Le vent n’existait plus.
Pas même un bruissement.
Même les pas sur la pierre sonnaient faux, comme absorbés dans quelque chose de plus dense que l’air.

Takuya avançait prudemment.
Le sol, plus ferme qu’auparavant, n’offrait pourtant aucun écho sous ses semelles. Il était rugueux, cendreux, mais pas meuble.
Ce n’était pas naturel.
Et Rek le ressentait aussi.

Il s’était mis à marcher légèrement derrière, à pas plus souples, les yeux constamment en mouvement. Il n’avait pas besoin qu’on lui dise.
Quelque chose n’allait pas.

> [Analyse du terrain :]
— Roche dense, fissurée de l’intérieur – probable structure de galeries creuses
— Anomalie thermique localisée : 2,6°C au-dessus des normes enregistrées à 17 mètres sud-est
— Évolution progressive. Fréquence en montée lente.

Hypothèse : masse mobile en approche.


Takuya s’arrêta.
Il ne leva pas la main. Il ne fit pas de signe. Il resta simplement immobile, les yeux fixés sur le sol.

> [Nouvelle anomalie détectée]
— Micro-vibrations transversales à 3 Hz
— Patron de propagation : sinusoïde orientée vers votre position

Présence confirmée : entité serpentiforme – activité préparatoire détectée.


Un frisson glissa le long de sa nuque.

> « Il est là. »


Le ton était neutre. Pas de panique.
Mais derrière lui, Rek s’immobilisa aussitôt, accroupi à moitié.
Il avait compris.

Takuya ferma un instant les yeux.

— « CAINE. Ouvre le lien. Transmets l’intention. »

> Lien de mana en cours d’activation…
Connexion émotionnelle établie.
Transmission : “Danger immédiat – Prépare attaque à distance – Attente coordination”


Rek, à dix pas derrière, reçut l’ordre sans mot. Il se déplaça sans bruit derrière une pierre fracturée.
Il tira de sa ceinture deux petits éclats de métal récupérés la veille, usés, mais affûtés.
Un regard à Takuya, puis il disparut dans un angle mort.

> [Topographie scannée.]
Trois zones de couverture naturelle possibles.
Deux voies d’évasion.
Un point d’émergence prioritaire situé à 14,6 mètres devant.]*


Takuya serra sa lance.
Son autre main effleura le sol.
Tiède.

Pas brûlant. Pas magique.
Mais vivant.

> [Modèle de mouvement du prédateur estimé :]
Trajectoire en spirale.
Stratégie d’isolement par perturbation de terrain.
Tactique prévisible, mais redoutable.
Évolution comportementale repérée depuis premier contact.

La cible a retenu l’expérience précédente.


Il grimaça intérieurement.
Ce n’était plus un monstre.
C’était un chasseur.

Il inspira profondément.
Posture basse.
Centre de gravité resserré.

— « CAINE. Dès que tu confirmes le début de la phase ascendante, alerte immédiate. »

> Affirmatif.


Le silence gagna encore en densité.
Les secondes devinrent longues.
Chaque souffle, mesuré.

Puis soudain.

> [Alerte – progression rapide confirmée]
— Phase ascendante enclenchée
— Point d’impact estimé dans 3… 2… 1…


Takuya bondit sur le côté au moment où le sol explosait dans un bruit mat, projetant poussière et débris.
Une forme gigantesque émergea dans un mouvement fluide, brutal, un arc de muscle et d’écailles.
Sa gueule s’ouvrit dans un souffle sec, sans cri.
Juste un impact.

Takuya roula, sentant l’air coupé sur sa joue.
Il se releva aussitôt, lance déjà en main.

Et il le vit.

Le serpent.

Plus long.
Plus large.
Ses écailles, ternes la première fois, brillaient maintenant d’une teinte métallique.
Son œil gauche était fendu — une blessure ancienne, cicatrisée.
Mais il voyait encore parfaitement.

Il ne siffla pas.
Il n’attaqua pas.

Il regarda.

Takuya recula lentement.
La bête le jaugeait.
Elle évaluait.

Et dans ce regard, il lut une compréhension crue.

— « Il sait. »

> [Réaction anormale. Aucun comportement d’agression immédiat.]
Hypothèse : évaluation comportementale en cours.
L’ennemi vous reconnaît.

Ajustement de stratégie recommandé : combattre comme un égal.


Un son fendit l’air.
Derrière la bête, un éclat métallique vola, tournoyant dans les ombres.
Il heurta une écaille sur le flanc, laissa une entaille rouge.
Le serpent pivota avec une grâce surnaturelle, reculant de plusieurs mètres sans jamais quitter Takuya des yeux.

