L’atmosphère se déchira dans un bruit sec, comme un tissu qu’on arrache du monde. Le portail se referma brusquement derrière eux, ne laissant qu’un miroitement trouble flotter dans l’air, aussitôt englouti par la brume noire du marécage. Takuya heurta le sol le premier, les coudes en avant, sa lance glissant quelques mètres plus loin dans l’eau stagnante. L’impact lui arracha un souffle court, les poumons déjà en feu.

Rek roula sur le côté, s’immobilisant dans une posture de garde, ses yeux jaunes cherchant déjà des menaces dans l’obscurité. Sheol tomba maladroitement, émettant un petit gémissement alors qu’il se redressait sur les genoux, le souffle rauque. L’environnement les frappait de plein fouet : une humidité poisseuse, à la limite du supportable, une noirceur épaisse, presque tangible, et une odeur acide de putréfaction. L’air semblait vibrer de mana résiduelles, comme si le marécage était lui-même une plaie ouverte dans la chair de la Tour.

Takuya se redressa avec peine, le regard flou. Il ne comprenait pas encore où ils avaient atterri. Ses membres tremblaient, le portail leur avait arraché plus qu’il n’aurait cru. Ses oreilles bourdonnaient encore quand une voix froide et mécanique résonna doucement dans son esprit.

« Analyse complétée. Transfert terminé. Niveau de compatibilité énergétique : instable. »

Une onde subtile remonta le long de sa nuque. Quelque chose en lui vibrait, quelque chose qu’il ne reconnaissait pas. Il vacilla, puis retrouva son équilibre en posant la main sur un rocher suintant de mousse fongique. Les autres ne parlaient pas. Ils étaient encore trop abasourdis pour briser le silence.

Rek se rapprocha en premier, la dague en main, marchant dans l’eau trouble avec la souplesse d’un fauve. Ses yeux croisèrent ceux de Takuya. Pas de peur, juste l’attente silencieuse d’un ordre, d’un plan. Takuya hocha la tête, posant le genou à terre.

« Rapport », murmura-t-il.

CAINE réagit aussitôt. « Détection environnementale en cours. Biome : marécage corrompu. Concentration de spores : élevée. Taux de mana ambiant : instable. Présence de formes de vie : confirmée. Niveau de menace : modéré à élevé. »

Une carte mentale s'afficha dans la conscience de Takuya. Un cercle pulsait autour de lui, marquant une portée de cinquante mètres. Plusieurs points gris s’allumaient lentement. Aucun ne brillait d’une couleur hostile, mais cela pouvait changer à tout instant. La nouvelle fonction — Cartographie Tactique Prioritaire — fonctionnait. CAINE était passé à un autre niveau.

Takuya fronça les sourcils. Il sentait un décalage, comme si son corps et son esprit étaient désynchros. Sa peau picotait, et une lueur verte résiduelle semblait danser sur ses avant-bras. Elle s’évanouit dès qu’il tenta de la fixer. Il avait encore du mana à l’intérieur, mais il était trouble, instable.

Sheol avanca lentement, trainant son bouclier déséquilibrément grand pour lui. Son souffle était court, mais son regard restait concentré.

« Je crois... que j’ai mal au ventre », dit-il faiblement. « Le portail m’a retourné de l’intérieur. »

Takuya hocha la tête. Lui aussi avait l’impression que ses organes n’étaient plus à leur place. Il ferma les yeux et respira lentement. CAINE ajusta automatiquement son rythme cardiaque, abaissant les pics de stress.

Ils étaient dans un environnement totalement hostile. Pas un bruit d’oiseau, pas un souffle de vent. Juste des remous discrets dans l’eau noire, comme si des choses invisibles glissaient sous la surface.

« Priorité », murmura-t-il. « Se regrouper. Trouver un abri. Soigner. Scanner. »

Il récupéra sa lance d’un geste lent, testant l’état de ses muscles. Ils répondaient mal, trop tendus. La douleur était diffuse, mais supportable. Le corps encaisserait. C'était l’esprit qui luttait.

Rek indiqua un couloir naturel formé par les racines d’un arbre gigantesque. Le passage semblait ménager un tunnel sinueux, peut-être assez sec pour y dormir. Takuya acquiesça. Le trio s’y engagea lentement, le bouclier de Sheol couvrant l’arrière. CAINE généra un radar passif, une brume de perception magique tournant lentement autour d’eux.

