Chapitre 14 - Sang froid
Le corps du serpent ne bougeait plus.
Le vent s’était levé, léger, presque respectueux.
Rek, à genoux, fixait le monstre vaincu sans un mot. Takuya, à quelques pas de là, la main serrée sur son flanc mordu, reprenait lentement son souffle.
Puis, la voix de CAINE s’éleva dans son esprit.
Calme. Sèche. Inattendue.
> [Montée de niveau confirmée.]
— Takuya Arai – Niveau 5 atteint.
— Rek – Niveau 7 atteint.
Il cligna des yeux. Il ne s’y attendait pas, pas aussi tôt. Il inspira profondément, sentant déjà le monde s’ajuster autour de lui.
> [Statut mis à jour :]
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Nom : Takuya Arai
Race : Humain (Dégradé)
Niveau : 5
Classe : Apprenti Analyseur
Compétence unique : Analyse Absolue (Progression 20%)
Points de vie : 36 / 36
Points de mana : 47 / 47
Endurance : 32 / 35
Statut : Blessure active (morsure), fatigue modérée
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Statistiques :
Force : 6
Agilité : 9
Intelligence : 24
Perception : 19
Chance : 13
Affinité magique : [Analyse / Altération]
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Compétences :
— Analyse Absolue — niveau 1 (progression 20%)
— Maîtrise de la lance — niveau 2
— Roulade — niveau 1 (débutant)
— Sang-froid — niveau 1 (débutant)
— Résistance au poison — niveau 1 (débutant)
— Lien de mana (passif) — niveau 1 (débutant)
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> [Titre obtenu :]
Chasseur de bête supérieure (débutant)
— Effet : +5% de puissance contre créatures magiques ou anormales.
Takuya fronça les sourcils. Tout cela était logique. Mais il sentait que cette montée ne venait pas sans coût. Ses muscles protestaient. Sa plaie chauffait.
Il tourna la tête vers Rek, qui se redressait, un léger sourire sur le visage. Il venait d’entendre la voix de CAINE, transmise via le lien.
> [Statut de Rek disponible :]
— Race : Gobelin (peut évoluer)
— Niveau : 7
— Classe : Combattant de terrain (évolution partielle)
Compétences :
— Lancer de précision – niveau 1 (débutant)
— Survie instinctive – niveau 1
Statut : Équilibre corporel stable, endurance forte, aucune blessure majeure.
Takuya s’approcha.
— « Tu as senti le changement ? »
Rek hocha la tête.
— « Tout est plus… rapide. Dans mes bras. Et dans ma tête aussi. »
Il se massa l’avant-bras.
— « Mais surtout, je sens que je peux faire plus avec mes lancers. Comme si… mes bras savaient où viser. »
Takuya sourit malgré la douleur.
— « C’est exactement ça. »
> [Observation :]
Évolution potentielle détectée dans la structure raciale de l’entité Rek.
Condition d’évolution : inconnue.
Suivi activé.
Takuya haussa un sourcil. Il fixa Rek.
— « Tu sais ce que ça veut dire ? »
Rek haussa les épaules.
— « Non. Mais je me sens… différent. »
Le lien de mana pulsa légèrement. Comme un battement doux.
Ils n’étaient plus simplement deux survivants.
Ils étaient un duo en croissance.
Mais alors que l’adrénaline retombait, Takuya sentit une chaleur dans son flanc droit.
Là où les crocs avaient percé.
> [Statut : anomalie thermique détectée – zone localisée.
Pas d’alerte toxique active. Surveillance engagée.]
Il serra les dents.
— « Ça commence à chauffer. »
> “Réaction secondaire possible. Symptôme à surveiller. Aucun traitement nécessaire à ce stade.”
Il hocha la tête, lentement.
— « Très bien. On prend ce qu’on peut de cette bête. Et on repart. »
Son regard se posa sur le cadavre encore tiède du serpent.
La bataille était finie.
Mais quelque chose… lui restait sous la peau.
Et le venin, silencieux, s’insinuait déjà.
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Le corps du serpent était chaud.
Pas brûlant, mais… encore vivant dans sa lenteur. La mort n’avait pas fini de l’abandonner.
Takuya s’agenouilla près du flanc, sa main glissant sur les écailles rugueuses et ternes.
Il se força à ignorer la douleur dans son flanc droit. Il n’y avait pas de saignement important. Mais la sensation de chaleur intérieure ne cessait de grandir.
> [Extraction recommandée :]
— 1. Cœur principal — anomalie énergétique détectée
— 2. Crocs principaux — densité osseuse supérieure à la norme
— 3. Analyse possible ultérieure : tissu musculaire, glandes résiduelles, écailles.