— « L’initiative est morte. » souffla-t-il.
— « Maintenant… il nous traque. »

Il resserra sa prise sur la lance.

> Début du vrai combat.

---

Le serpent s'était replié dans l’ombre, mais il n’était pas en fuite.
Il était en calcul.
Sa masse ondulait sous les roches à distance, imperceptible pour l’œil nu, mais pas pour CAINE.

> [Nouvel axe de déplacement détecté :]
— Rotation souterraine.
Émergence estimée : flanc droit, 9 mètres à 3 secondes d’intervalle.

Stratégie : encerclement latéral.


Takuya pivota à demi, changeant d’appui.
Le sol sous lui vibrait à peine — un murmure tellurique.
Ses doigts se raffermirent autour de la lance. Son regard se fixa à l’endroit exact.

— « Il va bondir.
Pas vers moi. Vers Rek. »

> Lien de pensée activé... Transfert partiel : image – position – trajectoire – danger.


Rek, dissimulé derrière un rocher effrité, releva brusquement les yeux.
Un instant plus tard, il se jeta en arrière, juste au moment où le sol explosait devant lui, dévoilant les anneaux massifs du serpent dans un jaillissement minéral.

La créature n’avait pas perdu en vitesse.
Elle avait gagné en contrôle.

Takuya s’élança.
Son corps bougea avant même que l’esprit ne donne l’ordre.
Chaque foulée amortissait l’impact. Il contourna le rocher, vit Rek rouler au sol, son bras gauche éraflé.

Le serpent était déjà en phase de repli, mais il avait laissé sa queue exposée.

— « Là ! »
Takuya planta sa lance vers la jonction des écailles, à la base de l’anneau.
Un craquement sec résonna, mais l’arme ne s’enfonça pas assez.

> [Impact partiel.]
Structure osseuse touchée – pas de pénétration musculaire.


Le serpent pivota sur lui-même avec une vivacité inhumaine.
Sa queue fouetta l’air et frappa la roche dans un bruit sourd, projetant des fragments dans toutes les directions.

Takuya sauta en arrière. L’un des éclats entailla sa cuisse.

Rek, lui, déjà debout, lança à nouveau un éclat métallique qu’il avait ramassé au sol —
cette fois, l’outil heurta l’œil valide du serpent.

Le cri ne fut pas sonore.
Mais la bête recula violemment, tordant son corps en un nœud sinueux avant de disparaître à nouveau dans la roche.

Un silence tendu revint.

Pas de poussière.
Pas de tremblement.

Juste un souffle.

> [État : combat suspendu.]
— Aucune position repérable.
Stratégie d’esquive ou régénération possible.


Takuya se pencha sur Rek, l’aida à se relever.

— « Ça va ? »
— « Rien de cassé. Juste… rapide. Il est trop rapide. »

— « Pas pour longtemps. Il est blessé.
Et il a mal à l’œil. »

CAINE confirma :

> Lésion oculaire détectée.
Comportement en repli observé.
Probabilité de réapparition dans un angle mort : 78%.


Takuya jeta un œil circulaire au terrain.

Le serpent ne frappait plus sans plan.
Il provoquait. Testait. Étudiait.

Et dans ce jeu-là, Takuya savait une chose :

L’ennemi apprenait.

Et il n’en était qu’au début.

---

Le silence qui suivit la dernière attaque était trompeur.

Ni Takuya ni Rek ne bougèrent pendant plusieurs longues secondes.
La poussière était retombée, les éclats de roche s'étaient dispersés.
Mais l'air restait dense, comme figé dans une tension invisible.

> [Mouvement non détecté. Lien avec cible momentanément perdu.]


Takuya serra les dents. Ce n'était pas bon signe.
Le serpent n'était pas en fuite.
Il se repositionnait.

— « Il change de stratégie. Il va essayer de nous séparer. »

Il n’avait pas terminé sa phrase qu’un craquement se fit entendre, à peine perceptible, à l’arrière gauche de leur position.

> [Nouvelle source de vibration : sud-ouest. Profondeur : faible.]


Takuya pivota.

— « Rek, déplace-toi à mon opposé. Zone ouverte. Il va nous couper. »

Rek comprit sans discuter. Il glissa derrière un affleurement rocheux, se préparant à contourner.

Mais à peine avait-il entamé son mouvement que le sol se souleva brutalement entre eux.
Un segment du serpent jaillit, non pas pour attaquer, mais pour créer une barrière de corps et de roche.

