Chapitre 4
Ellyn ne disait rien, perdue dans la contemplation de cette femme qu'elle avait créé, de cet homme puissant qui se tenait à ses côtés, leurs regards étaient fixés sur elle, la rendant certes mal à l'aise, mais elle pouvait comprendre leur attitude envers elle.
N'était-elle pas une étrangère, débarquant de nulle part, apprenant que leur fils la désignait comme sa femme ? Même elle ne s'était pas attendu à ce qu'il la présente ainsi, encore moins dans cette tenue.
- Noha, qu'as-tu dis ? s'étrangla sa mère, figée sur sa chaise, ne sachant comme réagir.
- Cette femme est celle qui deviendra mon épouse.
Ellyn lui pris délicatement le biceps, cherchant à attirer son attention, paniquée et inconfortable, elle tenta de lui dire de revenir sur ses mots, mais il déclara :
- Ellyn, sais-tu ce que j'ai enduré jusqu'à ce jour ?
- Probablement autant que moi, mais tu ne peux pas faire ça !
- Pourquoi donc ?
- Je ne suis pas...
Nohakyr sentit la situation lui glisser des mains et préféra se concentrer sur elle et la peur qu'il pouvait lire dans son regard émeraude. Il lui caressa la joue.
- Douce créature, je-
- S'il te plaît, dit-elle en lui prenant le poignet. Je ne t'ai pas dit tout ça pour que tu te sentes piégé !
- Je le sais. Je t'en prie, calme toi.
Mais une soudaine crise d'angoisse lui coupa la respiration. Son coeur se mit à battre très fort, trop fort, elle se perdit dans une situation qu'elle ne comprit pas et qui n'avait aucun sens dans son esprit, jusqu'à ce que Nohakyr ne l'attire à lui et l'encercle de ses bras.
- Tout doux, tout va bien.
- J'ai... J'ai peur que... que ma venue soit... te mette... vous mette en danger... Je...
Nohakyr l'écarta brusquement de lui pour l'embrasser, ne trouvant la que le seul moyen pour lui de la calmer. Elle s'accrocha désespérément à ses épaules larges, perdant son regard dans le sien, jusqu'à ce qu'elle se ramollisse et ne s'endorme à nouveau dans ses bras, le visage perdu dans le creux de son cou.
Il l'allongea dans son lit et recouvrit son corps avec douceur, prenant même le temps de dégager son visage d'une mèche de cheveux qui lui barrait le front.
À quoi ressembles-tu maintenant, de l'autre côté de ce miroir ? pensa t-il.
- Noha ?
- Je ne sais pas comment le dire, comment ça t-il, trop préoccupé par ce qu'il allait dévoiler. Mais cette femme est celle qui m'est apparu durant mon enfance.
- La petite fille que tu nous a décrite dans le bureau ?
Il hocha simplement la tête.
Nohakyr se leva pour marcher jusqu'à l'un des fenêtres de sa chambre, admirant le paysage nocturne qui s'étendait aussi loin que les luminaires pouvaient porter.
- Elle n'est pas de ce monde, avoua t-il alors.
- De quel monde vient-elle ? Est-ce un démon ?
- La vérité est bien plus compliquée que ça Mère. Ellyn est celle qui nous a donné la vie.
- Quoi ? Comment peux-tu dire une chose pareille ? s'étrangla la duchesse qui, avec toute la bonne volonté qu'elle voulait y mettre, avait du mal à croire en cette historie.
- Attendons qu'elle revienne à elle pour en discuter. déclara le Duc. Cette créature est effectivement bien étrange, et je me range du côté de ta mère en disant que j'ai du mal à y croire également. Mais attendons de voir.
- Oui Père. Vous avez raison.
On toqua à la porte de la chambre.
- Seigneur, Lady Karring est arrivée et demande une audience.
- Ah, soupira Nohakyr. Ellyn, tu dois te réveiller pour affronter ta création, douce et étrange femme.
- Renvoyez la. Tant que notre invitée ne sera pas réveillée, je ne veux aucun Karring ici. ordonna froidement le Duc. Noha, tu es en charge de cette femme, jusqu'à ce qu'elle se réveil et nous dise la vérité, elle ne quittera pas le duché et aucune personne extérieure ne sera autorisée à entrer ici.
Le jeune homme s'inclina face à son père, le remerciant puis les regarda quitter sa chambre, le laissant seul avec le silence perturbé par la respiration de la jeune femme.
- Maître.
- Qu'as-tu trouvé ?
- Lesliyeah Duchelle, orpheline.
- Orpheline ?
