Une date, sept péchés
Le 7 juillet 2017,
sept délits se produisent en même temps à 20h17
dans sept coins de la France.
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Les flics chopent Lorenzo sur l'A43. Il effectue une livraison entre Sanremo et Lyon, transporte de la marchandise dans une BMW série 8 GT, à la place d’un gars qui ne s’est pas pointé à l’heure sur les quais. Autant dire que la journée a mal commencé. Les poulets lui disent qu’il roule trop vite, qu’il pollue avec sa grosse bagnole diesel. Ils l’ont pris en chasse pour ça. Non mais sérieux ? Ils lui collent une amende pour non-respect de l’environnement et de la sécurité. Il croit rêver, qu’est-ce qu’il en a à foutre de cette société de merde ? Ils inspectent le coffre de la voiture, tombent sur les sacs de poudre. Bordel de merde. Il appuie alors sur le champignon pour prendre la fuite. S’ensuit un go-fast, poursuivi par les carabinieri.
Ils ne peuvent pas comprendre qu’il obéit juste aux ordres de son père ? C’est comme ça qu’il gagne sa vie avec sa famiglia.
Ils ne peuvent pas comprendre qu’ils veulent faire leur business tranquille ?
Ils ne peuvent pas comprendre que les consommateurs en redemandent ? Ils ont besoin de coke, il leur en fournit, où est le problème ? C’est du commerce comme un autre, il applique le principe de l’offre et de la demande.
Cela le fait chier de se retrouver en taule pour un picciotto qui a mal fait son boulot ! Lorenzo jure en boucle « Testa di cazzo ! »
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Hubert est un homme reclus dans une maison au fond des bois. Il se méfie des gens, de l’espèce humaine en général. Il ouvre son frigo, constate qu’il est vide. Il doit se résigner à aller en ville pour faire ses courses. Il monte dans sa 4L et roule jusqu’au Aldi le plus proche. Hubert inspecte tous les produits, scrute les étiquettes, analyse les ingrédients et compare les prix. Il achète le strict nécessaire : un sachet de riz basmati, une soupe aux légumes de saison, une bouteille de vin rouge bas de gamme et une pomme Golden. Lorsqu’il arrive à la caisse, il sort son portefeuille, prend les pièces et se met à les compter. Deux enfants derrière lui se chamaillent, la mère n’arrive pas à les tenir. Hubert se sent mal à l’aise, il n’aime pas ces cris stridents. La femme le regarde avec dédain de la tête aux pieds.
Tout le monde le connaît dans le village. Il est surnommé « Hub le pingre ».
Tout le monde sait qu’il a hérité des dix hectares de vigne et du domaine de son père, le comte de Grinolte, situé en Gironde.
Toute le monde sait que son père était généreux, donnait à la commune pour la rénovation des infrastructures et pour moderniser le village.
Depuis sa mort, plus aucun don n’est offert. Hubert a coupé les vivres, abandonné le domaine, et s’est éloigné de tous dans la forêt de Pins. La caissière retrousse le nez en le voyant. Les enfants chahutent, de la sueur perle sur son front, sa main tremblote. L’un des gamins le bouscule, il lâche les pièces. Il se hâte de ramasser son argent pendant que les personnes autour de lui rient. Il compte sa monnaie, il lui manque cinquante centimes. Il fronce les sourcils, lève la tête vers le gamin qui joue avec sa pièce. Tous se marrent.
Il n’en peut plus, attrape la boîte de conserve de haricots verts dans le caddy de la cliente derrière et s’en sert pour frapper le crâne du gamin. La mère hurle, le sang coule à flots. La caissière prend son téléphone. Il n’entend plus rien, se contente de rester figé face au corps de l’enfant qui gît au sol. Le liquide se répand lentement sous sa tête. Ce rouge carmin l’émerveille. Hubert reprend conscience lorsqu’il sent les menottes serrer ses poignets.
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Tous les jours le même rituel. Pauline regarde ses voisins entrer et sortir de leur maison à étage flambant neuve. Ils ont acheté le terrain à côté de chez elle, fait construire une somptueuse villa avec piscine, spa et pool house. Elle compare leur vie à la sienne. Sa bicoque de 1930 tombe en ruine. Elle vit seule, à quarante-deux ans, avec son chat tigré.