> [Interception réussie par la cible. Séparation partielle.]


— « Il l’a anticipé. »

Le serpent ne restait plus dans une logique de combat frontal.
Il fragmentait le terrain.
Il jouait avec les angles, la poussière, les hauteurs naturelles.

Takuya se déplaça latéralement, tentant de reprendre la ligne de vue sur Rek.
Mais la masse serpentine tournait, lentement, formant une spirale autour de lui.

> Comme s’il posait un piège.


Il n’y avait plus de précipitation dans ses mouvements.
Seulement du contrôle.

— « CAINE, trajectoire complète. Je veux un modèle du terrain en dynamique. »

> [Calculs en cours…
Élaboration d’une carte tridimensionnelle des déplacements du prédateur…
26%… 48%…]


Un bruit sec interrompit le transfert : un pan de roche s’effondra derrière Takuya, coupant encore plus son champ de fuite.

— « C’est pas un serpent… c’est un stratège. »

De son côté, Rek tenta un lancer à l’aveugle.
L’objet vola, heurta une paroi dure, mais manqua sa cible.

Le serpent ne bougea pas.
Il attendait une erreur.
Une hésitation.
Un pas de trop.

Takuya resserra sa prise sur sa lance.
Il tenta une avancée rapide en diagonale, visant la jonction de deux rochers — mais à peine avait-il mis le pied sur le sable que la terre se déroba légèrement, comme si quelque chose de massif passait juste en dessous.

> [Alerte : surface instable.]


Il recula aussitôt.

— « Il a miné le terrain avec son propre corps. Il déplace les failles. »

CAINE compléta :

> Le terrain n’est plus neutre.
Chaque mouvement vous rapproche d’un angle mort.
Le combat n’est plus une confrontation. C’est une chasse inversée.


Et ils étaient les proies.

Rek, depuis l’autre bord, tenta de reprendre la vue sur Takuya.
Il hurla :

— « Dis-moi quoi faire ! »

Takuya inspira.

— « Bouge. Reste mobile. Ne vise plus. Lance pour distraire. Ne donne aucun point fixe. »

Rek acquiesça et se mit en mouvement, tournant autour de la structure formée par les anneaux du serpent.

La créature suivait.
Mais pas lui.
L’ombre.
Le rythme.
La mémoire du terrain.

Takuya comprit alors que ce serpent n’était pas un simple survivant.

C’était un héritier.

Un être né dans ce terrain, et qui le modelait comme un prolongement de lui-même.

Et si lui voulait survivre…
Il allait devoir faire pareil.

---

Le terrain était devenu un piège mouvant.

Chaque pas, chaque souffle, chaque grain de poussière déplacé résonnait dans la trame invisible du combat.
Le serpent n’était pas un prédateur ordinaire. Il était un maître du sol, un sculpteur de trajectoires.

Et Takuya était pris dans sa spirale.

> [Température locale : +4,1°C]
Augmentation anormale due au frottement massif sous-terrain.

[Estimation de position : incertaine]
Données visuelles manquantes. Mouvements du serpent aléatoires selon toute logique frontale.


Takuya se tenait à demi accroupi derrière une pierre de basalte noircie.
Son souffle était calme, mais court.
Il sentait son front perler de sueur — non pas à cause de la chaleur… mais de la concentration.

> “CAINE. Calque dynamique. Donne-moi les zones les plus thermiquement actives sur les cinq dernières secondes.”


Un schéma s’afficha brièvement dans son esprit.
Rouge. Jaune. Gris.
Des ondulations thermiques.
Des points chauds.
Des lignes de mouvement.

— « Là… »

Il ferma les yeux.
Se projeta mentalement dans la carte.
Oublia tout.
Même le bruit.
Même Rek.
Même la peur.

Il n’y avait que le flux.

Le serpent ne cherchait plus à le tuer.

Il l’évaluait.

Un crissement sec.
À sa gauche.

Il pivota, juste à temps pour voir une écaille glisser au sol… comme un leurre.
Une mue partielle.

— « Il se camoufle. Il brouille sa propre chaleur. »

> Nouvelle stratégie comportementale détectée : simulation de déplacement.
Objectif : provoquer un mouvement réflexe chez la cible.

Contre-mesure recommandée : immobilité absolue pendant 2 secondes.


Takuya resta figé.
Deux secondes.
Rien.

Puis…

Une forme surgit à sa droite, en un bond horizontal.
Le serpent avait feint la gauche pour surgir de l’autre flanc.

