Chapitre 31
Alors qu'Ellyn fut appelée à la bar pour témoigner, enfin, sur son histoire, Eva vit rouge. Cette garce allait la plonger volontairement. Mais ce qui la fit sourire était l'état cadavérique de sa fille, signe qu'elle était épuisée et qu'à tout moment, elle pouvait craquer et ça pouvait jouer en sa faveur. Elle se pencha pour en toucher deux mots à son avocat qui hocha la tête, étudiant Ellyn.
Depuis sa réconciliation avec son mari et son fils, son retour chez les vivants, Ellyn se battait contre ses cauchemars. Elle avait d'abord voulu refuser de venir témoigner, se trouvant beaucoup trop faible et puis, c'était face à sa mère qu'elle allait se retrouver. Mais Nohakyr lui avait alors murmurer quelque chose qui l'avait boosté : elle était enceinte.
Si vite ? Cela lui rappelait alors l'annonce de Karen pour Theyron, à peine après leur nuit de noces au Royaume de l'Ombre. Cette annonce l'avait fait douter, mais après des examens discrets et complets, elle était maintenant sûr que ce qui poussait en elle était le fruit de son amour avec ce Prince Noir.
C'est alors que, l'échographie dans la poche de sa robe, collée contre son cœur, elle avait décidé de comparaître et de livrer son histoire. Elle avait rassemblé tout ce qu'elle avait pu pour les présenter au juge qui présidait l'audience depuis plusieurs jours déjà. Le dénouement était proche et de ce fait, elle devait faire en sorte de rester forte, pour Nohakyr, leurs enfants, Maelicia et Gemeliar, leurs amis et cette famille qu'ils formaient depuis leur rencontre.
Quand son nom fut énoncé, elle se leva, tremblant quand même de peur, mais Nohakyr lui baisa les doigts pour l'encourager, marquant sa peau de son ombre. Il laissa une trace sur elle qui lui apporterait de la force mais surtout cette chaleur nécessaire dont elle aurait besoin pour tenir durant tout l'interrogatoire.
Elle jura de ne dire que la vérité et on l'installa sur une chaise, un plaid sur les jambes pour la garder éloignée du froid. Un médecin l'avait ausculté juste avant, à la demande du Duc, pour expliquer l'état de sa belle.
- Madame la Duchesse, se lança un des avocats en s'avançant au milieu de la pièce. C'est un honneur de vous rencontrer, malgré les circonstances.
- De même Maître Gir, répondit-elle en inclinant légèrement la tête en signe de respect.
- Cela ne sera pas simple, le médecin de la cour que vous avez vu nous a dit que vous souffrez de beaucoup de choses et surtout d'un mal psychologique.
- C'est ça, répondit Ellyn.
- Pouvez-vous nous expliquer ce qu'il vous est arrivé ?
- Depuis où ?
- Où vous le souhaitez, mais le début serait appréciable, Madame la Duchesse. répondit l'avocat, conscient que la jeune femme n'était clairement pas en état de débattre ni d'affronter les horreurs qui allaient de nouveau se produire durant l'audience du jour.
Pourtant, il pouvait voir en elle, une lueur déterminée, briller dans son regard. Sa posture très droite et princière, lui indiquait qu'elle était là pour se battre car elle avait quelque chose à protéger. Quoi ? Ils le sauraient sans doute plus tard.
- Dans ce cas...souffla t-elle, baissant la tête avant de se replonger dans sa propre histoire.
Elle évoqua alors sa naissance et ses premiers souvenirs de vie. L'ignorance dans laquelle elle avait été plongée quant à leurs agissements ou la façon dont elle avait été traité durant son enfance, jusqu'à la naissance de Caleight.
Quand elle raconta la fois où il l'avait poussé dans les escaliers, broyant ainsi une certaine partie de son corps, elle dû se résoudre à soulever sa robe, essuyant une certaine humiliation, pour présenter ladite cicatrice qui lui traversait le corps. Honteux, l'avocat s'excusa, détournant le regard, mais il percuta celui du Duc qui était si furieux qu'il se voyait déjà mourir entre ses mains. L'avocat dû se reprendre et continuer de la questionner sur les différents instants de sa vie jusqu'à son hospitalisation qui avait duré deux bons mois. Puis sa fuite de ce dernier avec le Duc et elle dû alors raconter sa rencontre avec ce dernier, qu'elle avait fini par se rappeler.