Tous les jours, elle tire son rideau en velours pour épier les voisins, un couple parfait à ses yeux. Ils sont élégants, elle en tailleur moulant, aux formes généreuses, et lui en costume impeccable, taillé comme un joueur de rugby. Pauline jette un coup d’œil dans le miroir, contemple sa silhouette d’une maigreur inquiétante dans son jogging trop large pour elle. Elle soupire. Même leurs deux gosses sont tirés à quatre épingles. Une larme s’échappe. Le lendemain, elle file dans son jardin.
Pendant qu’elle arrache les mauvaises herbes, elle aperçoit la voisine tailler ses rosiers. Sa gorge se serre.
Pendant qu’elle nettoie les gouttières, elle remarque le mari qui allume le barbecue de la cuisine d’été.
Pendant qu’elle nourrit son chat, elle constate que les enfants jouent dans la piscine avec leur bouée en forme de cygne.
Pendant qu’ils s’amusent, Pauline broie du noir.
Ils mènent la vie qu’elle aurait aimée avoir. Pourquoi n’a-t-elle pas droit au bonheur elle aussi ?
Un jour, la femme brune à la silhouette digne d’une actrice de cinéma frappe à sa porte. Elle lui demande un gaufrier, car le sien s’est cassé. Sa fille de cinq ans a invité des amies et a promis de faire avec elles un atelier gaufres au sucre. Ce serait dommage de lui gâcher ce bonheur. Pauline la toise, jalouse de sa beauté. Comment fait-elle pour ne pas suer, alors qu’il fait 30 degrés dehors ? Elle laisse attendre la voisine sur le perron pour filer à la cuisine. En prenant le petit électroménager dans le placard, une idée lui traverse l’esprit. Elle revient avec l’appareil et un verre de grenadine. La voisine est enjouée, ses yeux azur pétillent et remercie Pauline du fond du cœur. Quelques minutes plus tard, les sirènes des pompiers retentissent. La jolie brune s’est écroulée. Derrière ses rideaux, Pauline rit à gorge déployée.
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Cassandre est belle, intelligente et cadre dans une grande entreprise internationale. Elle dirige une trentaine de personnes. Hier soir, l’équipe a organisé une fête en l’honneur du mariage de Leopold et ils ne l’ont pas invitée. Non mais quel toupet ! Elle n’est pas n’importe qui !
Sans elle, la boite aurait coulé depuis longtemps. C’est grâce à elle si tous ces pèquenauds ont gardé leur poste à l’usine ! Elle n’en revient pas d’être ainsi mise à l’écart.
Sans elle, l’usine n’aurait pas été modernisée. Elle a rénové les infrastructures, élaboré les plans stratégiques, augmenté les salariés, et même réagencé l’espace co-working et cafétéria.
Sans elle, ils ne sont rien, ce ne sont que des employés de bas étage sans aucun diplôme.
Elle est bien meilleure qu’eux, elle leur est en tout point supérieure ! C’est Valérie, la secrétaire de direction, qui a organisé cette fête en cachette. Quelle peste ! Heureusement que Joan était saoul ce matin et qu’il a vendu la mèche par inadvertance. Sinon ils l’auraient tous pris pour une demeurée. Elle refuse un tel scénario, elle les domine, les contrôle et cela doit rester ainsi. Elle mérite ce poste de direction, plus que quiconque dans cette boite, elle n’a pas à se laisser devancer par cette pauvre tâche de Valérie.
Alors Cassandre a une idée. Elle téléphone à la femme du directeur et lui souffle l’information que sa secrétaire couche avec son mari. Anéantie et en pleurs, la femme sermonne son mari, le couple se querelle. Le lendemain, le Directeur ordonne à la responsable RH de licencier Valérie pour faute grave. Cassandre jubile, ça leur apprendra à la mettre à l’écart.
