Âme trop belle d'aimer sereine

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Cet imbécile m'a demandé de le suivre et j'ai accepté.

Quelle conne. Et je ne peux qu'aimer me flageller à l'idée, tellement lui, était si innocemment crétin que ma responsabilité était flagrante quoiqu'elle ne m'apparut qu'au moment où justement, elle s'éteignait. Mais passons.

Il y avait avec l'idiot de cette personne, un accompagnement sûr et certain. Ce n'était pas de l'assurance, ni de la certitude, pour autant. Emanait pourtant de lui ce sentiment de sûreté certainement indubitable...

Mais passons. Car indéniablement le flambant débile ne m'apparaissait aucunement de la sorte, et encore moins du fait qu'il avait un signe distinctif des gens modérés que j'aime à admirer. Je ne le citerai pas ici ou pas maintenant. Et pourtant.

Indéniablement raté dans un essai pathétique de correspondre à une réalité qui l'avait dépassé, il s'incarnait de manière si distordue qu'aucune description ne pourrait en rendre compte. On me conseillerait alors de raconter les faits, tels quels, voire après d'en caricaturer des illustrations. Mais ce qui le définit le plus est ce qui, justement, ne peut s'incarner. C'est pourquoi il est là lorsqu'on ne le cherche pas, et qu'on découvre cet état de fait bien après le début de l'aventure.

Edmond l'arrogant abruti, emphasé par son égo et de tous les trous de son aura.

Je l'ai suivi parce que je n'avais pas le choix.

Il me fallait un guide dans le coin délirant des Jardinières Espacielles. Vous en avez sûrement entendu parler dans les légendes. Ces lopins de terres flottantes, perdues dans une galaxie je ne sais plus où. Les végétations luxuriantes, vous savez. Les cascades plongeant dans le vide, rebondissant d'on ne sait-où dans des lacs éternels, et les falaises abruptes sans dessus dessous en spirales dignes des plus grand déconstructivistes architectes... L'univers fait bien les choses, tout de même !

Et il se trouvait sur mon passage, bref, j'ai sautée sur l'occasion.

Edmond est un être purement sensible, et il ne s'est pas douté un seul instant que ma mission personnelle l'inciterait à emprunter des chemins dont il n'avait pas l'habitude neserait-ce que d'imaginer exister.

Il est fin, mais en dehors de la réalité. Son petit monde aux dimensions que lui seul connait, il le parcourt et celui-ci s'évapore de lui. On peut observer les effluves fumés sortir de ses matérialités pour se poser délicatement sur notre oeil, indéniablement capté par son désir d'être caché.

Je ne me demanderai pas quel histoire le vit se développer jusqu'à lors.

Mais il est exceptionnel parce qu'il n'a pas regardé mes cheveux rouges ondulant jusqu'à mes cuissardes armées. Non, de prime abord, il a craint le pistolaser accroché à ma ceinture de titane. J'ai compris que comme moi, il n'aimait pas les armes. Et j'ai compris qu'il ne comprendrait probablement jamais que nous sommes pareils sur ce point.

Hélas j'ai besoin de ce petit gadget, et d'autres.

Lorsque je lui ai mis le grapin dessus, Edmond a juste dit, en fin de contrat :

- Et une visite guidée dans le parc des Violaceae pour madame !

Il aurait pu me questionner, mais il ne l'a pas fait. Je crois que c'était autant par pudeur que par timidité. Comme s'il craignait quelque chose en moi qu'il s'efforçait de ne pas considérer pour me laisser libre de m'embarquer avec lui.

Et puis au final, je ne lui en demandais pas plus.

En fait, c'est lui qui m'a surprise. Edmond, cette seule personne de l'univers à être aussi détachée de tout ce qui l'entoure. Tellement bien dans sa bulle.

Quelque part, je l'envie.

Mais il est inconscient des réalités.

Je n'ai pas cette chance.

Lorsque j'ai appris que je n'avais qu'une vie, celle-ci a changée radicalement. Et si toute cette histoire mériterait d'être racontée, je crois qu'une autre prévaudrait à l'initiative de votre lecture. Je ne sais pas, c'est moi qui écrit. Car aujourd'hui je n'ai plus que ça. En haut de la Tour, je suis à jamais statufiée. La stase éternelle me ramènera parmi vous, mais je ne suis plus.

On s'est retrouvés au statioport, évidemment.

Son portaljet local avait l'air optimal pour le slalom entre les îles. Du moins je me figurais que n'importe quelle qualité de guidage m'aurait convenue tant qu'elle semblait accointante avec le milieu car développée dans cet environnement spécifique.

Les yeux d'Edmond l'humain reflétaient les solariums.

Il m'a demandé mon nom et j'ai répondu que pour lui ce serait Fleur, ou n'importe quelle autre passion nominative. Il s'est décontenancé un instant, et j'ai senti cette vague que je provoque maintenant, dans le temps.

Vinci : un ; Moi : zéro.

A cet instant, je me dis que le plan dimensionnel ne souffre pas du tissage qu'il lui aurait été normal de penser. Les limbes en fonction d'une irraison. Ne sont ces images que chez les sages. Et je folle. Un instant.

J'ai prévenu Edmond : une tête un peu trop brûlée pour être approchée. C'est moi, c'est un problème. Et on s'en fout. Voilà ce qui définirait 'nous'. Pour moi.

