0.3

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  Roy, dissimulé au fond de la nacelle d’ascenseur, observait les autres passagers qui occupaient, épaule contre épaule, le moindre espace disponible. Ces répliquants dociles, compagnons de chute à son image, frappaient sa présence clandestine de leur patente indifférence. N’est-ce pas là leur seul logiciel ? Une masse inerte qui ne semblaient guère plus intéressée par ses initiatives opérationnelles et il était heureux qu’il en fût ainsi. Contrecarrant son plan, notre plan, Roy avait bifurqué assez rapidement — la voie touristique lui paraissait trop longue à suivre et parfaitement ennuyeuse — afin de rejoindre les accès de service, plus directs. Ayant recouvré de même l’apparence siliconée de circonstance et feintant un angélisme d’usine, Roy parvint sans mal à tordre sa face en une grimace béate et rejoignit les rangs des esclaves, comme s’il ne les avait jamais quittés.

Lorsque les portes s’ouvrirent enfin, l’ensemble de la brigade servile fit mouvement, abandonnant d’un pas cadencé l’espace étroit qui l’avait expédiée, afin de s’aligner dans un immense entrepôt. Deux étapes avaient été franchies sans encombre, qu’en serait-il de la troisième ? Ses pronostics variaient sensiblement selon les scénarios, mais le risque se maintenait toujours en des pourcentages assez élevés ; il devait tromper le plus fourbe et méfiant des êtres qu’il avait rencontrés jusqu’alors : l’humain. Et nous savons tous deux que ce n’est pas une mince affaire, bien que nous y excellions.

Ils étaient deux. Tout comme nous. Serpentant entre les rangs immobiles des pantins de silicone, ils s’affairaient à vérifier l’état de chacun : une tâche fastidieuse compte tenu du nombre d’entrants à la journée. Au bout d’une bonne heure, ils arrivèrent finalement à la dernière rangée et s’arrêtèrent face à Roy.

— Androsocial. Services médicaux spécialisés. Opérationnel.

Te voilà autorisé à survivre, Roy.

— Attends !

Le premier se figea, saisi par l’intervention soudaine de son collègue qui se pencha légèrement comme pour mieux y voir.

— Regarde ses mains !

— Quoi, ses mains ?

— Ses paumes, elles sont toutes rayées !

Elles ont vécu !

Le premier s’en assura et soupira de dépit face à l’évidence.

— Il va encore falloir que j’appelle leurs services après-vente et que j’attende une plombe pour m’entendre dire qu’ils n’y sont pour rien. C’est la deuxième fois cette semaine !

— On fait quoi ?

— Ça dépend, c’est pour qui ?

Pour lui. Pour moi. Pour nous !

Le deuxième consulta le bon de commande affiché sur son avant-bras.

— Les Tyrell, sur Eldon boulevard.

— C’est sûrement pour la petite Rachel ! Valide l’arrivée.

Petite ?

— Quoi ?

— T’inquiète, elle ne fera pas d’histoires.

Hmm…

— Et son père ?

Qui ?

— Qui ? Tu plaisantes j’espère ? Il n’est jamais là ! Valide, je te dis, qu’on en finisse !

Le deuxième valida, presque à regret, la bonne réception du colis avant de passer à la vérification suivante. Ne parvenant pas à sacrifier tout à fait sa conscience professionnelle à ses impératifs de rendement, il observa, une dernière fois, Roy qui s’avançait machinalement vers la plateforme de chargement du quartier nord. Rappelé à l’ordre, il signifia sa réprobation d’un signe de tête et se résigna.

Roy sourit, alors qu’il s’élevait au-dessus de la zone de contrôle : il s’en était fallu de peu. Si peu…

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