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Le fameux jour est enfin arrivé. Krystel trépigne de joie à l’idée d’être coiffée par le beau Kristoff. Il a de longs doigts délicats qui savent masser son cuir chevelu avec sensualité. Arrivera-t-elle à se contrôler ? Non, elle a envie de se faire plaisir cette fois. À peine assise sur le fauteuil en cuir que Krystel commence à mouiller. Elle se frotte les jambes, relève sa robe jusqu’aux cuisses. Lorsque le coiffeur plonge ses mains dans ses longs cheveux dorés, elle se trémousse, son entrecuisse chauffe de plaisir. Elle se mordille les lèvres, se lèche lentement l’index en dévisageant le reflet de l’homme dans le miroir. Plus il tripote ses cheveux, plus le désir monte en elle. Discrètement, elle passe une main sous sa jupe, écarte son string, triture son clitoris et écarte lentement ses lèvres humides avec l’index et le majeur. Elle se caresse pendant que Kristoff lui masse la tête. Krystel enfonce son doigt dans l’antre humide. Avec sa main droite, elle commence à déboutonner son chemisier, glisse sa main dans son soutien-gorge et se malaxe la poitrine sous le regard surpris du coiffeur. Elle gémit, libère des râles d’extase.
Kristoff se penche vers elle pour lui dire d’arrêter, que ses gestes ne sont pas corrects dans un salon de coiffure. Krystel sourit, elle n’est pas dupe. Elle voit bien que le jean de l’homme est tendu. Il a beau le nier, sa bite le trahit. Il bande. Plus excitée que jamais, elle retire son string d’un geste vif, attrape une brosse à cheveux et s’empale avec le manche. Elle soulève sa jupe pour que son geste soit parfaitement visible. Elle écarte les jambes, le miroir offre la vision de son sexe engloutissant l’objet. Elle accélère les mouvements de va-et-vient, ferme les yeux et émet des sons de plus en plus gênants.
La responsable du salon est arrêtée dans son élan par ces bruits. Elle préparait un mélange pour coloration. Les clientes se lèvent, sidérées et choquées, partent à la hâte sans payer. Tous les yeux sont rivés sur Kristoff et la trentenaire. Le pauvre homme ne sait plus où se mettre, tente tant bien que mal d’arrêter sa cliente dans ses gestes. Mais elle continue. Des bruits de succions se produisent par l’air entrant dans le vagin. Krystel arrache son chemisier et son soutien-gorge, mettant ainsi à la vue de tous, ses seins gonflés et ses tétons qui pointent. Elle se cambre sur le fauteuil, enfonce plus profondément le pommeau de la brosse à cheveux. Du liquide glisse entre ses cuisses et tache le fauteuil.
La responsable en a assez vu, elle agrippe Krystel et arrache l’objet qui lui sert de gode d’un geste brusque. Elle ordonne à Kristoff d’appeler immédiatement la police. En attendant, elle ramasse les affaires de la cliente et la somme de se rhabiller. Krystel fait la moue, vexée d’avoir été stoppée dans son acte. Elle n’a pas encore atteint l’orgasme.
Sans crier gare, elle se jette sur l’homme, baisse son pantalon et son caleçon, avale à pleine gorge le sexe dur et droit de Kristoff. Elle veut du sexe et elle l’a ! Le coiffeur se laisse faire, le combiné téléphonique glisse de sa main. Krystel lèche et suce la verge de son partenaire avec dextérité.
Sans crier gare, elle se retire, attrape la main de l’homme et l’incite à parcourir ses seins, son ventre et son pubis, pour enfin glisser ses doigts à l’intérieur de son être. Elle l’invite en elle, sous le regard médusé des employés.
Sans crier gare, elle recule pour reprendre le sexe entre ses lèvres. Kristoff ne peut se retenir plus longtemps et éjacule dans la bouche de sa cliente.
À cet instant la police débarque dans le salon. Krystel avale le sperme, essuie lentement la commissure de ses lèvres et sourit au policier qui lui passe les menottes.
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Depuis trois jours, le café lui est interdit, à cause d’une agression en pleine rue sur un touriste néerlandais ayant demandé un « expresso » au lieu d’un « espresso » sur sa terre natale. Le café, c’est sacré. Giulio ne supporte pas que le nom de sa boisson favorite soit bafoué par des inconnus. Il boit du café sans limite, matin, midi et soir, à l’heure de l’apéro, du petit déjeuner, de la pause de l’après-midi. Cela devient dangereux pour lui et pour autrui.
Dès qu’un individu a la maladresse d’écorcher le mot, Giulio ne peut pas s’empêcher de le frapper.
Dès qu’il voit ce subtil liquide brun et noir, il ne peut pas s’empêcher de le boire, venant même à voler celui des clients.
Dès qu’une personne renverse ce précieux nectar, il ne peut pas s’empêcher de jeter l’individu à la rue.
