Non. Pas de débris. Pas d’os. Pas de ruines.
Juste… un endroit qui a brûlé. Mais sans brûler. »

Rek regardait autour de lui.
Le ciel, toujours gris, semblait plus pâle ici.
Comme si la lumière filtrait à travers quelque chose qu’on ne voyait pas.

Takuya s’arrêta.

— « Tu ressens ça ? »

Rek ferma les yeux.
Puis hocha lentement la tête.

— « La peau picote. Comme quand on approche d’un feu… mais sans chaleur. »

Takuya regarda ses mains.

Pas de rougeur.
Pas de sueur.
Mais une tension.

> [Température corporelle : stable]
— Champ électrothermique ambiant anormalement uniforme

Hypothèse : zone exposée à une émission d’origine artificielle – type non déterminé


Ils s’arrêtèrent à l’abri d’un rocher, l’un des rares encore debout, sa base noire fondue jusqu’à ressembler à du verre torsadé.

Rek posa la main dessus et sursauta.

— « C’est froid. Mais ça fait mal. »

Takuya toucha à son tour.

Une vibration.
À peine perceptible.
Pas physique.
Presque… mentale.

> [Micro-résonance détectée]
— Nature : non magique, non vivante
— Modulation faible — intensité stable

Aucune menace immédiate, mais captation en cours pour modélisation.


Takuya se détourna.
Il regarda vers l’horizon.

Là-bas, une courbe plus sombre dans le ciel.
Presque imperceptible.

La Tour.

Elle n’était toujours pas visible.
Mais elle pesait dans l’air.
Dans la lumière.
Dans leurs jambes.

Il inspira longuement.

— « On continue. Ce lieu ne veut rien dire, mais il dit trop de choses. »

Rek acquiesça. Il s’éloigna du rocher, jetant un dernier regard derrière lui.

— « C’est comme marcher dans une bouche fermée. »

Takuya le regarda.

— « C’est l’endroit le plus vivant qu’on ait traversé.
Parce que tout ici… est mort avec précision. »

Ils avancèrent, leurs empreintes nettes dans la poussière.

Et derrière eux, le rocher, noir et tordu, vibrerait encore longtemps après leur passage.

---

L'air devint plus dense, comme si chaque respiration était en partie absorbée, retenue par la terre elle-même.
Le sol sous leurs pieds était moins stable, plus étrangement spongieux. Par moments, une pression invisible semblait tenter de les forcer à avancer à une vitesse qu'ils ne contrôlaient pas.

Takuya et Rek échangèrent un regard.
Cette zone… ils l’avaient sentie avant même de l’atteindre.

Le chemin était marqué, comme une ligne fine tracée dans un paysage que la nature avait oublié.
Les arbres autour étaient plus espacés, leurs troncs tordus et brisés, comme si une force les avait brisés avant de les figer. Le vent n'était plus qu'une illusion, un murmure éthéré, et pourtant il semblait y avoir une énergie qui persistait, ici, une vibration qui passait sous la peau.

> [Analyse des fluctuations de terrain :]
— Température du sol : élevée – chaleur diffuse mais non équivalente à l’exposition solaire
— Indicateur de pression atmosphérique : modifiée, mais stable
— Absence de vent

Hypothèse : anomalie gravitationnelle – zone de pression extérieure à la normale


Le sol, sec mais cassant, craquait sous leurs pas. Chaque pas semblait alourdi, comme si la matière elle-même les retenait. Ils continuaient pourtant, ne trouvant pas d’autre choix que d’avancer.
Rek se pencha pour toucher une pierre. La surface était lisse, mais elle avait un goût métallique au toucher, comme si elle avait été exposée à des températures trop élevées, trop longtemps.

— « Ce sol… C’est étrange. Comme s’il venait d’être chauffé… mais il n’y a pas de feu. »
— « Pas de chaleur visible non plus. Juste… l’air autour de nous. »

Il n'y avait rien de précis, rien d'indiscutable. Ce n'était pas une menace évidente, pas encore, mais l'instinct de Takuya le poussait à avancer prudemment.

