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25 septembre 2022 – 22h30
Saint Denis (93)
Pression sur le bouton de la radio. Cracha de connexion.
- Officier à terre ! Je répète, officier à terre !
Les mots choisis par le flic étaient simples. Et pourtant si difficile à prononcer.
Da Costa sur le sol, avachi maladroitement contre le bas du mur, le visage crampé de douleur, émit un cri de douleur glaçant.
- Lotta, préviens les secours !
Le filet carmin s’échappant de l’orifice creusée par la balle dans sa hanche fut rapidement endigué par un torchon qu’Edouard réquisitionna sans demander à un serveur paniqué. Le flic émit un grognement que l’écho musical couvrit sans attendre.
- Vas-y, attrape-moi ce connard.
Le sang se propageait sur le tissu dans une auréole conquérante. Edouard appuya un peu plus fort pour augmenter l’effet de compression. Le liquide tout juste tiède se déposa sur la paume de sa main. L’odeur métallique s’infiltra dans ses narines. Il détestait cette situation.
- T’es sûr ? Tu vas tenir le coup ?
- Cours ! ordonna Olivio.
- Vous, venez ici et pressez-moi ça jusqu’à l’arrivée des secours. Il va râler, mais vous continuerez. Compris ?
L’homme hocha de la tête mécaniquement et, après un pas hésitant, il s’accroupit auprès d’Olivio pour appliquer les consignes qu’il venait de recevoir. Le lieutenant Levalet se releva, jeta un dernier coup d’œil en arrière et s’engouffra dans un long couloir aux néons hésitant entre le bien et le mal.
Trente minutes plutôt
La Renault banalisée passa à vitesse réduite devant l’entrée du Gino, dance club branché à la réputation bancale. La queue était encore bien fournie, principalement de jeunes étudiants en mal de liberté après une semaine sous pression. Tenue correcte exigée, tout étant dans la définition du niveau d’exigence derrière le mot « correcte », et l’appréciation du molosse à la sécurité.
Edouard repéra Lotta dans la masse et poursuivit sa route. Demi-tour au rond-point suivant et il se gara sans mettre son clignotant sur le trottoir d’en face afin d’avoir un visuel élargi sur l’entrée et la petite rue adjacente.
Olivio baissa la vitre sur quelques centimètres. L’air frais s’infiltra dans l’habitacle de la voiture et revivifia un peu les deux flics dont la journée avait été longue et chargée. Malgré la coupure, aucun des deux n’avaient eu l’impression d’avoir quitté son job et d’être à cent pour cent pour cette opération préparée sur le fil. Si Gabriel avait été avec eux, il n’aurait eu de cesse que de le leur rabâcher.
- Alfa pour stj… stje-truc… Ah oui, stjerne. Lève un bras et fais-nous un petit pas à la ABBA.
- T’es nul ou quoi ? rétorqua Olivio. ABBA, c’est groupe suédois, pas danois.
La radio libéra une moquerie à moitié brouillée, les ondes entravées par le mauvais temps. Dans la foule, les corps s’agitaient déjà, en désynchronisation totale du rythme des bases qui s’échappait à chaque ouverture des prestigieuses portes peinte en or.
Un bras serpenta pour se dresser au-dessus des têtes. Tous se tournèrent vers une femme qui commença à se déplacer d’un côté puis de l’autre en improvisant une chorégraphie sur l’instant. Plusieurs invités se mirent à l’imiter, provoquant un effet de masse qui se propagea en un claquement de doigt. L’ambiance s’emballa.
Le crâne chauve au bout de la file lâcha le cordon de sécurité et s’approcha pour repérer l’origine du mouvement. Il claqua des doigts, pointa Lotta et lui ordonna de sortir du rang. Elle le suivit et se vit offrir la possibilité d’accéder au club. Les cris désapprobateurs des autres ne se firent pas attendre. Peu importait, elle avait réussi l’essentiel en ce qui la concernait.