" J'étais petite, je regardais les enfants s'amuser dans le parc alors que j'étais sous le soleil. Mon frère aîné était déjà attaché aux devoirs de l'aîné de la famille et donc ne passer aucun moment avec moi, comme n'importe quels enfants auraient voulu. Caleight était encore trop jeune pour sortir et mes parents préféraient le garder avec eux pour s'assurer qu'il allait bien. Je me faisais ignorer par les autres quand l'un d'entre eux est venu me voir pour me pousser sans raison. Je lui ai demandé pourquoi il avait fait ça et il m'a dit que j'étais juste un monstre trop faible, comme une poupée sans âme que l'on pouvait torturer à sa guise. N'est-ce pas là comment pour chaque enfant de s'en prendre aux plus faibles ou à ceux qui sont différents, pour s'amuser ou juste faire comme les autres pour éviter d'être eux aussi les victimes ? Mais un autre garçon est arrivé, grondant comme un loup enragé. Il leur a fait peur et s'est approché de moi. Il m'a tendu la main pour m'aider à me relever, mais j'avais trop peur, alors je n'ai rien fait."
- Qu'a fait ce garçon ?
"Il s'est accroupi près de moi, m'a tiré vers lui et épousseté mes vêtements pleins de sables et de bouts de bois. Il m'a regardé et m'a demandé si j'étais toute seule. Au début j'ai uniquement hoché la tête, et il m'a soulevé du sol comme si je ne pesais rien pour m'emporter à l'ombre. Nous y avons passé la journée et en début de soirée, il m'a raccompagné chez moi, car personne n'était venu me chercher."
Apprendre ce genre d'histoire n'était pas simple, mais la raconter était encore plus une horreur pour elle qui devait se replonger dedans. Elle raconta alors ensuite ses autres rencontres avec le jeune garçon jusqu'à ce qu'un jour, elle se retrouve à l'hôpital et qu'il la visite une dernière fois. Elle n'avait plus jamais entendu parlé de lui, ne savait pas plus son nom, mais se souvenait du visage, du timbre de sa voix et de son regard qui lui donnait, encore aujourd'hui, des frissons et une sensation d'être en sécurité, à l'abri et chéri par quelqu'un de spécial.
Plus elle racontait sa vie, plus Nohakyr se mit à gronder, serrant ses poings pour ne pas se lever et déclarer la fin de l'audience ou du moins de cette humiliation médiatique que sa femme subissait. À côté de lui Theyron apprenait plus de choses sur sa mère et se dit que la façon dont il avait tué Caleight avait été beaucoup trop douce.
- Avez-vous d'autres questions ? s'exclama le juge.
- Du tout.
L'avocat se retira, laissant ainsi la place à celui de sa mère.
- Miss, commença t-il.
- Duchesse, le corrigea t-elle avec fermeté.
- Je vous demande pardon ?
- Je suis polie et respectueuse, il en va de même pour ceux qui me parle, déclara t-elle avec plus de force. Ne suis-je pas mariée au Duc McMuller ?
- Euh si, bien sûr.
- Alors je vous demanderais de vous adresser à moi avec le titre et le nom qui me sont donnés : Madame McMuller ou Duchesse McMuller.
Effaré par autant d'audace, Eva gronda, l'avocat resta bouche bée, quant à la partie adverse, aux travailleurs de la cours ainsi que toutes les personnes présentes dans la salle, celles-ci se mirent à rire, saluant ainsi le courage et la force de cette femme pourtant affaiblie.
Noha ne put s'empêcher de sourire, il porta ses doigts à sa bouche et y déposa un baiser qu'Ellyn ressentit sur le dos de sa main. Le frisson délicieux que cela lui créa, lui fit comprendre que son mari était fier d'elle. Un regard vers se dernier le lui confirma.
- Madame la Duchesse a raison Maître Krämer, fit le juge, se remettant à peine de ses émotions. Veuillez vous adresser à Madame la Duchesse par son titre et son nom ainsi qu'avec le respect qu'il lui est dû.
- Bien votre Honneur. répondit l'avocat piqué au vif. Madame la Duchesse, est-ce que vous insinué là qu'il y a eu maltraitance ?
- Je ne suis ni juge ni voyante, mais je pense que si vous avez besoin d'examiner des preuves, j'ai quelques petites choses ici qui pourraient vous aider à répondre à votre propre question, répondit-elle en fouillant dans son sac. Votre Honneur ?
- Montrez les moi.
Elle sortie une pochette plastifiée de son sac et lui présenta plusieurs plaintes qui dataient de son enfance ainsi que tout un tas de documents qui démontraient la maltraitance dont elle avait été victime jusque là. Chacune des pièces qu'elle lui présenta firent tiquer le Juge qui adressa à Eva et son avocat un regard noir, jusqu'à ce qu'une photo prise par Ellyn étant adolescente, le fasse éclater de rire.
- Maître Gir, veuillez vous avancer, ordonna t-il complètement hillar. Veuillez bien regarder cette photo et nous détailler ce que vous y voyez.
- Euh... Oui Votre Honneur.
