Chapitre 20 - Retour sans accueil
Il n’avait pas promis qu’il reviendrait.
Le vieux non plus n’avait rien exigé.
C’était un échange silencieux, laissé en suspens. Une question muette. “Repassera-t-il ?”
Et pourtant, Takuya franchit de nouveau le seuil du bâtiment.
Trois jours avaient passé depuis leur étrange première rencontre. Trois jours de faim partagée, de silence pesant, d’incertitudes, et surtout de cette impression étrange que le monde autour de lui avait ses règles, mais ne voulait pas les lui donner.
Il était resté avec Rek et Sheol le temps nécessaire. Leurs pas avaient bifurqué. Chacun poursuivait désormais un chemin, et Takuya, lui, en traçait un autre.
Ce jour-là, il retourna dans ce lieu.
Le bâtiment était toujours aussi vide. Toujours aussi propre. Comme figé hors du temps. On aurait pu croire qu’aucun souffle n’y avait habité depuis des années, et pourtant, il le savait : le vieux était là.
Quand il ouvrit la porte, il n’y eut ni grincement ni écho. Juste la voix râpeuse et détachée, avant même qu’il n’ait franchi complètement l’entrée.
— Tu reviens ? Mauvais signe.
Takuya s’immobilisa.
Le vieux n’était pas en face de lui, ni au fond de la pièce. Il était assis dans un coin, les jambes croisées, entouré d’objets qui ne ressemblaient à rien de ce que Takuya connaissait : des craies noircies, des lamelles de bois gravées, des coquilles vides contenant de minuscules inscriptions. Tout cela semblait inutile, et pourtant… chaque pièce semblait avoir été usée par un rituel précis.
— Mauvais signe ? répéta Takuya.
— Ceux qui reviennent sont ceux qui savent qu’ils ont pas mieux ailleurs. Et ceux-là sont prêts à souffrir. S’ils restent.
Il se leva lentement. Pas d’élégance, pas d’aura. Mais chaque mouvement était ancré dans le sol comme s’il répondait à une gravité différente.
— Alors ? Tu veux quoi ?
— Apprendre, répondit Takuya sans détour.
Le vieux le fixa. Pas un rictus, pas un soupir.
— Mauvais mot, ça aussi. T’es pas là pour apprendre. T’es là pour oublier. Oublier comment tu réfléchis, comment tu conclus, comment tu calcules.
— C’est comme ça que je fonctionne.
— Justement. Et regarde où ça t’a mené : mort. Puis perdu. Et maintenant, ici.
Takuya sentit une gêne monter, mais il n’en montra rien. Il avait l’habitude. On l’avait souvent trouvé froid, arrogant. Mais rarement, inutile. Ce mot n’avait pas été dit, mais il flottait dans l’air, invisible et oppressant.
— Je peux écouter, alors. Et faire.
— Mieux.
Le vieux marcha lentement jusqu’au centre de la pièce. Il s’agenouilla avec soin, comme s’il se préparait à tracer un sort ancien. Mais au lieu de ça, il sortit un morceau de craie blanche usée et traça simplement un cercle sur le sol.
Un cercle simple, sans ornement. Ni symbole, ni ligne secondaire. Juste une forme. Fermée.
— Entre là-dedans.
Takuya le fit.
— Assieds-toi.
Il s’exécuta.
— Et maintenant ?
Le vieux s’assit à l’extérieur du cercle, dos tourné, et but une gorgée de son alcool.
— Maintenant, rien. Tu restes. Tu dis rien. Tu bouges pas. Tu ressens.
Takuya fronça légèrement les sourcils.
— Pendant combien de temps ?
— Jusqu’à ce que tu sentes quelque chose. Ou que tu partes.
Il y eut un silence. Long. Très long.
CAINE s’activa dans son esprit.
« Exercice non codifié détecté. Aucune structure énergétique repérable. Surveillance passive. »
Takuya s’installa plus confortablement dans le cercle. Le sol était froid. L’air, tiède. Rien ne se passait.
Rien.
Et pourtant, une part de lui sentait… un écho.
Pas un effet. Une absence. Comme si, dans ce cercle, certaines lois étaient suspendues. Comme si, en s’y asseyant, il avait laissé à la porte quelque chose d’invisible.
Il essaya de calculer l’angle du cercle. Sa circonférence. De chercher une logique dans le tracé. Il en traça les courbes dans son esprit. Rien n’en sortait. Et c’était peut-être ça, le piège.