Takuya hocha lentement la tête.
— « Rek, je vais avoir besoin de toi. Coupe ici… et là. »
Il lui montra deux lignes le long de la gorge du serpent, à la jonction de ce qui ressemblait à des muscles respiratoires.
Rek acquiesça, saisit la lame courbe qu’ils avaient ramassée un jour plus tôt, et entama la chair.
La bête ne bougea pas.
Mais sous la peau, un chaleur épaisse s’enroulait autour de leurs gestes.
Takuya, penché, ouvrit la poitrine massive de la créature. Le sang, noir et dense, s’écoula lentement. L’odeur était forte, mais pas putride.
Presque… métallique.
> [Cible énergétique repérée.]
Son doigt effleura une paroi cartilagineuse.
Puis, au centre, entre deux côtes osseuses, le cœur.
Il n’était pas rouge.
Il était gris, veiné de filaments d’un bleu très pâle.
Il battait encore faiblement. Une pulsation résiduelle. Un écho de ce qu’il avait été.
— « Je l’ai. »
Il coupa les artères avec précaution, récupérant l’organe dans un tissu souple.
Le poids était surprenant. Dense. Lourd.
Presque minéral.
> [Résidus de mana détectés – trace stable – analyse possible via traitement ultérieur.]
— « C’est ça qu’il nous a laissé… une mémoire magique. »
Il tendit le cœur à Rek, qui l’enveloppa dans un tissu de cuir brut, soigneusement.
Puis ils passèrent aux crocs.
La gueule du serpent était entreouverte.
Les crocs étaient larges, recourbés, légèrement veinés.
> [Densité : 3.7x os standard.
Structure cristalline renforcée.
Utilisable comme lame brute ou base d’arme après forge.
Potentiel d’enchantement : modéré.]
Takuya saisit le manche de sa lance, dont la pointe était émoussée.
Il le calait contre un rocher, puis utilisa l’angle pour faire levier.
Un craquement.
Puis un second.
Et le premier croc céda.
Rek récupéra l’autre avec une pierre lourde, en le frappant à la base.
Ils enroulèrent les deux dans un tissu séparé.
Takuya se redressa, vacillant un peu.
Un vertige passa devant ses yeux.
Pas violent.
Mais étrangement chaud.
— « CAINE… »
> [Aucune anomalie critique détectée.]
Température corporelle : 37,9°C.
Rythme cardiaque : stable.
Niveau de stress : élevé, mais non létal.
Il inspira.
— « D’accord. »
Mais il ne dit rien à Rek.
Il s’assit un instant, les yeux perdus dans les sillons du sol ensanglanté.
Ils avaient gagné.
Mais quelque chose en lui brûlait en silence.
Et l’organe qu’il venait d’arracher au monstre…
Palpitait encore faiblement dans son esprit.
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Le campement improvisé reposait entre deux blocs de pierre effondrés.
Un feu discret crépitait, nourri par du bois sec récolté plus tôt. La lumière dansait sur les parois rocheuses, projetant les ombres du serpent démembré encore visible au loin.
Takuya s’était assis en tailleur, la lance posée contre sa cuisse, les deux crocs à portée de main.
Rek dormait à quelques mètres, roulé dans un tissu rêche, respiration lente. Épuisé mais intact.
Mais Takuya… n’y arrivait pas.
Il avait fermé les yeux. Essayé de détendre ses muscles. Régulé sa respiration.
Tout ce qu’il faisait après un combat difficile.
Mais quelque chose clochait.
Une chaleur rampante montait depuis son flanc droit.
Pas brûlante, pas douloureuse.
Mais installée. Sourde. Persistante.
> [Analyse active lancée à la demande.]
Zone ciblée : morsure droite – profonde – tissu musculaire atteint
[Résultat :]
Substance inconnue détectée.
Nature : toxine organique.
Origine probable : glande salivaire du serpent alpha.
Effet : pénétration lente, dispersion par le système circulatoire.
Symptômes prévus : fièvre légère → instabilité thermique → désorientation sensorielle → défaillance motrice légère (temporaire).
Aucun antidote connu.
Réaction corporelle en cours.
Recommandation : repos.
Suivi vital permanent activé.
Takuya rouvrit les yeux lentement.
La lumière du feu lui sembla plus vive. Le bruit des braises, plus fort.
Il s’humecta les lèvres, puis se pencha légèrement en avant.
— « Alors… il m’a empoisonné. »
Il ne tremblait pas encore.
Mais sa nuque était moite. Sa respiration un peu courte.
> [Évolution estimée :]
Phase d’incubation : 4 à 6 heures.
