Chapitre 18 - 2
Une porte claque. Hélène apparaît, suivie de Martin et Arnaud. Ils ont dû passer un bon moment vu leurs visages souriants. Cette détente apparente rassure Juliette. Finalement, la soirée ne lui échappe pas totalement. Elle peut compter sur Hélène et sa sagesse légendaire pour apaiser les tensions. Pense à la remercier. Son attention se porte sur Arnaud, qui ne lâche pas Martin des yeux. Juliette se sent coupable. Ce n’est pas la première fois qu’elle nourrit des fantasmes pour d'autres personnes que son mec du moment. Elle s’était déjà fait jouir en s’imaginant dans d’autres bras. Le temps de quelques caresses solitaires et le désir s’évanouissait. Pourtant, elle ressent de la culpabilité. Sûrement parce qu’elle désire Lucie de façon plus réelle. À cause du baiser échangé. À mettre au pluriel. C’était plus risqué qu’en colonie. Dans son souvenir, tout n’était qu’un dérapage contrôlé, un exquis jeu dangereux aux conséquences légères. L’enjeu est différent aujourd’hui. Elle a toujours mal ; l’image de Lucie qui gémit à son oreille lui colle au ventre, la brûle, la consume, la retourne complètement. Chaque mouvement sur sa chaise lui lance un pic douloureux qui se propage le long de sa colonne vertébrale. C’est délicieusement insupportable.
— Alors on passe au fromage ? s’exclame Arnaud.
— Oui ! Et j’ai besoin de ton aide, s’empresse Juliette.
— Ah bon ?
— Viens, tu es plus grand que moi pour attraper le plat que je veux.
— Très bien, je te suis.
Le couple se lève en même temps sous le regard surpris d’Hélène. Martin boit une gorgée, tandis que Lucie jette un dernier coup d’œil à Juliette qui l’ignore. Ils quittent la pièce, montent l’escalier, et entrent dans la chambre d’amis.
— C’est dans cette armoire, là-haut.
Arnaud s’avance, ouvre le meuble, et montre les différents plats à Juliette qui reste en retrait. Elle l'observe, le ventre à l’air à cause de ses bras levés. Il est ridicule avec sa chemise criarde.
— Oui, celui-là !
— Nickel ! Je t’avoue que je suis étonné, madame la perfectionniste. Ce n’est pas ton genre d’oublier ce genre de détail.
— Effectivement, ce n’est pas mon genre.
Arnaud ferme l’armoire, se retourne le plat à la main et découvre Juliette nue, les vêtements au sol.
— Tu fais quoi là ?
— Baise-moi.
— Quoi ?
— Tu m'as parfaitement comprise, Arnaud. Alors, qu'est-ce que t'attends ? Ce n’est pas toi qui voulais plus d’attention de ma part ?
Juliette se déhanche sensuellement, reculant de quelques pas, jusqu’à buter contre le mur. Sans lâcher Arnaud des yeux, elle lui sourit, diabolique, suppliante de la délivrer de sa frustration. Le garçon semble perdu, atrocement tenté par cette vision, inquiet que leur absence éveille des soupçons auprès des invités.
— Juste un coup vite fait, bien fait.
À cet argument, qui n’en est pas un, Arnaud fonce sur la belle. Elle l’aide à ôter la ceinture. Lui s’occupe du bouton de son pantalon. Elle passe la main sur l’érection visible sous son boxer.
— Ah, je ne suis pas la seule à être prête, s'amuse la jeune femme.
— Avec toi, je suis toujours prêt !
Juliette plonge sa main sous le tissu et en ressort son sexe raidi, qu’elle caresse délicatement. Arnaud prend position face à elle, s’appuie contre le mur, la soulève et s’enfonce en elle. Juliette étouffe un cri.
— Plus fort, susurre-t-elle à l’oreille de son amant qui s’exécute aussitôt.
Arnaud accélère ses coups de reins. Juliette se laisse submerger par le plaisir qui irradie dans son bas ventre. Elle ondule sous son corps puissant, l’embrasse à pleine bouche, s’accroche à son cou.
Le temps d’un instant, elle oublie les lèvres de Lucie, l’appel de ses seins trop pâles, son désir de les mordre, de les sucer. Un instant seulement. Le torse d’Arnaud manque de rondeur. Entre deux coups de reins, entre deux gémissements étouffés, Juliette aperçoit le canapé, Lucie dévêtue, la cuisine et son baiser empressé, la voiture et son geste tendre pour remettre sa frange en place.
Juliette enfonce sa tête dans le cou de son amant. Dans l'obscurité, elle se laisse progressivement aller au plaisir. Un mélange de tabac froid et de parfum sucré. L’image sensuelle de Lucie, fantasmée, gagne son esprit pour ne plus la quitter. Son désir augmente. Lucie s’approche d’elle, les seins nus, la peau blanche, sublime. Juliette est au bord d’un précipice. La blonde lui caresse le visage, entrouvre sa bouche, mord sa lèvre inférieure. Son corps n’est plus qu’un battement, rapide, puissant, dévastateur.
— Plus fort, lâche-t-elle d’une voix sourde.
Arnaud accélère. Sa peau se perle de sueur. Elle est la première à atteindre l’orgasme. Toute sa frustration disparaît dans un dernier coup de rein. Juliette étouffe ses gémissements. Elle implose. Lucie s’éloigne. Arnaud jouit à son tour dans un râle discret. Les deux amants restent quelques secondes dans cette position, le temps de retrouver leurs esprits.
Juliette se dépêche de disposer les fromages sur le plateau. Pourquoi j’ai pris celui-ci ? Tant pis, grâce à lui, elle est enfin détendue. Le plat n’était qu’un prétexte après tout. Quand elle arrive dans le salon, elle croise le regard complice d’Hélène. Juliette esquisse une moue gênée. Elle ne peut rien cacher à cette femme.
Arnaud lui adresse un sourire. Elle détourne le regard. Ses yeux tombent sur Lucie.
— Tu as ta frange en vrac, lui signale-t-elle.
— Oh, merci.
Juliette passe sa main dans les cheveux, et d’un geste ressuscite sa coiffure. Un doute affreux s'empare d'elle. Lucie a-t-elle des soupçons ? Non. Ce n’est pas possible. Ils ne se sont éclipsés seulement quelques minutes. Juliette balaie cette éventualité. Tu es l'hôtesse !
— Il a été difficile à trouver ! Qui veut du fromage ? Lucie ?
La jolie blonde fixe son assiette propre puis l’assiette à fromage, avant de lever la tête vers son amie.
— Oui, Juliette. J’en veux bien.
Peut-être parce qu’elle la connaît intimement, Juliette perçoit dans sa réponse une tristesse qu’elle seule entend.
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