Déposition
Le silence était insoutenable.
Assise sur son canapé enveloppé dans un peignoir enfilé à la hâte, Ella attendait que quelqu’un lance la conversation. L’homme, dont elle ne se souvenait plus le nom, ne tenait pas en place. La femme quant à elle, ne bougeait pas d’un cil et la fixait sans retenue. Son regard la scannait, enregistrant le moindre détails. Il passait de ses cheveux ébouriffés, à ses cernes sous les yeux puis à son peignoir pour finir sur ses mains abimés. Elle tentait de soutenir son regard, en vain.
Le malaise s’était installé quand les deux inspecteurs avaient stoppé net devant le carnage de l’escalier; coupant en plein élan l’introduction verbale de M.le policier. Ils s’étaient retournés vers elle au ralenti. Elle avait baissé la tête tel une enfant pris en faute après une bêtise.
Cela lui avait fait l’effet d’une douche froide et l’avait fait redescendre sur terre en un instant, dissipant le brouillard dans sa tête.
La réalité de leur présence s’était imposé à elle. Elle avait tué son mari.
A cette pensée elle avait sourit.
Heureusement, à ce moment là, les deux acolytes lui tournaient le dos.
Elle s’en voulait. Pas d’avoir provoqué la mort de son mari; cela faisait des mois qu'elle y pensait sans trouver le courage de passer à l'acte. Non, elle s'en voulait d'avoir perdu le contrôle. Le fantôme d’Eric planait dans la maison, mais aussi, et surtout, dans tout son être. Elle le ressentait dans chacune de ses cellules. Il était là, tout prêt, lui murmurant ses reproches à l’oreille.
«Tu crois sincèrement que tu vas réussir à les berner? Je suis sûr que d’ici une heure tu sortiras d’ici les menottes au poignet. Regardes toi, tu déjà as l’air coupable. »
Le doute grandissait. Ce qu’elle avait fait cette nuit allaient-il compromettre ses plans?
Comment avait-elle pu imaginer être capable de faire, ce qui doit être fait pour se sortir de cette situation sans accro alors qu'elle n'avait pris aucune décision depuis qu'elle était mariée. C’est Eric qui décidait de tout depuis toujours.
Il allait jusqu'à lui dicter sa façon de s’habiller, se coiffer, se comporter. Il voulait réussir socialement et se soucier beaucoup des apparences. Elle ne voulait pas lui faire de peine alors elle avait suivi ses règles toujours de plus en plus nombreuses, éliminant chaque jour un peu plus toutes traces de sa personnalité. Comment avait-elle pu penser pouvoir gérer ça?
- Mme Banks ! Mme Banks !
- ….
- Pouvez-vous nous expliquer ce qu'il s'est passé ? Demanda l’inspecteur rompant le silence.
Ella se retourna vers l’escalier encore perdu dans ses pensées.
- Je ne sais pas. Se sont les médicaments je pense…
- Je ne parle pas de l’escalier Madame, mais de l’accident dont a été victime votre marie. Expliquez-nous ce qui s’est passé ?
- Je ne sais pas trop. J’étais dans le jardin lorsque c’est arrivé. J’ai entendu un bruit sourd provenant du salon. Quand je suis rentré j'ai trouvé Eric allongé par terre au pied de l’escalier, une marre de sang sous lui. Il avait les yeux ouverts mais il ne bougait pas. J’ai tout de suite appelé les pompiers. Ils ont mis 5 ou 10 minutes tout au plus à venir , mais quand ils sont arrivés, il était déjà mort.
Ella prit quelques secondes avant d'ajouer:
- Hier après-midi, j’ai été à l’atelier des ménagères organisés par le collectif du quartier, on nous a renseigné un nouveau cirage. Révolutionnaire, qu'ils disaient. J’étais tellement bleuffé par le résultat que j’en ai acheté un pot, parce que je voulais le tester tout de suite. Je pensais qu’Eric serait content de voir notre escalier rutilant en rentrant. Nous devions recevoir des collègues d'Eric ce week end et il souhaitait que la maison soit impeccable. L’animatrice avait prévenu de l’effet très glissant du produit. Je ne pensais pas qu’Eric monterait tout de suite à l’étage….que j'aurais le temps de lui dire d'être prudent...
- Il s’agit d’un malheureux accident Mme Banks, vous n’êtes en rien responsable de la mort de votre mari. Vous ne devez pas vous sentir coupable, ajouta le policier, probablement pour qu'elle arrête de pleurer.
- Merci pour votre coopération Madame. Vous pouvez signer ce document? indiquant que l'enregistrement sert de déposition. Cela vous évitera de vous déplacer au poste pour la signer, lui demanda l'inspecteur.
Ella tourna la tête vers le télèphone qui se trouvait sur la table basse. Elle ne se souvenait pas de le voir déclencher l'enregistrement ou encore de l'en avertir. Es-ce qu'elle perdait la tête?
Ils étaient devant la porte d’entrée quand Labertta qui n’avait pas dit un mot depuis son arrivée se retourna vers elle :
- Votre mari et vous faisiez chambre à part depuis longtemps ?
Surprise par la question, elle resta bouche bêt.
- Cela faisait quelques semaines, je suis victime de ronflement assez conséquent, nous avons donc décider qu’il était préférable, pour conserver le sommeil de mon mari, de ne plus dormir dans la même chambre.
- Pour conserver le sommeil de votre mari ? Une vision un peu vieux jeu pour un couple de 35 ans, Non ?
- Cela nous semblait être pour le mieux.
- De vous installer au rez de chaussé ?
- Bien! nous allons vous laisser Mme Banks, dit l'homme en fusillant sa collègue. Une fois encore nous vous présentons nos sincères condoléances.
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