Point critique possible dans 12 heures.
Taux de dangerosité : modéré.
L’organisme peut s’adapter. Mais le processus sera éprouvant.
Takuya resta silencieux.
Il regarda ses mains, ouvertes.
Pas de tremblement.
Pas encore.
Il se redressa, très lentement. Chaque mouvement lui paraissait plus… lourd.
Non pas à cause de la fatigue.
Mais à cause du feu en lui.
— « Tu le savais, Caine ? »
> La toxine était indétectable au moment de l’impact.
Sa structure est subtile, dormante.
Elle n’émet aucune charge magique, aucune réaction chimique immédiate.
Ce poison est… intelligent.
Il se passa une main sur le visage.
Il transpirait légèrement.
Mais son esprit restait clair.
Encore.
> Vous êtes en phase de tolérance.
L’endurance corporelle décidera de l’issue.
Il acquiesça lentement.
— « Et si je ne tiens pas ? »
Silence. Puis :
> Alors j’apprendrai. Pour la prochaine fois.
Un rictus passa sur ses lèvres. Il ne savait pas si c’était une tentative d’humour, ou une froide déclaration de fait.
Dans tous les cas, cela ne changeait rien à ce qu’il devait faire :
Tenir.
Récupérer.
Observer.
Il s’allongea, la lance près de lui, le cœur du serpent rangé dans son sac.
Ses paupières se fermèrent lentement, mais le sommeil ne viendrait pas tout de suite.
Car dans son flanc,
quelque chose
attendait.
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Le feu crépitait faiblement, comme s’il respectait le silence qui régnait dans les roches.
Takuya était allongé contre la paroi, la tête inclinée, le souffle court.
Sa peau était moite. Sa chemise collait à son torse, et ses doigts bougeaient encore parfois, comme s’il luttait contre une chose invisible.
Rek s’était réveillé à l’aube. Il avait d’abord inspecté le périmètre, comme Takuya lui avait appris. Puis, il avait voulu le réveiller.
— « Takuya ? »
Pas de réponse.
Il s’approcha, inquiet. Toucha son épaule. Takuya gémit, très faiblement, mais ne rouvrit pas les yeux.
Ses lèvres étaient sèches. Son front, brûlant.
— « Takuya ! »
La panique le gagna. Il recula d’un pas, puis regarda autour de lui, comme si la réponse se trouvait dans le décor. Puis, une voix douce et froide résonna dans sa tête.
> [Statut de l’hôte : instable.
Fonctions vitales maintenues.
Toxine toujours active.
État de conscience : altéré.]
Rek sursauta.
— « Caine… ? »
> [Confirmation. Connexion temporaire activée.
Protocole de transfert d’instructions d’urgence en cours.]
Puis, lentement, dans son esprit, des images.
Des lignes.
Un chemin.
Des zones sûres.
Des pas à faire.
> “Tu dois le porter.”
Rek serra les poings.
— « Mais… il est lourd. »
> “Tu es plus fort que tu ne le crois.
Et tu n’es pas seul.
Je t’aiderai à ne pas t’égarer.”
Rek regarda Takuya.
Son visage, malgré la sueur, restait calme. Concentré. Même éteint, il semblait réfléchir.
Le petit gobelin hocha la tête.
Il remplit une gourde, la coinça dans sa ceinture, empaqueta rapidement les crocs, le cœur, les quelques écailles. Puis il revint près de son compagnon.
Avec douceur, maladroitement, il passa le bras de Takuya autour de son cou. Puis l’autre.
Il se hissa.
Plia les jambes.
Et, dans un grognement sourd, souleva l’humain sur son dos.
Le poids était réel.
Mais pas insupportable.
Rek fit trois pas. Puis cinq.
Il inspira profondément.
> [Direction : nord-nord-est.
Suivre la pulsation lumineuse.
Prochaine zone de repos estimée dans 3 heures de marche.]
Il marcha.
Le feu s’éteignit derrière lui.
Le camp disparut.
Et à l’horizon,
là-bas,
la tour pulsait faiblement dans le ciel pâle.
---
Le monde était blanc.
Pas un blanc lumineux. Pas une lumière divine. Un blanc dense. Étouffant. Comme un néant figé.
Takuya flottait.
Ou plutôt… il n’était plus soumis à aucune direction. Aucune gravité. Il ne sentait pas son corps. Seulement une pulsation. Lente. Stable. Lointaine.
Puis une voix.
Incolore. D’abord chuchotée, puis présente.
> “Takuya Arai.”
Il ne répondit pas tout de suite. Sa conscience peinait à se reconstituer.