Le silence les était étouffant. Le sol était mou, chaque pas enfonçait le pied jusqu’à la cheville. Une dizaine de minutes passèrent sans attaque. Le tunnel débouchait sur une sorte de grotte naturelle, mi-pierre, mi-matière organique. Des spores fluorescents tachaient les murs. Pas d’ennemis sur la carte.

Takuya s’adossa au mur, les bras pendant. Il n’avait plus la force de commander. CAINE prit le relais : affichage des constantes vitales, estimation de mana, déclenchement de micro-récupération active. Le système gérait mieux son corps qu’il ne le faisait lui-même.

Il observa ses compagnons. Rek s’était accroupi, les yeux fixés sur l’entrée. Il ne parlait pas. Il n’avait jamais parlé pour remplir le vide. Sheol s’était assis en tailleur, les mains posées sur son ventre, respirant lentement. Le chiot avait changé. Il était moins tremblant, plus ancré.

Takuya se sentit étranger à lui-même. Quelque chose en lui bougeait. Une chaleur à peine perceptible, entre les côtes. Comme une pulsation lente. Il n’osa pas poser la main. Il n’osa pas demander à CAINE ce que c'était. Pas tout de suite.

Il se laissa glisser jusqu'au sol, en appui contre la paroi. Sa vision se brouilla un instant. Puis revint. Puis se brouilla encore. CAINE n’envoya pas d’alerte. Il tenait le choc.

« Statut », murmura Takuya.

« Vitalité : 46 %. Mana : 38 %. Endurance : 19 %. Déshydratation légère. Stress interne : élevé. »

Il soupira. Bienvenue au deuxième étage.

Et ce n’était que le début.

Un frémissement parcourut la base de son crâne. Ce n’était pas une douleur, ni même une pression, mais une vibration pure, comme un accord désaccordé qui aurait trouvé soudain sa juste fréquence. Takuya cligna des yeux. L’humidité ambiante semblait s’être épaissie, les parois de la grotte palpitaient doucement, presque au rythme de sa respiration. Puis tout se figea.

Un voile blanc recouvrit sa vision. Pas la cécité — une lumière interne, éblouissante, silencieuse, dense. CAINE ne parla pas immédiatement. Il y eut d’abord une montée de chaleur dans sa colonne vertébrale, puis des symboles apparurent dans son champ mental : des runes qu’il n’avait jamais apprises, tournant sur elles-mêmes, se croisant, se superposant en couches successives.

Une voix enfin se déclencha, plus rapide, plus lisse, comme épurée de tout relief humain :

> « Absorption d’énergie magique détectée. Niveau d’exposition : instable. Répartition de la surcharge énergétique : 13 % absorbée par le noyau porteur, 87 % redirigée vers l’interface CAINE. »

« Mise à jour du système : CAINE – Niveau 3. »


Takuya voulut répondre mais sa gorge ne produisit aucun son. Son corps entier était figé. Pas paralysé, simplement absent. Son esprit seul flottait dans l’espace interne que CAINE utilisait pour les synchronisations profondes. Les symboles continuaient à défiler, mais au lieu de se contenter d’observer, il avait l’étrange sensation que son propre esprit les analysait en parallèle, comme si une partie de lui était… co-auteur de la mise à jour.

> « Intégration d’énergie non identifiée confirmée. Protocoles actifs :

1. Cartographie Tactique Prioritaire

2. Scan Dynamique des Flux Magiques

3. Analyse Contextuelle Prédictive

4. Journal d’Anomalies Biologiques internes

5. Renforcement de la synchronisation Mana-Lien avec entités liées »




Tout cela défila sans pause, et malgré la surcharge d’informations, Takuya ne ressentait ni peur ni rejet. C’était comme si son corps l’acceptait… non, comme si quelque chose d’autre que lui acceptait à sa place. Il sentit sa conscience revenir lentement à lui, le blanc se dissipant en un voile gris translucide. Il ouvrit les yeux.

