Je suis en train de penser que je ne lui ai jamais dit ce fameux mot magique.

Je crois que je n'ose pas, malgré que je sache et sente qu'elle est vraiment bien avec moi.

Mais être bien, reposant, gentil, calme et aimant, réclame t'il de prononcer ou d'écrire, certaines choses dangereuses ?

J'ai une devise depuis des lustres, ‘ les maux des mots ‘, elle connaît cette phrase, parce que si nous n'échangeons pas et ne discutons tous les jours, elle sait que j'ai peur de toutes mauvaises interprétations.

Il est souvent arrivé que certains de nos brefs messages nous tiennent en haleine pendant de longues minutes.

Des choses mal comprises, une mauvaise orthographe ou une frappe trop rapide pouvait changer un sens.

Combien de fois avons-nous dû relire nos écrits envoyés précipitamment, et sur divers sites où nous correspondons, parce que de son côté, il y a quand même un énorme souci.

Le souci se nomme Monsieur, et habite à demeure.

Chacun a son téléphone bien sur, chacun son ordinateur, mais à force de se côtoyer, de vivre ensemble mais séparés, on connaît les mots de passe de l'autre ou on laisse l'outil allumé.

Cela l'oblige à effacer au fur et à mesure nos échanges, que ce soit aussi bien sur Facebook, son portable que sur diverses plates formes de discussions.

Elle perd donc en plus, non pas le fil, mais les échanges précédents, et un incident est si vite arrivé.

Ils vivent sous le même toit, mais ce n'est pas une raison pour afficher ses humeurs à la vue de tous, les petits secrets restent personnels.

Les paroles s'envolent, mais les écrits restent, sauf pour elle.

Donc ça devient très compliqué quelquefois de discuter ensemble aussi bien que face à face.

Je lui ai répété des centaines de fois que je tiens énormément à elle, c'est vrai que je ne me souviens pas vraiment qu'elle m'ait dit la même chose, ou alors sous une autre forme.

Par contre, mon téléphone et ses écrits répètent très souvent, qu'elle n'avait jamais pensé ni voulu s'attacher à quelqu'un, le mot chéri, et j'en suis certain, c'est elle qui l'a prononcé en premier, ainsi que le mot aimer.

J'en suis tout retourné quand je le lis la première fois, j'ai dû demander confirmation.

Toutes sortes de mots doux circulaient entre nous, mais un certain, trop utilisé à mon goût, jamais de ma part.

Je ne sais pas ce qu'elle en pense, nous n'en avons jamais discuté, mais je suis sûr que j'ai peur de ce qui se passerait si je le prononce, j'ai peur de casser quelque chose de fragile entre nous.

J'ouvre mes bras à chaque fois qu'elle arrive, et des flots de tendresse nous envahissent, nul besoin de paroles.

Je sais que son cœur penche vers moi, mais est-il prêt à se donner ?

Le mien, j'en suis certain elle en a déjà usage, mais le sien, y ai je accès pleinement ?

Que de paroles et de mots non dits.

Trop contents d'être ensemble, mais si ténu est le lien qui nous lie, alors je ne veux pas risquer de lui dire que je l'aime, à supposer bien sûr que je comprenne également ce mot si souvent dilué de nos jours.

Je me souviens d'un jour, où elle a encore dû se prendre de discussion avec Monsieur, ce qui la met dans tous ses états comme à l'habitude.

__ Je vais le mettre à poil, s'il continue à me prendre pour sa bonne. Il ne m'aide jamais, et quand il le fait, c'est pour tout casser.

Rien ne marche chez nous, il ne s'occupe de rien, toutes nos discussions deviennent des affrontements.

De toute façon je suis déjà allé voir un avocat, je ne sais pas comment il l'a su, j'ai l'impression qu'il me surveille, je me sens suivie quelquefois.

C'est ainsi que j'apprends certaines choses supplémentaires de sa vie qui me paraît de plus en plus compliquée, alors si elle doit en plus gérer une relation cachée à la vue de tous, je ne peux qu'avancer sur une pente savonneuse.

Elle ne peut pas affronter toutes ses vies, il doit y avoir une nuée de choses qui s'affrontent dans sa tête.

Je suis certain qu'elle n'est pas prête à devenir autonome, et une certaine phrase qu'elle me dit ce jour-là très en colère contre lui et ses incapacités :

__ Si je le quitte, il va le sentir passer, et je ne suis pas prête à m'encombrer d'un mec pour recommencer ce genre de choses.

Là, j'ai tilté.

Elle ne voit rien sur mon visage. Son manque de tact et ses paroles à l'emporte pièce m'ont habitué à pas mal de choses auparavant, mais je dois dire que je commence à me sentir mal.

Des mots prononcés sous le coup de la colère ou un avertissement ?

Je préfère ne rien dire, mais cette phrase me restera coincée en permanence quelque part.

Je ne veux pas être la cause de sa séparation, ses décisions doivent être de son seul fait.

Je ne lui ai jamais rien proposé, parce que j'ai peur de moi.

Je ne suis pas intimement persuadé qu'elle quittera tout pour moi, il y avait encore certaines zones d'ombre de ses pensées qui me gênaient.

À la question qu'elle me pose un jour :

__ Qu'as-tu à m'offrir pour que je puisse te suivre ?

Je ne lui avais strictement rien demandé.

Je réponds, sans trop m'avancer :

__ Je ne peux rien te dire, je suis juste une étincelle. Fais la paix dans ta vie avant tout, range tout ce fatras que tu as dans la tête.

Et tout s'arrête là.

Un monde de non dits quelquefois nous sépare, je suis lâche sans doute, mais parce que je sens un manque de courage de sa part, ou une soif de choses que je ne sais lui offrir. Mais quoi exactement, je n'arrive pas à tout saisir.

Elle se plaint à qui veut l'entendre, en général des amis ou connaissances intimes, du manque d'amour qu'elle a toujours subi.

Elle explique ainsi, de manière détournée, ce que je crois comprendre, pourquoi nous sommes ensemble.

Je pense être avec elle, elle le démontre à qui nous côtoie, mais je sens un petit quelque chose qui me semble illusion.

La plupart de nos amis savent qu'elle est mariée, mais elle me donne l'impression de jouer une pièce de théâtre.

Le mari, la femme et l'amant, le vaudeville de Guitry, me donne un bon exemple de distribution des rôles, et c'est elle qui gère la mise en scène.

Une pièce qu'il faut avoir lu, pour comprendre l'acidité et le piment des vertus supposées de chacun.

J'ai eu certaines compagnes auparavant, des mois ou des années durant, mais toutes étaient libres et indépendantes, et là, je vivais dans l'inconnu avec une personne déjà mariée.

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