Des brides de lumières colorées fusèrent, annonciatrice d’une atmosphère propice aux excès. Tels des papillons face à l’irrésistible tentation du point éclairant, ils tournèrent tous la tête pour capter une bride de bonne ambiance.
Lotta se laissa avaler par la bête.
- Très forte la petite dame, ne put s’empêcher de constater Edouard depuis le siège inconfortable de la voiture banalisée.
*
* *
Un long couloir se présenta devant Lotta. Un seul néon sur le point de vaciller pour éclairer une zone qui voulait conserver sa discrétion. Elle progressa à vitesse constante, tout juste de quoi se donner le temps de faire un état des lieux mental. Le corridor desservait le vestiaire puis un accès aux toilettes avec une indication par sexe de la direction à prendre. Rien de plus utile.
Au bout, un nouveau point de contrôle. Une femme, musclée à faire rompre ses chaires, lui présenta le plat de sa main pour l’arrêter. Sans un mot, elle s’approcha et palpa la cliente avec une délicatesse de pachyderme évoluant d’un pas lourd sur des œufs. Un hochement de tête agrémenté d’un regard dédaigneux, la femme finit par lui valider l’accès à la salle.
Les ondes sonores résonnèrent en une fraction de seconde dans son corps. Une pulsation de bien-être contagieuse à outrance. Irrémédiablement, Lotta commença à se déhancher, entrainée par le rythme de la musique propulsée à plein puissance dans une salle surdimensionnée.
Les spots dispersés dans les hauteurs tournoyaient sans réelle organisation, délivrant leurs flots artificiellement colorés à travers l’espace et illuminant des corps en plein effervescence. La jeune femme s’avança vers la foule en ébullition, se fraya un chemin tant bien que mal, sentant certains regards affamés d’hommes redevenus des animaux dans leur tête.
Après dix minutes à voguer sur la mer d’une jeunesse sans limite aucune, Lotta identifia un coin de la salle réservé, surveillé par plusieurs gardes à la mâchoire de pitbull et la carrure d’un deuxième ligne au rugby. Derrière, un ensemble d’hispaniques en train d’arroser une soirée, leur cimetière déjà bien rempli de bouteilles de téquila.
- Stjerne pour Alfa.
- Afla pour Stjerne, on écoute.
- Groupe d’individus à la droite du DJ. Correspondance avec la cible à confirmer, je tente de m’approcher pour avoir une meilleure visibilité.
- Entendu, tiens-nous au coura…
Lotta zieuta autour d’elle, mais personne n’avait fait attention à elle. Elle s’approcha de plusieurs mètres tout en conservant une distance de sécurité pour ne pas paraître suspecte. Son oreillette grésilla et elle put entendre Edouard meugler :
- Mais… qu’est-ce qu’il fout ici, celui-là ?
*
* *
Veste noire d’un costume bon marché, jeans et chaussures de villes marrons nettoyée pour l’occasion, l’homme qui s’approcha du videur s’était refait une garde-robe pour mettre toutes les chances de son côté. La dernière fois qu’il avait mis les pieds dans ce genre de lieu… il ne s’en souvenait même plus. Ce dont il était sûr, c’est que la musique de sa jeunesse était plus entraînante que l’infamie parvenant à ses oreilles.
Le condensé de muscles fit un pas de côté et s’interposa, bras croisés sur ses pectoraux moulés par un tee-shirt trois tailles en-dessous de la sienne. Il grogna une phrase incompréhensible. Un avertissement qui n’eut aucun effet.
- Vous pouvez vous décaler, je suis attendu.
- Toi, tu ne passes pas.
Le bodybuilder regardait de haut l’homme en face de lui. Il est confronté à cette situation tous les soirs, les gérait de la même manière, sans jamais se fouler plus que nécessaire : quelques mots et un visage armé de sourcils froncés.
- OK… Que fait-on, monsieur musclor ? On appelle le patron ? Il va descendre, être agacé de se déplacer jusqu’ici dès le début de la soirée, reconnaitre ma gueule d’ange, péter son câble et vous latter les couilles littéralement pour avoir bloqué une vieille connaissance.