- Ses parents sont morts il y a cinq ans dans une attaque en protégeant le Comte et la Comtesse durant un voyage. Elle travail depuis ses six ans au service des Karring. Plus particulièrement la jeune princesse.
- Tella a dû être bien jalouse d'une telle créature.
- Ce qui est étrange Maître, c'est que la couleur de ses yeux n'est pas la même décrite par les employés.
- Comment ça ?
- Miss Strash, la femme qui s'est occupée d'elle au cachot raconte que sa couleur d'yeux était noir avec des sous tons marron.
- Mais ses yeux sont émeraudes, murmura Nohakyr. Ellyn, ce sont donc tes yeux qui me voient alors.
Un sourire remonta le coin de sa bouche dure.
Une information intéressante qui allait s'ajouter à celles que son second lui livrait peu à peu. Mais il tentait toujours de se demander à quoi elle ressemblait de l'autre côté. Avait-elle le talent pour le lui montrer ? Possédait-elle un quelconque pouvoir dans ce monde qu'elle lui disait avoir créé ? Bien qu'il l'ai reconnu, il devait avoir la preuve qu'elle ne lui mentait pas.
- Brûle toutes les informations que tu as trouvé, ordonna t-il. Cette fille, Lesliyeah Duchelle n'existe plus désormais.
- Est-ce que je dois préparer de nouvelles identités ?
- Fais, mais nous changerons pour un autre nom. Elle prendra le miens.
- Maître ? s'étonna l'ombre.
- Cette femme porte mon sceau sur son corps. Il est trop vieux pour qu'elle l'ai intentionnellement fait ou qu'on le lui ai mis sur le corps pour la faire passer pour mienne.
- Quelle sera son identité ?
- Ellyn Lightstrake, future duchesse du domaine. déclara Nohakyr.
L'ombre s'inclina et disparue sans un bruit, laissant le jeune homme perdu dans ses pensées.
Il demanda à ce qu'on lui prépare un bain, congédia tout le monde pour se laver seul, puis alla se coucher auprès de la jeune femme.
- Chère maîtresse, gronda t-il bassement, embrassant son front, l'attirant dans ses bras. Dormez bien, demain vous devrez prouver vos dires.
[...]
Ellyn se réveilla, une sensation de douce chaleur l'entourait. Rêvait-elle encore ? Était-elle revenue dans son monde ? S'était-elle réveillée de son rêve ? Le souvenir de Nohakyr, sa voix, son touché, sa bouche sur la sienne... Elle espérait revoir tout ça si elle ouvrait les yeux.
- Je n'ai pas disparu chère maîtresse, gronda une voix à son oreille.
Doucement, Ellyn ouvrit les yeux pour le découvrir, torse nue, face à elle, la tête appuyée sur un bras, admirant la jeune femme endormie. N'y croyant pas, elle leva une main pour venir la poser sur sa joue rugueuse du matin.
- Nohakyr...
- Bien le bonjour douce créature, gronda ce dernier, attrapant délicatement sa main pour venir en embrasser la paume, enfonçant son regard fauve et dangereux dans le sien. Avez-vous bien dormis ?
- Est-ce que je rêve encore ?
- Que ferez-vous si c'est le cas ? la tenta t-il.
Ne sachant si elle rêvait encore ou non, elle s'en approcha et vint déposer ses lèvres fraîches sur les siennes. Nohakyr gronda, fondant sur elle pour approfondir ce baiser qu'elle avait elle-même initiée. Sa langue s'insinua en elle, caressant la sienne, son souffle brûlant envahis son esprit et la chaleur du jeune homme l'emprisonna dans un cocon dangereux mais empli d'un désir qu'elle n'arrivait pas à se sortir de la tête. Son propre corps la trahissait, tremblant de lui-même, s'écoulant entre ses cuisses comme une traîné de lave. Elle sentit sa main large et calleuse lui caresser la taille. Ses soupirs le transportèrent si loin qu'il n'entendit pas frapper à la porte. Le rugissement que Nohakyr poussa quand il pressa son intimité contre la sienne, Ellyn se figea, réalisant enfin qu'elle ne rêvait pas. Mais c'était trop tard pour l'arrêter, la bête lui faisait face, grondant de colère quand une des femmes au service de la famille ducale entra, les interrompants.
- Ah ! s'écria la femme en découvrant Nohakyr, le regard luisant, les dents allongées, toutes griffes dehors, perché au dessus d'Ellyn qui rougissait, la respiration courte.
- No...Noha, l'appela t-elle, soufflant son nom sur sa joue alors qu'il avait le visage tourné vers l'intruse en panique.