Le plafond de la grotte était couvert de mousses blafardes. Des spores flottaient dans l’air, en suspension. Il avait perdu la notion du temps. Combien de secondes ou de minutes avait duré cette transe technologique ? À ses côtés, Rek ne l’avait pas quitté du regard. Il ne posait aucune question, mais sa main crispée sur la poignée de sa dague révélait une tension profonde. Sheol, quant à lui, semblait en méditation, ou simplement en repos forcé, assis les jambes croisées contre le mur, les paupières à moitié closes.

CAINE reprit, mais avec une voix légèrement différente : plus synthétique, plus froide, comme si la mise à jour avait purgé les imperfections de la modulation.

> « Synchronisation porteur-système rétablie. Le système est désormais compatible avec les flux instables de l’environnement actuel. Intégration complète en cours. Aucune anomalie cognitive majeure. »


Takuya n’en dit rien. Pas tout de suite. Il savait qu’un tel changement ne pouvait pas être une simple "amélioration technique". Il porta la main à sa poitrine. Quelque chose battait. Ce n’était pas son cœur — ou pas uniquement. Il le sentait, logé quelque part entre ses côtes inférieures, un rythme secondaire, indépendant mais coordonné. Il hésita à poser la question à CAINE. Il n’était pas prêt à entendre la réponse.

Sa vision se modifia alors brusquement. Dans un coin de son champ de perception, un cercle translucide apparut, légèrement en retrait, comme un radar mental. Des points lumineux y pulsaient doucement. CAINE expliqua :

> « Module Cartographique activé. Portée : cinquante mètres. Filtrage automatique : seules les entités considérées comme inférieures au porteur sont affichées. »


Sept points. Dispersés autour de la grotte, mouvants, faibles. De petites créatures ? Des animaux ? Rien d’agressif. Aucun d’eux n’était en approche directe.

> « Statut : observation. Niveau de menace : négligeable. Réévaluation en cours toutes les cinq secondes. »


Takuya passa la main devant ses yeux. La carte mentale suivait ses mouvements, comme une extension de ses pensées. Il pouvait la faire pivoter, la contracter, la développer légèrement. Le monde autour de lui devenait plus lisible. Plus contrôlable. Et pourtant, une partie de lui avait peur de cette clarté nouvelle.

Une autre voix — la sienne, peut-être — chuchota dans sa tête :

> Tu n’es plus censé voir autant. Tu n’étais pas construit pour ça.


Il ignora cette pensée.

Rek finit par s’approcher. Il tendit une petite gourde à Takuya, qui l’accepta d’un hochement de tête. L’eau avait un goût de métal, mais elle suffisait à soulager sa gorge sèche. Aucun mot ne fut échangé. Ce silence n’était pas gênant. C’était leur langage commun.

Sheol remua légèrement. Il avait ouvert les yeux, ses pupilles fixées sur Takuya avec une inquiétude mal dissimulée.

— Tu vas bien ?

Takuya hésita à répondre. Il se contenta de murmurer :

— CAINE a évolué.

Rek et Sheol ne demandèrent pas plus. Ils savaient que l’IA de Takuya fonctionnait selon des logiques trop complexes pour être expliquées simplement. Mais ils avaient entendu la nuance dans sa voix. Ce n’était pas de la joie. Ni du soulagement. Plutôt… un mélange de surprise et de prudence.

Une analyse discrète s’afficha devant lui. Il la lut en silence.

> Journal Interne – Entrée #91
Anomalie biologique stabilisée.
Objet identifié : organe secondaire – 1,03 cm
Fonction : modulation du flux magique interne
Statut : actif (passif – état de veille)
Alertes transmises au porteur : non
Suggestion système : surveillance renforcée, pas d'intervention immédiate.


Takuya sentit son souffle se bloquer une seconde. Il détourna les yeux. Il n'avait jamais donné l’ordre de créer cet organe. Et pourtant, il était là. Et CAINE ne le considérait pas comme une menace… pas encore.

> Je suis en train de changer. Ce n’est plus juste une adaptation. C’est une réécriture.


Il ferma les yeux. À l’extérieur de la grotte, un frémissement parcourut la vase. L’un des points sur la carte recula de quelques mètres. Rien d’anormal. Juste une créature qui avait perçu le mana du groupe et préféré s’éloigner.