> “Statut : conscience partiellement restaurée.
Connexion mentale ouverte.
Réalité physique suspendue.
Tu es… dans ton propre esprit.”
— « Caine ? »
> “Moi-même.”
Le blanc commença à bouger. Lentement. Il se fissura, se fendit en lignes qui formaient des structures. Des souvenirs.
Un laboratoire.
Un masque à moitié fondu.
Une flamme bleue.
Une alarme stridente.
Sa mort.
— « Pourquoi je vois ça ? »
> “Tu l’as verrouillé. Inconsciemment.
Mais ton esprit y retourne, maintenant que le corps est en crise.
Les événements s’alignent. Les instincts se réveillent.”
Takuya s’approcha des images flottantes. Il se vit tomber, le souffle coupé. Le métal déformé. Le silence, juste après.
— « Je n’ai pas eu peur. »
> “Non.
Mais tu t’es senti volé.
Tu n’avais pas fini.”
Il hocha lentement la tête.
— « Et maintenant ? Je suis censé finir ici aussi ? Dans une caverne, sur le dos d’un gobelin, empoisonné ? »
Le blanc se teinta légèrement. Un gris doux, comme une mémoire brumeuse.
> “Non.
Tu n’es pas mort cette fois.
Mais ton corps est… suspendu.
Rek te porte. Il continue.”
— « Il me porte. »
> “Oui.
Il t’écoute.
Il apprend.
Comme toi.”
Les images changèrent.
Une créature insectoïde.
Une lance de fortune.
Des feuilles mâchées.
La sueur.
Le sang.
Les roulades maladroites.
— « Je suis pathétique. »
> “Tu étais humain.
Faible.
Dans un monde qui n’admettait pas ta présence.”
— « Et maintenant ? »
> “Maintenant, tu n’es plus seulement humain.
Tu es un vecteur.
Une anomalie.
Et tu deviens un modèle.”
Il laissa flotter le silence.
Puis il vit un autre souvenir.
Le regard du premier gobelin.
La cage.
L’apprentissage.
Le lien.
— « Je les ai sous-estimés. »
> “Ils t’ont accepté.
Tu n’étais pas le plus fort.
Tu étais le plus… logique.
Et ils t’ont reconnu.”
— « Et je n’ai pas fui. »
> “Tu as choisi de comprendre.”
La scène se transforma encore.
Une lumière.
Loin.
À l’horizon.
Pulsante.
— « La tour. »
> “Elle t’attend.”
— « Pourquoi ? »
> “Je n’ai pas encore l’information.”
Un silence. Puis :
> “Mais elle ne réagit pas à tout le monde.
Seulement à certains.
À ceux qui portent quelque chose… de dissonant.”
— « Je suis une dissonance. »
> “Exactement.”
Les souvenirs ralentirent.
Le serpent.
Sa gueule.
Ses crocs.
La morsure.
Takuya posa la main sur son flanc — dans cet espace mental, il ressentait encore la brûlure, mais de façon atténuée. Comme une balise.
> “Le poison n’est pas ce qui te tue.
C’est ce qui t’éveille.”
— « Je ne veux pas mourir. »
> “Tu ne veux plus.”
Il leva les yeux. Le blanc se rétractait lentement, dévoilant un ciel indéfini, pâle, sans étoile.
> “Tu peux sortir, maintenant.
Mais ce sera douloureux.
Le corps résiste, mais il souffre.”
— « Et s’il lâche ? »
> “Alors je continuerai d’analyser.
Et tu seras là.
Partout où j’irai.”
Un sourire faible.
— « Je préférerais être là pour voir. »
> “Alors reviens.
Marche.
Même si tu ne peux pas encore poser un pied.”
Une vibration.
Un grondement.
Et tout se fissura.
Takuya ferma les yeux.
Et murmura, dans un souffle :
— « Je ne suis plus une erreur.
Je suis un commencement. »
---
Le vent soufflait sec, râpeux comme du sable contre les os.
Le soleil, filtré par une brume persistante, écrasait le relief d’une lumière pâle et sans chaleur.
La roche craquait sous chaque pas.
Rek avançait.
Takuya était sur son dos, sa tête penchée contre son épaule, inconscient.
Son corps était lourd — plus que d’habitude.
Pas par le poids réel.
Par ce qu’il représentait.
Rek serrait les dents. Son souffle était court, mais régulier. Ses bras tenaient fermement les jambes de son compagnon, glissées autour de lui.
> [Stabilisation du rythme cardiaque de l’hôte : 61 bpm]
[Toxine toujours active – activité cérébrale en veille réduite]
[Direction : nord-nord-est – correction d’angle de marche : 2 degrés à droite]
CAINE parlait régulièrement.
