J'ai revu Florence, dans un supermarché, tard dans la soirée.

Je suis tombé en panne de mes alcools favoris, mon épicier était fermé.

Je n'ai jamais répondu à ses appels depuis une certaine nuit et je n'avais pas envie qu'elle me tisse des louanges de son amie, ou me demande des explications.

Je voulais conserver intact, le souvenir de ma sorcière, si ingénue et si menteuse, si aérienne mais séduisante, si franche et si gaffeuse, évanescente mais éternelle.

Je la voulais vivante de son humanité pleine de défauts.

Elle est accompagnée d'un garçon qui pousse le chariot des courses.

C'est son compagnon, me dit elle.

Elle me dit avoir beaucoup réfléchi, sans que l'on évoque directement un sujet qui planait.

Elle me dit qu'un grand amour pouvait durer aussi bien, quelques heures que quelques années, mais qu'il était à prendre sans conditions ni restrictions, malgré les écueils.

Elle croit aussi en de multiples vies, mais elle est dans celle-ci, et de nous avoir vu, lui a donné l'envie de vivre et d’être aimée en retour.

Elle m'a embrassé, m'a remercié de je ne sais quoi, et elle est partie.

Il fait tôt ce matin, j'ai écrit quatre lettres.

J'ai voulu faire pompeux, ce sera mon sourire de la fin.

Pour mon avocat :

Maître,

Je suis très honoré que vous m'ayez accompagné quelque temps, pour ou contre mon gré.

J'ai tenté tout le long de mon cheminement de vous expliquer la dimension de mon geste.

Je n'ai jamais vraiment su si vous m'aviez compris, vous vouliez me défendre, je voulais la défendre.

Vous m'avez relaté, dans un ancien travail, de votre compassion pour la misère humaine.

Puisse cela vous aider, ou tout au moins comprendre, qu'il n'y a pas que des faits, décrits dans les manuels.

Je suis persuadé, mais je suis mauvais juge, que vous ferez carrière, dans de futures affaires.

Et je lui relate avec force détails, toutes ces petites choses, justement parce que ce ne sont que des détails qu'on oublie de citer.

Ma chute, et mon accroc avec un peu de sang, mon pantalon griffé, et le grillage tordu.

Pour le défenseur de Monsieur :

Maître,

Je vous ai relaté plus d'une fois ma vision, de la chose et des faits, qui pouvaient vous aider à clore cette affaire.

J'ai compris que jamais, vous n'avez vraiment cru.

Vous cherchiez un témoin, mais ça je le comprends, qui ferait tous comprendre, le geste de Monsieur.

Et je relate avec force détails, toutes ces petites choses, justement parce que ce ne sont que des détails qu'on oublie de citer.

Ma chute, et mon accroc avec un peu de sang, mon pantalon griffé, et le grillage tordu.

Pour Monsieur :

Monsieur,

Que vous ne m'aimez pas, cela je le comprends.

Vous avez disséqué, recopié et scanné, mes photos et mon nom, cela je le comprends.

Vous cherchiez la raison, en me photocopiant, de son envie de paix, et ça je le comprends.

Vous me chargiez des maux, du détour de madame, et de sa légèreté, cela je le comprends.

Vous vous êtes reposé, sur des biens matériels, et sur des habitudes, cela je le comprends.

Que vous en disposiez, ça je ne comprends pas.

Vous n'avez jamais lu, tout son besoin d'amour, ses appels au secours, ça je ne comprends pas.

Vous n'avez jamais su, ses envies de douceur, autres que ménagers, ça je ne comprends pas.

Vous n'avez jamais cru, la laissant s'échapper, vous teniez le collier, ça je ne comprends pas.

Vous n'avez jamais pu, assis dans un fauteuil, lui montrer au dehors, ça je ne comprends pas.

Vous n'aviez pas sa vie, vous n'aurez pas sa mort.

Pour toutes ces raisons, je vais vous condamner à être un innocent.

Et je relate avec force détails, toutes ces petites choses, justement parce que ce ne sont que des détails qu'on oublie de citer.

Ma chute, et mon accroc avec un peu de sang, mon pantalon griffé, et le grillage tordu.