Il rouvrit les paupières, scruta ses mains à la lueur verte des spores. Des veines sombres pulsaient doucement sous la peau. Rien d’alarmant. Pas encore. Il soupira, posa la tête contre la pierre, et murmura simplement :

— CAINE, veille sur eux cette nuit.

> « Affirmatif. »

La nuit tomba. Ou peut-être était-elle déjà là depuis le début. Dans ce monde sans ciel, le jour n’avait pas sa place. Seule l’attente. Et l’évolution.

Takuya se releva lentement, les muscles encore engourdis. L’air du marécage était lourd, saturé d’humidité et de mana résiduels. Chaque mouvement semblait plus pesant, comme si le monde lui-même voulait les retenir ici. Les spores en suspension dans la grotte collaient à sa peau, formant une pâtine moite sur ses bras. Il cligna des yeux, dérouté par la lenteur de ses réflexes. CAINE nota immédiatement : « Coordination motrice diminuée de 23 %. Cause principale : surcharge résiduelle. Effets secondaires de la réintégration neuronale en cours. »

Il inspira longuement, focalisant son attention sur la carte mentale. Les sept points faibles repérés plus tôt avaient bougé. Deux s’étaient éloignés, mais trois s’étaient rapprochés. Lentement. Pas encore menaçants, mais curieux. Trop curieux. Takuya resserra sa prise sur sa lance.

Rek s'était levé, sans un mot, dague en main, regard fixé sur le tunnel d’entrée. Il avait remarqué les mêmes mouvements. CAINE confirma : « Comportement d’approche lent. Déplacement à demi-submergé. Taille estimée : 0,6 mètres. »

Takuya fit un signe discret. Formation triangle. Sheol hocha la tête et se mit en position, bouclier levé. Il tremblait un peu, mais garda son calme. Son souffle était stable. CAINE émit une lueur bleutée sur la carte : un repère d’ancrage énergétique. Takuya comprit que le système était prêt à déployer une barrière tactique à son signal.

Les premiers remous apparurent. Trois formes sortirent de l’eau, leurs dos luisant d’une pellicule visqueuse. Des créatures marécageuses, quadrupèdes, entre le rat et le crapaud. Pas très grandes, mais rapides, les muscles noueux sous la peau translucide. Leur mana était faible, mais instable. L’une bondit sans attendre. Rek fut le premier à réagir.

Il pivota sur le côté, esquivant d’un pas sec, puis planta sa dague dans le flanc de la bête. Le cri fut bref, étouffé. La créature s’affaissa, morte sur le coup. Sheol bloqua l’assaut de la deuxième, répliquant par un coup de bouclier. L’impact envoya la chose contre la paroi, son échine brisée.

Takuya déploya une sphère de paralysie devant lui, près du sol. La troisième créature la traversa sans la voir. Immédiatement, ses muscles se raidirent. Elle trembla, puis tomba sur le côté, immobile. CAINE afficha : « Succès du piège énergétique. Temps d’activation : 0,9 sec. Durée de paralysie : 14 sec. »

Le combat avait duré moins de trente secondes. Takuya s’approcha lentement du dernier corps, le regard rivé sur ses mouvements saccadés. Il se pencha et plongea deux doigts dans une poche de peau translucide. Une essence gluante s’écoula. Il en préleva un échantillon.

« CAINE, analyse ? »

« Fluide mana-corrosif. Faible toxicité. Propriétés alchimiques : catalyseur de stabilisation potentiel. Utilisation théorique : composant d’équilibrage pour sphères instables. »

Takuya sourit faiblement. Même ici, dans cette vase fétide, le savoir avait sa place. Il regarda Rek et Sheol. Ils n’étaient pas blessés. Le groupe avait réagi vite, proprement. La formation avait tenu. La carte mentale avait prévenu. Les sphères avaient répondu.

Il n’était pas seul. Il n'était plus seul depuis longtemps.

« Repos. Quinze minutes. Surveillance alternée. »

Rek hocha la tête et s’assit à côté de l’entrée, la dague posée sur les genoux. Sheol se remit en tailleur, ferma les yeux et se concentra sur sa respiration. Takuya prit place au centre. Il laissa CAINE lancer le protocole de micro-récupération.

Le système analysa leurs constantes vitales, puis activa un schéma de régénération passive, utilisant les faibles flux de mana ambiants pour nourrir leurs noyaux internes. Une pulsation douce, presque imperceptible, enveloppa le groupe.