Ellyn pris délicatement son visage entre ses mains, le faisant pivoter pour capter de nouveau son attention et ne trouva rien d'autre à faire que de baiser cette bouche traversée de crocs acérés. Elle passa sa langue sur l'une d'elle, se coupant au passage.
Nohakyr gronda violemment, attaquant cette femme d'un baiser fou et possessif. Qui était-il pour devenir pareille bête ? Qui était-il pour se laisser posséder et complètement guider par cette créature venue d'un autre monde ? Il passa un bras sous elle pour plaquer son corps fin contre le sien, grondant férocement. Il pouvait la sentir trembler contre lui, mais le regard brillant qu'elle lui adressa le fit soudainement ronronner.
- So... Sortez, souffla t-elle à la femme affolée, restée figée à l'entrée de la chambre. Je... Je vais le... le calmer... Ne... AH ! Noh... Nohakyr Ka... Kallan Light...strake ! SORTEZ !
La femme pris la fuite, affolée et complètement perturbée par ce qu'elle avait vue dans cette chambre.
- No... Nohakyr, gémit Ellyn alors qu'il marquait sa peau de morsures violacées. Hm Nohakyr !
- E...Elly...n feula la créature, reprenant peu à peu contenance. Qu'ai... Qu'ai-je fait ?
- Non ! s'exclama t-elle soudain. Reste là.
Comme pour consoler un enfant après un cauchemar, Ellyn l'attrapa et vint lui caresser la tête, le laissant s'apaiser jusqu'à arrêter ces bruits étranges et effrayants.
- Respire, je suis là. Je...
- Ellyn... T'ai-je...
- Tais toi. Ferme les yeux et calme toi.
Elle ne savait comment gérer une créature dont elle ne connaissait rien. Le monde qu'elle avait créé il y a dix-neuf ans, n'était plus celui qu'elle avait un jour couché sur papier dans cette chambre froide de l'hôpital. Elle continua de le caresser, murmurant des choses et d'autres sans qu'il ne réussisse à en saisir le sens, mais dont la douceur de sa voix arrivait à percer cette carapace que lui-même n'arrivait jamais à traverser pour reprendre contenance quand la colère l'emportait.
- Noha ! s'écria la duchesse en entrant en trombe dans la chambre, la gouvernante et plusieurs personnes à sa suite. Oh !
Nohakyr gronda furieusement, mais la voix douce d'Ellyn le ramena à la raison.
- Tout... Tout va bien Madame ! s'exclama Ellyn, gardant le jeune homme contre elle. Je... Il... Il ira mieux après, rassurez-vous ! Je... Je vous le promets !
- Co-Comment pouvez-vous...
- Laissez moi quelques instants ! l'implora la jeune femme. Je ne veux pas qu'il vous fasse du mal !
- Comment vous...
Ellyn savait. Bien sûr qu'elle savait ! Nohakyr l'avait déjà fait et pas qu'une fois ! Il suffisait de voir à quel point sa propre mère avait peur de lui et se tenait à distance pour le comprendre. De plus, elle avait déjà remarqué le bleu à son poignet qui devait être tout récent.
- Majesté, dit-elle plus bassement. Votre main vous fait t-elle mal ?
Immédiatement, la duchesse cacha son bras derrière elle.
- Laissez lui le temps de se calmer, reprit- Ellyn, la crise va passer. Nohakyr. Tout va bien, tu ne m'as rien fait. Laisse la se reposer.
Les mots n'avaient aucun sens pour personne hormis pour eux deux. Première preuve que Nohakyr engrangea. Elle savait, elle l'avait créée. La caresse de ses doigts sur sa tête, à travers ses cheveux était apaisante, celle posée dans sa nuque qui la lui massait délicatement le fit gronder d'aise, jusqu'à ce que tout son corps ne cesse de trembler et qu'il se redresse pour l'affronter.
- Je... Je suis un monstre, gronda t-il.
- Non, murmura t-elle en caressant sa machoire, souriant comme ci rien de tout ceci ne s'était passé. Tu es juste un jeune homme ténébreux et terriblement dangereux.
Le regard sombre qu'il lui lança la fit rire.
Elle se redressa et déposa un baiser sur sa joue puis vint murmurer une phrase à son oreille qui le fit tiquer :
- Dangereusement sexy que même dans mes rêves je ne pourrais te résister, si j'avais su que tu étais ainsi.
Il la plaqua sur le matelas.
- M'as tu résisté ?
- J'ai essayé beaucoup trop de fois. s'amusa la jeune femme, oubliant qu'elle se trouvait dans un monde où l'étiquette et la bonne conduite étaient les leaders. Ta mère nous regarde et il y a du monde avec elle.