- Toi, tu ne passes pas. Compris ?
- Borné, le type. Je vois…
Gabriel Bauroix prit un pas de recul et scruta l’accès masqué par les larges épaules du garde. Une crevette chauve pour assurer le second rideau, bien plus facile qu’il ne l’aurait imaginé. Il se rapprocha à nouveau de l’armoire à glace et lui balança avec un large sourire :
- Attention, ça risque de faire un peu mal.
L’instant suivant Bauroix posa ses mains sur les épaules de l’homme et lui impacta l’entrejambe avec son genou. Un geste rapide et précis qui plia sa victime en deux. Ni une, ni deux, il saisit l’opportunité pour avancer vers les portes du Gino. L’autre cerbère ne chercha pas à s’opposer, conscient de son désavantage, et libéra la voie que le flic emprunta.
Le visage fermé et le regard faussement noir ouvrirent à moitié les portes de la boite à un Gabriel déterminé à aller droit au but. Pour gagner du temps, il usa de sa carte tricolore pour finir de convaincre ses hôtes qu’il fallait mieux ne pas se mettre sur son chemin. Le choix était simple : lui ou l’ensemble de la cavalerie dans moins de quinze minutes.
Les faisceaux l’éblouir un temps avant que sa vue ne s’adapte à ce monde qu’il qualifiait « d’étrange ». Sa cécité disparue, il fendit la foule d’une ligne droite sans se soucier des bousculades qu’il provoquait et des réflexions qu’on lui retournait.
Devant lui, celui que l’équipe avait identifié comme étant « Chiquito » avec l’aide des gars de l’équipe des Stups. Un petit latino d’un mètre quatre-vingt, moustache entretenu, chemise par-dessus un marcel blanc et pantalon en toile noir. Une bijouterie n’aurait pas pu exposer l’ensemble de ses biens, des bagues aux chaines et gourmettes en tout genre.
Ce gars puait le trafic à plein nez et ne se cachait pas d’exercer des activités illégales. Gabriel haïssait ces petits caïds qui se sentait invulnérable. L’échange aller être d’une rare qualité, il en salivait d’avance.
A dix mètre de la table qu’il visait, Bauroix fut percuté par une femme. Il sentit sa main palper sa hanche droite et se retirer dans le même mouvement. Sans avoir le temps de réagir, l’inconnue disparaissait déjà dans la masse, impossible de mettre un visage sur cette rencontre incongrue et perturbante.
Le flic secoua la tête et se présenta devant l’homme de main. Il lui adressa un large sourire, n’obtint pas la moindre réponse et décida de forcer le passage, à sa manière. Le coup partit tout seul et le planton se plia en deux. Cette fois, Bauroix avait visé le plexus solaire, pour varier les plaisirs.
- Hé toi ! Tu t’es cru où, sale merde ? Tu attaques mon ami comme ça et tu penses que tu vas t’en sortir tranquillement ? Putain, je vais te saigner, hijo de puta !
Bauroix ne fit même pas attention au petit nerveux qui continuait de s’agitait autour de lui. Il s’installa directement dans un fauteuil en face de celui qui l’intéressait réellement.
- Chiquito, enfin on se rencontre. Dis, ce genre de sac à merde, tu les trouves où ? demanda Bauroix en désignant le gamin qui gesticulait encore dans son dos.
- Ta tête ne me dit rien. Ta présence m’insupporte, barre-toi.
- Je crois que tu ne m’as pas très bien compris, surenchérit Bauroix.
Sans réfléchir, il sortit sa carte tricolore qu’il déposa sur la table basse pleine de verres et de bouteilles vides. Le précieux sésame eut un effet immédiat sur une partie de l’assemblée qui fila sans demander son reste. Autour de la table, il n’était plus que quatre. Même le petit roquet avait fui la queue entre les pattes.
Chiquito se redressa dans son canapé, ajuste sa chemise et attrapa une bouteille qu’il porta à sa bouche. Une rasade descendue cul sec, il fixa le capitaine et hocha la tête. Il acceptait d’avoir perdu cette manche, mais il ne l’emporterait.