Mais Takuya n’était pas un soldat.
Il était un analyste.

Et il avait lu l’angle.

Il roula au sol, la lance déjà tendue.
La pointe ripa sur une écaille, mais entailla une membrane fine entre deux segments du cou.

Le sang jaillit en perles noires et chaudes.

> [Coup mineur – pénétration partielle réussie.]


Mais ce n’était pas suffisant.

Le serpent siffla, cette fois.
Un bruit bas, grave, presque animal.
Mais aussi… comme un aveu.

Takuya recula immédiatement, observant la bête tournoyer sur elle-même, creusant un cratère de poussière et de roche.

> “Rek, angle haut – crête à gauche. Lance une diversion vers le centre du terrain. Je le force à mordre.”


CAINE transféra l’ordre par le lien.
Rek comprit.
Quelques instants plus tard, un éclat de métal vola dans l’air, claquant sur une dalle plus claire.

Le serpent bondit dans cette direction.
Mais c’était ce que Takuya attendait.

Il courut à sa suite, remonta dans la poussière, visa la zone affaiblie.
Sa lance s’abattit une fois, deux fois, dans une frappe nette, angulée.

Le serpent se contorsionna, heurta une colonne rocheuse.
Une fissure s’ouvrit dans le sol.

Takuya tomba à genoux, haletant.

— « Il… commence à perdre du terrain. »

Mais il le savait : ce n’était que temporaire.
Car à chaque frappe, le serpent comprenait davantage.

Et lui… commençait à manquer d’énergie.

---

Le combat s’éternisait.

Chaque échange, chaque mouvement, chaque souffle volait un peu plus d’énergie à Takuya. Il sentait ses jambes s’alourdir, ses muscles vibrer sous l’effort répété. Mais son esprit, lui, restait froid. Précis.

Le serpent n’attaquait plus à l’aveugle. Il contrôlait parfaitement la distance, le relief, les angles morts. Il attendait que l’un d’eux cède.
Et si ça devait arriver, ce serait Rek.

> “Il cible la faille la plus mobile. La moins armée.”


Takuya le savait. Il devait briser ce rythme.
Créer un déséquilibre.
Mais pour ça, il fallait lui offrir quelque chose.

Un appât.

Il se redressa lentement, tourna la tête dans la direction du serpent.
Il n’était pas visible. Pas encore.
Mais Takuya le sentait, tapi entre deux affaissements de terrain.

Il glissa un ordre mental à CAINE :

— “Préviens Rek. Je vais le forcer à attaquer.
Il devra frapper dès que l’ouverture est là.”

> Transfert de stratégie en cours…
Lien actif. Synchronisation émotionnelle confirmée.


Takuya inspira profondément.
Puis il courut.

Pas vers la bête.
Pas dans un angle sûr.
Mais droit dans la zone qu’ils avaient évitée depuis le début du combat.

Un triangle ouvert.
Sans abri.
Sans repli.

Un piège.

Le sol était fissuré. La roche craquait sous ses pas. Il ralentit légèrement, juste assez pour laisser croire à une fatigue réelle.
Et dans cette demi-seconde…

Le sol explosa sous ses pieds.

Le serpent jaillit, gueule ouverte, mâchoires étendues comme un arc prêt à se briser.
Takuya se jeta en arrière — mais pas assez vite.

Les crocs frôlèrent son épaule gauche, entaillant profondément la chair.

La douleur fut immédiate, violente, aveuglante.
Mais il ne cria pas.
Il planta ses talons dans le sol, pivotant, le bras droit encore armé.

Il venait de gagner une ouverture.

Dans son champ de vision, un éclat.
Une dague improvisée fondit dans l’air.
Rek, depuis un surplomb latéral, lança de toutes ses forces, visant le flanc exposé du serpent.

L’arme frappa juste derrière l’œil déjà blessé.

Cette fois, la bête hurla.

Pas un cri aigu.
Un son grave, profond, comme le râle d’un gouffre qui s’effondre.
Elle se contorsionna, son corps massif giflant le sol, brisant des roches.

Takuya roula sur le côté, sa lance glissant dans la poussière.
Son épaule saignait abondamment.
Mais il souriait.

— « Tu as mordu… »

Le serpent recula pour la première fois du combat.
Pas par stratégie.
Par douleur.

> [Analyse en cours :]
Zone de choc : sensorielle.
Rupture temporaire de comportement structuré.
Fenêtre tactique estimée : 5 à 7 secondes.