CAINE ajouta, au bout de longues minutes :
« Anomalie : stabilité de tension intérieure supérieure à l’extérieur du cercle. Suggestion : phénomène de confinement psychique. »
— Tu commences à sentir, hein ? lança le vieux sans se retourner.
— Il y a… une pression étrange, admit Takuya. Mais pas magique.
— Non. Pas encore.
— Alors c’est quoi ?
— C’est toi.
Takuya resta figé.
— Ce cercle, t’es pas dedans. T’es autour. C’est ton propre regard qui te tient. Pas le mien.
Il n’y avait rien d’ésotérique dans ses mots. Pas de poésie. Juste une logique crue, nue, dérangeante.
— Reste. Ne cherche pas. Respire.
Takuya ferma les yeux.
Et pour la première fois, il écouta sans vouloir comprendre.
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Le silence s’étira comme une corde tendue.
Cela faisait peut-être dix minutes. Peut-être plus. Il n’y avait aucun repère pour juger du temps dans cette salle : ni horloge, ni lumière mouvante, ni même le bruit du vent ou d’un pas. Juste le murmure ténu de sa propre respiration, et l’écho étouffé de son cœur battant au creux de sa poitrine.
Takuya ouvrit les yeux. Le vieux n’avait pas bougé. Il semblait presque... absent. Pas endormi, mais suspendu quelque part entre le corps et l’instant.
CAINE non plus ne disait rien. Et c’était inhabituel.
D’ordinaire, elle commentait tout : micro-variations de température, lecture de pression, évaluation biométrique. Là, elle semblait... absorbée. Ou étouffée.
Takuya resta assis en tailleur au centre du cercle, tentant d’observer sans chercher à comprendre. Mais son esprit, formé à la logique, au calcul, au besoin de structurer, luttait. Il voulait décortiquer le vide. Trouver les bords. Identifier les leviers.
Mais le cercle... ne donnait rien.
Et pourtant, quelque chose avait changé.
Ce n’était pas visuel. Ni sonore. Mais il y avait une présence dans le vide. Un poids léger, constant, mais différent. Comme si l’air dans lequel il baignait n’était plus le même que celui qui régnait à l’extérieur de cette ligne tracée à la craie.
Il bougea à peine sa main droite, juste de quelques centimètres. Un frisson le traversa.
Là, juste là, à l’instant précis où ses doigts frôlèrent la limite du cercle, il sentit une résistance. Faible. Comme la pression d’un tissu invisible. Ou d’une brise qui souffle à l’envers.
Il retira lentement sa main.
— Intéressant, murmura-t-il sans s’en rendre compte.
CAINE se réactiva soudainement dans son esprit, sa voix mentale plus calme qu’à l’habitude.
« Fluctuation détectée. Anomalie de pression localisée autour du sujet. Analyse en cours. »
Takuya ferma les yeux, concentra sa respiration. Il se força à ne plus penser. À seulement être là. À écouter ce qui n’émettait aucun son.
Et ce fut là qu’il le ressentit.
Une densité.
Ce n’était pas l’air. Ce n’était pas du mana brut. C’était comme un second espace, superposé à celui qu’il connaissait. Un espace qui ne touchait rien, mais influait sur tout.
Un espace entre les choses.
Le cercle n’était pas une barrière.
C’était un point d’ancrage pour son propre flux interne.
Pas un sort. Pas un pouvoir.
Un repère.
Son souffle devint plus lent. Moins régulier. Il avait cessé de chercher. Il avait commencé à... percevoir.
CAINE prit de nouveau la parole, plus lentement :
« Activité cérébrale altérée. Tension musculaire réduite. Hypothèse : stabilisation du champ personnel. Suggestion : poursuivre l’exercice. »
Il eut un léger rictus.
— Tu ne sais pas non plus ce que c’est, hein...
Mais c’était la vérité. Même CAINE, malgré toutes ses analyses, ne pouvait pas définir ce qu’il ressentait. Parce que ce n’était pas de l’ordre du connu.
Ce n’était ni mathématique, ni algorithmique.
C’était ressenti.
Présence.
Pression.
Vide.
Une sensation nouvelle, terriblement dérangeante pour quelqu’un comme lui.
Et pourtant, étrangement... apaisante.
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Il ne savait plus depuis combien de temps il était assis.
Une heure ? Deux ? Plus ?
Son dos le tiraillait. Ses jambes picotaient. Son souffle était stable, mais son esprit… lui, n’en pouvait plus. La sensation étrange du cercle était toujours là, comme une présence silencieuse qui ne se manifestait que par l’ombre de ce qu’elle empêchait.