Ses bronchements auraient connectés dans mes sphères, une acceptation que je remettrai plus tard en quetion ; mais le temps fait son action.

Pourquoi les Jardinières Espacielles ?

Une source sure m'aurait dévoilé l'emplacement d'un Légendaire. Un artefact métaphysique singulier. Un éclat noir. Je me dois d'aller voir.

Un imbécile comme Edmond, il n'y en a pas beaucoup. De plus, il est très aléatoire de tomber dessus. Rarement on les reconnait, d'ailleurs. Et je n'étais pas sure. Mais j'ai eus confiance, peut-être un peu parce que je pensais qu'en quelques jours l'histoire serait pliée avec lui. C'était donc sans compter sur l'imprévue des échelles et des dimensions. Sainte métaphysique, soit jusqu'à la conclusion.

Donc, on monte dans le portaljet, et il démarre. Un souvenir comme un autre, qui résonne dans le temps aplati.

La pondération de mon attention, à ce moment-là, est tout-à-fait singulière. On y tourne autour d'un centre, car c'est comme quelque chose de plurimodal... je me comprends pas vous. Mais vous êtes là, pas moi.

Perdue dans les dimensions, je ne suis pas sûr d'être moi-même. J'ai monté ce plan à l'envers, depuis la stase, peut-être pour exister. Il me fallait des métaphysiques appliquées, et je les ai invoquées. L'éclat noir n'avait pas de nom, car chaque fragment de l'extra est unique et si mystérieux qu'il faut parfois des armées de mages pour en déceler les rouages.

Or de mage, je ne suis qu'une et une seule, et peut-être n'y a-t-il autre ambition similaire dans tout l'univers.

Edmond l'humain et ses mains sur le guidon d'un engin un peu bidon mais au grain folichon...

Il m'explique l'écologie.

- Alors, t'affoles pas madame. Le portaljet utilise les champs gravitationnels pour se déplacer. On est en chut libre perpétuelle, augmentée par l'usage des portals. Tu vas vite comprendre mais ça peut être déroutant : on fonce jusqu'au plus près du sol, et on distord l'extra pour faire un jump dans la réalité. Quelques centaines de mètres parcourus par électrisation de la matrice, enfin je vais pas vous expliquer la métaphysique, j'y connais rien...

J'acquiesse. Personne n'y connait rien.

- En principe, on rebondit contre les lopins.

- Oui ?

- Oui.

Je m'imagine des arcs et des gravités, des mesures d'angles et de moments cinétiques. Le ressort bondit et nous décollons du spatioport en direction d'un des lopins relais. Et effectivement. Alors qu'il nous attire, je sens que nous chutons vers lui. Le sol approche vers le haut, et de plus en plus vite.

J'ai l'habitude des courses d'astéroïde, mais les lopins...

Alors que nous allons nous écraser sur le mastodonthe de terre volante... il enclenche le bump. Nous scotchons la réalité à elle même, et le paysage change. Face aux étoiles, l'atmosphère défilant de son orbite, nous somme au-delà de l'atraction, avec une inertie pilotée par les soins d'Edmond l'humain. Nous sphérons. Et moi d'admirer le tremplin de lopins. Oui, il faut plusieurs lopins organisés spatialement et par tailles, afin de permettre à tout un système de trafic de portaljets de décoller du spatioport efficacement et se diffuser par tourisme dans les Jardinières. Tout a été aménagé par l'universion, et on peut dorénavant fluidifier ce qu'on veut.

Ce qu'il y a de dangereux avec le méta et l'extra, c'est qu'il n'y a pas d'interdit. Juste des labyrinthes innaccessibles. On ne tombe pas par hasard sur l'éclat noir des Jardinières. Sauf si on s'appelle Edmond.

Je l'ai embarqué pour qu'il m'embarque.

Et son petit nez fin n'a rien senti venir. Moi non plus.

- Une visite guidée serait probablement plus appropriée si elle s'en trouvait orientée par les formules spontanées de madame. N'hésitez pas à vous manifester. Mais pour commencer, je suggère non pas le grand attrait à curieux que constitue le musée du spatioport, ni vraiment les spots astéroidaux de la galerie du souvenir. On ne saurait vraiment se plaire avec moi dans les champs de carottes perçantes... les fleuracines, c'est pourtant renversant. Non, ici, pour explorer la gravité et se faire à l'atmosphère des Jardinières, je crois qu'il vaut mieux en profiter depuis l'espace. Cela peut paraître contre nature de n'accoster aucune destination, mais c'est ainsi qu'on peut avoir assez de recul pour apprécier globalement, tout du moins tant que nous restons dans les accès convenus du parc. Après, lorsque nous aurons dévalé les modalités de la réalité présente et entrevu ses moyens d'interaction, nous serons aptes à découvrir d'autres merveilles que beaucoup cherchent sans trouver, ou même ignorent en passant pas vraiment à côté...

Ses mots d'enfant roi.

D'un lopin à l'autre, nous rebondissons comme sur une piste de bosses. Gigantesques. Et puis de téléport nos rebondissons à nouveau. Jusqu'à ce que le continent soit éloigné. Nous évoluons d'iles en iles.

Mes yeux à moi se posent sur les végétalités. J'aime. Qu'elles fusent au delà d'un ciel en bulle.

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