Chapitre 7 - Lieutenant Jacques Grimaldi
Deux jours plus tard, le Lieutenant Jacques Grimaldi, dans son bureau de l’Évêché, installé devant son PC, consulte les archives de la PJ. La scène de crime l'interroge, il tente de faire des rapprochements avec des affaires ayant un caractère similaire au meurtre de la Rouvière. Il ne trouve rien ressemblant de près ou de loin, rien pour éclairer sa lanterne. Son téléphone sonne, il décroche.
- Allô, Grimaldi ?
- Oui, qui est à l'appareil ?
- C'est moi, Bricard, j'ai les résultats.
Bricard est légiste au LPS* de Marseille, les deux hommes se connaissent bien et s'apprécient.
- Salut mon grand, j'attendais ton appel, je suis complètement paumé. Alors qu'est-ce que ça donne ?
- L'examen du corps nous a livré tous ses secrets. La victime avait absorbé une grande quantité d'alcool avant de mourir, 3,3 g par litre de sang.
- Pourtant, Joséphine n'avait pas le profil d'une alcoolique.
- En tout cas, c'est bien par noyade que la pauvre enfant a péri, mais aucune violence n'a été constatée. Par contre on a trouvé des traces de GHB, ce n'est pas le type de substance qu'on absorbe volontairement.
- La drogue du violeur ? Mais, y a-t-il eu un rapport sexuel ?
- Non, rien !
- Cette histoire est bizarre, tu ne trouves pas ?
- Oui, il va falloir que tu t'armes de patience camarade. Allez ciao Grimaldi, j'ai du boulot.
- Merci de ton appel, à bientôt mon ami.
Jacques, a gardé en mémoire, un crime commis à Marseille il y a plus de deux ans, un crime non élucidé, mais les deux cas sont très différents. Une certaine Doris Markovic avait été retrouvée chez elle, égorgée sur son sofa. À part ça, aucune mise en scène macabre, aucun message laissé. Toutefois, deux détails peuvent correspondre : les victimes étaient rousses et il n'y avait pas d'empreinte ni de profil génétique sur les lieux. Jacques se dit qu'il va falloir qu'il consulte ce dossier, il ne faut rien négliger...
La photo du petit mot laissé sur le miroir a été transmise à l'expert en graphologie, le délai est trop court pour avoir le rapport détaillé, mais l'homme doit avoir une idée plus ou moins précise du profil de celui qui l'a rédigé. Il l'appelle.
- Bonjour monsieur Tacussel, Lieutenant Grimaldi.
- Bonjour Lieutenant, qu'est-ce qui vous amène.
- L'affaire Joséphine Pinchon.
- Je travaille dessus, mais je n'ai pas encore bouclé le dossier.
- Je m'en doutais, mais j'aimerais avoir vos impressions. Les premières heures de l'enquête sont toujours cruciales et j'ai besoin de me faire une idée globale de la situation.
- Eh bien, j'ai très peu de chose à vous dire pour la bonne raison qu'il ne s'agit pas d'une écriture typée. Le rédacteur s'est appliqué à transcrire son message sans laisser d'indice sur sa personnalité. Le message est rédigé en lettres scriptes, ou à bâton comme le disent les jeunes écoliers. Mais ce qui est frappant, c'est que les caractères sont nets, réguliers, les espaces rigoureusement identiques, on dirait une écriture mécanique.
- C'est intéressant, cela laisse présager un individu ayant une grande maîtrise, un certain self-control.
- Plus que cela à mon avis, car si ce type d'écriture ne peut pas permettre d'identifier son auteur dans sa forme d'expression habituelle, il dénote des caractéristiques intellectuelles exceptionnelles. Un tel niveau de précision ne peut émaner que d'un être doté d'un univers mental particulier. Nous aurions affaire à un schizophrène, ou à un pervers narcissique que je n'en serais pas étonné. Ou peut-être est-ce un autiste du type Asperger, mais en tout cas une personne aux capacités cognitives rares.
****
La conversation terminée, le policier ferme son PC et quitte son bureau. Il a rendez-vous à 15 h avec Sophie sa petite amie. Ils aiment se retrouver devant un café au bar de la marine, situé quai de Rive Neuve. Il compte mettre à profit le quart d'heure de marche nécessaire pour s'y rendre, pour cogiter. Mais le mois de mai diffuse déjà une douce chaleur sur la ville. Les rayons du soleil viennent lécher les tuiles des vieux immeubles marseillais aux volets bleu lavande. Ceux-ci sont croisés pour permettre aux chanceux du moment de s'adonner à une sieste réparatrice. Jacques a contourné la mairie du 2e, et se dirige vers la place de Lenche. Les restaurateurs ont déployé leurs terrasses, Jacques doit zigzaguer entre les tables encore occupées par les clients attardés. Chacun parle de sa vie, de son boulot, ou du dernier match de l'OM, en ignorant le pauvre cracheur de feu qui s’évertue à se transformer en un dragon éphémère dont tout le monde se fout. Le voici surgissant sur le quai du Vieux-Port, la bonne mère, brille de mille feux sur les hauteurs de la cité. Grimaldi traverse, et longe le quai en direction de l’Ombrière, où les touristes s'agglutinent le nez en l'air, pour voir leurs silhouettes inversées renvoyées par les miroirs fixés quelques mètres au-dessus. Quelques minutes plus tard, il arrive enfin devant la terrasse du café, sans avoir pensé une seule seconde à l'affaire qui le préoccupe.
Elle est là, assise à leur table habituelle, déjà vêtue aux couleurs de l'été, ses lunettes de soleil sur le nez et ses jolies boucles brunes rejetées en arrière. Jacques s'arrête quelques secondes pour l'admirer et se dit qu'il a beaucoup de chance de sortir avec la belle journaliste du journal "La Provence".
* Laboratoire de Police Scientifique.
Annotations
Versions