Sortie hasardeuse (12 aout 2024)
Pourquoi étais-je sorti du bureau ? Au soleil qui m’avait transpercé la couenne j’avais compris mon erreur. Pourtant j’avais persévéré dedans, la différence entre l’entêtement et la bêtise s’avérant aussi ténu que l’épaisseur d’une feuille de PQ (quand bien même elle serait triple). En fait, j’avais envie de savoir où me guideraient mes pas. Vers quel lieu dépaysant. Une esplanade aride encerclée par des bus kamikazes, une rue bordée d’arbres et donc tapissée d’ombres, un tunnel pisseux niché sous un boulevard autoroutier, des HLM à perte de vue, la balance penchait plutôt vers le déprimant. Puis tout à coup un cimetière. Sur mon chemin, un corbeau en train de dévorer le cadavre d’un rat. Welcome. Chaleur suffocante. Une partie de la colonne vertébrale émerge du corps du rongeur, frêle, incomplète. Interrompu dans son festin, le charognard attend à distance que je m’éloigne. L’ombre est rare ici. Je m’allonge d’abord sur l’herbe près de l’entrée perméable au grondement sourd de la circulation. Relai d’insectes sur ma peau qui perturbent ma détente. Je me lève, contrarié. Mon studio et ma trottinette électrique pour un banc ! Le premier est squatté par un gars qui s’est mis le bide à l’air. Mes yeux croisent son nombril, indifférent. Lecture des dates des pierres tombales comme s’il s’agissait d’indicateurs permettant d’estimer sa propre espérance de vie. Création d’un podium fictif sur lequel trônent les individus morts à un âge canonique. Classement par catégorie homme femme, en individuel ou par famille. Arrivée dans un espèce de rond-point boisé. Alternance de bavardages et de rires. Assis sur un banc, leurs auteurs cassent la croûte. Je me couche sur le seul encore potable, pas trop exposé au soleil, sans trop de merdes de pigeon et hors du champ de vision de ces employés du ministère de l’intérieur. Devant mes yeux, l’entrelac des branches noyé dans la multitude éclatante des feuilles.
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