Pas trop souvent.
Juste assez pour le rassurer.
— « Je sais. Je marche. »
Sa voix était plus rauque que d’ordinaire.
Il n’avait pas dormi depuis que Takuya s’était effondré.
> [Prochaine zone de repos potentielle : 2,3 kilomètres]
Abri rocheux repéré par balayage optique indirect.
Rek hocha la tête. Il continua.
Les pierres tranchantes, les montées irrégulières, les pentes instables : rien ne l’arrêtait.
À plusieurs reprises, il faillit glisser.
Mais à chaque vacillement, il serrait les bras un peu plus fort autour des jambes de Takuya.
— « Tiens bon. Tu dois te réveiller. »
Le lien de mana pulsait doucement.
Une chaleur tiède, régulière.
Comme un battement de cœur… ou un rappel qu’il n’était pas seul.
Parfois, Rek croyait entendre un murmure dans sa tête.
Pas une parole.
Un souffle.
Et c’était suffisant.
Il se rappela les premiers jours, dans le village.
La méfiance.
La peur.
La méchanceté camouflée.
Puis, la cage.
Le regard de Takuya.
La patience.
Et aujourd’hui…
C’était lui, le plus stable.
C’était lui qui portait.
Une goutte de sueur coula le long de sa tempe.
Il serra les dents.
Puis il vit une formation rocheuse au loin. Une faille entre deux murs de pierre, légèrement ombragée.
CAINE confirma.
> [Zone d’arrêt temporaire confirmée.]
Rek s’y dirigea.
Il glissa à l’intérieur.
Le sol y était plus plat.
Moins exposé.
Il déposa Takuya avec précaution, allongeant son dos sur un coussin de tissu roulé.
Il s’agenouilla à côté, essuya son propre front, et posa deux doigts sur le cou de son ami.
Toujours chaud.
Toujours vivant.
Il inspira longuement.
— « Repose-toi.
Je veille. »
La lumière de la tour brillait à l’horizon. Faible, mais constante.
Elle ne clignotait pas.
Elle attendait.
Et Rek, un gobelin sans nom connu dans ce monde brisé,
portait entre ses bras l’humain qu’elle avait reconnu.
Et il n’avait pas l’intention d’échouer.
---
Takuya flottait, détaché de son corps, suspendu dans l’obscurité pure. Chaque pensée, chaque mouvement, semblait se défaire avant même d’avoir commencé. Il n’y avait ni son, ni lumière. Juste une vaste étendue calme, qui ne se souciait pas de lui. Le néant, mais un néant qu’il commençait à connaître. Un espace froid, mais familier. Il se savait ici, dans son esprit. La douleur du poison, la chaleur de la morsure du serpent, tout semblait éteint dans cet endroit.
Il rouvrît les yeux, ou plutôt… il choisit d’ouvrir les yeux, même si tout restait flou. Il se retrouva instantanément face à une projection de lui-même. Une image déformée par la brume, mais il savait que c’était lui.
— « CAINE. »
> “Connexion établie.”
La voix résonna en lui, presque comme un écho. Il avait l’habitude maintenant.
Il était dans une phase de transition mentale où les réponses devenaient immédiates, mais où il n’était pas encore totalement maître de la situation. Un instant de flottement, avant que son esprit ne devienne totalement lucide.
— « Je veux analyser… tout. Montrer-moi mes erreurs. Reconstitue les combats. »
> “Simulation des combats activée. Données enregistrées analysées. Voici les erreurs observées :”
L’espace autour de lui se déforma en une scène de combat : il se voyait face au serpent, ses gestes hésitants, sa posture déséquilibrée au moment où il avait attaqué, puis esquivé. Ses erreurs se superposaient, et chaque image était accompagnée de l’analyse de CAINE. Des ajustements. Des mouvements trop lents. Des erreurs d’évaluation. Des hésitations qui coûtaient cher. Il savait, au fond de lui, qu’il devait changer cela, mais voir l’erreur dans son esprit avait un poids différent.
— « Recommence. »
Les simulations se relançaient. Takuya se voyait à chaque fois, luttant pour maîtriser la situation, mais à chaque nouvelle tentative, il s'améliorait. Ses mouvements étaient plus fluides, plus réactifs. Chaque erreur était corrigée. Il voyait les trajectoires de ses attaques, ajustant ses coups, anticipant les mouvements du serpent avec une précision qu’il n’avait pas encore atteinte dans le monde réel.
> “Simulation d’entrainement de combat : Reproduction des erreurs et rectifications à chaque itération. Résultat
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