P’tite pute !
Pat lui fit un sourire de requin affamé qui ne laissait rien augurer de bon et commença son show :
- Weeeesh ! Alors, la bigleuse, on r’garde pas ou on va ? Cette phrase fit bêtement rire ses copains.
- S’cuse-moi, j’ai pas fait attention. Je regrette, lui répondit Alice en pensant que c’était de sa faute.
Elle voulut le contourner et continuer d’avancer avec l’espoir que ça s’arrêterait là, mais il n’allait pas la laisser s’en sortir aussi facilement. D’un coup de poing, il lui fit gicler son livre des mains.
- J’espère bien que tu regrettes, p’tite pute !
Son regard dément était mauvais. L’estomac d’Alice se resserra encore plus et semblait vouloir remonter dans sa gorge. D’un coup, Pat lui arracha le sac à main qu’elle portait à son épaule.
- Tu veux bien me rendre mon sac, s’il te plaît ? lui demanda-t-elle en essayant de faire en sorte que sa peur ne s’entende pas trop. Mais j’ai bien l’impression que c’est raté, pensa-t-elle
- Bien sûûûr, dit-il d’un ton mielleux, mais attends, j’dois juste vérifier un truc avant !
Il plongea la main dedans et farfouilla. Il ressortit une serviette hygiénique. Ce n’était pas la première fois qu’il pratiquait ce type d’exercice d’emmerdeur et il savait qu’il y en avait toujours dans le sac d’une fille. Si ce n’était pas pour elle, c’était pour dépanner une copine. Pat aurait préféré dégoter un tampon, il aurait trouvé ça plus marrant, mais bon… Il brandit l’objet comme si c’était un trophée.
- Merde alors, poursuivit-il en se tournant vers sa bande de décérébrés, vous avez vu les mecs, la p’tite pute à ses ragnagnas ! Elle va pas rapporter grand-chose aujourd’hui, c’est con ! Ha, ha, ha !
Tous se marrèrent. Alice regarda autour d’elle dans l’espoir de trouver de l’aide. Il y avait du monde qui passait dans le couloir et tous ceux qui étaient témoins de la scène se doutaient qu’Alice était en mauvaise posture. Mais personne ne semblait vouloir s’arrêter pour l’aider à s’en sortir avec Pat la terreur. Elle vit beaucoup de regard baissé genre : « Désolé, c’est pas mon problème, bonne chance ! » En réalité elle espérait voir son amie Jade. Si seulement elle pouvait passer par là, pensa-t-elle, elle saurait s’occuper de cette équipe de merdaillons. Pour Alice, l’équipe d’emmerdeurs qui lui tombait dessus n’étaient pas des « enculés de sa race » ou une sacré bande de « fils de putes » mais des « merdaillons ». Alice n’était pas vulgaire et pensait que tout le monde étaient foncièrement bons, les méchants avaient seulement besoin d’aide, c’est tout. A son plus grand désespoir, elle ne vit pas Jade et Pat continua son cirque :
- A moins qu’elle suce, la p’tite pute. Ça rapporte la pipe ! Dit-il encore à sa bande de nazes hilares.
Puis il se retourna à nouveau vers elle avec son regard démoniaque, il ne souriait plus :
- Tu suces, p’tite pute ?
Cela fit encore plus rire tout le monde. Alice ne répondit pas.
- Je t’ai posé une question, p’tite pute, dit-il dans un sifflement rageur en se penchant pour rapprocher son visage de celui d’Alice.
Il planta ses yeux de dément dans les siens. Elle ne put s’empêcher de baisser le regard. Elle crût qu’elle n’allait pas pouvoir retenir son estomac à l’intérieur de son corps.
- Je répète lentement pour que tu comprennes bien et t’as intérêt à répondre : est-ce que tu suces, p’tite pute ?
Elle ne dit rien. La sonnette des cours à retenti. Alice vit le visage de Pat changer d’un coup, comme s’il revenait d’un autre monde (de l’enfer, se dit-elle) et qu’il retrouvait avec surprise la réalité. Il me donne l’impression de se demander ce qu’il fait là, supposa Alice, ce type est complétement cinglé. Qu’est-ce qu’il a bien pu vivre de si dur pour en être arrivé là ? Sans s’en rendre compte, Alice lui cherchait une excuse pour justifier son attitude. Elle était comme ça Alice : dans son monde merveilleux… Pat se redressa.
- Tu as de la chance, p’tite pute, dit-il en pointant son index sur elle, (il serrait toujours la serviette hygiénique qu’il jeta) mais on va se r’voir et j’te rposr’ai la question, t’auras intérêt à répondre ! P’têtre même que j’t’obligerai à m’faire une petite démonstration, p’tite pute !
Il secoua le sac pour éparpiller son contenu parterre et le lança vide à la figure d’Alice. Puis la fine équipe se barra. Alors qu’ils s’éloignaient, elle entendit un de la bande dire en riant :
- Haha, Pat, t’es vraiment un sacré fils de pute !
- Ouais, mec, à donf ! A répondu Pat et ils se sont fait un tchek.
Alice s’est baissée, a ramassé son livre et ses affaires en tremblant et a continué son chemin… Elle a été s’enfermer dans les toilettes et a pleuré. Elle lâchait la pression. Elle ne comprendra jamais les mecs, pas possible d’être aussi cons ! Sauf Erwan, pensa-t-elle entre deux sanglots, lui saurait me consoler en trouvant les bons mots, il trouve toujours les bons mots…
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