Nohakyr ferma les yeux. Cette femme voulait sa mort, il n'y avait aucune autre façon de décrire la situation.
- No... Noha va... va te préparer et rejoins ton père. Je...
- Non.
- Nohakyr, souffla Ellyn. Fais ce que ta mère t'as dit.
Le regard furieux qu'il lui lança la fit rire. Elle repensa à ses élèves. Il se leva, quitta la chambre dans un état second, le corps endolori de pression, laissant cette femme et sa mère dans la même pièce.
Ellyn tenta de se lever, mais ses forces l'abandonnèrent. Personne ne vint l'aider, hormis la duchesse.
- Excusez moi Madame, fit la jeune irlandaise en souriant, montrant à cette femme douce et aimante, son corps marqué par le désir du monstre possédant son fils. Je vais bien.
- Préparez un bain. ordonna la femme de pouvoir aux femmes qui l'avaient accompagné. Et une tenue pour cette demoiselle.
- Mais ! Nous n'avons rien pour elle !
- De plus Majesté, c'est... c'est une...
La duchesse sentit une sorte de colère et d'injustice poindre dans son cœur.
- Venez mon enfant. Nous allons vous apprêter dans mes appartements.
La duchesse aida Ellyn à marcher, traversant un grand couloir ainsi qu'un escalier en marbre. Chaque pièce qu'elle découvrait ressemblait à ce qu'elle avait imaginé et allait même bien plus au delà de tout ça. Elle versa quelques larmes, jusqu'à ce qu'elles n'entre dans un grand salon attenant à une chambre.
- Votre chambre est si belle, souffla Ellyn, se rappelant de ses recherches pour créer un pareil endroit.
Le sourire que la duchesse vit s'afficher sur son visage l'intrigua. À quoi pouvait bien penser cette fille ?
- Est-ce que je peux utiliser de l'eau froide ? demanda soudainement Ellyn.
- Je vais faire préparer un bain pour vous-
- Oh non Madame ! De l'eau froide suffira, je vous remercie.
Le ton était triste et la voix effacée.
Elle sonna une de ses servantes et alla fouiller dans sa penderie pour trouver une robe adéquate qui pourrait convenir à cette jeune créature.
Ce n'est bien qu'une heure plus tard qu'elles retrouvèrent le père et le fils dans la salle à manger, attablé, dégustant une tasse de café, lisant les dernières nouvelles du monde comme n'importe quelle famille de son propre monde.
- Mes-dames... fit le père en découvrant la Duchesse et Ellyn à l'entrée de la salle.
Nohakyr se leva pour lui tendre la main et la guider vers une chaise à sa gauche.
- Je ne suis pas habituée à tant d'habille, bredouilla t-elle alors qu'elle galérait clairement à s'installer sur le rembourrage précieux du fauteuil.
Nohakyr s'amusa.
- Et comment t'habilles-tu pour être à ce point encombrée ?
- Je peux te dessiner une idée si tu le souhaites.
- Voilà qui serai très utile, mais plus tard.
- Seigneur, fit la jeune fille, tentant d'être polie envers le père de Nohakyr, baissant la tête du mieux qu'elle put alors que la poudre recouvrait à peine les marques laissées par le jeune homme à sa droite. Je m'excuse de cette apparition.
- Inutile d'en parler pour le moment, l'arrêta le Duc. Mangeons, nous aurons bien plus à parler après cela.
- Bien sûr. Je suppose que vous avez beaucoup de questions à me poser. Tout comme j'en ai également.
Nohakyr posa une main sur la cuisse de la jeune femme. Bien que ce soit un geste protecteur qui avait pour but de la mettre à son aise, son corps tout entier se figea et s'échauffa. Elle coula sur lui un regard suppliant, mais en avait-il quelque chose à faire ? Non, il piqua dans un plat et déposa dans son assiette quelques petites choses qu'elle eut plaisir à retrouver.
- Que souhaites-tu boire ?
- Est-ce que c'est du thé ?
- En effet, répondit la duchesse, surprise. Ce sont des fleurs de jasmin et des zestes d'agrumes.
- Est-ce que je peux ?
Alors qu'on attendait qu'une des servantes la serve, Ellyn se leva et se débattit avec ses atours pour prendre la théière et se servit.
- En voulez-vous ? demanda t-elle à la duchesse.
- Euh... Je... S'il vous plaît.
La femme se mit à rougir, très peu à l'aise, mais appréciant le geste. On les regarda faire, Nohakyr s'amusait, le Duc l'étudiait mais la Duchesse semblait être celle qui prenait bien plus de plaisir à la voir agir avec elle.
Qui que pouvait être cette fille, elle ne quitterait pas le duché !
***
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