Le soleil était haut quand Ambrosia se réveilla.
À travers des interstices, les rayons de l’astre diurne jouaient sur son visage, mais elle fut tirée du sommeil par des cahots. Après quelques secondes, elle se souvint d’où elle se trouvait. Simultanément, elle comprit la signification des soubresauts qu’elle ressentait. Ambrosia ouvrit les yeux, se repéra dans le grand carpentum, se précipita vers le banc de conduite où elle s’exclama :
« Mes chiens ‽ (Voix utilisée pour Ambrosia.)
— Deux bêtes nous suivent à une centaine de mètres, mais je pensais que c’étaient des loups ! » (Voix plus chaude qui sera reprise pour Kālī.)
Après s’être assise sur le banc, Ambrosia se pencha sur le côté, regarda en arrière et confirma :
« Ce sont mes chiens… des croisements ! »
Kālī la regarda, lui demanda si c’était bien eux qu’elle cherchait la veille en se rendant à la roulotte. Surprise et embarrassée, Ambrosia esquissa un sourire contrit et acquiesça.
« Je me nomme Kālī, et toi ?
— Je suis Ambrosia !
— Sais-tu, Ambrosia, que je vais t’embaucher pour faire la promotion de mes onguents ? »
Ambrosia, ébahie, dévisagea sa voisine, l’air interrogatif.
« Avant l’aube, quand je t’ai recueillie, tu étais couverte de meurtrissures. Pendant ton sommeil, je t’ai frictionnée avec un liniment de ma fabrication et maintenant, ta peau ne porte plus aucune trace de coups… Ça, c’est vendeur ! » (Rire de la narratrice avec la voix de Kālī.)
Ambrosia comprit qu’elle avait inconsciemment fait disparaître lesdits bleus. « Je guéris vite ! » répondit-elle, penaude. Kālī ne releva pas ce mensonge, mais se présenta à sa passagère. Elle lui dit voyager de village en village, vendant philtres et potions, ainsi que divers objets plus ou moins précieux. Elle s’aventurait aussi dans les villes et rendait divers services à celles et ceux qui la payaient pour cela. Kālī possédait seulement la maison ambulante, dans laquelle elles se trouvaient, et les quatre chevaux qui la tractaient.
Sans attendre que son hôtesse l’interroge, Ambrosia lui conta la vie fictive que la sorcière avait conçue pour elle. Kālī acquiesçait régulièrement avec un sourire ambigu qui intriguait Ambrosia.
En roulant, elles se restaurèrent de pain et de fromage. Vers seize heures, Kālī arrêta la roulotte au bord d’un bassin au pied d’une cascade et dit à Ambrosia : « Tu devrais aller faire trempette, parce que tu pues le sexe ! », avant de la pousser hors du banc.
Pendant que Kālī dételait les chevaux et les bouchonnait, Ambrosia admira l’eau couleur émeraude, y trempa un pied, hésita, car elle était froide, se résolut, ôta sa robe et plongea.
Quand Kālī eut terminé, elle alla rejoindre Ambrosia au bain. Elles nagèrent, s’éclaboussèrent, rirent, puis émergèrent sur la berge. Kālī s’allongea sur une large pierre de granit gris, bénéficiant des derniers rayons du soleil. Elle invita Ambrosia à l’imiter, en lui vantant la chaleur que dégageait la roche.
Si un homme était passé par là, il se serait ébaubi à la vue des dos perlés de gouttelettes, des croupes majestueuses, des cuisses entrouvertes. Le contraste des peaux nues, pâle de celle qui avait longuement vécu en forêt et noire de celle venue du sud des Indes, les exaltait.
Sèche, Kālī pivota. Couchée sur le flanc, soutenue par son bras gauche plié, sa tête reposant au creux de sa main, elle ne savait où poser les yeux. Sur ceux d’Ambrosia qui, la joue droite posée sur ses mains croisées, la regardaient ; sur les formes affriolantes qui l’enivraient ; sur la cascade dont la fraîcheur avait le pouvoir d’éteindre son ardent désir ; elle choisit les prunelles émeraude.
Le regard rivé à celui d’Ambrosia, elle tendit son bras droit vers celle-ci, laissa sa main suspendue au-dessus de son dos. Ambrosia ne broncha pas. La main descendit à cette distance proche où le contact tend à l’effleurement ; ce toucher sans toucher magique provoqua chez chacune la sensation étrange que sa peau se tendait vers celle de l’autre. La force d’attraction irrésistible des deux peaux descendit le long du dos d’Ambrosia sous les doigts de Kālī qui s’arrêtèrent au-dessus du creux des reins.
Lorsque la main se posa sur son épiderme, Ambrosia expira l’air qu’elle réalisa avoir retenu dans l’attente de ce contact charnel. Elle frémit quand la main engloba l’une de ses fesses et la caressa avant de passer à l’autre, puis de remonter à la cambrure ; là, elle pivota et un doigt s’insinua dans le sillon interfessier. Par réflexe, les muscles d’Ambrosia se contractèrent sur le majeur inquisiteur. Ce fut volontairement qu’ils se relâchèrent, le laissant poursuivre la progression jusqu’au frein des petites lèvres qu’il titilla sensuellement.