Et ça commençait à l’exaspérer.
— Rien ne change, murmura-t-il, plus pour lui-même que pour CAINE.
La voix synthétique répondit, douce et froide :
« Aucun flux évolutif détecté depuis huit minutes. Analyse du champ statique toujours en cours. Fluctuation intérieure faible. »
Takuya soupira.
Il en avait assez.
Assez de ce vide sans fin, assez du silence du vieux, assez de ce sentiment d’être observé sans jamais être guidé. Il n’avait pas besoin de métaphores ni d’illusions mystiques. Il avait besoin de comprendre. De manipuler. De créer.
C’était comme ça qu’il avait toujours appris. En expérimentant. En calculant. Pas en attendant une révélation divine qui ne venait pas.
Il se leva.
Un mouvement simple. Naturel.
Mais à l’instant où il posa le pied hors du cercle, quelque chose céda.
Ce ne fut ni un bruit, ni une lumière, ni un choc. Juste… une rupture. Comme si une tension que son corps avait inconsciemment intégrée venait de se briser. Un petit battement se propagea dans la pièce. Ténu. Mais réel.
CAINE s’activa immédiatement :
« Effondrement énergétique localisé. Source : rupture volontaire du champ statique. Anomalie de structure souple effondrée. Analyse : probable formation instinctive de confinement passif. »
Takuya cligna des yeux.
— Quoi ?
— Tu viens de le tuer, dit une voix derrière lui.
Le vieux s’était levé. Il ne semblait pas en colère. Seulement... intrigué. Amusé, peut-être.
— De tuer quoi ?
— Ce que t’avais créé. Le cercle. Il avait commencé à te répondre. À te contenir. Et toi, tu l’as brisé avant d’écouter jusqu’au bout.
Il s’approcha, lentement. Ses pas résonnaient faiblement sur le sol lisse.
— Et ça, c’est parfait.
Takuya fronça les sourcils.
— Parfait ?
— Parce que maintenant, t’as la preuve qu’il y avait quelque chose. Tu l’as détruit, et t’as senti que ça existait.
Il tapota du doigt le sol à l’endroit exact où le cercle s’interrompait.
— Ce n’est pas une illusion. Tu n’as rien gravé, rien récité, rien projeté. Et pourtant, y’avait une pression là-dedans. Tu l’as faite toi-même.
Takuya ouvrit la bouche. La referma. Il tourna la tête vers CAINE.
— Tu confirmes ?
« Émergence d’un champ énergétique faible d’origine interne détectée avant rupture. Aucun codage structurel connu. Aucune formule magique référencée. Hypothèse : manifestation instinctive de confinement magique brut. »
Il avait créé une barrière.
Sans le savoir.
Sans le vouloir.
Sans même le comprendre.
Il aurait dû être fasciné. Excité. Il ne ressentait que du doute.
— C’était pas logique, murmura-t-il. Ce n’était pas une construction mentale. Ce n’était pas… moi.
— Justement, dit le vieux. C’était toi sans ton filtre. Et c’est ce toi-là que je veux voir travailler.
Il s’éloigna sans rien ajouter. Ramassa une craie, la lança vers Takuya.
— Demain, tu reviens. Et tu essaieras de le refaire. Mais cette fois, tu ne le briseras pas. Tu l’écouteras.
Il s’enfonça dans l’ombre de la pièce, son pas traînant. Sa voix s’éleva une dernière fois, sans qu’il ne se retourne.
— Tu ne comprends pas ce que t’as fait ? Parfait. C’est là que tu vas vraiment commencer à apprendre.
Takuya resta debout, les doigts serrés autour de la craie.
Il avait créé quelque chose qu’il ne comprenait pas.
Et pour la première fois depuis longtemps… il accepta cette idée.
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La porte s’était refermée derrière lui.
Takuya marchait lentement dans les ruelles, la craie dans la main droite, sans même s’en rendre compte. Elle laissait une trace pâle sur sa paume moite, comme un rappel du cercle qu’il avait brisé. Il aurait pu aller rejoindre Rek et Sheol, se poser, dormir, manger. Mais il ne le fit pas. Pas tout de suite.
Il s’enfonça dans une ruelle adjacente, déserte, et s’assit sur une caisse abandonnée, dos contre un mur froid.
Il ne pensait pas. Pas encore.
Il écoutait.
Pas le monde autour. Lui-même.
