Le voyage 3
Une fois arrivés à Guayaquil, leur premier réflexe fut de se mettre en quête d’un abri. Au bord de l’eau, ils trouvèrent une jolie petite maison verte, au milieu de cette explosion de couleurs. Elle semblait vide, alors ils s’y installèrent. Le coucher de soleil était un délice pour les yeux. Il descendait sur les collines remplies de superbes plantes et, par-ci par-là, de belles maisons colorées habillaient l’horizon. Ils ne resteraient malheureusement pas plus que deux jours, juste le temps au bateau de se ravitailler en carburant et autre matériel de survie. Les deux jeunes tourtereaux se déplacèrent sur la plage et se posèrent dans un coin. Le spectacle était magnifique. Ils se rapprochèrent et s’embrassèrent avec passion face au soleil qui déclinait à l’horizon.
Le duo aurait bien voulu vivre ici, mais c’était impossible, les gens étaient tout aussi pauvres, même davantage. Deux jours plus tard, ils durent repartir. L’objectif était toujours le même, arriver à Los Angeles. Mais, pour l’instant, le Costa Rica était plus à portée de main. Ils embarquèrent avec la capitaine et un autre couple direction Punteras. Après avoir enroulé la corde de sécurité et dit adieu à leur famille, le quatuor de migrants mit les voiles et le cap sur le Costa Rica. Durant le voyage, ils firent connaissance avec l’autre couple. Une très bonne ambiance régnait sur le bateau. Le soir, Fatooh alla dans la chambre et se mit à pleurer en repensant à sa famille qu’elle avait perdue. Des larmes chaudes coulaient sur ses joues. Lorsqu’elle entendit des pas s’approcher de la porte, elle les essuya d’un revers de la main en se maudissant d’être aussi sensible. Elle vit entrer Fahid. Il faisait sombre dans la pièce mais il remarqua ses larmes qui luisaient dans la lumière tamisée et s’assit à côté d’elle.
“Fatooh...”, murmura-t-il en prenant son visage dans ses mains. Elle se blottit contre lui et il la serra dans ses bras alors qu’elle se remettait à pleurer, rassurée par la chaleur de son corps contre le sien. Elle leva la tête et vit un sourire se dessiner sur sa bouche. C’était un sourire doux qui la tranquillisait tandis qu’elle approchait son visage du sien. Elle ferma les yeux et, lorsqu’elle les ouvrit, leurs bouches se touchèrent et ils s’embrassèrent. Elle jeta un coup d’œil par la fenêtre et vit la légère brise qui soufflait sur l’océan, tandis que le coucher du soleil caressait l’horizon. Au fond de la mer des méduses dansaient. Une vague éclaboussa la fenêtre et le bateau tangua de gauche à droite. Malgré la fraîcheur du soir, elle sentit une vague de chaleur l’envelopper quand la main de Fahid se posa sur sa joue.
Le lendemain, le bateau accosta au port de Punteras. Ils descendirent du navire et se dirigèrent vers une auberge en attendant le prochain départ. Ils avaient toute la journée devant eux car le bateau devait partir le soir, et ils en profitèrent pour aller se promener à la lisière de la jungle. L’air était lourd car, dans la jungle, le climat est toujours humide et chaud. La végétation était étouffante mais magnifique. On pouvait entendre le chant des oiseaux et même voir d’énormes serpents tigres. La lumière était filtrée par les arbres d’où pendaient des lianes et des orchidées. Ils entendirent s’envoler du haut d’un arbre un ara d’un rouge éclatant, suivit de près par un toucan. Fatooh observait, émerveillée cette beauté, lorsqu’un gros papillon bleu comme la nuit un jour de pleine lune vint se poser sur sa main. Elle laissa échapper un petit rire d’enchantement et Fahid sourit de toutes ses dents en la voyant rire ainsi. Après une longue promenade dans cette merveilleuse jungle, ils durent retourner au bateau qui allait partir l’heure suivante.
Le départ se passa sans difficulté, trois nouveaux voyageurs avaient embarqué avec eux. Trois médecins. C'était leur dernier trajet en bateau. Ils suivirent la côte jusqu’au Guatemala, puis c’était l’heure de la grande traversée. La nuit, contrairement à la journée, il faisait très froid à bord du bateau, alors les deux tourtereaux se tenaient chaud en dormant collés l’un contre l’autre. Durant leur voyage, Fatooh tomba malade. Elle alla voir l’un des trois médecins, le Dr Johan Claudes, pour s’assurer que ce n’était rien de grave et, en effet, ce n’était qu’un mal passager. Le docteur était adorable et Fatooh était même contente de devoir venir lui rendre visite au moins quatre fois par jour pour vérifier si son état n’empirait pas. Elle se remit rapidement et retrouva très vite son enthousiasme et son optimisme habituels. Après deux semaines de trajet, ils accostèrent à Acapulco.
Arrivés à destination, ils prirent congé des autres membres du convoi mais, tandis qu’ils faisaient mine de partir, le Dr Johan Claudes attrapa Fatooh par le bras et lui annonça :
- Tu es enceinte. Enceinte de deux enfants... Des jumeaux.
- Mais... enfin... Joan... de quoi est-ce que tu me parles ? balbutia Fatooh.
- Lorsque tu es venue me voir pour la première fois dans mon cabinet, j’ai pressenti que tu étais enceinte. D’où tes maux de tête et de ventre.
- Pourquoi ne me l’as-tu pas dit plus tôt ?!
- Je n’étais pas sûr que tes enfants vivraient car les embryons n’étaient pas encore formés, mais je suis maintenant obligé de te le dire, se justifia-t-il.
Fatooh ne réagissait pas devant le silence de Fahid. Ils ne se parlèrent plus durant une bonne minute, mais ils devaient maintenant partir, alors ils prirent leurs biens et se mirent en route d’Acapulco vers la frontière entre le Mexique et les États-Unis.
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