Le retour se déroula sans encombres. Certes la sécurité de la station martienne avait rappliqué dès que le portail s'était ouvert, mais le statut particulier de Trend avait provoqué l'avortement de toute complication. En prime, quatre soldats pour garder un œil sur les prisonniers.

La descente vers le sol se fait de façon conventionnelle, débarquer en utilisant un portail dans Elysium ne serait qu'une faute de bon goût d'après le Wardner. Évidemment tout le monde, à l'exception de Trend, doit laisser ses armes sur place.

Pour ne pas trop se sentir au dépourvu, Tsadir emporte tout de même un pistolet shock : sa licence l'autorise en effet à posséder une arme non létale sur le sol martien, et même à en faire usage si les circonstances le nécessitent, comme elle le fait ouvertement remarquer à Verner.

La grande planète ocre est parsemée de quelques nuages très légers qui semblent tellement paisibles. L'équipe revient vers les ascenseurs qui “montent” vers le centre de la station, point d'accès aux zones en apesanteur où sont amarrés les vaisseaux. L'ascension se fait dans un silence de profonde réflexion. Les captifs réfléchissent désespérément à leur défense intenable tandis que les quatre héros profitent du calme. Les soldats martiens, eux, se contentent juste de ne pas poser de question de peur d'irriter le terrible cybernétique.

La navette qu'ils vont emprunter est semblable à celle qui les avait menés à l'aller. Bien sûr il ne s'agit pas de la même, celle-là a certainement été réaffectée par les puissantes IA qui s'occupent de la gestion des colonies et stations. Ce coup-ci, la navette est bien mieux remplie, le groupe se joignant à d'autres passagers ignorant de l'affaire.

Après quelques minutes, la navette se détache de l'imposante structure orbitale et s'éloigne à une allure raisonnable de l'installation. Une fois à une portée de sécurité, elle allume progressivement ses moteurs et altère sa trajectoire avec une douce poussée. C'est reparti pour une longue chute dans cet univers sans poids.

Il faudra presque une demi-heure avant que le vaisseau ne parvienne à entrer dans l'atmosphère ténue et ne commence à ralentir sérieusement. Enfin quelques minutes plus tard, le vaisseau met à feu ses moteurs principaux, cassant son allure et après un court laps de temps se pose en douceur sur le plateau d'atterrissage. La navette est alors attrapée par un bras adapté et elle s'incline jusqu'à retrouver une position horizontale.

Guidée par les rails, elle est conduite au terminal et après quelques secondes d'équilibrage du sas, les passagers peuvent enfin descendre. Retour à Elysium, la grande cité des diplomates.

Le petit convoi se dirige maintenant vers le réseau urbain et le dôme des ambassades. Déjà prévenu de leur arrivée, d'autres soldats se joignent à eux pour conduire les prisonniers en sûreté. Ils y seront évidemment interrogés et Trend insiste pour que Tsadir, le diplomate éthéré et lui-même y assistent. Après tout, ils travaillent depuis le début sur cette affaire.

Pendant que le Solar Wardner négocie pour la forme, Tsadir reçoit un message du fameux diplomate qui lui souhaite avoir fait un bon voyage. Il lui apprend par la même occasion que son autre instance est toujours en vie et qu'elle devrait revenir sur Mars avec Ney dans moins de quatre jours.

Curieusement, cette affaire-là l'inquiète plus : jamais on ne lui avait demandé l'autorisation pour sa nouvelle instance et son alter-ego n'est probablement pas au courant : c'est le genre de chose qu'on évite d'annoncer à travers le grand firewall.

Le cybernétique revient vers elle et lui conseil de prendre du repos. Les entretiens, comme il les appelle, ne commenceront que dans deux jours, le temps pour les prisonniers d'organiser leur défense avec leurs avocats : deux d'entre-eux sont terriens après tout. Sa corporation aura aussi de nombreuses choses à voir avec elle, et nous parlons là de la terrible Aesir.

La samouraï lasse rejoint l'appartement qui lui est prêté par les diplomates et s'y enferme. Elle se laisse tomber sur le lit moelleux sans prendre la peine de se dévêtir. D'une pensée, elle transforme tout son environnement en une immense et magnifique vision de la structure macroscopique de l'univers, où d'innombrables filaments bleus se relient formant la structure de cet espace infini. Elle ferme les yeux et se laisse succomber au sommeil aidé par son IA qui l'apaise.

De leur côté la Game Master et la joueuse se retirent à l'hôtel du dôme diplomatique où une chambre les attends. La psion semble préoccupée par les récents événements : la façon dont elle s'est faite abuser, cette impression faiblesse quand elle se compare aux autres, comme si elle n'était bonne qu'à percevoir des choses à travers les murs, déplacer des objets et ouvrir des portails. Trend n'avait pas bronché quand il s'était fait tirer dessus dans la station, et malgré l'impact du projectile lourd qui avait dépressurisé la section derrière eux il avait continué à agir calmement et abattu le robot de sécurité. Avec Tsadir, ils étaient même revenus de l'enfer malgré la fermeture prématurée du portail et l'équipe des mercenaires. Non, il faut qu'elle se rende à l'évidence : il existe des gens plus grands que nature et ce sont ces héros qui façonnent les colonies.

Dans les colonies les Solar Wardners sont souvent décrits comme des personnes exceptionnelles ou comme des emmerdeurs qui fouinent là où ils ne devraient pas, selon le camp dans lequel on se place. Il s'agit sans doute du groupe indépendant le plus puissant du système solaire. Greenstar se demande si un jour elle arriverait à rejoindre leurs rangs.

Elle se résoud finalement à poser la question à sa protectrice.

Zuko l'observe avec sa bienveillance habituelle. Après cette aventure en dehors du jeu, sa protégée a peu de chances de continuer à jouer. Elle a commencé à se trouver des objectifs qui ne se comptent plus en points mais qui ont une autre signification.

Sa philosophie consiste à dire qu'il n'existe pas de but absolu et que seuls les objectifs qu'on se fixe soi-même ont un sens : le jeu n'est qu'une façon d'apporter ces objectifs, mais il ne fait pas tout.

Elle lui répond que les Wardners sont des gens à part et que leur mission demande de solides épaules, enfin façon de parler dans un monde où le corps qu'on occupe est celui qu'on a choisi. Aussi, il lui est impossible de trancher sa question avec certitude. Mais quoi qu'il en soit, il n'est pas nécessaire d'être un Solar Wardner pour contribuer à leur mission. Qu'elle regarde Tsadir par exemple.

Dans tous les cas, si c'est la voie qu'elle souhaite suivre, il est très probablement important qu'elle assiste à la fin de cette affaire que ce soit aux côtés de Tsadir ou de Trend. La résolution finale d'une mission ne se résume pas à une distribution de points au quartier général. Après l'action, il reste souvent beaucoup à faire. Cette dernière étape sera peut-être une chose nouvelle pour Greenstar, car les forces des autorités ne convient que rarement les Gamers étant donné leur rapport particulier avec la réalité. Elle peut toutefois lui dire qu'il y aura les interrogatoires, le jugement des corporations et l'application des réparations. L'une des justices terriennes aura peut être son mot à dire aussi.

Sur ces paroles, Zuko souhaite un bon repos à l'oisillons qui s'apprête à s'envoler et elle part se coucher, pour reposer son corps fatigué. La réplicante gagne sa propre chambre et s'assied sur son lit. Elle médite quelques minutes avant de se décider d'imiter la maîtresse des jeux et de se coucher. Elle trouve rapidement le repos.