Ils passèrent devant un grand rocher, l’un des rares à ne pas être couché au sol. Il portait des marques de coups, des fissures profondes où des énergies invisibles avaient laissé des traces. À mesure qu’ils s’approchaient, une sensation de tension augmenta, presque palpable, comme si l'air autour d'eux se resserrait.

> [Analyse en cours :]
— Système de résonance local : tension grave
— Flux énergétiques détectés à faible fréquence
— Possible présence d'un champ statique passif
— Aucune identification de source possible


Takuya s'arrêta net.
Il n'y avait aucune explosion, aucune lumière. Pourtant, quelque chose d'invisible se tenait devant eux, une sorte de barrière mentale. Il le ressentait de plus en plus fortement au fur et à mesure qu'ils approchaient du centre de cette zone étrange.

Rek tourna autour d’un tronc tordu. Il s’éloigna légèrement avant de revenir.

— « Tu crois qu’on a l’impression que ça bouge parce que c’est l’air ? Ou peut-être… on dirait que tout est figé ? »

Takuya hocha lentement la tête.
— « Non. Rien n’est figé ici. C’est comme si on était dans une zone d’écart. Pas totalement vivante, mais pas morte non plus. »

Ils s’étaient arrêtés à l'orée d'une large fissure.
Elle creusait le sol comme une cicatrice profonde, d'une dizaine de mètres de large, mais sans fond visible. Les bords de la faille étaient parfaitement droits, comme si quelque chose l’avait façonnée avec précision. La roche autour était lisse, polie par un effet de chaleur ou d'énergie inconnue. Takuya s’agenouilla près de l’ouverture, prêt à regarder de plus près.

Mais quelque chose vibra dans l’air.
Une légère pulsation.
Difficile à décrire. Une onde subtile, mais persistante.

> [Alerte : perturbation détectée dans le champ magnétique local]
— Fluctuation énergétique à faible fréquence
— Modulation incohérente avec les paramètres connus
— Hypothèse : interférence externe
— Risque : incertain – progression à vos risques et périls


Takuya leva les yeux, scrutant le ciel, puis les parois rocheuses qui les entouraient. Il pouvait presque sentir une pression invisible sur son torse, comme si les murs se refermaient autour de lui, lentement.

— « On doit passer. Mais pas sans comprendre un peu ce qui se passe ici. »

Il se tourna vers Rek, qui observait le fond de la fissure, à la recherche de signes d’une créature ou d’une cache. Rien. Le vide était poli.

— « On passe. » insista Takuya, résolu.

Rek, bien qu’inquiet, hocha la tête. Mais juste avant qu'ils n'entrent dans la faille, Takuya s’arrêta. Il ferma les yeux une seconde. Il avait cette sensation étrange qu’ils étaient observés, comme si quelqu’un ou quelque chose attendait qu’ils fassent un mauvais mouvement.

Il ne se passa rien de visible.

— « Nous sommes dans quelque chose qui ne veut pas qu'on avance. » murmura Takuya.

Rek se tourna vers lui, l’air perplexe.

— « Tu veux dire… comme un piège ? »
— « Pas exactement. C’est plus… mental. Quelque chose qui veut nous faire douter. »

Il se tourna à nouveau vers la faille, puis se redressa.
Il fallait avancer.
Mais l'incertitude du sol, de l’air, et de l’énergie… tout pesait sur lui.

Une autre pulsation passa dans l'air, plus forte cette fois. Il sembla que le sol vibrait légèrement sous leurs pieds.

Puis, d’un coup, un message apparut dans son esprit, émanant de CAINE, distillant une idée étrange, une réflexion brusque :

> "Aucune information complète n'a été transmise."


Takuya grimaça. C'était comme si une partie de l'univers avait été oubliée ici. Une partie effacée, à moitié vivante. Une énergie que CAINE ne pouvait tout simplement pas comprendre encore.

Avant même de dire un mot, il fit un pas en avant.