- Il veut quoi le poulet, à part niquer ma soirée ?
- Que tu lui expliques comment ton petit nom apparaît dans un dossier pour meurtre, par exemple ? Dylan Lombare, ça doit forcément te parler.
- Ouais.
- Et ensuite ?
- Ensuite quoi ? Tu crois que je vais me salir pour un mec comme lui ? Tu rêves, poulet. J’entends des bruits de couloir, des histoires ici et là, mais j’trempe pas les mains dedans. C’est terminé tout ça pour moi, j’ai raccroché. Tes collègues, ils voient le mal partout dès qu’on prononce nom blaze.
La mélodie de repenti n’avait aucun effet sur le flic aguerri. Bauroix laissa Chiquito dérouler son scenario, s’enfonçant petit à petit dans un tissu de mensonges. Il finirait par se prendre les pieds dedans et se contredire, un point de non-retour et une porte grande ouverte pour un aller simple en garde à vue.
Le latino remua les épaules en cadence avec la musique poussée par le DJ. Une provocation classique pour signifier à son invité qu’il pouvait lui aussi disposer. Bauroix se leva, puis se rassit plus confortablement, mains croisées sur ses cuisses.
- Quoi encore ? grogna Chiquito, le visage dénué d’expression.
- Tu vas me baratiner, affirmer que tu n’as rien de plus à me partager ? Ou on la joue réglo direct et dès que j’ai l’information qu’il me faut, je te lâche la grappe ?
- Sérieux, tu casses les couilles, mec.
Les deux molosses en retrait firent un pas en avant. Gabriel Bauroix attrapa un verre, le remplit d’un peu d’eau gazeuse et avala une gorgée, comme s’il avait toujours fait partie de la bande.
- Le simple fait que tu connaisses la victime prouve que ce n’est pas qu’un simple exécutant. Ce gars est plus qu’un pion dans ton organisation. Et il s’est fait supprimer. Alors soit c’est un ordre qui vient de ta petite entreprise, soit il y a un concurrent qui s’est chargé de t’en mettre une profonde pour te doubler. Au choix.
- Je t’ai dit que j’ai décroché.
- Te fous pas de ma gueule ! aboya Bauroix en se redressant.
La tension monta d’un cran dans ce microcosme délimité par un cordon qui semblait protéger le reste d’une foule abandonnée à l’ivresse d’un verre, d’une soirée.
Pris au piège, Chiquito se donna une demi-seconde de réflexion. Face à lui, Bauroix montrait les muscles, prêt à frapper là où cela serait nécessaire pour obtenir ce qu’il était venu chercher. Deux options s’offraient à lui. Coopérer, mais mettre un coup d’arrêt à son nouveau business fleurissant, ou bien nier en bloc, avec le risque de voir dans le rétroviseur ce flic qui ne le lâcherait plus.
Le moustachu se releva pour planter son regard dans celui de Bauroix. Hors de question d’être dans une position d’infériorité face à un gringo de la police. Il devait prendre une décision et vite. Agir avant de subir. Son instinct reprit le dessus. Franchir la ligne rouge comme seule solution viable.
Il fit mine de tourner sur lui-même, en pleine réflexion, et pointa son arme, la bouche du canon entre les deux yeux de sa cible.
- On va aller faire un tour, mon petit poulet.
*
* *
Lotta s’est mise en retrait sur consignes d’Edouard. Une table haut à une trentaine de mètres lui permettant de conserver un visuel sur l’échange entre la cible et son collègue. La situation semblait maîtrisée par le capitaine, décontracté, tout comme son interlocuteur.
Se faire doubler ne l’avait pas enchantée, encore plus sans avoir été prévenue. Son shoot d’adrénaline s’était envolé juste avant injection. Lotta n’appréciait pas se retrouver sur la touche au moment décisif, elle dut prendre son mal en patience et assurer une couverture à l’improviste.