La douce pression disparue, la main de Kālī remonta le long du dos d’Ambrosia, puis releva les cheveux, dégageant la nuque, sur laquelle ses lèvres se posèrent.
Lorsque Kālī s’était penchée pour l’embrasser, ses pupilles de jais avaient abandonné celles d’Ambrosia. De Kālī cette dernière ne voyait plus que le torse et en particulier la demi-sphère de son sein au téton noir érigé. Elle l’aurait volontiers suçoté, mais elle n’était que perception, craignant de perdre la saveur du moindre des baisers qui exploraient son dos. Elle perçut l’attouchement, là où, pour sa plus grande frustration, il s’était évanoui une éternité de quelques secondes plus tôt. Le doigt était humide. Il stimula le frein qui lui livra le passage, le laissant pénétrer entre les lèvres où il s’activa lascivement.
Lorsque que la pression s’accentua et que le rythme accéléra, Ambrosia – si arquée que son pubis ne touchait plus le sol –, abandonna sa passivité. Alors, elle pivota sur son flanc droit, renonçant ainsi aux baisers et à la caresse intime. Kālī ouvrit de grands yeux interrogatifs, ceux d’Ambrosia brillèrent de malice, elle colla son corps contre celui de la Dravidienne ✻, l’embrassa à pleine bouche. Le baiser se prolongea longtemps, ses seins s’écrasaient sur ceux de Kālī, son ventre palpitait contre le sien.
La main d’Ambrosia s’immisça entre leurs ventres, sa paume caressa celui de Kālī. Aussitôt la dextre de Kālī se posa sur l’épaule gauche d’Ambrosia et poussa celle-ci qui se retrouva allongée sur le dos. La Dravidienne s’assit sur ses talons. « Laisse-toi faire », dit-elle. Elle se pencha en avant, ses fesses s’élevèrent, son coccyx devint le point culminant de son corps. À son tour, elle baisa voluptueusement les lèvres d’Ambrosia, puis son cou, ses épaules. Sa bouche s’attarda sur chaque mamelon où, de la langue, des lèvres et des dents, elle joua à exciter les tétons turgescents, tandis que ses doigts furetèrent dans la toison d’Ambrosia. Ceux-ci s’aventurèrent au-delà du mont de Vénus. Ils émoustillèrent le clitoris gorgé de sang de mille et une caresses, alors que le gland de celui-ci s’évadait de son capuchon. L’un d’eux consacra son attention à son frein.
Lequel attisé ne tarda pas, comme l’avait fait précédemment son pendant, à lui accorder l’accès au vagin, dans lequel un second s’empressa de le rejoindre. Durant qu’ils s’affairaient et que la paume faisait office de pubis, les lèvres de Kālī goûtaient chaque parcelle de peau du ventre d’Ambrosia en descendant inexorablement vers ces homonymes aux effluves attractifs.
Le pouce de la Dravidienne décalotta le gland du clitoris sur lequel la salive de Kālī s’écoula, avant que sa bouche prenne goulûment la place de sa main. D’abord gourmande, elle se réfréna. Elle butina l’objet de sa convoitise, à la recherche de la moindre goutte du nectar d’Ambrosia, dont elle s’abreuvait. Sa langue pourléchait les parois du calice et du pistil, faisant vibrer celui-ci comme la corde d’une lyre.
Ambrosia découvrait un nouveau plaisir croissant en elle. Pieds sur le granit, jambes pliées, cuisses largement écartées autour de la tête de Kālī, sa liberté de mouvement était réduite, mais la vue était divine. Depuis que les baisers avaient dépassé son nombril, la Dravidienne avait pivoté, lui révélant une vulve noire trempée qu’elle rêvait de lutiner quand le plaisir lui faisait fermer les yeux. Hors de portée de sa bouche, la merveille ne l’était pas de sa main, aussi elle tendit le bras droit. Imitant au mieux les gâteries que Kālī lui avait prodiguées, elle la masturba. Le plaisir que lui procura son action et la réaction de son amante s’ajoutèrent à celui que cette dernière lui donnait, elle ne tarda pas à jouir en criant à pleins poumons.
Il faut dire que les coups de reins de Kālī qui répondaient aux doigts qui la branlaient imprimaient le rythme de son cunnilingus. Lorsque l’orgasme emporta Ambrosia, la Dravidienne poursuivit son mouvement pour prolonger celui de sa partenaire et pour atteindre le sien. Cependant, elle eut la désagréable surprise de sentir les doigts qui la gamahuchaient perdre volume, longueur et rigidité, encore plus vite qu’une verge qui vient d’éjaculer, avant de s’extraire d’elle.
* Note de l’éditeur : Strabon (64 ou 63 av. J.-C. – 23 apr. J.-C.) dans sa Géographie, livre quinze, chapitre I : L’Inde, d'après les auteurs antérieurs, décrit les indiens dans son paragraphe 13 :
« Des deux peuples, ceux du méridien [les dravidiens] sont semblables aux Éthiopiens en termes de teint, mais en termes d'apparence et de cheveux aux autres [les indiens du nord] … »
Et, poursuit ainsi pour les autres :
« … et ceux du nord aux Égyptiens. »
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