— « Continuons. »

---

Le sol était plus chaud.
Pas brûlant, mais dense, presque fiévreux.
Une chaleur sans feu, sans lumière. Une chaleur qui n’irradiait pas, mais qui persistait, comme si elle avait été déposée là il y a très longtemps… et n’était jamais repartie.

Takuya ralentit.

Rek ne disait rien. Il fronçait les sourcils, essuyant une sueur nouvelle sur sa tempe. Ils n’avaient pas couru. Il ne faisait pas soleil. Et pourtant, la chaleur montait, venant du sol, des pierres, de l’air même.

> [Analyse thermique :]
— Température ambiante : +8,7°C au-dessus de la moyenne régionale
— Émission calorique passive du sol : anormale
— Aucune activité magique détectée
— Source énergétique inconnue – phénomène physique probable


Ils continuèrent à marcher lentement, en suivant la courbe naturelle d’un promontoire de pierre semi-fondue.

Et puis ils le virent.

D’abord, ce fut un mur.
Un mur naturel, bombé, comme une vague de roche noire, polie jusqu’à briller. Une forme sans angle, sans structure, sortie du sol ou écrasée depuis les cieux.

Ensuite, ce fut la forme.

Incrustée dans la roche.
Partiellement visible.
Un torse humain, figé dans la matière.
Une tête penchée.
Un bras levé, l’autre couché le long du flanc.
Les jambes invisibles, englouties.

Le corps ne semblait pas fossilisé.
Pas en pierre.
Pas en cendre.

Mais… suspendu.
Comme si on avait stoppé le temps autour de lui.
Comme si la chaleur, plutôt que de brûler, avait enveloppé.

Takuya s’arrêta net.
Son cœur ralentit.
Il n’y avait pas de peur.
Mais une identification violente.

C’était un humain.
Ça ne pouvait être autre chose.

Rek resta en arrière.
Même lui semblait retenir son souffle.

> [Analyse biologique :]
— Forme humanoïde détectée – ossature et structure conformes au modèle humain
— Niveau de décomposition : inexistant
— Matériau de fusion : roche composite enrichie, haute densité thermique
— Aucune activité énergétique. Aucune trace de mana. Aucun flux vital résiduel.

Statut : figé – processus finalisé – sans possibilité de réanimation.


Takuya fit lentement le tour de la forme, sans la toucher. Il s’approcha du torse, détailla les vêtements, ou ce qu’il en restait.
Les plis, les coutures, les plis de tissu étaient encore visibles, incrustés dans la pierre noire comme dans du verre.
Il n’y avait pas de blessure.
Pas de trace de lutte.
Le visage n’était pas déformé.
Il semblait… accepté.

Mais ce fut le texte qui le figea.

Sous le bras, légèrement gravée dans la roche, une ligne de symboles serpentait à l’horizontale.
Fins.
Incurvés.
Presque décoratifs.

Takuya se pencha.

— « CAINE. Lecture. »

> [Langage inconnu.]
Structure grammaticale absente.
Absence de récurrence – symboles non alphabétiques.

Enregistrement en cours...
Encodage en mémoire longue.
Balises de recherche créées pour croisement futur avec toute base de données similaire.


Takuya sentit sa nuque se tendre.

> Même CAINE est impuissant.


> [Aucune traduction possible. Aucun lien linguistique détecté avec structures connues.]


Il passa lentement son doigt à quelques millimètres des symboles.
Il ne les toucha pas.
Mais il sentit quelque chose.
Pas une chaleur.
Pas un choc.

Une impression.

Comme si une partie de lui… reconnaissait sans comprendre.

— « On dirait un avertissement. » murmura Rek, derrière lui.

Takuya se retourna.
Le gobelin avait gardé ses distances, mais ses yeux étaient fixés sur la forme.
Il n’avait pas vu beaucoup d’humains, mais il savait reconnaître un être figé hors du temps.

— « Tu crois que c’est ce qu’on devient si on va trop loin ? » demanda-t-il.

Takuya ne répondit pas tout de suite.

> Peut-être.