La femme sirota un peu de son cocktail sans alcool. Sa mauvaise humeur avait pris le pas sur l’ambiance de feu qui ne cessait de monter. Dès qu’une possibilité s’esquisserait, elle interviendrait pour reprendre la tête de cette opération. Légende ou pas, Bauroix lui avait fait un petit dans le dos. Définitivement, ça ne passait.
- Alfa pour Stjerne, point d’étape, lui demanda une voix dans son oreille.
Elle approcha son poignet et chuchota au creux de son bracelet.
- La cible est calme. La surprise aussi. Pas de vague à l’horizon.
- Entendu.
Lotta reprit une position plus naturelle, tenta de prendre chaque note comme un baume pour apaiser ces émotions. Elle se devait d’être le plus lucide possible pour interpréter tout signe qui lui ferait penser à un danger imminent ou percevoir une tentative de fuite.
Les minutes passèrent. Lotta zieuta sa montre. A peine quatre minutes écoulées depuis son dernier point avec le cadran digital. Elle héla le serveur pour lui commander un autre verre quand, en une fraction de seconde, Bauroix et Chiquito se redressèrent. Ses sens se mirent en action, le ton de la conversation entre les deux hommes avait basculé.
Lotta quitta sa chaise haute et se glissa au plus près possible du cordon de démarcation. Son hésitation, elle reconnut l’origine de l’éclat lumineux qui lui perça les yeux un bref instant.
- Edouard, Olivio, ça va déraper. Il faut intervenir immédiatement !
- Sois plus clair, Lotta.
- L’objectif po… une…
Les interférences s’invitaient à la fête, empêchant les deux flics d’évaluer l’urgence de la situation.
- Que vois-tu ? interrogea Olivio mis sous tension dans son siège.
- Baur… une arme… sa tête… cracha la voix de Lotta par la radio.
Le simple mot « arme » avait généré chez les deux collègues une réaction innée. Saut en dehors de la voiture, Edouard ouvra le coffre et lança un gilet pare-balles à Olivio avant d’enfiler le sien. Sig-Sauer prêt, chargeurs de rechange à la ceinture, grenades flash, le duo se projeta à toute vitesse de l’autre côté de la rue.
Olivio se faufila par la ruelle adjacente et disparut par la porte de service. Edouard força l’accès principal sous les regards médusés de la queue, avant de rejoindre Lotta près dans la zone dite « VIP ». Elle débriefa en quelques mots et lui indiqua le chemin à emprunter avant d’emboiter le pas du lieutenant.
Edouard saisit le rideau et le tira doucement. Un long couloir peu éclairé s’ouvrit, les attendant pour tester la résistance de leurs nerfs. Lotta s’équipa d’une arme qu’elle décrocha du gilet de protection. Le déclic mécanique lui redonna un peu de confiance.
Ils progressèrent avec méthode, vérifiant chaque recoin pour ne pas se faire surprendre. Un collègue entre les mains d’un trafiquant et peut-être même un tueur. L’idée qu’il se fasse descendre aurait pu les refroidir, mais bien au contraire, cette mission n’appelait pas d’échec.
Nouvelle intersection.
Une détonation. Puis le son au loin d’une foule en délire. Le canon à mousse venait de faire son entrée et aspergeait les fêtards toujours plus ivres.
Le lieutenant s’arrêta un instant. Contrôler sa respiration pour reprendre le contrôle de son corps. Un signe de la tête et ils repartirent en optant pour le couloir de droite. Plusieurs portes. Dos au mur, les deux collègues avancèrent, testant chaque poignée sans jamais obtenir satisfaction.
Alors que Lotta atteignait la dernière porte, une nouvelle détonation résonna. Elle resta figée, glacée par ce son caractéristique qui ne pouvait avoir qu’une seule origine. Ils l’auraient reconnu entre mille tellement ils l’avaient entendu durant leurs séances d’entrainement. Cette fois, pas de doute.
Un coup de feu.
