Il fallait qu'elle aille voir, elle devait en avoir le cœur net. Kalina esquiva tous ses rendez-vous de la journée pour se rendre dans la forêt. À cause de son rêve si intense, elle hésita quelques secondes... Hier, était-ce un songe ou la vérité ? Elle ne savait plus où donner de la tête. Une chose sûre en revanche, elle devait y aller.

Personne, la présence de son tas de cailloux confirmait que ce n'était pas un rêve. Mais alors, viendrait-il ? Il ne fallait pas désespérer, ils se verraient demain ou un autre jour. Il avait peut-être mieux à faire. Ou il ne voulait pas la revoir il avait simplement été gentil. Les questions tournèrent dans la tête de Kalina, mais une certitude, elle attendrait.

Elle s'allongea sur l'herbe fraîche et ses pensées filèrent à toute allure. De connexion en connexion, elle songea à sa mère, elle se disait qu'elle aimerait vraiment beaucoup lui ressembler. Un peu comme à sa sœur, elle voulait devenir une femme élégante et délicate. Mais y arriverait-elle un jour ?

Une voie différente l’attendait. Elle était d'une autre trempe, plutôt comme son père Perickles. Il était un modèle pour elle. Il était patient, malin et toujours clairvoyant à son sujet. Son père ne se trompait jamais. Kalina adorait l'écouter avec attention, ses conseils s'étaient souvent avisés juste. Il savait aussi être intransigeant, une qualité qui lui plaisait moins.

Le temps passait, et la jeune fille commençait à désespérer de le voir venir. Elle fabriqua un collier de fleurs, elle alternait des fleurs bleues et des violettes. Soudain elle sentit une présence derrière elle, le jeta, et se retourna en pointant son couteau. Elle l'avait pris dans sa chaussure avec une dextérité impressionnante pour une enfant.

- Qu'est-ce que tu vas faire avec ça ? la questionna Vahan.

Il se tenait là, et souriait, du mieux qu'il pouvait, c'est-à-dire avec un coin de lèvre légèrement supérieur à l'autre. Kalina rangea tout de suite son couteau et se fondit en excuse. Elle, souriait vraiment. Elle n'avait pas remarqué lors de leur première rencontre, mais il avait un regard vraiment sombre, sa tristesse s'y lisait. Elle était si heureuse qu'il ait pu venir. Son cœur lui disait qu'elle pouvait lui faire confiance, mais sa raison lui rappelait de se méfier.

- Désolé, je ... j'ai des réflexes, bégaya la jeune Kalina.

- Viens je vais te montrer quelque chose, proposa-t-il.

Vahan lui tendit sa main, Kalina n'hésita finalement pas. Elle le suivit, ils traversèrent des chemins boueux, des montées humides, et des sentiers tous plus escarpés les uns que les autres. S’enfonçant dans la forêt ils restèrent silencieux. Il passa devant et se retournait pour savoir si ça allait. Elle doutait, devait-elle continuer ? Après tout, il n'avait rien fait de spécial pour la rassurer ou lui expliquer ou il l'emmenait.

Ils arrivèrent en haut d'une colline rocailleuse. Ils escaladèrent quasiment à la verticale pour atteindre le sommet. Kalina comprit aussitôt pourquoi il l'avait amené ici et pourquoi cela avait été compliqué de s'y rendre. En atteignant la cime de la roche au marteau, la vue leur coupa le souffle, on pouvait admirer tout l'empire d'Urmak se dessiner aussi loin que l'horizon. Les foyers fumaient et les maisons étaient entassées sans logique. C'était bien différent de la cité, les routes enroulaient les maisons, aucun toit à la même hauteur.

Le tableau surgissait, impressionnant. Elle se retourna vers Vahan, il paraissait tellement sulfureux et confiant. Ses yeux noirs étaient rivés sur son Empire.

- Je viens ici souvent. On voit tout, expliqua Vahan en posant finalement ses yeux sur Kalina.

Elle lui sourit. Ils passèrent de longues minutes en silence à observer cette vue incroyable. Kalina lui tendit la main, comme il avait proposé la sienne la dernière fois.

Ils avaient ainsi continué de se voir dès que possible. Parfois l'un attendait, d'autres fois l'autre. Ils arpentaient la forêt, à se raconter les histoires et les traditions de leurs peuples respectifs. Vahan était patient et silencieux, et Kalina était enjouée et radieuse. L'association des deux était terriblement douce, il existait une alchimie intense entre les deux. Elle le comprenait souvent sans qu'il ait besoin de parler, et lui se trouvait touché qu'elle veuille toujours passer du temps avec lui.