Mais il n’y avait aucune peur dans son regard.
Juste… une certitude.

Quelqu’un était passé avant lui.
Quelqu’un avait tenté.
Avancé.
Échoué ?

Ou… choisi.

— « Enregistre tout. » dit-il simplement à CAINE.

> Données archivées.


> [Mise à jour :]
Structure fossile référencée sous le code : H-001 – Origine : inconnue
Corrélation future possible avec interface de la Tour : hypothèse à 11,4 %


Takuya posa une main contre la roche, à bonne distance de la silhouette.

Elle était chaude.

Et… vivante, d’une certaine manière.

Pas dans l’énergie.
Mais dans la trace.

Un signal.
Une promesse.
Un avertissement.

Il recula lentement.
Le silence entre lui et Rek était total.
Inutile de commenter.

Ils reprirent la marche.

Et derrière eux, dans la pierre figée,
l’ombre d’un homme
regardait toujours vers le ciel.

---

Le terrain s'était encore élevé.

Après la faille, après la silhouette figée dans la pierre, le monde semblait s’être tendu, puis relâché. L’air y était plus mince, plus sec, comme s’il s’était vidé de tout contenu.

Ils marchaient en ligne droite. Le sol craquait parfois sous leurs pas, mais la cendre avait laissé place à une roche plus vive, plus nue.
Et puis, sans prévenir, Rek s’arrêta.

— « Là. Tu vois ça ? »

Takuya suivit son doigt.
À une centaine de mètres, les lignes du sol se brisaient.
Pas naturellement.
Droites. Angulaires.

Ils s’approchèrent lentement.
Et très vite, ce ne fut plus une illusion.

Des ruines.

Ou ce qu’il en restait.

Un socle.
Deux colonnes brisées, tordues, ouvertes comme deux os fendus.
Un mur effondré.
Des marches à moitié ensevelies sous la poussière.

Takuya s’accroupit devant l’une d’elles.

La pierre était travaillée.
Pas sculptée à la main. Pas façonnée à la hache.
Coupée.
Avec une précision que seuls les outils de haute technologie pouvaient offrir… ou une magie parfaitement dirigée.

> [Analyse du matériau :]
— Pierre composite renforcée
— Inclusions d’alliage métallique – structure affaiblie par exposition prolongée à la chaleur

Provenance : humaine.
Datation impossible – base de comparaison insuffisante

Hypothèse : installation humaine ancienne – objectif inconnu.


Takuya posa la main sur la marche.
Elle était tiède.

Pas comme le reste du terrain.
Mais comme un objet qu’on aurait tenu entre les mains… il y a longtemps.

— « C’est une base. Une ancienne.
Peut-être un poste d’observation, ou une station temporaire. »

Rek marchait autour lentement.
Il effleurait les pierres, mais ne les touchait pas.

— « Tu crois que c’était des gens comme toi ? »

Takuya ne répondit pas tout de suite.
Puis il hocha lentement la tête.

— « Pas comme moi.
Mais humains. Oui. »

Ils trouvèrent d’autres traces.

Un fragment de plaque encastrée dans le sol, noircie, brûlée sur les bords.
Un objet tordu — peut-être une boucle, une pièce d’un outil.
Et plus loin, contre un mur à demi debout, une plaque murale, fendue en deux.

Dessus, à peine visible sous les couches de suie, une inscription partielle.

Takuya se pencha.

> [Analyse du texte :]
— Langue : base humaine – caractères proches du proto-syntaxe impérial
— Traduction partielle : “Secteur Δ – Front Ouest – Ab…”
— Reste illisible – corrosion avancée


Il resta figé.

— « Le front… Ouest ? »

> Référence à une zone militaire ou d’exploration ? Inconnu.
Pas d’autre mention de cette organisation dans la base de données actuelle.


Rek s’approcha doucement.

— « Qu’est-ce que ça veut dire ? »

— « Qu’on était déjà venus ici.
Qu’on avait essayé de cartographier… ou de contenir.
Peut-être même d’habiter. »

Il observa les murs, les angles nets, les proportions.

