Les richesses de Crerr

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Hildrine me réveilla avant l'aube. Je ne voulais pas l'accompagner aux troupeaux. J'allais bientôt en finir avec cette situation. Mais elle me dit : "Ce sera bientôt le petit-déjeuner des serviteurs. Faut pas le manquer."

Je mastiquai une tranche de pain noir trempée dans du lait tiède, et tout ce qui se trouvait dans l'écuelle posée devant moi me ravissait : un morceau de jambon, quelques tranches de navet rôti, une poignée de noix. Avant de quitter la cuisine, Hildrine me tendit une pomme et trois biscuits d'avoine : "Nous n'aurons pas le temps de revenir pour le déjeuner. Garde-ça dans une poche, et allons-y !

- Hors de question que je vienne avec vous.

- Ah, alors tu ne veux pas vraiment de ce travail proposé par Azilys de Crerr ?

- Bien sûr que si, quelle question !

- Alors creuse ta tête de bûche, enfant, et viens voir de tes yeux ce que sont les terres de Crerr. Ou tu te retrouveras toute idiote le jour où les seigneurs de Crerr te causeront de leurs affaires."

Les ruelles étaient désertes, à cette heure matinale, mais de la lumière brillait dans beaucoup de maisons. En descendant, Larik nous dépassa sans nous saluer, juché sur son imposant cheval.


[Les bergeries de Crerr : à rédiger]


Je m'étais pris au jeu d'exercer cet étrange pouvoir de guérison, pour les bêtes. Hildrine me gratifia d'un peu de répit. Tandis qu'elle allait frapper aux portes des fermes pour rencontrer les pâtres et leur famille, je pus retourner seule au château. La lumière baissait doucement, comme je prenais mon temps pour escalader les pentes pavées du village. Près d'arriver, un bruit de sabots m'arrêta tout à coup. Je me retournai pour observer Larik rentrer au château, mais je découvris trois cavaliers, qui passèrent au trot à côté de moi. L'un d'eux, très richement vêtu, soutint mon regard un instant très court. L'expression de ses yeux ne me quitta pas et je pénétrai dans la cour carrée, où ces gens d'armes étaient accueillis à la lueur de nombreuses torches.

L'inconnu aux beaux habits suscitait un ravissement bruyant de la part de celle que je reconnus pour être l'épouse de Messire Berton. Elle serrait les mains du jeune homme dans une effusion de joie envahissante. "Madame, puis-je, s'il vous plait, accueillir mon fils avant qu'il ne croule sous votre empressement ?

- Fi, Berton ! Voilà deux années qu'il n'est pas rentré au logis. Laissez-moi savourer ce moment !"

Très vite, pourtant, la Dame de Crerr reprit en main l'intendance de la maison, et donna des directives précises aux gouvernantes, maitres d'hôtel et palefreniers. Je me glissai alors rapidement vers les cuisines, en prenant garde de ne déranger personne, et surtout de ne pas gêner ces retrouvailles. Azilys embrassait son frère, à présent, et le pressait de questions à propos de la princesse, des souverains, de tel et tel courtisan. Larik, lui, n'avait pas quitté l'embrasure de la porte, en haut du grand escalier.


Le réfectoire débordait de monde, et le feu de l'âtre dispensait le fumet d'une viande que les commis rôtissaient doucement. Dans la liesse des retrouvailles, les seigneurs de Crerr avaient mis en perce quelques tonneaux de bière pour les serviteurs. Je refusai poliment la pinte que la cantinière me tendait, et acceptai un bol de soupe fumante, agrémentée d'une épaisse tranche de pain frais garnie de fromage. Je goûtai pourtant l'ambiance festive, rêvant à ma vie future dans cette maison. Une toute jeune personne me tira la manche et me fit savoir que Dame Azilys ne pourrait pas me recevoir ce soir, qu'elle était désolée, et que ce serait pour la première sonnaille demain matin. Fort bien. Je retrouvai le grenier de l'écurie sans même croiser la vieille. Elle avait sans doute été retenue en bas. Allongée sur ma couche, sereine, le sommeil me prit subitement.

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