II.

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 L’eau est chaude. Bien plus qu’à la maison, un pur régal. J’en oublierais presque de prendre pied sur la terre ferme. J’entame une brasse boiteuse (si, c’est possible !) et vient m’écraser sur cette plage de paradis.

 Les crabes ont déserté la plage. Pas vraiment surprenant, vu la horde qui leur a foncé dessus. Je prends de grosses poignées de sable dans mes mains, apprécie la douceur du grain qui s’écoule entre mes doigts, jette un œil aux gars.

 Comme des gosses, ils se jettent de la poudre à la gueule, s’en fourrent dans les caleçons, éclatent de rire et se roulent comme des chiens par terre.

 Peut-être une heure durant, on profite de la sensation d’un sol ferme, solide sur ses appuis. Puis revient le grondement des estomacs.

 Zesar le premier – il a bien repris du poil de la bête –, propose d’aller choper quelques fruits au sommet des palmiers. Ni une ni deux, Xan et Yorick retournent sur l’Aurkikuntza, récupèrent cordages, bottes à crans et gros sacs de toiles, et entassent le tout sur un petit roc.

 Petit reste de son ostracisme, c’est Zesar lui-même qui est désigné à l'unanimité pour grimper sur un palmier aux fruits violacés, ronds comme de jolies brioches sorties du four ou…

“Comme les mamelons d’Ainoa !” s’écrie Eneko.

 Il a de la chance qu’aucun duc ne soit assez fou pour le suivre jusqu’ici. J’avoue que la comparaison, en plus d’être assez juste, m’arrache un petit rire.

 Aussitôt équipé, Zesar envoie clipser son fixeur un peu en-dessous des fruits, teste la résistance, et, sans être tout à fait en confiance, commence son ascension. Niché au sommet, un oiseau d’un genre inconnu, plumes couleur de braise, file à travers le brouillard, non sans lâcher ce qui sonne comme une flopée de jurons.

“S’il y a des œufs, mon gars, tu descends pas sans les ramener !” lance Aitor.

 Tonnerre d’applaudissements.

“Ma parole, vous êtes fêlés ! Je refuse ! Zesar, tu balances les fruits et tu descends ! On peut pas se permettre de se trimbaler un dos-cassé !”

 Ça râle, ça rouspète, mais ça obéit. Et puis, la quantité de fruits que le grimpeur arrache à l’arbre compense amplement.

 Après avoir rempli les sacs de toile, Zesar descend, se vautre à un mètre cinquante du sol ; heureusement pour lui, la résistance de la corde amortit sa chute.

 Y’a largement de quoi nous nourrir. Je sors mon couteau. Le machin, qui a oublié ce que c’était de travailler, crachote un peu et entaille la peau d’un premier fruit.

 À l’intérieur, la chair est juteuse, rose comme l’aube. Et ce parfum… Même un type au ventre plein en baverait toute l’eau de son corps.

 Je creuse à l’intérieur, découvre de petits pépins ronds et noirs, les balance sur le sable, pose le fruit sur ma paume et la tend au milieu de l’assemblée.

“Qui veut essayer en premier ?”

 Tout le monde et personne n’a envie en même temps. Les mains se lèvent et s’abaissent, ça parle slovin.

“Bon… J’ai compris.”

 Je rince ma main à l’eau de mer, enduit l’extrémité de mon index de chair, et me prête à l’expérience.

 Et, par les dèves, je suis pas près de le regretter ! C’est rond en bouche, doux comme une maño, en même temps ça a une petite touche de baies sauvages… Et ça, alors que j’ai même pas croqué dedans !

 On attend une dizaine de minutes, une demi-heure… Puis, au bout d’une heure, comme on voit qu’il se passe rien, les ventres prennent le pas sur la raison.

 Zesar le premier avale un morceau de la taille d’un ongle, ne se fait pas prier pour engloutir le fruit entier juste après.

 Non sans prier à voix basse, Eneko l’imite, suivi par Xan, Aitor… Et, en l’espace de cinq minutes, l’équipage entier – moi aussi, je cède à l’irraison – avale un “mamelon d’Ainoa”, comme on s’amuse à les appeler.

 C’est le ventre plein et l’esprit apaisé que chacun prend ensuite place sur le sable, se taille un petit matelas à travers le grain, et pique un somme agréable.

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