Abandon
L'idée de la laisser là me remplit de nouveau de culpabilité.
Deux semaines auparavant, j'ai dû l'abandonner quand elle fut transportée vers l'hôpital. Puis, de l'hôpital à la morgue. Et maintenant, je dois la laisser là, toute seule, dans son ultime demeure avec l'unique pensée peu réjouissante de pouvoir revenir quand je veux pour me recueillir.
Langage de psy.
Dans le sol, au fond, un beau cercueil sur lequel une rose a été soigneusement fixée. Elle perce dans l'ombre d'un jaune éclatant. Quelques 'mes condoléances', 'on est avec vous' et des poignées de mains prétendument bienveillantes me sortent de ma torpeur. Des visages tristes défilent comme des soldats obéissants. Ils retrouveront rapidement leur éclat dès demain, gorgés d'autres agitations plus... vivantes.
— Monsieur... Je... Je...
Je reconnais l'homme. Il est pâle, enveloppé dans un vieil imper. Sur son front perlent des gouttes qu'il tente de masquer. Elles semblent creuser des sillons douloureux sur son âme affaiblie. Il tremble.
J'ai un mouvement de recul quand il essaie de me serrer la main. Comme si mon corps refusait le pardon, la compassion et la pitié.
— S'il vous plait, ne faites pas cela. Ne me laissez pas seul. Délivrez-moi !
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