Visions

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La pièce était plongée dans une pénombre oppressante. Un frêle rayon de soleil passait par les volets clos. Le feu s'était éteint depuis longtemps, et plus aucune braise ne scintillait dans l'âtre. Il faisait froid dans la chambre, comme dans un tombeau. Le garçon s'agita dessous les couvertures dérangées. Sa bouche tordue par la maladie émit une faible plainte, puis une autre, avant de hurler.

J'ouvris les yeux brusquement, et me levai d'un bond. "Qu'y a-t-il, enfant ?" Tout était tranquille autour, dans ce paysage cultivé de fruits flétris et de fleurs fanées par la saison froide. Des corbeaux picoraient entre les vignes, et une fauvette prononça sa litanie matinale. Sous mon manteau, la panique demeurait face à cette vision, mais je feignis le calme : "Ce n'est rien. N'est-il pas temps d'y aller ?" Hildrine n'insista pas. Elle salua plutôt mon entrain et cette façon nouvelle que j'avais d'apprêter l'âne et prendre la route.

Toujours en mouvement, nous ne nous arrêtions pas pour manger. J'observais le paysage changer de lieues en lieues. Les forêts de chênes et de châtaigniers avaient laissé la place aux vignobles, aux vergers et aux rosiers. La hauteur des Fjalls abaissaient le plafond du ciel, et les fermes et les villages escaladant leurs flancs devenaient plus communs. J'avais hâte, oui, d'atteindre le Crerr, de me délester des desseins de la vieille et de Ceux-qui-Savent. Certes, la guérison et les vêtements étaient bienvenus, mais pour quelle contrepartie ?

Mon regard suivit un train de nuages poussés par le vent, à l'horizon. Perdue dans mes pensées, le portrait de ce garçon malade resurgit, et soudain ma vue changea de perspective, s'éleva au-dessus du sol, pour suivre un itinéraire et à toute allure rejoindre ce jeune homme alité et solitaire. Je luttai pour revenir à la réalité de la route, puis me mis à rugir de colère : "C'en est assez ! Qu'est-ce que c'est que ça ?

- J'ai senti le regard d'Azrac'h. Qu'as-tu vu, enfant ?"

Je restai interdite. Puis, un murmure s'éleva en moi : "Parle, parle." Reprenant la marche, je racontai tout à la vieille, non sans insister sur l'inconfort de telles visions. Hildrine ne chercha pas un instant à me sermonner. Elle hocha simplement de la tête, et se contenta d'ajouter : "Je suis passée par là aussi. C'est effectivement déstabilisant. Veux-tu entendre ce que mon maître, Guildwin, m'a transmis ?

- Qu'a-t-il dit ?

- Le courant ride la rivière. La marée roule les pierres. L'Engrilath baigne les terres. L'Ailenath peuple les mers. Et le hänvet est témoin de tout ce qui nait, croît et meurt.

- Cela ne m'aide pas."

Elle sourit, et n'ajouta rien d'autre que le son de ses pas.

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