La sensation de plus tôt... elle n’était pas partie. Même en-dehors du cercle, il y avait encore en lui un écho, une mémoire tactile, comme si son corps se souvenait de l’oppression douce, de la densité invisible qui l’enveloppait dans le vide.
CAINE rompit le silence.
« Tension neuronale réduite. Fréquence cardiaque stabilisée. Persistance d’un champ énergétique intérieur instable. »
Il ne répondit pas.
Sa main glissa dans sa poche. Il en sortit un petit morceau de tissu — la relique d’un bandage qu’il avait utilisé il y a des semaines. Il le déplia, le fixa. Une matière banale. Usée. Sans pouvoir.
Mais il se demanda : et si ce n’était pas l’objet qui comptait ? Et si c’était l’intention ?
Takuya ferma les yeux.
Il se souvenait de son ancien monde, de son laboratoire. De ses outils, de ses formules, de la beauté des structures qu’il concevait. Il n’avait jamais cru à l’irrationnel. Tout avait un sens. Tout devait être prévisible.
Mais ici… rien ne l’était.
Et pourtant, pour la première fois, il avait fait quelque chose. De réel. De tangible.
Sans formule.
Sans code.
Sans contrôle.
Il avait ressenti. Et ça avait suffi.
Il rouvrit les yeux.
— C’est pas que je comprends rien, murmura-t-il. C’est que je dois apprendre à écouter autrement.
CAINE répondit :
« Formulation validée. Proposition : entraînement de perception brute. Activation des sens secondaires recommandée. »
Il hocha la tête.
Pas comme un ordre. Mais comme un accord.
Il ne ferait pas les choses à la manière du vieux. Pas exactement. Mais il allait trouver une façon de faire dialoguer sa logique avec son instinct.
Il se releva, rangea la craie dans sa veste, et reprit la route.
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Retour au bâtiment – fin de journée
Le vieux était là. Encore. Toujours.
Assis, le dos courbé, les mains croisées.
Il ne dit rien quand Takuya entra.
Mais il tapota le sol à côté de lui.
Takuya s’approcha. Il s’assit.
Pas dans le cercle, cette fois. Juste à côté.
Un peu plus près. Un peu plus... présent.
Le vieux parla sans le regarder.
— Ce que tu ressens là, c’est pas une leçon. C’est toi. C’est ce que ton mana cherche à faire quand tu le laisses tranquille.
— Il ne veut pas obéir, dit Takuya avec un léger sourire.
— Non. Il veut se poser. Se répandre. C’est un fluide, pas un laser. Tu veux tirer droit. Lui, il veut toucher tout.
Takuya prit une inspiration lente.
Il était encore loin de savoir. Mais il commençait à apprendre ce qu’il devait désapprendre.
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Tôt le matin, il franchit le seuil du bâtiment sans attendre que le vieux l’interpelle.
Le silence était identique. Le vide, fidèle. Même la poussière sur le sol semblait n’avoir pas bougé.
Mais quelque chose avait changé.
Lui.
Takuya s’avança jusqu’au centre de la salle. Le cercle de la veille avait été effacé. Peut-être volontairement. Peut-être non. Il n’en traça pas un nouveau. Pas tout de suite.
Il s’agenouilla.
Ferma les yeux.
Et attendit.
CAINE s’activa dans son esprit.
« Environnement stable. Tension cérébrale basse. Préparation à l’analyse sensorielle... »
— Non, coupa-t-il doucement.
Un silence.
— Cette fois, laisse-moi faire. Seul.
CAINE se mit en veille semi-active, ne commentant plus rien. Comme une présence silencieuse dans le fond de son esprit, mais sans voix.
Takuya inspira longuement.
Il ne pensait pas. Il ressentait.
Le sol était tiède. Pas naturellement, mais par résidu de mana. Ou peut-être juste par friction de présences. Ses mains posées à plat lui renvoyaient un retour d’ondes très léger, presque un picotement.
Il écouta son souffle.
Puis ses épaules.
Puis son ventre.
Puis sa colonne.
Et là, il sentit quelque chose.
Une chaleur fine. Pas comme la température. Comme un fil qui montait lentement le long de sa nuque, jusqu’à la base du crâne. Elle n’était pas brûlante. Elle n’était pas menaçante.
Elle était... curieuse.
Comme si son propre mana tentait de remonter vers son esprit.
Il n’essaya pas de le contrôler.
Il l’accompagna.
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Des images surgirent.
Pas comme des souvenirs. Plutôt comme des échos.
Une salle blanche. Des murs. Des tableaux remplis d’équations. Lui, plus jeune, debout, face à un collègue qui le pointait du doigt.