Edouard débarqua dans le couloir et fut saisit par l’horreur. Olivio était étendu sur le sol, touché. Il se projeta aussi vite que possible pour évaluer la situation. Impact à la hanche, perte de sang maîtrisable, mais besoin d’une intervention médicale sans tarder. Bref appel à la radio.
Il balaya son environnement et repéra un homme en tenue de travail, blême et complètement. Son torchon récupéré, il prodigua les premiers soins à son collègue qui lui intima de poursuivre la mission à tout prix. Le serveur prit le relai d’Edouard qui s’exécuta et pénétra dans un corridor assombrit digne d’un piège ficelé à la perfection.
Le souffle court, il progressa, guidé par sa rage et son envie de vengeance. Plus rien ne pourrait se mettre en travers de son chemin. Le pas lourd, il avala le couloir. Aucune pièce à explorer, seule la porte du fond lui donnait une issue qu’il emprunta sans prendre de précautions. Une cour intérieure se dessina. L’arme braquée droit devant, il mit en joue un homme sur le parking penché au-dessus d’un autre que sa torche avait aveuglée. Il se rapprocha et cria :
- Police ! Un pas en retrait et vous déposez lentement ce que vous tenez en main.
L’homme ne bougea pas.
Edouard abaissa légèrement sa lumière et reconnut Chiquito. Sa mâchoire serrée, ses muscles contractés, le dealer voulait en découdre. A ce jeu, ils auraient pu être deux. La raison l’emporta sur la passion et le lieutenant repoussa une pulsion meurtrière au plus profond de son âme.
- Posez votre arme ! ordonna-t-il une nouvelle fois.
Toujours pas de mouvement. Edouard expirait bruyamment, signifiant son agacement et l’atteinte de ses limites. Lotta déboula à son tour et prit position aux-côtés d’Edouard, 9mm prêt à cracher son feu.
- Putain, ne me donne pas l’occasion de t’en coller une dans ta cervelle.
Déclic métallique. La première balle était chambrée, les autres suivraient le pas dans la foulée si bseoin.
A deux contre un, les chances étaient maigres. Le troisième à ses pieds pouvait encore trouver des ressources inattendues pour se mêler à la lutte. L’issue ne faisait plus aucun doute. Chiquito libéra un hurlement et s’inclina au ralentit pour déposer son calibre sur le béton.
A portée, Edouard écarta du plat du pied l’arme plaqua Chiquito au sol d’un mouvement sans retenue. Il serra les menottes et remit sa prise sur ses pieds. Un bref coup d’œil à Bauroix. Pas de blessure grave, il pourrait se débrouiller seul pour rejoindre l’entrée.
Le lieutenant poussa Chiquito et refit le chemin en sens inverse, pressé de quitter les lieux et d’aller aux nouvelles d’Olivio.
Les sirènes des pompiers et des renforts avaient hurlé leurs deux tons habituels avant de tous débarquer devant le Gino. La foule avaient été congédiée et le patron du club s’agitait dans tous les sens face aux hommes de la police qui coordonnaient les manœuvres au sein de son établissement.
A l’arrière de la voiture banalisé, Bauroix patientait, une compresse appliquée sur l’arrière de son crâne. Il avait échappé de peu à une correction qu’il aurait bien mérité, pensa-t-il. Il n’était décidément plus dans le coup et son décalage avait mis en péril une opération mais pire encore, la vie d’un collègue et ami.
Son poing heurta la carrosserie sans ménagement, avant que les mots de Levalet ne viennent porter le coup de grâce :
- Gabriel, tu fais chier ! Qu’est-ce qui ne tourne pas rond avec toi ?
- Edouard, laisse-moi t’expliquer, je…
- C’est mon affaire, mon intervention et mes règles ! Si tu n’es pas capable de comprendre ça, tu prends ton carton et tu dégages. C’est clair ? Lotta ramènera la voiture, rentre chez toi.
Sans attendre une réponse, Edouard sauta dans le camion de pompier et referma la porte. Le véhicule s’évanouit dans la nuit, son œil bleu comme seul point de repère pour un Bauroix à la dérive.
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