Rek redescendit de son perchoir, profitant du désordre.
Il récupéra un fragment de pierre pointu et le lança à nouveau — cette fois, dans la gueule entrouverte.

Le projectile heurta la langue, provoquant une torsion réflexe du cou.

— « Il est à découvert ! » cria Takuya.

Il se redressa, grimace aux lèvres, et saisit sa lance.

Puis il courut.

Et pour la première fois, ce n’était plus une fuite.

C’était une chasse inversée.

---

Le serpent reculait.

C’était imperceptible, presque élégant, mais Takuya le vit : le mouvement n’était plus offensif. Il devenait défensif, fluide mais fuyant. Une ligne cassée dans la séquence parfaite qu’il avait imposée jusqu’ici.

Takuya haletait, le bras gauche en feu. La plaie pulsait, mais la douleur s’était transformée en une tension brûlante qui aiguisait sa perception.
Il n’avait pas le luxe de s’effondrer.

— « CAINE, transfert tactique. Plein flux.
Je veux la lecture des mouvements du serpent partagée avec Rek. »

> Transfert de donnée actif…
Lien étendu – stimulation neuro-sensorielle modérée autorisée.
Synchronisation partielle établie.


De l’autre côté du champ brisé, Rek redressa la tête, ses yeux écarquillés brièvement sous l’effet de la surcharge mentale. Une image s’imposa dans son esprit — une trajectoire en spirale, un point faible clignotant, un tempo.

Il comprit.

— « Je le vois. »

Takuya leva sa lance.
Il ne visait pas pour frapper. Il pointait.

Un signal.

Rek bondit vers un rocher et lança un morceau d’écaille récupéré plus tôt — pas pour toucher, mais pour distraire. Le projectile frappa à la base de la queue du serpent, qui pivota en réaction.

Et dans cette seconde, Takuya fonça.

Il ne cherchait pas à tuer.
Il cherchait à forcer un geste.

Le serpent se retourna, tenta de fouetter l’air de sa queue, mais déjà Rek avait repositionné son tir : une dague improvisée fila droit dans la chair molle de la jonction ventrale.
Le cri fut sec, involontaire.

CAINE guida la réaction :

> [Prolongement d’attaque recommandé :]
Frappe oblique, flanc droit. Angle 63°. Élan maximal requis.


Takuya planta sa lance comme un piston.

La lame entra. Pas entièrement — mais assez pour ouvrir une ligne rouge dans la masse écailleuse.
Le sang jaillit, épais, chaud, presque noir.

Le serpent se cabra.
Mais il ne contre-attaqua pas.

Il recula.
Encore.

Pour la première fois depuis le début du combat, Takuya sentit la peur.
Pas la sienne.
La sienne. À lui.
À cette chose née de la pierre et du silence.

— « Il saigne. Il recule. Il comprend. »

Rek s’arrêta à ses côtés.
Son torse montait et descendait par saccades.
Il tenait encore deux projectiles, prêts à être lancés.

— « Il va tenter de fuir. »

— « On l’empêchera. »

Le serpent ondula sur plusieurs mètres, ses mouvements saccadés. Il ne fondait plus sur eux — il cherchait une brèche dans la roche.
Un point d’enfouissement.

Takuya secoua la tête.

— « Pas maintenant. Pas après tout ça. »

Il recula d’un pas, tendit le bras.

— « Dernier échange. Ensemble. »

Rek hocha la tête.

CAINE scanna :

> Cible affaiblie. Défense réduite.
Coordination possible pour frappe finale.


Ils bougèrent comme une seule entité.

Takuya lança un éclat métallique droit vers l’œil déjà blessé.
Le serpent se détourna — erreur.
Rek surgit sur le flanc, bondit sur un rocher, et jeta son dernier projectile à bout portant.

Un choc sourd.
Un craquement.

Puis un grondement.
Le serpent s’effondra dans un mouvement ralenti.

Pas mort.
Mais vaincu.

Et cette fois… il ne bougea plus.

---

Ils pensaient que c’était terminé.

Le corps du serpent gisait à moitié couché, ses anneaux massifs écrasant la pierre. Sa gueule entrouverte laissait couler une langue noircie, figée. Son œil unique, percé, brillait à peine d’un éclat vitreux.

Takuya n’osait pas encore avancer.
Il respirait fort, ses bras tremblaient. Rek à ses côtés s’accroupissait, prêt à bondir si la bête remuait.

Un battement de trop.

Un souffle.

Puis…

Le cri.

Un grondement caverneux s’échappa de la gueule du monstre.