— Tu refuses de laisser une place au ressenti, Takuya. Tu veux que tout soit vérifiable. Reproductible. Quantifiable.
— Et tu préfères quoi ? Les intuitions fumeuses ? Les “je le sens comme ça” ?
— Je préfère ce que je peux apprendre sans l’anesthésier avec la logique.
Le dialogue était resté. À l’époque, il l’avait rejeté.
Aujourd’hui… il comprenait.
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Le fil chaud dans sa nuque se stabilisait.
Il ne le dirigeait pas. Il ne le forçait pas. Il le laissait exister. Et ça suffisait pour qu’il prenne forme.
Takuya rouvrit lentement les yeux.
Pas de lumière étrange. Pas de cercle brillant.
Mais l’air semblait plus dense autour de lui. Comme si un champ invisible s’était installé, souple, imperceptible, mais tangible.
Il sortit la craie. Sans réfléchir, il traça une ligne simple au sol. Pas un symbole. Juste un point. Un petit repère. À l’endroit exact où il avait senti que “quelque chose” circulait.
Puis il se releva. Se tint debout dans ce champ fragile, et ferma les yeux à nouveau.
CAINE reprit la parole, comme un murmure.
« Tension énergétique intérieure stabilisée. Fréquence respiratoire : synchronisée avec le champ. Aucune interférence détectée. »
Takuya répondit dans un souffle :
— Ce n’est pas toi qui vas m’apprendre ça, hein.
« Négatif. »
— Alors écoute avec moi.
« Reçu. »
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Quand il sortit du bâtiment, une heure plus tard, il n’avait ni barrière, ni résultat.
Mais il avait quelque chose de plus rare encore : une connexion.
Un début de lien avec ce qu’il ne comprenait pas encore.
Et il n’avait plus peur de ne pas le comprendre.
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Le sol était froid, plus que la veille. Ou peut-être était-ce lui qui changeait.
Son corps semblait plus sensible. À l’air. À l’espace. À la présence invisible qui habitait ce lieu.
Le vieux n’était pas là.
Ou, plus sûrement, il observait sans intervenir, comme à son habitude.
Takuya s’agenouilla, sans mot. Il sortit un petit morceau de craie. Pas pour reproduire exactement le cercle. Pas pour suivre un modèle. Juste… poser une forme qui lui semblait juste.
Il traça un demi-cercle, arrondi, imparfait. Puis un autre en miroir. Deux arcs face à face. Il ne savait pas pourquoi. Mais ses doigts, eux, semblaient savoir.
Il se posa au centre.
CAINE resta silencieuse, comme en veille respectueuse.
Il ferma les yeux.
Et laissa monter ce qu’il avait senti la veille.
Pas une force.
Pas une forme.
Un fil intérieur, à peine perceptible. Une lueur dans sa colonne vertébrale, qui se diffusait, s’étendait, s’équilibrait sans direction.
Il n’essaya pas de la contenir.
Il écouta.
Le temps se dissout.
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Puis… le fil vibra.
D’abord subtilement.
Puis avec de la profondeur.
Takuya sentit une chaleur interne monter. Elle se répandit dans son ventre, puis son thorax, puis ses épaules. Ce n’était pas du feu. C’était dense, lourd, vivant.
Il ouvrit les yeux à moitié.
L’air autour de lui avait changé. Il vibrait, tremblait même, par vagues invisibles.
Une goutte de sueur glissa sur sa tempe. Elle tomba au sol. Et là, au contact de la craie… la lueur naquit.
Une pulsation.
Faible. Bleutée. Irrégulière.
Puis…
Explosion sourde.
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Un souffle court, puissant, jaillit du sol sous lui.
Takuya fut projeté en arrière, les bras écartés. Il roula sur le flanc, amortit la chute. Sa respiration se coupa net, comme si un poing invisible venait de le frapper en plein plexus.
Il resta là, une seconde. Deux. Essoufflé. Les yeux fixant le plafond.
CAINE s’activa brutalement.
« Rupture énergétique soudaine. Source : accumulation interne incontrôlée. Analyse : barrière réactive de type “saturation” – instable. Intensité : moyenne. Résidu de mana actif détecté au sol. »
Takuya se redressa, tremblant.
Là où il s’était assis, la pierre était noircie, craquelée en son centre. La craie avait explosé. Une fine fissure traversait le sol, comme si quelque chose avait jailli de l’intérieur.
Il ne comprenait pas.
Mais
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