Serveur dans un bar, Giulio est renvoyé par sa patronne. Il lui arrive également de se retrouver à sec à la fin du mois, à cause de ses dépenses excessives en paquets de café moulu Lavazza ou San Marco. Non seulement, il se retrouve endetté, mais il prive les habitants de la commune de ce breuvage en dévalisant les stocks. Une mise sous tutelle est nécessaire pour contrôler son budget et ainsi l’empêcher d’acheter tous les grains torréfiés.
Giulio ne s’avoue pas vaincu. Il trouve un autre moyen pour se procurer en cachette et à volonté son espresso. Suite à une émission sur le fléau des brouteurs, il se lance dans cette escroquerie. Il repère sa cible sur les réseaux sociaux : une femme qui a connu une ou plusieurs déceptions amoureuses et qui peut facilement se laisser séduire. Une fois la victime identifiée, il envoie une demande d’amitié via un faux profil Facebook ou Tinder. Après plusieurs heures de discussion, il n’hésite pas, il demande un versement de dix euros sur un compte ouvert à Abidjan. Mais Giulio est gourmand et vu que le stratagème fonctionne, il demande plus d’argent pour s’acheter toujours plus de café. Jusqu’au jour où des policiers l’arrêtent. Des victimes ont porté plainte et l’équipe spécialisée en cybercriminalité a réussi à remonter jusqu’à lui.
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Divorcé, au bord de la dépression, et enfermé dans son bureau à longueur de journée, Eliot n’a plus goût à rien. Anciennement cadre dans une entreprise de BTP, il a été relégué au statut d’agent administratif en tant que gestionnaire de paie . Il n’accomplit plus ses tâches, les remet constamment à plus tard. Ses compétences et sa valeur professionnelle ont été mises en doute par le PDG. Avachi sur son bureau, entre les dossiers et les mails qui s’accumulent, Eliot soupire.
Par-dessus ses lunettes, il scrute l’écran de son ordinateur.
Par-dessus ses lunettes, il jette un coup d’œil sur les jambes de sa collègue.
Par-dessus ses lunettes, il épie Gaspard d’un air mauvais. Tout est de sa faute, il a baisé sa femme et l’a évincé de son poste de chef de groupe.
Eliot a appris ce jour-là que rien n'était acquis. Il a baissé les bras très vite, la flemme a accaparé son corps et son esprit. Aujourd’hui, il le regrette amèrement, mais il est trop tard. Ou peut-être pas. Une idée lui vient. Il décide de falsifier les fiches de paye, de modifier les comptes et les résultats budgétaires. Petit à petit, l’engrenage se met en place, le chiffre d’affaires baisse drastiquement, les actionnaires ne touchent plus suffisamment de bénéfices, l’entreprise coule et fait faillite. Eliot se retrouve au chômage, se laissant aller à visionner les séries Netflix toute la journée, allongé sur son canapé couvert de cartons de pizza. Alors que Gaspard se démène pour retrouver un poste convenable, il entreprend en parallèle un dépôt de plainte contre Eliot. Après enquête, ce dernier s’avère être le coupable de la fermeture du site. Il est arrêté. Eliot n’a ni l’envie, ni la force de protester.
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Le 7 juillet 2017, sept personnes sont arrêtées à 20h17.
Les délits ?
— trafic de drogue,
— homicide volontaire,
— empoisonnement,
— dénonciation calomnieuse,
— exhibition sexuelle,
— cyber extorsion,
— sabotage.
Et ces sept actes ont eu lieu dans sept régions de France. Pas n’importe lesquelles, car en reliant les points cardinaux, un heptagramme se forme sur la métropole, l’un des symboles de traditions religieuses et occultes. Il permet de repousser le Mal.
Les 7 péchés capitaux ont-ils été réveillés et mis en connexion pour ainsi échapper à une menace ténébreuse ? Ou était-ce une étrange coïncidence ? Un hasard ? Le destin ? La manigance du diable ? Toutes les suppositions allèrent bon train dans « Paranormal Magazine ».
Les médias des chaînes nationales ont préféré taire ces informations et se concentrer sur le samedi rouge des routes de départ en vacances ou bien sur le G20 à Hambourg.
Mais seulement quelques personnes ont vu le message subliminal apparaitre entre les lignes :
prochaine manifestation du Mal le 07/07/2027
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