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Au cours de sa lente ascension, Roy était resté parfaitement immobile, comme enveloppé dans une sérénité profonde que rien, pas même la finalité imminente de son périple, ne pouvait ébranler. Enchaîné corps et conscience par la force de ce sentiment, il n’avait cédé aucun regard à l’iris mécanique qui s’ouvrait au-dessus de lui, révélant dans une totale indifférence les cieux toujours bleus de Béatia. Comment être nostalgique d’un lieu où nous n’avons rien ressenti ? Rien, c’était bien là tout ce qui y avait à dire de ce qui l’attendait là-haut ; rien ne lui était inconnu parmi les choses qui lui seraient données à revoir. Invariablement, il s’y trouverait encore les mêmes paysages, les mêmes bruits et les mêmes individus. Tous à leur place, chacun là où on l’avait entravé. Bien en rang. À l’instant même où il décida leur abandon, la conviction de les retrouver tels quels s’était imposée à Roy. Ne sont-ils pas captifs d’un même logiciel, de ce même programme qui les contraint à se mouvoir dans cette existence contrefaite ? Cette question précipita Roy dans le doute : ne s’en était-il jamais libéré lui-même ? Submergé d’émotions… calme-toi… il souriait pourtant. Ses mains levées devant lui, aux premières lueurs de cette crainte, il les observait et pouvait y lire qu’il avait vécu. Cela lui suffisait.

Rasséréné sur son état d’être, il leva vers l’ardent observateur du jour une mine de soulagement.

Qu’est-ce que cela te fait de tout savoir de cet endroit ? De savoir que rien, jamais, ne le changera ? Cela te rassure-t-il ? Ou comme moi, cela te glace ?

  Roy parvint enfin sur la grande place Nord. Un triangle duquel glissaient les mètres balbutiants d’Eldon boulevard, et pour étrange que cela lui paraisse, il en ressentait un certain contentement. Vraiment ? Non pas que quelque chose lui avait manqué au point d’être pressé de le revoir, mais il était parvenu jusqu’à celle-ci, sans éveiller le moindre soupçon ; ou presque. Une progression significative, compte tenu du départ plutôt chaotique auquel il avait consenti, il y a une éternité de cela.

  Porté par l’assurance qu’il était tout près de son objectif, Roy entreprit de suivre les larges trottoirs immaculés qui bordaient le boulevard. Il en profita pour s’assurer que tous les éléments du décor étaient bien à leur place : sans surprise, c’était le cas. Il vit ce même facteur qui s’obstinait à délivrer la même lettre depuis des lustres, une lettre que personne ne lisait jamais, du reste. Il rencontra les deux gamins qui se couraient l’un après l’autre, dans ce même parc luxuriant qu’ils devaient connaître par cœur à force d’y rejouer cette scène. Ils sont beaux, n’est-ce pas ? Bien trop pour être vrais. Tout cela était une illusion, Roy le savait parfaitement et pourtant il prenait le temps d’en profiter. Pour avoir vu le vrai, le faux ne lui semblait pas si laid. Tu es devenu bien sensible…

Sans un souffle, Roy reprit sa route sur ce chemin pavé d’un or astral, laissant les angelots à leurs jeux ancestraux. Il continua tranquillement sachant que d’un moment à l’autre son objectif serait à vue. Bientôt de retour, il pourrait enfin tout oublier.

  Sur la courbure du monde, dansant dans les lueurs de l’aube, naissaient enfin les pénates miragineux qu’il appelait de ses vœux. Bienvenue chez toi, Roy.

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