Il n’y avait aucune trace de magie dans la construction.
Aucune aura, aucune marque rituelle.
Juste de la logique, de la géométrie, de la volonté de construire droit.

> [Données enregistrées.]
— Mappage complet des ruines en cours…
Structure classée : Relique humaine inconnue – type “Pré-Tour” hypothétique.


Takuya regardait en silence.

Ces murs ne criaient pas.
Ils ne pleuraient pas.
Ils attendaient.

Peut-être depuis des siècles.
Peut-être depuis plus longtemps encore.

Rek s’assit sur une pierre plate, le souffle lent.

— « Tu crois qu’ils sont tous morts ? »

— « Je crois que même leur souvenir a été effacé. »

Et c’était peut-être le pire.

Il fit un tour lent autour du périmètre.
Pas de signes de combat.
Pas de sang.
Pas de cendres.

Mais pas de traces de vie non plus.

Juste… le vide.
Organisé.
Désolé.
Froid.

> [Aucune signature énergétique détectée.]


Takuya s’arrêta devant une marche, fissurée mais debout.

Il ferma les yeux.
Pas pour prier.
Pas pour pleurer.

Juste pour ancrer cet endroit dans sa mémoire.

Car il savait qu’un jour, peut-être, il aurait besoin de se souvenir.

> "Ce monde n’oublie rien. Mais il laisse tout mourir lentement."


Ils repartirent.

Et derrière eux, les ruines restèrent debout.
Muettes.
Invisibles.
Mais présentes.

Comme un avertissement.
Ou une promesse.

---

Ils avaient quitté les ruines sans un mot.
Pas par choix, mais parce qu’aucun mot ne semblait assez solide pour contenir ce qu’ils venaient de voir.

La marche reprit lentement, dans un silence qui n’avait plus rien d’hostile.
Il n’était plus tendu.
Il était… résonant.
Comme si le monde, maintenant, savait qu’ils savaient.
Et les observait.

Rek marchait quelques pas derrière, les yeux rivés au sol.
Ses pensées n’étaient pas lourdes. Elles étaient concentrées.

Takuya, lui, gardait les yeux devant.
Le terrain redevenait plus irrégulier, plus sauvage. Les dalles mortes laissaient place à de la roche nue, puis à une poussière sèche, presque rouge.

Le vent, qui s’était tu pendant des heures, soufflait à nouveau — faible, mais continu.

> [Analyse environnementale :]
— Retour à une température stable
— Zone précédente archivée : “Secteur Fossile 03 – Source inconnue”

Aucune anomalie actuelle détectée.


CAINE semblait apaisé lui aussi.
Ou, du moins, moins sollicité.

Mais Takuya n’avait pas fini de réfléchir.

— « Tu l’as senti, toi aussi, n’est-ce pas ? » dit-il soudain.

Rek releva la tête.

— « L’endroit ? Oui.
C’était pas un camp.
C’était une trace. »

— « Une mémoire, figée.
Pas dans les pierres. Dans l’air. »

Ils s’arrêtèrent quelques instants sous l’ombre sèche d’un bloc de pierre fendue.
Takuya s’assit, le dos contre la roche. Il sortit une gourde, but deux gorgées, puis regarda l’horizon.

Toujours pas de Tour en vue.
Mais le ciel, lentement, se changeait.

La teinte était moins neutre.
Plus tirée vers le gris bleuté.
Comme si l’atmosphère elle-même filtrait quelque chose.

— « Je me demande si ce qu’on cherche n’est pas… plus ancien que ce qu’on nous a dit. »

Rek haussa un sourcil.

— « Tu parles de la Tour ? »

— « Oui.
Et de tout ce qui l’entoure. »

Il se redressa, tendit la main vers l’horizon.

— « On avance vers un lieu qui n’existe peut-être plus de la même façon qu’avant.
Mais les échos, eux, persistent.
On a vu un corps dans la pierre.
Des ruines humaines.
Et rien, rien ne nous dit pour

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire E.G.Velgarde ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0