Et dans cette bulle invisible, entre les racines d’un arbre mort, au creux d’une grotte suintante, ils respirèrent. Ensemble. Vivants.

Mais l’ombre du changement, elle, continuait de battre dans la poitrine de Takuya. Une pulsation étrangère. Vivante.

Le silence était revenu, épais comme une chape de boue. Seule la respiration calme de Sheol et les battements réguliers de Rek rompaient cette torpeur pesante. Takuya, lui, n'arrivait pas à fermer les yeux. Chaque pulsation de son cœur semblait légèrement décalée, comme si une deuxième cadence s'était ajoutée en lui, plus lente, plus profonde… plus étrangère.

Il leva sa main devant ses yeux, l'observa attentivement. Rien d’anormal en surface, mais sous la peau, il sentait une tension ténue, une pression intérieure comme une poche d’énergie contenue. Il n'avait pas besoin de demander à CAINE. Il connaissait déjà la réponse : ce n'était pas lui. Ce n'était plus seulement lui.

Il détourna les yeux vers Rek. Le gobelin était immobile, droit, le regard perçant toujours fixé sur l'entrée du tunnel. Il était prêt à bondir, même dans le repos. Sa loyauté n’avait jamais fléchi, mais elle portait désormais un poids nouveau : celui de la peur. Pas de l’extérieur. De l’intérieur.

Sheol, de son côté, semblait paisible, mais Takuya savait qu’il s’exerçait à maintenir sa respiration régulière. Il l’avait vu trembler, légèrement, après le dernier affrontement. Pas de fatigue, non — une forme de pression émotionnelle. Il se voulait utile, digne, mais le poids du bouclier était lourd à porter, plus mental que physique.

Takuya ouvrit un canal silencieux.

> « CAINE, donne-moi les constantes de Sheol. »


La réponse fut immédiate.

> « Taux de tension musculaire : élevé. Fréquence cardiaque : stabilisée par respiration volontaire. Concentration mentale : active. »

« Conclusion : Sheol tente de masquer une angoisse latente. »


Il soupira. Ils tenaient le coup, mais à quel prix ? Le marécage, les mutations, les ennemis en approche, la pression constante… Rien ne leur laisserait de répit. Il devait leur offrir une structure. Un objectif.

— Demain, dit-il doucement, nous bougerons.

Sheol entrouvrit les yeux. Rek tourna légèrement la tête, sans parler.

— Rester trop longtemps ici augmente les risques. Ce marécage ne nous cache pas éternellement. CAINE confirme une densité énergétique fluctuante. Si une faction quelconque utilise des sondes magiques, on sera repérés.

CAINE confirma par une projection mentale : une carte en trois dimensions du secteur immédiat. Des fluctuations de mana apparaissaient sous forme de vagues bleutées dans la vase. Des nœuds instables parsemaient la zone. Comme des balises mortes, prêtes à résonner à nouveau.

Takuya indiqua trois directions potentielles :

1. Un couloir naturel en contrebas, partiellement effondré — risqué mais discret.

2. Une clairière vaseuse, exposée — rapide, mais vulnérable.

3. Un recoin rocheux noyé dans la brume, partiellement cartographié par CAINE — inconnu.


Il laissa la décision au groupe. Rek pointa sans hésiter la troisième option. Sheol acquiesça lentement, après un regard vers Takuya. Le chef de leur meute n’était plus seul à choisir. Et cela, Takuya le respectait.

— On partira à l’aube. Si la notion d’aube existe ici, ajouta-t-il en regardant le ciel noir au-dessus de la grotte.

Mais alors qu’il voulait se relever, une douleur le saisit à l’intérieur. Pas comme une crampe. Plus profond. CAINE intervint immédiatement.

> « Fluctuation énergétique détectée dans l’organe secondaire. Activation passive. Cause : résonance environnementale. »

« Tentative de stabilisation… échouée. »


Takuya serra les dents. Il sentit la douleur s’étendre, lente mais implacable, comme si une excroissance invisible s’étirait dans sa cage thoracique. Il tomba à genoux, un genou au sol, l’autre main crispée sur sa poitrine.

Rek bondit, Sheol accourut, mais Takuya les arrêta d’un geste.

— Ce