L'avocat choisi pour Ellyn s'avança et pris la photo. Il se figea en reconnaissant son adversaire clairement en train de chevaucher sa cliente en totale extase. Il envoya un coup d'œil à sa cliente avant de bafouiller :
- Eh bien, je… je vois un couple dans un manque de tenu certain, en train de s'adonner à un exercice charnel très plaisant pour eux.
- Votre façon prude de nous décrire cette photo fait de vous quelqu'un d'honorable Maître Gir. Maintenant, veuillez nous dire qui vous voyez sur cette photo.
- Dois-je vraiment… Très bien. J'y vois Maître Krämer et Madame Eva McAllister.
- Quoi ?! s'écrièrent-ils en chœur.
- Je vous laisse présenter l'image à l'audience.
L'avocat, très peu à l'aise, se dirigea vers un diapo et déposa la photo dont le reflet apparu sur un écran. La photo choqua beaucoup de monde.
- Pouvez-vous nous dire quand cette photo a été prise ?
- Quand je devais avoir seize ou dix-sept ans environ, Votre Honneur, répondit Ellyn.
Alors qu'on allait lui demander pourquoi elle avait cette photo, l'avocat, honteux et furieux, se précipita sur elle, mains en avant pour l'étrangler.
- Ellyn ! gronda la voix féroce de Nohakyr.
- Gardes ! s'écria le Juge.
Ellyn avait peur, mais réussi à esquiver cet homme. Elle se jeta sur le côté, se faisant mal au passage contre la porte du box dans lequel elle se trouvait, puis couru vers son mari. Il l'attrapa par la taille et la souleva pour la mettre en sécurité. Toute la scène était filmée et visiblement ça n'avait pas l'air d'atteindre l'avocat et Eva qui était entrée à son tour dans une crise d'hystérie folle, hurlant à s'en briser la voix contre sa fille.
- Sale petite garce ! éructa l'avocat.
Mais Noha l'attrapa à la gorge, soulevant se dernier dans l'air, obligeant l'homme à se concentrer sur son emprise pour tenté d'y échapper, mais le Duc serra au point de lui couper la respiration.
- Monsieur le Duc ! s'exclama le Juge horrifié mais reconnaissant de sa rapidité d'action.
- Je pense, Votre Honneur, qu'il n'est plus nécessaire de dire quoi que ce soit, gronda t-il.
- Non, souffla le vieil homme assis en haut de son pupitre. En effet. Mais nous observerons tout de même le protocle. Veuillez les emmener, j'annoncerai la sentence dans l'heure. Madame, je m'excuse.
- Vous n'avez pas à le faire, souffla Ellyn accrochée à son fils et son mari. Je ne souhaite qu'une chose : rentrer chez moi et passer ma grossesse loin de tout ceci.
- Madame, fit un journaliste choqué. Venez-vous de dire que vous êtes enceinte ?
- C'est exact et j'espère sincèrement que cette histoire se finira assez rapidement.
- Ma femme a besoin de beaucoup de soins et de repos, gronda Noha. Aussi j'ai hâte de ramener ma famille chez nous.
- Je prendrais une décision et l'annoncerai aussitôt, s'exclama le juge. Mes félicitations !
- Merci Votre Honneur.
Ils quittèrent la salle pour se retrouver dans le couloir. Les journalistes restèrent à l'écart mais regardaient cette famille se centrer sur elle-même, assise sur un banc.
- Ellyn, murmura Noha, entourant les épaules de sa belle.
- Je veux juste rentrer.
- Bientôt. Après ton témoignage et ce qu'il vient de se passer, cette histoire sera vite fini et on pourra rentrer.
- Maman, est-ce que mon frère ou ma sœur a froid ?
- Non mon cœur, il ou elle est au chaud dans mon ventre. Je le ou la protège jusqu'à ce qu'on puisse le voir. Tout comme je l'ai fait avec toi.
Cette fin de phrase avait été murmuré pour que eux seuls puissent l'entendre. Theyron posa sa main sur le ventre encore plat de sa maman et le lui caressa. Il se pencha et murmura alors quelques mots :
- Grandit vite et bien. Maman, papa et moi on te protège. Alors protège maman aussi.
La scène était attendrissante, même si aucun d'entre eux n'avaient put entendre vraiment ce qu'ils avaient pu se dire.
Quand le procès repris, la sentence n'avait pas tardé à tomber et les deux avaient été pris dans un piège qu'ils avaient eux-mêmes tendu à Ellyn durant des années. L'infidélité, le mauvais traitement etc... tout ceci avait fait que, en plus des actes de cette famille, ils avaient plongés.
Ellyn était enfin libre. Libre de vivre pleinement sa vie avec son mari, son fils, sa famille et de préparer la venu de leur prochain bébé.
***
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